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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 30 janvier 2024, n° 23/00379

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 23/00379

30 janvier 2024

ARRET N°45

CL/KP

N° RG 23/00379 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXP7

S.A.S. EOS FRANCE

S.A. EUROTITRISATION REPRÉSENTANT CREDINVEST VENANT AUX DROITS DE BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

C/

[S]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 30 JANVIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00379 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXP7

Décision déférée à la Cour : jugement du 16 janvier 2023 rendupar le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE.

APPELANTES :

S.A.S. EOS FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 7]

Ayant pour avocat plaidant Me Anne-Marie FREZOULS de la SCP BEAUMONT - FREZOULS, avocat au barreau de POITIERS.

Ayant pour avocat plaidant Me Cédric KLEIN, avocat au barreau de PARIS.

S.A. EUROTITRISATION REPRÉSENTANT CREDINVEST VENANT AUX DROITS DE BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE( venant aux droits de la société CETELEM) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]

Ayant pour avocat postulant Me Anne-Marie FREZOULS de la SCP BEAUMONT - FREZOULS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Cédric KLEIN, avocat au barreau de PARIS.

INTIME :

Monsieur [V] [S]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Ayant pour avocat plaidant Me Paul-Henri BOUDY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/2899 du 05/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 13])

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par ordonnance en date du 1er octobre 2008, rendue à la requête du fonds commun de créances Credinvest compartiment Crédinvest 1, représentée par la société anonyme Eurotitrisation, ayant pour mandataire Crédirec Finance, le président du tribunal d'instance de La Rochelle a condamné Monsieur [V] [S] à payer la somme de 5286,24 € en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2008 relativement au prêt n° [Numéro identifiant 5]4.

Le 2 février 2009, cette ordonnance a été signifiée selon procès-verbal de recherches infructueuses.

Le 19 juin 2020, a été établi un procès-verbal de saisie-attribution, qui a été dénoncée le 24 juin 2020 à domicile.

Par courrier reçu le 24 juin 2020, Monsieur [S] a formé opposition à cette ordonnance devant le tribunal judiciaire de La Rochelle.

Par jugement en date du 2 septembre 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a ordonné la réouverture des débats et a enjoint les parties de faire leurs observations sur l'absence d'assistance de Monsieur [S] par son curateur ainsi que sur les moyens relevés d'office de l'éventuelle péremption d'instance et de ses éventuelles conséquences sur le délai de forclusion de l'action de la société Eurotitrisation.

En dernier lieu, la société Eurotitrisation a demandé:

- de déclarer que la société Eos France venait aux droits de la société Cetelem et était créancière de Monsieur [S] ;

à titre principal,

- de déclarer l'opposition irrecevable ;

en conséquence,

- de déclarer l'ordonnance rendue le 1er octobre 2018 définitive, passée en force de chose jugée et qui reprendrait ses droits ;

à titre subsidiaire,

- de condamner Monsieur [S] à payer à la société Eos France la somme de 5600,48 € en principal avec intérêts au taux contractuel de 7,98 % sur la somme de 5286,24 € à compter du 7 avril 2008, date de mise en demeure ;

et en tout état de cause,

- débouter Monsieur [S] de ses demandes ;

- condamner Monsieur [S] aux entiers dépens en ce compris les frais de la procédure d'injonction de payer et à lui payer la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, Monsieur [S] demandé :

- de le déclarer recevable en son opposition ;

- de dire qu'il appartenait à la société Eos France de justifier de sa qualité de cessionnaire qui lui était opposable

En toute hypothèse,

- de déclarer que la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest et Eos France étaient irrecevables en leurs demandes pour pratiques déloyales en tant que de besoin les condamner in solidum à lui payer à titre reconventionnel la somme de 5611,18 €, outre intérêts contractuels à titre de dommages-intérêts pour de telles pratiques déloyales ;

- d'ordonner la compensation ;

- de prononcer l'annulation des actes en date des 2 février 2009 et 24 septembre 2018 ;

en conséquence,

- de déclarer que les actions société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest et Eos France étaient irrecevables comme forcloses et prescrites ;

- de dire qu'il n'était pas le signataire de l'offre de crédit en date du 27 septembre 2004, et en tant que de besoin, ordonner une expertise graphologique ;

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour défaut de formulaire de rétractation ;

- de dire que la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest et Eos France ne justifiaient pas de leurs créances ;

- de constater la prescription quinquennale des intérêts :

- en tant que de besoin de réduire la clause pénale à zéro euro ;

- de faire application intégrale de l'article 1345-5 du Code civil ;

- de débouter la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest et Eos France de leurs demandes ;

- de condamné in solidum la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest et Eos France aux entiers dépens, lesquels seraient recouvrés conformément à l'aide juridictionnelle, et à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

subsidiairement,

- de condamner la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest et Eos France à verser aux débats l'historique avec pièces justificatives (relevés bancaires) de l'offre de crédit du 27 septembre 2007 dès son origine.

Par jugement contradictoire en date du 16 janvier 2023, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :

- déclaré recevable l'opposition de Monsieur [S] à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendu le 1er octobre 2008 ;

- constaté que cette opposition avait mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer en date du 1er octobre 2008, statuant à nouveau :

- constaté l'intervention volontaire de Eos France ;

- constaté la péremption d'instance ;

- prononcé la forclusion des demandes de la société Eurotitrisation en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 1 et la société Eos France à l'encontre de Monsieur [S] ;

et en conséquence,

- déclaré la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 1 et la société Eos France irrecevables dans leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les autres demandes ;

- condamné solidairement la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 1 et la société Eos France à verser à Maître [F] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Le 13 février 2023, la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 1 (la société Eurotitrisation ès qualités) et la société Eos France ont relevé appel de ce jugement, en intimant Monsieur [S].

Ce dossier a été ouvert sous le numéro de Rg 23/00379.

Le 13 février 2023, la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du fonds commun de titrisation Credinvest compartiment Credinvest 1 (la société Eurotitrisation ès qualités) et la société Eos France ont relevé appel de ce jugement, en intimant Monsieur [S].

Ce dossier a été ouvert sous le numéro de Rg 23/00380.

Le 28 février 2023, il a été ordonné la jonction des deux procédures susdites, et dit que la procédure se poursuivrait sous le numéro de Rg 23/00379.

Monsieur [S] n'a pas spontanément constitué avocat.

Le 15 mars 2023, les appelants ont été invités d'avoir à procéder à l'égard de l'intimé non constitué par voie de signification.

Le 14 avril 2023, la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France ont signifié leurs déclarations d'appels et leurs premières écritures du 22 mars 2023 à Monsieur [S] par procès-verbal de recherches infructueuses.

Le 2 mai 2023, Monsieur [S] a constitué avocat.

Le 3 novembre 2023, la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France ont demandé de rejeter les prétentions nouvelles en cause d'appel de Monsieur [S] tenant au retrait litigieux ;

à titre principal,

- d'annuler le jugement déféré car seul le juge des contentieux de la protection avait compétence pour statuer en matière de droit de la consommation ;

en conséquence, et évoquant,

- déclarer que la société Eos France venait aux droits de la société Cetelem et était créancière de Monsieur [S] ;

- déclaré irrecevable l'opposition de Monsieur [S] ;

- déclarer que l'ordonnance rendue le 1er octobre 2008 par le président du tribunal d'instance de La Rochelle était définitive, passée en force de chose jugée, et reprendrait ses droits ;

et si l'opposition était jugée recevable,

- de condamner Monsieur [S] à payer à la société Eos France la somme de 5611,48 € en principal avec intérêts au taux contractuel de 7,98 % sur la somme de 5286,24 € à compter du 7 avril 2008, date de mise en demeure ;

à titre subsidiaire,

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau, de :

- déclarer que la société Eos France venait aux droits de la société Cetelem et était créancière de Monsieur [S] ;

- déclarer recevable l'opposition de Monsieur [S] ;

- déclarer que l'ordonnance rendue le 1er octobre 2008 par le président du tribunal d'instance de La Rochelle était définitive, passée en force de chose jugée, et reprendrait ses droits ;

et si l'opposition était jugée recevable,

- condamner Monsieur [S] à payer à la société Éos France la somme de 5611,48 € en principal avec intérêts au taux contractuel de 7,98 %sur la somme de 5286,24 € à compter du 7 avril 2008, date de mise en demeure ;

en tout état de cause,

- débouter Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Monsieur [I] aux entiers dépens des deux instances, ce compris les frais la procédure d'injonction de payer, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le 23 octobre 2023 à 12 heures 04, Monsieur [S] a demandé de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

et à défaut :

- dire qu'il appartiendrait à la société Éos France de justifier de sa qualité de cessionnaire opposable à lui-même ;

- prononcer l'annulation des actes des 2 février 2009 et 24 septembre 2018;

- en conséquence déclarer les actions de la société Eurotitrisation ès qualités et de la société Eos France irrecevables comme forcloses et prescrites en application des dispositions des articles L. 311-37 du code de la consommation et de 1224 et suivants du Code civil ;

- dire qu'il n'était pas le signataire des offres de crédit du 27 septembre 2004 et du 22 juin 2007 et déclarer la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France irrecevables en leur action à son encontre ;

- en tant que de besoin, ordonner une expertise graphologique ;

- déclarer la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France irrecevable en leurs demandes pour pratiques déloyales, en tant que de besoin les condamner in solidum à lui payer à titre reconventionnel la somme de 5611,48 € outre intérêts contractuels à titre de dommages-intérêts pour de telles pratiques déloyales ;

- ordonner la compensation ;

- prononcer la déchéance des intérêts pour défaut de formulaire de rétractation;

- dire que la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France ne justifiaient pas de leurs créances, ni de l'exécution de leurs obligations et constater la prescription quinquennale des intérêts ;

- en tant que de besoin, réduire la clause pénale à zéro euro et faire application intégrale de l'article 1343-5 du Code civil ;

- débouter en conséquence la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France de toutes leurs demandes ;

subsidiairement,

- lui donner acte de ce qu'il se réservait user la faculté de retrait en application de l'article 1699 du [10] civil et lui en donner acte ;

- condamner la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France à justifier, sous astreinte, du prix individualisé de cession et à défaut du prix global de cession et des éléments d'appréciation de ce prix ;

- constaté la résistance abusive à ne pas communiquer le prix de cession du portefeuille de créance et le prix de cession individualisée à son endroit et l'impossibilité d'exercer son droit de retrait de l'article 1699 du Code civil ;

- condamner in solidum la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France à lui payer la somme de 5611,48 € outre intérêts contractuels et ceux à titre de dommages-intérêts ;

- après compensation, débouter la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France ;

en toute hypothèse,

- débouter la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France de toutes leurs prétentions à son encontre ;

- condamné in solidum la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France aux entiers dépens, recouvrés conformément à l'aide juridictionnelle, et à payer à son conseil la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par message sur le réseau privé virtuel avocat en date du 13 décembre 2023, la cour a invité les parties à présenter pour le 30 décembre 2023 au plus tard leurs observations sur la recevabilité de la demande d'annulation du jugement présentée par les appelantes au regard de l'exigence tenant à l'absence d'une voie de recours aux fins d'exercer un appel-nullité, et au regard des articles 74 et 542 du code de procédure civile.

Le 28 décembre 2023, la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France ont produit une note en délibéré.

MOTIVATION :

Sur l'annulation du jugement :

Selon l'article 954 du même code, dans ses trois premiers alinéas,

Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

L'appel nullité est une voie de recours à l'encontre d'une décision entachée d'un excès de pouvoir.

L'appel nullité est irrecevable lorsque la voie de l'appel de droit commun est ouverte.

Selon l'article 542 du code de procédure civile,

L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Selon l'article 74 du même code,

Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

Les demandes de communication de pièces ne constituent pas une cause d'irrecevabilité des exceptions.

Les dispositions de l'alinéa premier ne font pas plus obstacle à application des articles 103,111,112 et 118.

La partie qui a conclu sur le fond devant le tribunal est irrecevable à présenter une exception d'incompétence en cause d'appel.

Dans le dispositif de leurs écritures, la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France demandent l'annulation du jugement, motif pris de ce que seul le juge des contentieux de la protection avait compétence pour statuer en matière de crédit à la consommation.

A titre liminaire, il sera observé qu'une lecture attentive des motifs des écritures des appelantes ne met en évidence l'exposé d'aucun moyen soutenant leur prétention tendant à l'annulation de ce jugement.

Dès lors, cette prétention ne peut être examinée qu'au regard du seul moyen articulé dans le dispositif des écritures des appelants, à savoir l'incompétence matérielle du premier juge.

Mais de première part, cette prétention ne peut pas s'analyser comme un appel nullité, alors que la décision du premier juge, statuant sur opposition à injonction de payer, peut être critiquée par la voie de l'appel de droit commun.

Et de seconde part, l'annulation de droit commun n'est pas une prétention permettant d'aboutir à la critique efficace d'un jugement rendu par un juge matériellement incompétent, seulement susceptible d'infirmation de ce chef. Or, celle-ci n'est pas demandée pour un tel motif.

Enfin de troisième part, sous couvert d'annulation, l'appelant soulève en réalité pour la première fois à hauteur d'appel une exception d'incompétence matérielle du premier juge, devant lequel il a pourtant conclu au fond sans avoir alors soulevé in limine litis son incompétence.

La présentation tardive de cette exception ne lui permettra pas de prospérer.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement déféré présentée par les appelants.

Sur la recevabilité de l'opposition :

Selon l'article 468 du Code civil, en son dernier alinéa, l'assistance de la personne sous curatelle par son curateur est requise pour introduire une action en justice ou y défendre.

La société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France soutiennent que faute pour Monsieur [S] d'avoir été assisté par son curateur quand il a formé opposition à la requête en injonction, son opposition doit être déclarée irrecevable.

Mais les appelants ne produisent aucun élément établissant que Monsieur [V] [S] aurait été placé sous mesure de protection au 24 juillet 2020, jour où il a formé opposition à la requête en injonction de payer.

Et à l'inverse, Monsieur [V] [S] produit le jugement rendu le 17 juillet 2019 par le tribunal d'instance de Rochefort, plaçant sous curatelle renforcée et à sa requête son père Monsieur [B] [S].

Il est ainsi établi que Monsieur [V] [S] n'était pas sous mesure de protection lorsqu'il a formé opposition à la requête en injonction de payer le 24 juillet 2020.

Il y aura donc lieu de déclarer recevable l'opposition de Monsieur [S] à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 1er octobre 2008, de constater que cette opposition avait mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer en date du 1er octobre 2008, et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur l'intervention volontaire de la société Eos :

Eu égard aux écritures des parties, concordantes sur ce point, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'intervention volontaire de la société Eos France.

Sur la demande d'expertise en écritures formée par l'emprunteur :

Selon l'article 146 du code de procédure civile,

Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour la prouver.

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

En soutenant ne pas être le signataire de l'offre de crédit du 27 septembre 2004 ni de son avenant du 22 juin 2007, Monsieur [S] demande au besoin que soit ordonnée une expertise en écritures.

Mais il ressort tant du jugement que des pièces produites par les parties, analysées plus bas, un recueil suffisant de pièces de comparaison, permettant à la juridiction de se forger une conviction quant au déni de sa signature invoqué par l'intimé.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande d'expertise en écriture présentée par Monsieur [S].

Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [S] relativement au droit de retrait :

Selon l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel des prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Selon l'article 564 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Selon l'article 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Selon l'article 1699 du code civil, celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite.

Selon l'article 1700 du même code, la chose est censée litigieuse, dès lors qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit.

La société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France soutiennent que les demandes présentées par Monsieur [S] au titre de son droit de retrait seraient irrecevables à hauteur d'appel comme nouvelles.

Mais en ce que ces demandes ont notamment pour objet de solliciter une indemnité de la part du cessionnaire et à lui opposer à ce titre la compensation avec les sommes qui lui sont réclamées, ces demandes sont recevables au regard du premier de ces textes.

Pour le surplus, les cessionnaires, qui arguent de l'absence de réunion des conditions d'application de ce droit, dont ils se bornent à discuter du fond, n'opposent ainsi aucun moyen d'irrecevabilité.

Il y aura donc lieu de déclarer recevables les demandes formées par Monsieur [S] au titre de son droit de retrait.

Sur la cession de créance :

Sur ce point, il sera rappelé les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, développé plus haut.

Dans le dispositif de ses écritures, Monsieur [S] a dit qu'il appartenait à la société Eos France de justifier de sa qualité de cessionnaire qui lui serait opposable.

Mais dans ce même dispositif, il n'en a tiré aucune conséquence quant à la recevabilité de l'action de la société Eos France, puisque y bornant ses demandes d'irrecevabilité à la prescription, à la forclusion, à la circonstance qu'il ne serait pas la signataire de l'offre et de l'avenant litigieux, ainsi qu'aux pratiques déloyales des appelants.

Et de même, les motifs de ses écritures ne développent strictement aucun moyen quant à la justification de la qualité de cessionnaire de la société Eurotitrisation ès qualités et de la société Eos France.

Surabondamment, la cour observe que tant à l'acte de cession de créance du 11 avril 2008, par lequel la société Cetelem a cédé des créances au fonds commun de titrisation Credinvest, avec attribution des dites créances au compartiment Crédivest 1, représenté par la société Eurotitrisation, qu'à l'acte de cession de créances du 17 décembre 2021, dans lequel le compartiment Crédivest 1 a été cédé à la société Eos France, a été joint un bordereau de créances faisant apparaître notamment les nom et prénom de l'emprunteur, ainsi que le numéro du dossier figurant sur l'avenant à l'offre préalable ainsi que sur le tableau d'amortissement annexé à cette dernière.

Ainsi, ces cessions de créance successives identifient et individualisent suffisamment la créance cédée.

Et eu égard aux dispositions de l'article L. 214-43, devenu L. 214-169 du code monétaire et financier, réputant de plein droit que la cession de créance à un fonds commun de titrisation s'effectue par la seule remise du bordereau de cession de créance, et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, sans autre formalité, il importe peu que les cessions de créance litigieuses aient ou non été signifiées ou notifiées à l'emprunteur.

Ainsi, la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France ont justifié de leur qualité à agir.

Sur la comparaison d'écritures :

Selon l'article 287 du code de procédure civile, alinéa 1,

Si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de demandes, il peut être statué sur les autres.

Selon l'article 288 du même code,

Il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écritures.

Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux.

Selon l'article 299 du même code,

Si un écrit sous seing privé produit en cours d'instance est argué de faux, il est procédé à l'examen de l'écrit litigieux comme il est dit aux articles 287 à 295.

Monsieur [S] dénie comme sienne la signature qui lui est attribuée, figurant sur l'accusé de réception du courrier de l'huissier instrumentaire, faisant suite au procès-verbal de recherches infructueuses dressé le 4 février 2009, ayant pour objet de lui signifier l'ordonnance portant requête en injonction de payer.

Mais de la comparaison de la signature litigieuse avec les signatures de comparaison, produites tant devant le premier juge que figurant sur l'offre de prêt du 27 septembre 2004, l'exemplaire de la carte nationale d'identité de l'emprunteur qui était jointe, mais encore du permis de conduire, de la nouvelle carte d'identité, et de l'exemplaire de sa signature produite par l'intéressé, il y a lieu de conclure à la similitude de la signature figurant sur l'accusé de réception du courrier afférent à la signification avec celle de Monsieur [S].

Sur la régularité de la signification faite le 2 février 2009 de l'ordonnance portant injonction de payer :

Selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne; la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.

Selon l'article 655 du même code,

Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L'huissier de justice doit laisser, dans tous les cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.

Selon l'article 656 du même code,

Si la personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile.

Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement habilitée.

La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant 3 mois. Passé ce délai, l'huissier en est déchargé.

L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude ou celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.

Selon l'article 658 du même code,

Dans tous les cas prévus aux articles 655 et 656, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656. La lettre contient en outre une copie de l'acte de signification.

Il en est de même en cas de signification à domicile élu ou lorsque la signification est faite à une personne morale.

Le cachet de l'huissier est apposé sur l'enveloppe.

Selon l'article 659 du même code,

Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connu, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.

Le même jour, ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l'acte objet la signification.

Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.

Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.

Si le demandeur conteste la véracité des mentions par lesquelles l'huissier de justice relate l'accomplissement des actes réalisés, il doit agir en inscription de faux, conformément à l'article 303 du code de procédure civile.

La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions gouvernant la nullité des actes de procédure.

Selon l'article 114 du même code,

Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'observation d'une formalité substantielle d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

L'insuffisance de mentions des diligences de l'huissier constitue un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification que sur la démonstration par celui qui l'invoque d'un grief.

Lorsque les diligences de l'huissier relatives à la vérification du domicile sont insuffisantes, le dépôt de l'avis de passage et la lettre simple prévue par l'article 658 du code de procédure civile n'établissent pas la preuve de la réception par le destinataire, et donc l'absence de grief (Cass. 2e civ., 21 février 2019, n°18-11.259, diffusé).

Pour solliciter la nullité du procès-verbal de recherches infructueuses, Monsieur [S] soutient que l'huissier n'a manifestement pas fait les diligences nécessaires pour le lui notifier à personne.

Il ressort de cet acte que l'huissier instrumentaire, chargé de signifier l'acte à l'intéressé, demeurant chez Monsieur [U], [Adresse 3], correspondant à l'adresse de la dernière demeure connue du défendeur par son mandant, s'y est transporté, a constaté qu'aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y avait son domicile ou sa résidence, et sur place n'a pu constater aucune indication concernant Monsieur [S] ou Monsieur [U].

L'officier ministériel y a précisé que les services de la mairie de la [14] ont refusé de donner tous renseignements, et que le destinataire de l'acte ne figurait pas par ailleurs à l'annuaire page blanches du site « annuaire.orange.fr ».

En procédant à des recherches d'adresse tant auprès du site internet des pages blanches que de la mairie de [Localité 11], l'huissier de justice instrumentaire a justifié de l'accomplissement de diligences suffisantes aux fins de signifier l'acte à la personne de son destinataire.

Et au surplus, la circonstance que Monsieur [S] ait signé l'accusé de réception du courrier adressé par l'officier ministériel lui signifiant ce procès-verbal de recherches infructueuses, alors que ce courrier lui avait été adressé à l'adresse susdite, établit suffisamment l'exactitude de son adresse.

Ainsi de plus fort, aucun défaut de diligence ne peut être reproché à l'huissier instrumentaire.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande en nullité du procès-verbal de recherches infructueuse en date du 4 février 2009 présentée par Monsieur [S].

Sur la péremption de l'instance :

Selon l'article 1411 du code de procédure civile, en son dernier alinéa,

L'ordonnance portant injonction de payer et non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date.

Selon l'article 1416 du même code,

L'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.

Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens du débiteur.

En vertu de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

La péremption a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties.

Pour être interruptive de péremption, la diligence doit être de nature à faire partie de l'instance et à la faire progresser vers sa conclusion.

La signification de l'ordonnance portant injonction de payer constitue une citation en justice au sens de l'article 2444 ancien, devenu 2241 du Code civil.

L'opposition régulièrement formée contre une ordonnance portant injonction de payer rendue exécutoire, a pour effet de saisir le tribunal de la demande du créancier et de l'ensemble du litige.

Mais si la signification de l'ordonnance portant injonction de payer constitue une citation en justice, elle n'a pas pour effet de saisir de la demande le tribunal, qui ne l'est que par l'opposition du débiteur (Cass. 1ère civ., 7 avril 1999, n° 97-13.647).

Monsieur [S] soutient que depuis la signification de l'ordonnance portant injonction de payer signifiée par acte du 2 février 2009, cette signification équivalent à une demande en justice, la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France ou leurs auteurs ne justifient d'aucune diligence aux fins de faire progresser l'instance dans le délai biennal de l'article 386 du code de procédure civile.

Il entend en voir déduire la péremption de l'instance.

Mais en ce que seule son opposition en date du 24 juillet 2020 a saisi le tribunal de l'instance, Monsieur [S] ne présente aucun moyen et ni ne justifie, dans le délai biennal computé à partir de cette date, d'une absence de diligences de parties de nature à faire progresser l'instance.

Bien au contraire, il ressort du jugement déféré que la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France avaient présenté des écritures sollicitant la condamnation à paiement de Monsieur [S] au plus tard à l'audience tenue devant le premier juge le 13 juin 2022.

Il est ainsi établi l'existence de diligences accomplies par la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France, de nature à faire progresser l'instance.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande de Monsieur [S] tendant à constater la péremption de l'instance, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la forclusion de l'action du créancier:

Selon l'article L. 311-37, devenu R. 312-35 du code de la consommation,

Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Selon l'article 2241 du Code civil,

La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Selon l'article 2242 du code civil,

L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

Selon l'article 2243 du même code,

L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

La signification de l'ordonnance portant injonction de payer constitue une citation en justice au sens de l'article 2444 ancien, devenu 2241 du Code civil.

Selon l'article 1422 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, applicable au litige,

En l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. Le désistement du débiteur obéit aux règles prévues aux articles 400 à 405.

L'ordonnance produit tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement.

Selon l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution,

Seuls constituent des titres exécutoires:

1° les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire;

...

Selon l'article L. 111-4 du même code,

L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Le délai mentionné à l'article 2232 du Code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa.

L'opposition régulièrement formée à une injonction de payer ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande du créancier de l'ensemble du litige sur lequel il est statué par un jugement qui se substitue à l'injonction de payer, les dispositions de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, relative au délai d'exécution des titres exécutoires, ne sont pas applicables à la prescription de la créance (Cass. 2e civ., 29 septembre 2022, n°20-18.772, publié).

De manière liminaire, il est constant entre parties que le contrat de crédit à la consommation litigieux, qui a été consenti par un professionnel à un consommateur, est soumis à la prescription biennale du code de la consommation

Monsieur [S] soutient que la demande du cessionnaire serait touchée par un délai de forclusion ayant commencé à courir à compter du 4 novembre 2007, qui, au visa de l'historique produit par le cessionnaire, est la date de la première échéance impayée non régularisée.

Il avance même que la créance résultant de l'offre initiale du 27 septembre 2004 serait elle-même susceptible d'être forclose, dès avant même la souscription de l'avenant.

Le cessionnaire lui réplique que le réaménagement de son crédit par avenant du 22 juin 2007 a ouvert un nouveau délai de prescription, rappelle avoir agi aux fins d'obtention d'une requête en injonction de payer dans les deux ans du fait générateur de sa créance, et soutient, pour le surplus, qu'une fois revêtue de la formule exécutoire, l'ordonnance d'injonction de payer devrait se voir appliquer pour son exécution une prescription décennale.

Mais d'une part, l'emprunteur ne démontre pas l'existence d'une quelconque prescription de la créance qui serait acquise depuis l'offre initiale du 27 septembre 2004 et avant la souscription de l'avenant du 22 juin 2007.

Et avec le cessionnaire, il y aura lieu de relever que par l'acceptation de l'avenant du 22 juin 2007, l'emprunteur a manifesté sa volonté claire et non équivoque de renoncer à toute prescription éventuelle de la créance résultant de l'offre initiale du 27 septembre 2004.

Il ressort de la chronologie précitée qu'au regard d'un premier incident de paiement non régularisé en date du 4 novembre 2007, le prêteur a sollicité et obtenu une requête en injonction de payer, qui a été valablement signifiée à l'emprunteur le 2 février 2009.

Alors que la signification de la requête en injonction de payer est un acte interruptif de prescription, le créancier a ainsi agi dans les deux ans du fait générateur de sa créance le plus ancien.

Et au surplus, en ce que la requête en injonction de payer a été revêtue de la formule exécutoire le 19 mars 2009, son exécution s'est vue alors appliquer le délai de prescription décennal afférent aux titres exécutoires.

Un nouveau délai de prescription a ainsi commencé à courir le 2 février 2009, date de la signification de cette ordonnance, pour s'achever au 2 février 2019.

Mais par suite de l'opposition à injonction de payer formée par Monsieur [S] en date du 24 juillet 2020, dont la régularité n'est pas discutée par les parties, et mettant à néant l'ordonnance d'injonction de payer, ce délai de prescription décennale n'est plus applicable.

Seul peut alors lui être appliqué le délai biennal susdit, ayant commencé à courir le 2 février 2009, date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer, et s'achevant au 2 février 2011.

Or, le créancier originaire ou ses cessionnaires successifs ne justifient d'aucun nouvel acte de signification ou de poursuite, interruptif de prescription, avant la nouvelle signification de cette ordonnance d'injonction de payer revêtue de la formule exécutoire, ainsi que de la signification d'un commandement aux fins de saisie-vente, réalisé le 24 septembre 2018.

A cette date, la prescription biennale susdite était déjà acquise.

Il y aura donc lieu de prononcer la forclusion des demandes des appelants, de déclarer irrecevables les demandes de la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France à l'encontre de Monsieur [S], et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur le surplus des demandes de l'emprunteur:

Au regard des observations qui précèdent, il y aura lieu de déclarer sans objet le surplus des demandes principales et indemnitaires de Monsieur [S], tendant toutes à écarter les prétentions adverses, sauf les précisions plus bas: le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur les autres demandes.

Mais s'agissant de la demande, indemnitaire, au titre des pratiques déloyales, qui a pour objet l'obtention d'un avantage autre que le seul rejet des prétentions adverses, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur ce point.

En tout état de cause, la cour dira sans objet le surplus des demandes susdites émanant de l'emprunteur.

Sur les pratiques déloyales:

L'exercice d'un droit peut constituer une faute lorsque le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

Selon l'article L. 121-1 du code de la consommation,

Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.

Constitue, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.

Par un arrêt [R] [Y] en date du 20 juillet 2017, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit que :

- la directive numéro 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d'application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à la société ;

- relève de la notion de produits, au sens de l'article 2 sous c) de cette directive, les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance ;

- à cet égard, est sans incidence la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution.

Il ressort de l'historique du litige, et des justificatifs des démarches produites par l'appelant qu'après le 4 novembre 2007, date de la première échéance non régularisée, l'intéressé a été mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 avril 2008, avant prononciation de la déchéance du terme le 14 avril suivant.

Il ressort en outre qu'après la première cession de créance faite le 11 avril 2008 par la société Cetelem, créancier originaire, le cessionnaire et sa société de recouvrement, après avoir sollicité l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 1er octobre 2008, l'ont ensuite signifiée, ont mandaté un huissier de justice qui a relancé amiablement le débiteur par courriers des 16 et 30 décembre 2008, avant signification de l'ordonnance d'injonction de payer réalisée le 2 février 2009.

Et par courrier en date du 4 février 2009, l'huissier mandaté par le premier cessionnaire a relancé le débiteur.

Après apposition de la formule exécutoire en date du 19 mars 2009, l'huissier instrumentaire a encore relancé amiablement le débiteur par courrier en date du 26 mars 2009.

Par la suite, l'officier ministériel a encore relancé le débiteur par courriers des 12 décembre 2015, 15 février 2017, et 7 mars 2017, avant de réaliser la signification de l'ordonnance d'injonction de payer revêtue de la formule exécutoire et d'un commandement de payer y afférent le 24 septembre 2018, puis de pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de l'intéressé le 19 juin 2020, dénoncée à l'intéressé le 24 juin 2020, avant que ce dernier ne forme opposition à l'ordonnance d'injonction de payer fondant les poursuites le 24 juillet 2020.

Même s'il y a lieu d'observer l'absence de diligence du cessionnaire entre du 26 mars 2009 et le 12 décembre 2015, alors que l'intéressé n'avait pas été touché par ces diverses relances et significations, ce délai ne peut pas être assimilé à une négligence, une légèreté blâmable, ou à une intention de nuire du créancier, qui, après avoir suffisamment exercé de vaines poursuites, pouvait valablement croire pouvoir se fonder sur la prescription décennale de sa créance résultant de l'ordonnance d'injonction de payer revêtue de la formule exécutoire, en l'absence d'opposition du débiteur.

Et dans ces circonstances, ce débiteur, qui n'avait plus donné signe de vie après le premier incident impayé et ne pouvait pas être touché par les diverses relances et significations, et qui n'avait plus alors procédé au moindre paiement, ne peut se prévaloir d'aucune inertie du créancier qui aurait été susceptible de l'induire dans la croyance, fût-elle erronée, selon laquelle le créancier avait renoncé à toute poursuite du paiement de sa dette.

Ainsi, les faits de l'espèce ne caractérisent aucune pratique déloyale au préjudice de Monsieur [S].

Il y aura donc lieu de débouter Monsieur [S] de sa demande de dommages-intérêts pour pratiques commerciales déloyales.

Sur l'exercice du droit de retrait:

Selon l'article 1699 du code civil, celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite.

Selon l'article 1700 du même code, la chose est censée litigieuse, dès lors qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit.

Selon ce dernier texte, le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu'au cours de l'instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond. (Cass. com. 20 avril 2017, n°15-24.131, Bull. 2017, IV, n°52).

En invoquant le premier de ces textes, Monsieur [S] fait grief aux cessionnaires de n'avoir pas justifié du prix de la cession de leur créance qu'ils ont acquis auprès de la banque; il demande aux Fonds d'en justifier, et à défaut, il demande la condamnation de celui-ci à lui payer de ce chef une indemnité équivalente au montant des sommes qui lui sont réclamées, pour venir réparer l'impossibilité, par suite de la faute du cessionnaire, d'exercer son droit de retrait.

Mais il ressort de la chronologie précitée qu'alors que la société Cetelem, prêteur originaire, avait cédé la créance litigieuse le 11 avril 2008, il n'existait alors à l'époque aucun procès antérieur au cours duquel l'emprunteur aurait contesté au fond le bien fondé du droit du créancier, ultérieurement cédé.

Par cette seule circonstance, les conditions d'application du droit de retrait ne sont pas réunies, et les moyens développés par l'intimée à cet égard ne pourront pas prospérer.

Et au surplus, en ce que la créance est prescrite, Monsieur [S] ne justifie d'aucun préjudice.

Il y aura donc lieu de débouter Monsieur [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre du droit de retrait.

* * * * *

Il conviendra de condamner solidairement la société Eurotitrisation ès qualités et la société Eos France aux dépens de première instance, ainsi qu'à payer à Monsieur [S] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les appelants seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Succombantes à hauteur d'appel, les appelantes seront condamnées in solidum aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, et à payer à Monsieur [S] la somme de 1500 euros au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement , après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande de la société anonyme Eurotitrisation, en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, venant aux droits de la société anonyme Cetelem, et de la société par actions simplifiée Eos France, tendant à l'annulation du jugement déféré ;

Déclare recevables les demandes de Monsieur [V] [S] relatives au droit de retrait ;

Rejette la demande la demande de Monsieur [V] [S] tendant à voir ordonner une expertise en écritures ;

Rejette la demande de Monsieur [V] [S] tendant à la nullité de l'acte de signification en date du 2 février 2009 de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 1er octobre 2008 ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté la péremption de l'instance et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour pratiques commerciales déloyales présentée par Monsieur [V] [S] ;

Infirme le jugement de ces seuls chefs ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Dit que l'instance n'est pas touchée par la péremption ;

Déboute Monsieur [V] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour pratiques commerciales déloyales ;

Déboute Monsieur [V] [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre du droit de retrait ;

Déclare sans objet le surplus des demandes de Monsieur [V] [S] ;

Déboute la société anonyme Eurotitrisation, en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, venant aux droits de la société anonyme Cetelem, et la société par actions simplifiée Eos France de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne in solidum la société anonyme Eurotitrisation, en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, venant aux droits de la société anonyme Cetelem, et la société par actions simplifiée Eos France à payer à Monsieur [V] [S] la somme de 1500 euros au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique;

Condamne in solidum la société anonyme Eurotitrisation, en qualité de représentant du Fonds commun de titrisation Credinvest, compartiment Credinvest 1, venant aux droits de la société anonyme Cetelem, et la société par actions simplifiée Eos France aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,