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Cass. crim., 6 février 2024, n° 23-82.428

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. crim. n° 23-82.428

6 février 2024

N° W 23-82.428 F-D

N° 00099

ODVS
6 FÉVRIER 2024

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 FÉVRIER 2024

La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 28 mars 2023, qui, pour mise en danger d'autrui et infractions au code de la construction, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Un arrêté de mise en péril a été pris le 30 octobre 2018 à la suite de l'effondrement du toit d'un immeuble, propriété de la société [1] (la société), dont le représentant légal est M. [W] [T].

3. Convoqués devant le tribunal correctionnel, M. [T] et la société ont été notamment déclarés coupables de mise en danger d'autrui.

4. M. [T], la société et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches, et les deuxième, troisième et quatrième moyens

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclarée coupable la société [1] notamment du chef de mise en danger délibérée d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence et l'a condamnée à la peine de 100 000 euros d'amende, alors :

« 1°/ d'une part, que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que le délit de mise en danger d'autrui, prévu et réprimé à l'article 223-1 du code pénal, suppose l'existence d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, laquelle s'entend d'une obligation, non générale, imposant un modèle de conduite circonstanciée ; que la cour d'appel s'est bornée, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SCI [1], à relever que « la réglementation visée dans la prévention et notamment l'article 6 de la loi du 06 juillet 1989 et l'article 2 du décret du 30 janvier 2022 édictent des règles particulières et précises à l'encontre du propriétaire bailleur et notamment concernant la toiture de son immeuble » et que « Le bailleur a pour obligation de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé » ; qu'en se fondant ainsi sur une obligation générale de fournir un logement décent, y compris en termes de toiture, laquelle ne pouvait constituer une obligation « particulière » au sens de l'article 223-1 du code pénal, la cour d'appel, qui n'a pas démontré en quoi la réglementation visée imposait un modèle de conduite circonstanciée à la charge de la SCI, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-2, 121-3 et 221-3 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour retenir, à l'encontre de la société, la violation de prescriptions légales ou réglementaires présentant un caractère particulier, l'arrêt attaqué énonce que les articles 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et 2, 1°, du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 édictent des règles particulières et précises à l'encontre du propriétaire bailleur, notamment concernant la toiture de son immeuble.

8. Les juges relèvent qu'il en résulte pour le bailleur une obligation de remettre au locataire un logement décent, ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, et qu'il est tenu de s'assurer à cette fin que les menuiseries extérieures et la couverture, avec ses raccords et accessoires, assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation pour le maintien en état et l'entretien normal de laquelle il est tenu de faire toutes les réparations, autres que locatives.

9. En se déterminant ainsi, dès lors que ces textes édictent, à la charge du bailleur, des obligations particulières de sécurité, objectives, immédiatement perceptibles et clairement applicables, sans faculté d'appréciation personnelle de celui-ci, la cour d'appel a justifié sa décision.

10. Dès lors, le grief n'est pas fondé.

11. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt-quatre.