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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 6 février 2024, n° 22/01931

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 22/01931

6 février 2024

ARRET



[X]

C/

[S]

Compagnie d'assurance SMABTP

E.U.R.L. BATIMENT CONCEPT

MS/VB

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU SIX FEVRIER

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/01931 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INMO

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU SEIZE MARS DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Madame [N] [D] [E] [X]

née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 14]

Représentée et plaidant par Me Juliette DELAHOUSSE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS

APPELANTE

ET

Monsieur [H] [S]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 13] (Algérie)

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 2]

Représenté et plaidant par Me Pascal PERDU, avocat au barreau d'AMIENS

Compagnie d'assurance SMABTP immatriculée au RCS de PARIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 8]

E.U.R.L. BATIMENT CONCEPT immatriculée au RCS D'AMIENS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée et plaidant par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS

INTIMES

DEBATS :

A l'audience publique du 05 décembre 2023, l'affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 février 2024.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière, en présence de Mme Léanne GAFFEZ-TAVERNIER, juriste assistante et de Mme Laura BEUGNET, greffière stagiaire.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 06 février 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et le Président étant empêché, la minute a été signée par Mme Myriam SEGOND, Conseillère et Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant devis en date des 2 octobre et 15 novembre 2018, Mme [X] a confié à l'EURL Bâtiment concept la réalisation des travaux de gros oeuvre d'une maison d'habitation située [Adresse 7] à [Localité 14], contigue de la parcelle appartenant à M. [S].

Le chantier a débuté le 19 novembre 2018. Au cours des travaux de terrassement, une canalisation d'eau située sur la propriété de M. [S] s'est rompue. Des infiltrations d'eau dans la future cave de l'habitation et un effondrement partiel du terrain de M. [S] ont été constatés.

Les travaux ont été interrompus.

Un litige est né entre les parties sur l'imputabilité des désordres et la prise en charge des travaux de reprise.

Le 26 novembre 2018, l'entreprise a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), qui a missionné un expert. Un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages a conclu à l'imputabilité du sinistre à une fuite sur une conduite d'eau potable située sur la parcelle de M. [S].

Le 15 mars 2019, l'EURL Bâtiment concept a saisi le juge des référés d'une demande tendant à être autorisée à réaliser des travaux de reprise sur la parcelle de M. [S]. Mme [X] a sollicité une mesure d'expertise judiciaire.

Par ordonnance du 5 avril 2019, l'EURL Bâtiment concept a été autorisée à faire réaliser, à ses frais avancés, les travaux prévus par le devis Eiffage construction sur la propriété de M. [S] et M. [U] a été désigné en qualité d'expert.

M. [U] a déposé son rapport le 22 mai 2020.

Le 8 janvier 2021, les travaux ont été réceptionnés sans réserve en lien avec le litige.

Se plaignant d'un retard d'environ une année dans les travaux de contruction de sa maison, Mme [X] a assigné, par acte du 14 janvier 2021, M. [S], l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP aux fins d'indemnisation et garantie.

Par le jugement dont appel, du 16 mars 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

- débouté Mme [X] de ses demandes,

- débouté l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP de leurs demandes dirigées contre M. [S],

- condamné Mme [X] aux dépens,

- condamné Mme [X] à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile de Mme [X], de l'EURL Bâtiment concept et de la SMABTP.

Par déclaration du 21 avril 2022, Mme [X] a fait appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 17 avril 2023, Mme [X] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de requalifier le contrat d'entreprise la liant à l'EURL Bâtiment concept en contrat de construction de maison individuelle,

- de condamner in solidum M. [S], l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP à lui payer les sommes suivantes :

* 5 121 euros au titre du surcoût des travaux lié à l'augmentation des prix de la construction du garage,

* 8 054,80 euros au titre des loyers exposés pour la période correspondant à l'arrêt de chantier,

* 22 320 euros au titre des pénalités de retard dans la livraison de la maison,

* 554,43 euros au titre de la perte de la franchise de paiement négocié (frais financiers),

* 648,18 euros au titre des frais de constat d'huissier,

* 5 000 euros en réparation du préjudice moral et psychologique subi,

- condamner in solidum M. [S], l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec paiement direct au profit de la SELARL Delahousse & associés.

Par conclusions du 5 juin 2023, l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes présentées à leur encontre,

- subsidiairement, débouter Mme [X] de ses demandes et condamner M. [S] à les garantir de toute condamnation en principal, intérêt, frais irrépétibles et dépens prononcées à leur encontre,

- infirmer le jugement en ce qu'il a les a déboutés de leur demandes présentées à l'encontre de M. [S],

- condamner M. [S] à payer à la SMABTP la somme de 12 281,15 euros,

- condamner M. [S] à payer à l'EURL Bâtiment concept la somme de 10 064,09 euros,

- en tout état de cause, condamner tous succombants à leur payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec paiement direct au profit de la SCP Lebegue Derbise.

Par conclusions du 22 mai 2023, M. [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner Mme [X], l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP chacun à M. [S] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1. Sur la demande de requalification du contrat d'entreprise en contrat de construction de maison individuelle

Mme [X] soutient qu'elle a conclu un contrat de construction de maison individuelle avec l'EURL Bâtiment concept puisque celle-ci a réalisé les plans, a choisi les différents entrepreneurs et a facturé la prestation de frais de dossier, suivi de travaux et coordination des entreprises à deux reprises.

L'EURL Bâtiment concept réplique que le contrat la liant à Mme [X] ne peut être requalifié en contrat de construction de maison individuelle en ce qu'elle était chargée uniquement du gros oeuvre, que les autres lots ont été confiés à d'autres entrepreneurs par Mme [X], cette dernière conservant une maîtrise de la construction de sa maison.

Sur ce, aux termes de l'article L. 231-1, alinéa 1, du code de la construction et de l'habitation, toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 231-2.

Le contrat de construction de maison individuelle est caractérisé par le fait que le maître d'oeuvre se charge de l'intégralité de l'opération de construction de la maison, le maître de l'ouvrage n'ayant aucun pouvoir ni liberté de choix dans la construction. Il en est ainsi si les plans et descriptifs de la maison ont été proposés et établis par l'entreprise, qui choisit les entreprises, établit tous les marchés sur un modèle identique, fixe le prix forfaitaire de l'opération et les modalités de paiement.

En l'espèce, Mme [X] fournit des plans d'exécution contenant le logo de Bâtiment concept, ce qui peut constituer un indice de la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle. Cependant, les devis du 2 octobre et 15 novembre 2018 démontrent que Mme [X] a seulement confié à l'EURL Bâtiment concept le lot gros oeuvre et terrassement. Par ailleurs, il est fourni aux débats les factures émises par les autres intervenants à la construction, soit la société Coquart pour les travaux de fourniture et pose de charpente, la société Chaves étanchéité pour les travaux d'isolation et d'étanchéité en terrasses, la société Cuisinella pour les travaux d'aménagement de la cuisine, la société Nicolas pour la pose des menuiseries extérieures, la société Gorin pour les travaux d'électricité plomberie et chauffage, la société Cabuzel ouverture pour les travaux de pose de tuyaux de descente, la société Carreleurs 80 pour la pose de carrelage. Ces devis sont fait à la demande de Mme [X] qui a donc conservé la maîtrise des opérations de construction.

Mme [X] n'établit pas que l'EURL Bâtiment concept a eu la charge de l'intégralité de l'opération de construction de la maison.

La demande de requalification de Mme [X] sera rejetée. Par voie de conséquence, la demande de pénalités de retard à hauteur de 22 320 euros qui est fondée sur cette qualification sera, elle aussi, rejetée.

2. Sur les responsabilités et la garantie de l'assureur

- Sur la responsabilité de M. [S]

Mme [X] soutient que la responsabilité de M. [S] est engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des choses ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage. Elle précise que la fuite sur la canalisation d'eau potable chez M. [S], préalable au sinistre, a entraîné les venues d'eau dans la future cave de son habitation.

M. [S] réplique que les travaux de terrassement réalisés par l'entreprise sont la cause exclusive des dommages, ajoutant que les travaux ont été faits au mépris des règles de l'art et en empiétant sur son terrain, ce qui a occasionné des dommages sur ses canalisations. Il ajoute que la surconsommation d'eau relevée en juillet 2019 peut être liée à une autre cause que la fuite.

Sur ce, il est de jurisprudence constante que nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Cette responsabilité est objective, sans faute.

L'expert judiciaire a conclu que le sinistre avait partiellement pour origine le réseau fuyard de M. [S].

Pour parvenir à cette conclusion, l'expert a analysé les relevés de consommation d'eau de l'habitation de M. [S] pour la période contemporaine au sinistre. Ainsi, la consommation d'eau pour la période de 2017 au 10 décembre 2018 était de 1624 m3 (index 3324 m3 en 2017 et 4948 m3 relevé lors de l'expertise amiable du 10 décembre 2018) ; entre le 25 février 2019 et le 17 juillet 2019, elle était de 1618 m3 (index 3479 m3 le 25 février 2019 et 5097 m3 le 17 juillet 2019), cela alors que la moyenne de consommation pour un couple est d'environ 100 m3 par an.

Cette surconsommation d'eau en 2018-2019 constitue un indice en faveur de l'existence d'une fuite d'eau sur les installations privatives de M. [S] au moment du sinistre.

Le procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages corrobore l'imputabilité du sinistre à une fuite sur la canalisation d'eau potable située sur la propriété de M. [S]. Les opérations d'expertises contradictoires ont ainsi permis de conclure que la fuite sur la conduite d'eau potable a permis l'entraînement de fines à l'origine de l'affaissement du fond de fouille puis la rupture de la conduite d'eau usée également située en limite de propriété de M. [S].

Les conclusions de l'expert judiciaire et amiable sont concordantes sur l'imputabilité du sinistre au réseau fuyard de M. [S].

M. [S] ne fournit pas d'éléments pour contredire ces avis expertaux.

La responsabilité de M. [S] est donc engagée.

Le jugement est infirmé.

- Sur la responsabilité de l'EURL Bâtiment concept

Mme [X] soutient que l'entrepreneur engage sa responsabilité pour ne pas avoir évalué la présence d'eau avant son intervention et de ne pas avoir pris les précautions en vue de la stabilité des ouvrages. Elle ajoute que la signature du procès-verbal de réception sans réserve n'entraîne pas la purge des vices.

L'EURL Bâtiment concept et la SMABTP répliquent que la signature du procès-verbal de réception entraîne la purge des vices. Elles ajoutent que l'entreprise a accompli toutes les diligences utiles dès la découverte de la fuite d'eau le 21 novembre 2018 et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué la réparation chez le voisin.

Sur ce, aux termes de l'article 1792-6, alinéa 1, du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.

Il est jugé que les défauts de conformité contractuels apparents sont, comme les vices de construction, couverts par la réception sans réserve.

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Si l'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat envers le maître de l'ouvrage, la mise en oeuvre de sa responsabilité contractuelle nécessite qu'il existe un lien causal entre le désordre et les prestations réalisées par celui-ci.

Le procès-verbal de réception du 8 janvier 2021 ne comporte pas de réserve sur le retard d'exécution des travaux. Cependant, il est stipulé qu' « il demeure entendu que la présente réception n'a pas pour effet de dégager la société de la responsabilité qui lui incombe d'après les dispositions du code civil. » La volonté abdicative devant être interprétée strictement, il y a lieu de considérer que Mme [X] n'avait pas l'intention de renoncer à toute action à l'encontre de l'EURL Bâtiment concept et que le procès-verbal de réception ne couvre pas les défauts de conformité contractuels.

L'expert judiciaire a conclu que les travaux n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art. Il indique que l'entreprise n'a pas réalisé une étude de sol qui aurait permis de constater la présence d'eau alors que cette étude est prévue au devis du 2 octobre 2018. Il ajoute que lors des travaux d'excavation, l'entreprise a procédé sans autorisation à un enlèvement de terre sur la parcelle voisine de M. [S]. L'expert indique, par ailleurs, que l'entreprise aurait dû stopper le chantier et faire réparer la fuite sur la propriété de M. [S].

Cependant, le rapport d'expertise n'établit pas clairement le lien entre le défaut de précaution de l'entreprise et le sinistre. Il est simplement indiqué en page 15 dans la partie descriptive des travaux que « l'entreprise a commencé par effectuer une excavation pour effectuer la cave de la maison de Mme [X] et monter le mur périphérique de cette cave. Pour effectuer les enduits extérieurs, l'entreprise a également effectué un enlèvement de terre sur la parcelle voisine. C'est au cours de ces travaux que l'affaissement du terrain s'est produit entraînant le glissement des canalisations du terrain voisin et la rupture de la canalisation d'eau usée. » La cour en déduit que l'affaissement du terrain de M. [S] est simplement concomitant des travaux mais pas nécessairement en lien avec ceux-ci.

La certitude requise du lien causal entre le désordre et les prestations réalisées par l'entreprise n'est pas établie.

Par ailleurs, l'EURL Bâtiment concept justifie avoir interrompu les travaux dès la découverte de la fuite et avoir accompli de nombreuses démarches en vue de sa réparation, ce que l'expert a noté et qui n'est pas contesté.

La responsabilité de l'EURL Bâtiment concept n'est, par conséquent, pas engagée.

Le jugement est confirmé.

La demande de garantie de la SMABTP devient sans objet.

3. Sur les préjudices

En application de l'article 1353 du code civil, il incombe à la victime de rapporter la preuve de son préjudice.

- Sur le préjudice au titre du surcoût des travaux lié à l'augmentation des prix de la construction du garage

Mme [X] réclame une somme de 5 121 euros à ce titre en faisant un comparatif entre le devis DE01748 du 3 mai 2018 et la facture du 11 mai 2020.

Sur ce, Mme [X] produit un devis du 3 mai 2018 avec une écriture manuscrite '1er devis' et 'Garage'. Les postes mentionnés sur ce devis diffèrent de ceux figurant sur la facture du 11 mai 2020. L'EURL Bâtiment concept produit pour sa part le devis signé du 2 mars 2020 qui correspond en tous points à la facture du 11 mai 2020.

Mme [X] ne prouve pas que le devis du 3 mai 2018 a été accepté.

Il convient, par conséquent, de rejeter sa demande au titre du surcoût de la construction.

- Sur le préjudice de perte de loyer

Mme [X] réclame une somme de 8 054,80 euros à ce titre, indiquant qu'elle a payé des loyers de 700 euros par mois pendant 350 jours.

Sur ce, Mme [X] produit un acte notarié de bail conclu avec la SCI [Adresse 5] à [Localité 14] et commençant à courir le 1er novembre 2011, la SCI étant représentée à l'acte par M. [G] [X] et Mme [Z] [X]. Si le contrat de bail a été conclu entre les membres de la même famille, Mme [X] fournit une liste des mouvements de son compte bancaire au CIC qui mentionne des virements de loyer à hauteur de 700 euros entre décembre 2018 et février 2020. Les quittances de loyer de l'année 2018 et 2019 sont également produites.

La preuve est ainsi rapportée du paiement des loyers par Mme [X], qui s'est prolongé en raison du retard de chantier.

Il convient, par conséquent, d'allouer à Mme [X] la somme de 8 054,80 euros au titre de la perte de loyers.

- Sur le préjudice de perte de la franchise de paiement négocié

Mme [X] soutient que le retard de travaux lui a fait perdre le bénéfice d'une franchise de paiement des échéances de cinq mois qu'elle avait négociée avec la banque lors de la souscription de son prêt. Elle réclame 554,43 euros à ce titre.

Sur ce, Mme [X] fournit le tableau d'amortissement édité par sa banque le 15 janvier 2020, relativement à un prêt de 218 000 euros destiné à financer la construction de sa maison. Il apparaît que les cinq premières mensualités sont uniquement constitutives des intérêts, frais de dossier et cotisations d'assurance. Si Mme [X] prouve qu'elle a bénéficié d'une franchise négociée lors de la souscription du prêt, il n'est pas établi qu'elle ait exposé des frais supplémentaires de ce fait.

Il convient, par conséquent, de rejeter la demande présentée à ce titre.

- Sur les frais de constat d'huissier

Mme [X] réclame le remboursement du coût de l'intervention TDE pour fuite d'eau (passage haute pression dans le réseau) au prix de 252 euros TTC, les frais de constat d'huissier du 21/11/2018 au prix de 324,09 euros et les frais de constat d'huissier du 07/03/2019 au prix de 324,09 euros.

Sur ce, les frais réclamés sont justifiés et en lien de causalité direct et certain avec le sinistre.

La somme de 648,18 euros sera allouée à Mme [X] conformément à la demande.

- Sur le préjudice moral

Mme [X] indique qu'elle a subi un préjudice moral du fait de l'arrêt du chantier pendant un an et de la procédure.

Sur ce, Mme [X] fournit des attestations de proches qui confirment son état de déprime résultant de la procédure.

Cependant, ce préjudice n'est pas suffisamment démontré, ni le lien de causalité direct et certain avec le retard du chantier.

Il convient, par conséquent, de rejeter la demande présentée à ce titre.

- Sur le montant final de la condamnation

M. [S] sera condamné à payer à Mme [X] la somme de 8 702,98 euros en réparation de ses préjudices.

4. Sur la demande reconventionnelle de la SMABTP et de l'EURL Bâtiment concept

La SMABTP et l'EURL Bâtiment concept soutiennent que du fait de l'attitude de M. [S], les travaux ont été retardés et qu'elles ont dû prendre en charge les travaux conservatoires et réparatoires pour accélerer la reprise du chantier.

M. [S] réplique que l'entreprise n'a aucun recours contre lui.

Sur ce, le premier juge a rejeté la demande de la SMABTP et de l'EURL Bâtiment concept au visa de l'article 1240 du code civil, fondement juridique qui n'est pas critiqué en cause d'appel et qu'il convient donc de retenir.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il résulte des différentes correspondances entre la SMABTP et M. [S] que ce dernier s'est opposé à la réalisation des travaux sur sa propriété. L'EURL Bâtiment concept a donc été amenée à effectuer les travaux conservatoires avant d'obtenir, par ordonnance du 15 mars 2019, l'autorisation de réaliser les travaux réparatoires à ses frais. La SMABTP a financé ces travaux. Les opérations d'expertise judiciaire se sont achevées le 22 mai 2020, permettant la reprise du chantier.

Cependant, il convient d'observer que M. [S] s'est opposé à la réalisation des travaux sur sa parcelle alors que l'imputablité des dommages n'était pas fixée et que la charge définitive des travaux de reprise était incertaine. En l'état de cette incertitude, M. [S] a pu refuser d'exposer une dépense qui aurait pu ne pas lui incomber.

La faute de M. [S] n'est pas établie.

Le jugement est confirmé.

5. Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.

Il convient de condamner M. [S] aux dépens de première instance et d'appel avec paiement direct au profit de la SELARL Delahousse & associés. Par ailleurs, M. [S] sera condamné à payer à Mme [X] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande formée à ce titre par l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande formée par Mme [X] à l'encontre de l'EURL Bâtiment concept et de la SMABTP et celle formée par l'EURL Bâtiment concept et la SMABTP à l'encontre de M. [S],

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Déclare [H] [S] responsable des préjudices subis par [N] [X],

Condamne [H] [S] à payer à [N] [X] la somme de 8 702,98 euros en réparation de ses préjudices,

Y ajoutant :

Rejette la demande de requalification du contrat d'entreprise en contrat de construction de maison individuelle,

Condamne [H] [S] aux dépens de première instance et d'appel avec paiement direct au profit de la SELARL Delahousse & associés,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne [H] [S] à payer à [N] [X] la somme de 6 000 euros et rejette la demande de l'EURL Bâtiment concept et de la SMABTP à ce titre.

LA GREFFIERE P/LE PRESIDENT

EMPÊCHÉ