Décisions
CA Nancy, ch. soc.-sect. 1, 16 janvier 2024, n° 23/01105
NANCY
Arrêt
Autre
ARRÊT N° /2024
SS
DU 16 JANVIER 2024
N° RG 23/01105 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFUS
Pole social du TJ de REIMS
22/142
24 avril 2023
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
S.A.R.L. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Cécile REGNIER de la SCP MARTEAU-REGNIER-MERCIER-PONTON, avocat au barreau de REIMS
substituée par Me DUFLO, avocate au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Mutualité MSA MARNE ARDENNES MEUSE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Dispensée de comparution par mention au dossier
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : M. HENON
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame PERRIN (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 05 Décembre 2023 tenue par M. HENON, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 Janvier 2024 ;
Le 16 Janvier 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens
Mme [P] [H] divorcée [G] depuis le 3 juillet 2021, est salariée de la société [5] depuis le 1er novembre 2006. Elle exerçait en dernier lieu des fonctions de cadre commercial et administratif.
La MSA MARNE ARDENNES MEUSE (ci-après dénommée la MSA) a réceptionné un certificat médical initial accident du travail du 23 juillet 2021 la concernant pour un « état anxio-dépressif » pour des faits survenus en date du 23 juillet 2021.
Le 24 juillet 2021, Mme [P] [H] a déposé plainte contre son employeur pour des faits de harcèlement moral dans le cadre du travail.
Par courrier du 19 août 2021, la MSA a informé son employeur de la réception de ce document et lui a demandé de lui transmettre dans les meilleurs délais une déclaration d'accident du travail.
Le 21 octobre 2021, la société [5] a souscrit une déclaration d'accident du travail, indiquant au paragraphe « Circonstances détaillées de l'accident : pas d'accident ».
Par courrier du 10 novembre 2021, la MSA a informé la société de la nécessité de recourir à une instruction complémentaire.
Par courrier du 17 décembre 2021, la MSA a informé la société de la fin de l'instruction et de sa possibilité de consulter les pièces du dossier, préalablement à sa décision annoncée au 4 janvier 2022.
Par décision du 4 janvier 2022, la caisse a reconnu le caractère professionnel de ces faits.
Le 8 février 2022, la société a contesté la matérialité des faits et leur caractère professionnel devant la commission de recours amiable de la caisse.
Le 7 juin 2022, la société a contesté la décision implicite de rejet de ladite commission devant le pôle social du tribunal judiciaire de Reims.
Par jugement 24 avril 2023, le tribunal a :
- reçu la société [5] en son recours,
- débouté la société [5] de sa demande d'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge, au titre des risques professionnels, de l'accident survenu le 23 juillet 2021 à Mme [P] [H],
- débouté la société [5] de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- condamné la SNC [5] aux dépens.
Par acte du 22 mai 2023, la société a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par RPVA le 17 octobre 2023, la société demande à la cour de :
- l'accueillir en son appel,
Y faisant droit
- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Reims le 24 avril 2023 en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- juger que la MSA MARNE ARDENNES MEUSE n'a respecté ni la procédure en matière de législation au titre des accidents du travail, ni les délais d'instruction,
- juger que l'enquête contradictoire de la MSA MARNE ARDENNES MEUSE n'a pas été réalisée conformément aux textes applicables,
- juger que l'accident de Mme [H], pris en charge par décision de la MSA MARNE ARDENNES MEUSE du 04 janvier 2022 au titre de la législation sur les risques professionnels n'est pas matériellement établi,
En conséquence,
- déclarer et ordonner que la décision du 04 janvier 2022 de la MSA ne lui est pas opposable,
- débouter la MSA MARNE ARDENNES MEUSE de toute demande plus amples ou contraires,
- condamner la MSA MARNE ARDENNES MEUSE à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la MSA MARNE ARDENNES MEUSE aux entiers dépens.
Suivant conclusions reçues au greffe le 23 novembre 2023, la MSA demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Reims,
- juger qu'elle a instruit la demande de prise en charge de l'accident du travail du 23 juillet 2021 déclaré par Mme [H] dans le respect de la procédure contradictoire,
- déclarer fondée la prise en charge de l'accident du travail survenu à Mme [H] le 23 juillet 2021,
- rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience ou invoquées par les parties dispensées de comparution.
Motifs
1/ Sur le moyen tiré du non-respect du délai d'instruction et d'inopposabilité de la décision.
Selon l'article R751-115 du code rural et de la pêche maritime, la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
L'article R. 751-116 du même code précise sous réserve des dispositions des articles D. 751-120 et R. 751-121, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu à l'article D. 751-115, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.
L'article R. 751-116 de ce code énonce que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse en informe la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 751-115 par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. A l'expiration d'un nouveau délai de deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de la décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est établi à l'égard de la victime.
Il est de jurisprudence constante qu'en matière d'accident du travail, la déclaration faisant courir le délai de trente jours dont dispose la caisse, pour prendre une décision sur le caractère professionnel de l'accident n'est soumise à aucune forme réglementaire. ( en ce sens 2e Civ., 2 mai 2007, pourvoi n° 05-21.691, Bull. 2007, II, n° 112).
Il est également de jurisprudence constante que le caractère implicite de la décision de la caisse ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur (2e Civ., 16 déc. 2003, n° 02-30.788 : Bull. II, n° 388 ; 16 nov. 2004, n° 03-30.498 : Bull. II, n° 492 ; 9 févr. 2017, n° 16-10.884 ; 31 mai 2018, n° 17-18.607).
L'employeur fait substantiellement valoir que l'accident du travail ayant été déclaré le 23 juillet 2021, sans obligation d'utiliser un formulaire CERFA et que la caisse disposait dès le 2 aout 2021 des informations relatives à l'existence d'un accident du travail et que sa décision devait intervenir avant le 2 septembre 2021 et que quand bien même la caisse l'aurait informé de la nécessité de procéder à une enquête, sa décision aurait dû intervenir au plus tard le 2 novembre 2021, soit bien avant le 4 janvier 2022.
Au cas présent, l'employeur est bien fondé à se prévaloir de la lettre du 30 juillet 2021 comportant transmission de l'arrêt de travail de la salariée à titre d'accident du travail, comme constituant la déclaration d'accident de travail dès lors que cette lettre fait état d'un accident invoqué par la salariée le 23 juillet 2021, des réserves de l'employeur, de la nécessité d'une enquête, et qu'elle n'est soumise à aucune condition de forme.
Cependant, la circonstance d'une réponse de la caisse au-delà des délais invoqués par l'employeur est indifférente dès lors qu'elle aurait pour effet d'entrainer une reconnaissance implicite qui ne profite qu'au salarié concerné et ne rend pas par elle-même cette décision inopposable à l'employeur.
2/ Sur l'insuffisance de l'enquête de la caisse
C'est par de pertinents motifs adoptés par la cour que le premier juge, relevant que la caisse avait interrogé l'ensemble des protagonistes et informé l'employeur de sa possibilité de consulter le dossier, a retenu que la procédure était régulière.
A cet égard, il convient d'ajouter que la caisse qui a procédé à une enquête n'était pas tenue d'adresser un questionnaire à l'employeur qui s'est trouvé en mesure de connaitre les éléments de l'enquête dès lors qu'il a été informé de sa possibilité de consulter le dossier, en sorte qu'il était en mesure de connaitre les suites qui ont été réservées à son audition et celles des autres protagonistes. Il ne saurait en conséquence être invoqué une insuffisance de l'enquête et un manque d'objectivité, et ce d'autant que les éléments relevés apparaissent correspondre avec ceux mis en évidence par l'enquête de gendarmerie qui a été réalisée.
3/ Sur l'existence d'un accident du travail
Il résulte des dispositions de l'article L. 751-6 du code rural et de la pèche maritime que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, no 00-21.768, Bull. no132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).
Le salarié, respectivement la caisse en contentieux d'inopposabilité, doit ainsi « établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel » (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181), il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, no 97-17.149, civ.2e 28 mai 2014, no 13-16.968).
En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un évènement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'il provient d'une cause totalement étrangère au travail.
Au cas présent, il résulte tant de l'enquête diligentée par la caisse, de l'enquête réalisée par les services de gendarmerie ainsi que des explications de l'employeur qu'au cours de l'après du midi du 23 juillet 2021, le gérant de la société et la salariée ont eu une altercation verbale, qui pour ne pas avoir été physique a été néanmoins caractérisée par une intensité certaine, un des salariés présent à proximité ayant exposé lors de ses déclarations auprès de l'agent enquêteur de la caisse ainsi que des gendarmes avoir entendu qu'une dispute avait éclaté entre ces deux protagonistes, que le gérant hurlait de façon agressive et violente et que la salariée était sortie en pleurant dans la cour. Ces éléments ont été confirmés par une amie de la salariée qui est arrivée dans les locaux de l'entreprise quelques instants après, et a constaté que l'intéressée était en pleurs et quelle l'avait emmené chez le médecin.
Par un certificat médical initial daté du même jour, il est fait mention d'un état anxio-dépressif qui apparait se trouver en rapport avec ces faits, et qui se trouve conforté par les énonciations du certificat médical du 30 juillet 2021 établi dans le cadre de la procédure pénale diligentée par la gendarmerie concluant à une incapacité totale de travail de deux jours en raison d'un retentissement psychologique.
S'il est certain que les protagonistes étaient en cours de séparation et de divorce, il n'en reste pas moins que les faits en question se sont déroulées dans les locaux de l'entreprise au retour de vacances de la salariée aux dires de son ex époux et gérant et étaient en lien avec le travail puisque portant sur des questions liées à engagement d'une salariée ainsi que l'a exposé l'employeur. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la salariée a pris contact avec la gendarmerie avant les faits ne saurait être de nature à remettre en cause les éléments recueillis au cours de cette enquête et alors qu'à ce moment cette même salariée faisait état de harcèlement depuis le 19 juillet 2023.
Il s'ensuit qu'en l'état de faits survenus à une date certaine, soit le 23 juillet 2023, en lien avec le travail de la salariée dont il est résulté les lésions mentionnées dans le certificat médical initial, l'employeur ne saurait être fondé en sa contestation aux fins d'inopposabilité de la décision prise par la caisse.
3/Sur les mesures accessoires
L'employeur qui succombe sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Reims du 24 avril 2023 ;
Condamne la société [5] aux dépens dont les chefs sont nés postérieurement au 1er janvier 2019;
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en six pages
Minute en cinq pages
SS
DU 16 JANVIER 2024
N° RG 23/01105 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFUS
Pole social du TJ de REIMS
22/142
24 avril 2023
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
S.A.R.L. [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Cécile REGNIER de la SCP MARTEAU-REGNIER-MERCIER-PONTON, avocat au barreau de REIMS
substituée par Me DUFLO, avocate au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Mutualité MSA MARNE ARDENNES MEUSE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Dispensée de comparution par mention au dossier
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : M. HENON
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame PERRIN (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 05 Décembre 2023 tenue par M. HENON, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 Janvier 2024 ;
Le 16 Janvier 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens
Mme [P] [H] divorcée [G] depuis le 3 juillet 2021, est salariée de la société [5] depuis le 1er novembre 2006. Elle exerçait en dernier lieu des fonctions de cadre commercial et administratif.
La MSA MARNE ARDENNES MEUSE (ci-après dénommée la MSA) a réceptionné un certificat médical initial accident du travail du 23 juillet 2021 la concernant pour un « état anxio-dépressif » pour des faits survenus en date du 23 juillet 2021.
Le 24 juillet 2021, Mme [P] [H] a déposé plainte contre son employeur pour des faits de harcèlement moral dans le cadre du travail.
Par courrier du 19 août 2021, la MSA a informé son employeur de la réception de ce document et lui a demandé de lui transmettre dans les meilleurs délais une déclaration d'accident du travail.
Le 21 octobre 2021, la société [5] a souscrit une déclaration d'accident du travail, indiquant au paragraphe « Circonstances détaillées de l'accident : pas d'accident ».
Par courrier du 10 novembre 2021, la MSA a informé la société de la nécessité de recourir à une instruction complémentaire.
Par courrier du 17 décembre 2021, la MSA a informé la société de la fin de l'instruction et de sa possibilité de consulter les pièces du dossier, préalablement à sa décision annoncée au 4 janvier 2022.
Par décision du 4 janvier 2022, la caisse a reconnu le caractère professionnel de ces faits.
Le 8 février 2022, la société a contesté la matérialité des faits et leur caractère professionnel devant la commission de recours amiable de la caisse.
Le 7 juin 2022, la société a contesté la décision implicite de rejet de ladite commission devant le pôle social du tribunal judiciaire de Reims.
Par jugement 24 avril 2023, le tribunal a :
- reçu la société [5] en son recours,
- débouté la société [5] de sa demande d'inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge, au titre des risques professionnels, de l'accident survenu le 23 juillet 2021 à Mme [P] [H],
- débouté la société [5] de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- condamné la SNC [5] aux dépens.
Par acte du 22 mai 2023, la société a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par RPVA le 17 octobre 2023, la société demande à la cour de :
- l'accueillir en son appel,
Y faisant droit
- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Reims le 24 avril 2023 en l'ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- juger que la MSA MARNE ARDENNES MEUSE n'a respecté ni la procédure en matière de législation au titre des accidents du travail, ni les délais d'instruction,
- juger que l'enquête contradictoire de la MSA MARNE ARDENNES MEUSE n'a pas été réalisée conformément aux textes applicables,
- juger que l'accident de Mme [H], pris en charge par décision de la MSA MARNE ARDENNES MEUSE du 04 janvier 2022 au titre de la législation sur les risques professionnels n'est pas matériellement établi,
En conséquence,
- déclarer et ordonner que la décision du 04 janvier 2022 de la MSA ne lui est pas opposable,
- débouter la MSA MARNE ARDENNES MEUSE de toute demande plus amples ou contraires,
- condamner la MSA MARNE ARDENNES MEUSE à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la MSA MARNE ARDENNES MEUSE aux entiers dépens.
Suivant conclusions reçues au greffe le 23 novembre 2023, la MSA demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Reims,
- juger qu'elle a instruit la demande de prise en charge de l'accident du travail du 23 juillet 2021 déclaré par Mme [H] dans le respect de la procédure contradictoire,
- déclarer fondée la prise en charge de l'accident du travail survenu à Mme [H] le 23 juillet 2021,
- rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience ou invoquées par les parties dispensées de comparution.
Motifs
1/ Sur le moyen tiré du non-respect du délai d'instruction et d'inopposabilité de la décision.
Selon l'article R751-115 du code rural et de la pêche maritime, la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
L'article R. 751-116 du même code précise sous réserve des dispositions des articles D. 751-120 et R. 751-121, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu à l'article D. 751-115, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.
L'article R. 751-116 de ce code énonce que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse en informe la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 751-115 par tout moyen permettant de déterminer la date de réception. A l'expiration d'un nouveau délai de deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de la décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est établi à l'égard de la victime.
Il est de jurisprudence constante qu'en matière d'accident du travail, la déclaration faisant courir le délai de trente jours dont dispose la caisse, pour prendre une décision sur le caractère professionnel de l'accident n'est soumise à aucune forme réglementaire. ( en ce sens 2e Civ., 2 mai 2007, pourvoi n° 05-21.691, Bull. 2007, II, n° 112).
Il est également de jurisprudence constante que le caractère implicite de la décision de la caisse ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur (2e Civ., 16 déc. 2003, n° 02-30.788 : Bull. II, n° 388 ; 16 nov. 2004, n° 03-30.498 : Bull. II, n° 492 ; 9 févr. 2017, n° 16-10.884 ; 31 mai 2018, n° 17-18.607).
L'employeur fait substantiellement valoir que l'accident du travail ayant été déclaré le 23 juillet 2021, sans obligation d'utiliser un formulaire CERFA et que la caisse disposait dès le 2 aout 2021 des informations relatives à l'existence d'un accident du travail et que sa décision devait intervenir avant le 2 septembre 2021 et que quand bien même la caisse l'aurait informé de la nécessité de procéder à une enquête, sa décision aurait dû intervenir au plus tard le 2 novembre 2021, soit bien avant le 4 janvier 2022.
Au cas présent, l'employeur est bien fondé à se prévaloir de la lettre du 30 juillet 2021 comportant transmission de l'arrêt de travail de la salariée à titre d'accident du travail, comme constituant la déclaration d'accident de travail dès lors que cette lettre fait état d'un accident invoqué par la salariée le 23 juillet 2021, des réserves de l'employeur, de la nécessité d'une enquête, et qu'elle n'est soumise à aucune condition de forme.
Cependant, la circonstance d'une réponse de la caisse au-delà des délais invoqués par l'employeur est indifférente dès lors qu'elle aurait pour effet d'entrainer une reconnaissance implicite qui ne profite qu'au salarié concerné et ne rend pas par elle-même cette décision inopposable à l'employeur.
2/ Sur l'insuffisance de l'enquête de la caisse
C'est par de pertinents motifs adoptés par la cour que le premier juge, relevant que la caisse avait interrogé l'ensemble des protagonistes et informé l'employeur de sa possibilité de consulter le dossier, a retenu que la procédure était régulière.
A cet égard, il convient d'ajouter que la caisse qui a procédé à une enquête n'était pas tenue d'adresser un questionnaire à l'employeur qui s'est trouvé en mesure de connaitre les éléments de l'enquête dès lors qu'il a été informé de sa possibilité de consulter le dossier, en sorte qu'il était en mesure de connaitre les suites qui ont été réservées à son audition et celles des autres protagonistes. Il ne saurait en conséquence être invoqué une insuffisance de l'enquête et un manque d'objectivité, et ce d'autant que les éléments relevés apparaissent correspondre avec ceux mis en évidence par l'enquête de gendarmerie qui a été réalisée.
3/ Sur l'existence d'un accident du travail
Il résulte des dispositions de l'article L. 751-6 du code rural et de la pèche maritime que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, no 00-21.768, Bull. no132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).
Le salarié, respectivement la caisse en contentieux d'inopposabilité, doit ainsi « établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel » (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181), il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, no 97-17.149, civ.2e 28 mai 2014, no 13-16.968).
En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un évènement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'il provient d'une cause totalement étrangère au travail.
Au cas présent, il résulte tant de l'enquête diligentée par la caisse, de l'enquête réalisée par les services de gendarmerie ainsi que des explications de l'employeur qu'au cours de l'après du midi du 23 juillet 2021, le gérant de la société et la salariée ont eu une altercation verbale, qui pour ne pas avoir été physique a été néanmoins caractérisée par une intensité certaine, un des salariés présent à proximité ayant exposé lors de ses déclarations auprès de l'agent enquêteur de la caisse ainsi que des gendarmes avoir entendu qu'une dispute avait éclaté entre ces deux protagonistes, que le gérant hurlait de façon agressive et violente et que la salariée était sortie en pleurant dans la cour. Ces éléments ont été confirmés par une amie de la salariée qui est arrivée dans les locaux de l'entreprise quelques instants après, et a constaté que l'intéressée était en pleurs et quelle l'avait emmené chez le médecin.
Par un certificat médical initial daté du même jour, il est fait mention d'un état anxio-dépressif qui apparait se trouver en rapport avec ces faits, et qui se trouve conforté par les énonciations du certificat médical du 30 juillet 2021 établi dans le cadre de la procédure pénale diligentée par la gendarmerie concluant à une incapacité totale de travail de deux jours en raison d'un retentissement psychologique.
S'il est certain que les protagonistes étaient en cours de séparation et de divorce, il n'en reste pas moins que les faits en question se sont déroulées dans les locaux de l'entreprise au retour de vacances de la salariée aux dires de son ex époux et gérant et étaient en lien avec le travail puisque portant sur des questions liées à engagement d'une salariée ainsi que l'a exposé l'employeur. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la salariée a pris contact avec la gendarmerie avant les faits ne saurait être de nature à remettre en cause les éléments recueillis au cours de cette enquête et alors qu'à ce moment cette même salariée faisait état de harcèlement depuis le 19 juillet 2023.
Il s'ensuit qu'en l'état de faits survenus à une date certaine, soit le 23 juillet 2023, en lien avec le travail de la salariée dont il est résulté les lésions mentionnées dans le certificat médical initial, l'employeur ne saurait être fondé en sa contestation aux fins d'inopposabilité de la décision prise par la caisse.
3/Sur les mesures accessoires
L'employeur qui succombe sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Reims du 24 avril 2023 ;
Condamne la société [5] aux dépens dont les chefs sont nés postérieurement au 1er janvier 2019;
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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