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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 7 février 2024, n° 21/02020

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MERCIALYS (S.A)

Défendeur :

FORMUL (S.A.S.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme LE CHAMPION

Avocats :

SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D'AFFAIRES, SAS CABINET PINEAU-BRAUDEL, SELARL CLARENCE

CA Rennes n° 21/02020

6 février 2024

Par acte notarié du 26 avril 2006, la société Mercialys a consenti à la société Formul un bail commercial portant sur un local d'une surface de 128,80 m² situé dans le centre commercial "Géant [Localité 3]", pour l'exploitation d'un fonds de commerce de prêt-à-porter féminin.

Le bail a été consenti pour une durée de 10 années commençant à courir le 5 mai 2006, moyennant un loyer annuel fixé initialement à la somme de

63 037,80 euros HT, payable trimestriellement et d'avance, soit 15 755,45 euros HT, par trimestre, charges non comprises.

Le bail en cause contient en son article VI concernant le loyer, au paragraphe 11, une clause d'indexation précisant notamment que la variation de l'indice choisi sera prise en considération aussi bien dans le cas de hausse que dans le cas de baisse de l'indice, mais que l'application de la clause ne pourra en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur au loyer de base initial précisé aux conditions particulières.

Par acte du 29 septembre 2015, la société Mercialys a signifié à la société Formul un congé avec offre de renouvellement et le bail s'est ainsi trouvé renouvelé à compter du 5 mai 2016, pour une nouvelle période de 10 années.

Contestant la validité de la clause d'indexation, la société Formul par courrier de son conseil en date du 24 janvier 2019, a sollicité de la société Mercialys le remboursement de la somme totale de 70 894,04 euros correspondant au montant des indexations pratiquées au cours des cinq dernières années.

Exposant que la société Mercialys n'a pas donné suite à sa demande, la société Formul, par acte d'huissier en date du 18 juin 2019, l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Lorient.

Par jugement en date du 24 février 2021, le tribunal judiciaire de Lorient a :

- prononcé la nullité de la clause d'indexation de loyer prévue au bail commercial signé entre la société Mercialys et la société Formul,

- condamné en conséquence la société Mercialys à verser à la société Formul la somme de 70 894,04 euros HT outre les intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2019,

- condamné la société Formul à verser à la société Mercialys la somme de 20 083,58 euros HT au titre de sa dette de loyers et indemnités forfaitaires,

cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 juillet 2020,

- suspendu les effets de cette clause résolutoire et dit que le bail commercial se poursuit entre les parties,

- rappelé que la société Formul doit régler son loyer le premier jour de chaque trimestre civil, terme à échoir, par prélèvement automatique sur un compte,

- condamné la société Formul à remettre à la société Mercialys le formulaire d'autorisation de prélèvement ainsi que son relevé d'identité bancaire ou postale dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et au-delà sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard et ce pendant un autre délai d'un mois à l'issue duquel il devra être à nouveau fait droit,

- débouté la société Mercialys de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

- condamné la société Mercialys à verser à la société Formul la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Mercialys aux dépens.

Le 1er avril 2021, la société Mercialys a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 14 novembre 2023, elle demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement prononcé le 24 février 2021 par le tribunal judiciaire de Lorient en ce qu'il :

* a prononcé la nullité de la clause d'indexation de loyer prévue au bail commercial signé entre elle et la société Formul,

* l'a condamnée en conséquence à verser à la société Formul la somme de 70 894,04 euros HT outre les intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2019,

* a condamné la société Formul à lui verser la somme de 20 083,58 euros HT au titre de sa dette de loyers et indemnités forfaitaires,

* a suspendu les effets de cette clause résolutoire et dit que le bail commercial se poursuit entre les parties,

* l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

* l'a condamnée à lui verser à la Société Formul la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire,

* condamné la société Mercialys aux dépens,

- le confirmer en ce qu'il a :

* constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 juillet 2020,

* rappelé que la société Formul doit régler son loyer le premier jour de chaque trimestre civil, terme à échoir, par prélèvement automatique sur un compte,

* condamné la société Formul à lui remettre le formulaire d'autorisation de prélèvement ainsi que son relevé d'identité bancaire ou postale dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et au-delà sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard et ce pendant un autre délai d'un mois à l'issue duquel il devra être à nouveau fait droit,

Statuant à nouveau de ces chefs,

À titre principal :

- dire et juger que l'application de la clause d'indexation stipulée à l'article VI) du bail ne conduit pas à faire obstacle à l'automaticité de l'indexation ni à sa réciprocité puisque la clause s'applique à la hausse comme à la baisse,

- dire et juger que la clause d'indexation stipulée à l'article VI 11) du bail n'organise aucune distorsion au sens de l'article L.112-1 du code monétaire et financier,

- dire et juger que la clause d'indexation est parfaitement valable, avec toutes conséquences de droit,

Subsidiairement :

- dire et juger que le principe même de l'indexation est parfaitement conforme à l'intention commune des parties et déterminant de l'engagement du bailleur, sans lequel il n'aurait pas contracté,

- dire et juger que la clause d'indexation stipulée à l'article VI 11) du bail est divisible,

- dire et juger en conséquence que seule la seconde partie de la phrase composant le troisième alinéa de l'article VI 11) du bail énonçant « mais l'application de la présente clause d'indexation ne pourra en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur au loyer de base initial précisé aux conditions particulières » doit être considérée non écrite, sans que cela ne puisse entacher le principe même de l'indexation et le reste de la clause d'indexation qui ne saurait être mis en cause ; quand bien même cette partie de l'alinéa sur la clause « plancher » n'a précisément jamais fait obstacle à cette indexation à la hausse comme à la baisse,

- dire et juger en conséquence que l'article VI 11) du bail s'applique pour le surplus,

- dire et juger que la demande de condamnation à rembourser toutes sommes versées au titre de l'indexation des loyers est mal fondée,

En conséquence, et en tout état de cause,

- dire et juger la société Formul mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris celles formées par ses soins à titre d'appel incident, et par conséquent l'en débouter,

- lui donner acte de l'invitation faite à la société Formul de venir consulter sur place et sur demande préalable les justificatifs de charges dont elle désirerait prendre connaissance,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire à son profit et donc la résiliation de plein droit du bail à effet du 27 mars 2018, subsidiairement du 21 décembre 2019, infiniment subsidiairement du 19 mars 2020, en tout état de cause du 2 juillet 2020,

- prononcer subsidiairement la résiliation du bail aux torts exclusifs de la société Formul pour manquements d'une part à son obligation essentielle au titre du règlement de ses loyers et charges, d'autre part à son obligation de loyauté contractuelle,

- ordonner l'expulsion des lieux loués de la société Formul, ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec, si besoin est, le concours de la force publique,

- condamner la société Formul à lui payer les sommes suivantes, actualisées au 13 novembre 2023, sauf à parfaire :

* loyers, charges et accessoires impayés en principal : 181 485,39 euros,

* indemnité forfaitaire et irrévocable de 10 % : 18 148,53 euros,

* intérêts de retard contractuels : à parfaire au jour du paiement,

Total des sommes dues à parfaire : 199 633,92 euros,

- condamner la société Formul à lui payer les sommes dont elle est redevable au titre des indexations dues à compter du 3ème trimestre 2021 qui ne sont plus refacturées par le bailleur, au simple bénéfice de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, auquel elle n'a pas acquiescé,

- ordonner la compensation entre les créances respectives des parties, dans l'hypothèse d'une quelconque condamnation à son encontre,

- dire que le montant du dépôt de garantie sera définitivement acquis à la société Formul (sic), conformément aux stipulations contractuelles,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation au double du dernier loyer courant, indexation et charges en sus, à compter du 27 mars 2018, subsidiairement du 21 décembre 2019, infiniment subsidiairement du 19 mars 2020, en tout état de cause du 2 juillet 2020 ou, à défaut, de la date de l'arrêt à intervenir et jusqu'à la libération des lieux loués,

Dans l'hypothèse où le bail ne serait pas résilié :

- l'autoriser à procéder à la compensation du dépôt de garantie avec toutes sommes au paiement desquelles la société Formul sera condamnée,

- faire injonction à la société Formul de procéder à la reconstitution du dépôt de garantie entre ses mains conformément aux stipulations de l'article VII du bail, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, et ce, pendant un délai de trois mois,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

En toutes hypothèses,

- condamner la société Formul à verser au Trésor Public la somme de 5 000 pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions indemnitaires de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction nouvelle applicable aux parties, subsidiairement de l'article 1382 dans sa rédaction ancienne,

- condamner la société Formul à lui payer la somme de 18 000 euros par application des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable aux présentes et, subsidiairement, de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et de l'appel,

- condamner la société Formul aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2023, la société Formul demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* prononcé la nullité de la clause d'indexation de loyer prévue au bail commercial signé entre la société Mercialys et elle,

* condamné en conséquence la société Mercialys à lui verser la somme de 70 894,04 euros HT outre les intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2019,

* condamné la société Mercialys à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Mercialys aux dépens,

- infirmer le même jugement en ce qu'il :

* l'a condamnée à verser à la société Mercialys la somme de 20 083,58 euros HT au titre de sa dette de loyers et indemnités forfaitaires,

* constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 juillet 2020,

Y ajoutant et statuant à nouveau :

- dire et juger que la clause d'indexation prévue à l'article VI du bail commercial en date du 26 avril 2006 qui organise la distorsion prohibée par l'article L.112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier doit être réputée non écrite dans son ensemble,

Par conséquent,

- condamner la société Mercialys à lui rembourser la somme de 10 2 957,26 euros HT soit 123 548,71 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019 pour la somme de 85 072,84 euros, date de la mise en demeure et à compter de la notification de ses conclusions d'appel n° soit le 22 septembre 2021 pour le solde, correspondant à l'ensemble des sommes versées au titre de l'indexation des loyers effectuée en application de cette clause d'indexation illicite,

Sur les demandes reconventionnelles de la société Mercialys,

Sur la demande visant à la condamner au paiement de la somme de 181 485,39 euros correspondant aux loyers, charges et accessoires :

- dire et juger que la crise sanitaire liée à l'épidémie de COVID 19 et les mesures réglementaires consécutives ayant entraîné l'interdiction pour les magasins de vente et centres commerciaux d'accueillir du public constitue un cas de force majeure ayant rendu impossible l'exécution du contrat de bail ; que ni la société Mercialys ni elle n'ont été en mesure de respecter leurs obligations contractuelles respectives pendant la période de confinement, à savoir son obligation de délivrance pour la première et son obligation de paiement des loyers et des charges pour la seconde, et que la décision de fermeture du local situé dans le magasin constitue une perte de la chose louée,

En conséquence,

- suspendre son obligation de paiement du loyer et ses charges pour les périodes de fermeture administrative des commerces situés dans le centre commercial,

- lui décerner acte de ce qu'elle reconnaît être redevable uniquement de la somme de 126 646,65 euros au titre des loyers, charges et accessoires impayés,

- ordonner la compensation judiciaire entre sa créance soit 128 548,71 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019 pour la somme de 85 072,84 euros, date de la mise en demeure et à compter de la notification de ses conclusions d'appel n° soit le 22 septembre 2021 pour le solde et la créance de la société Mercialys, soit 90 580 euros,

Sur la demande visant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire,

- constater que la société Mercialys a bien renoncé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire prévue au bail du 26 avril 2006 et que la société Mercialys invoque de mauvaise foi le bénéfice de cette clause,

En conséquence,

- débouter la société Mercialys de sa demande visant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire,

- rejeter la demande de résiliation du bail du 26 avril 2006 de la société Mercialys ainsi que toutes les demandes de paiement en lien avec l'éventuelle résiliation dudit bail,

A titre subsidiaire,

- fixer le montant de l'indemnité forfaitaire de 10 % prévue à l'article XI du bail à la somme de 1 euros,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation prévue à l'article XIII du bail au montant du loyer actuel,

A titre très subsidiaire,

- autoriser la Société Formul à s'acquitter du solde, le cas échéant, débiteur de son compte locatif à l'issue d'un délai de 24 mois à compter du mois suivant la signification du jugement à intervenir,

- suspendre les effets de la clause résolutoire figurant dans le bail,

En tout état de cause,

- débouter la société Mercialys de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Mercialys à lui payer la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- condamner la société Mercialys aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la validité de la clause d'indexation

La société Mercialys critique le jugement en ce qu'il a déclaré non écrite la clause d'indexation comme créant une distorsion entre la période d'indexation et la variation de l'indice sans établir cette distorsion en pratique.

Elle soutient qu'une clause plancher, c'est à dire ne descendant pas en dessous du loyer initial, peut être déclarée valable par les juridictions et que seule est réputée non écrite la clause qui aménage la variation en imposant une hausse minimale et une hausse maximale. Elle fait valoir que la clause litigieuse n'est pas contraire au principe d'automaticité puisque le seuil plancher a été prédéterminé à l'avance par les parties et joue, par la suite, indépendamment de leur volonté en fonction de la variation d'un paramètre qui leur est extérieur sur une base annuelle. Elle indique que la clause préserve le caractère aléatoire et réciproque de l'indexation dans la mesure où une diminution du loyer en cas de variation à la baisse de l'indice de référence est expressément prévue. Enfin, elle considère que la clause ne crée pas de distorsion entre la période de variation de l'indice et la période de révision du loyer en ce que les indices de comparaison successifs sont séparés les uns des autres par une période de variation d'un an de sorte que même en cas de baisse de loyer, il serait toujours fait application des indices éloignés d'une année et ce conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article L.112-1 du code monétaire et financier.

A titre subsidiaire, la société Mercialys demande de voir juger que la clause d'indexation stipulée à l'article 4.1.2 du titre II du bail est divisible et que seule la partie de la clause empêchant une diminution du loyer inférieur au loyer de base initial soit réputée non écrite. Elle argue que les différentes stipulations relatives à l'indexation constituent des accords divisibles auxquels les parties ont consenti isolément. Elle relève que la clause est séparée matériellement en différents alinéas distinguant le principe de l'indexation de ses modalités. Elle expose que la société Formul échoue à démontrer le caractère essentiel et indivisible de l'alinéa 3.

En conséquence, la société Mercialys s'oppose à toute demande de restitution présentée par la société Formul et demande le maintien du loyer indexé. Elle précise que l'application de la clause d'indexation n'a jamais conduit en pratique à la distorsion prohibée par l'article L.112-1 précité et que la neutralisation de la clause plancher serait inutile en ce qu'elle n'a jamais trouvé à s'appliquer alors même que l'indice a pu évoluer à la baisse et qu'elle n'a ainsi jamais nui aux intérêts de la société Formul.

La société Formul sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré nulle et réputée non écrite la clause d'indexation prévue à l'article 4 du contrat de bail dans son ensemble.

Elle soutient que si la clause d'indexation prévoit bien la réciprocité à la hausse et à la baisse, elle fixe une limite à la baisse en prévoyant que, par le jeu de l'indexation, le loyer ne devra jamais être inférieur au loyer de base qui constitue le loyer plancher. Elle en déduit qu'il est suffisant de constater que la clause d'indexation fait ainsi obstacle à l'automaticité de l'indexation puisque dans l'hypothèse où la variation de l'indice entraînerait une baisse de loyer à un montant inférieur au loyer de base, le loyer ne serait pas fixé à sa valeur résultant du jeu normal de l'indexation. Elle ajoute que l'indication d'un loyer plancher fait échec au caractère automatique de l'indexation exigée par l'article L.112-1 précité en ce qu'il induit un risque de décrochage de la variation du loyer par rapport à la variation de l'indice.

Elle indique qu'au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation, soit la distorsion est organisée par le contrat, ce qui justifie que la clause d'indexation soit réputée non écrite, soit la distorsion résulte d'une difficulté liée à la temporalité de la mise en oeuvre de la clause et implique la neutralisation de la seule partie de la clause créant l'illicéité. Elle soutient qu'en l'espèce, la distorsion est organisée par le contrat et que cette distorsion ne présente pas de caractère ponctuel puisque la distorsion constatée est susceptible d'affecter les indexations sur l'entier déroulement du contrat dans l'hypothèse où le montant du loyer deviendrait inférieur au loyer de base, et non uniquement l'indexation résultant de la première période de variation.

Elle ajoute que l'effacement de la stipulation instituant la clause plancher porterait atteinte à la cohérence du reste de la clause en ce qu'elle aurait pour conséquence de ne pas laisser jouer la clause d'indexation telle qu'initialement prévue par les parties, et ce pour l'intégralité des périodes indiciaires.

Elle indique également que la stipulation illégale peut être déclarée partiellement non écrite si elle n'est pas essentielle à l'expression de la volonté des parties de soumettre le loyer à une indexation. Or en l'espèce, elle considère que la volonté des parties de soumettre le loyer à une indexation est une condition essentielle à leur consentement et que la société Mercialys ne peut imposer à son cocontractant une nouvelle clause d'indexation expurgée des éléments illicites. De même, elle argue que le juge, saisi d'une contestation sur une clause du contrat, ne peut, en raison du principe d'autonomie de la volonté des parties, forcer le contrat et réécrire la clause d'indexation requise dans des termes qui ne sont pas ceux arrêtés lors de la conclusion du contrat.

En conséquence de l'illicéité de la clause d'indexation, la société Formul demande de voir infirmer le montant alloué par le jugement au titre de cette indexation illégale et de la voir condamner à lui verser la somme de

102 957,26 euros HT soit 123 548,71 euros TTC outre les intérêts au taux légal sur la somme de 85 072,84 euros à compter du 22 septembre 2021, date de la mise en demeure et pour le reste à la date des conclusions d'appel.

Aux termes des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes des dispositions de l'article L.112-1 du code monétaire et financier, est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux de locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

Aux termes l'article 1217 du code civil, dans sa version applicable au litige, l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

Le bail stipule en son article VI paragraphe 11 'indexation' :

'Le loyer de base sera indexé sur l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'INSEE, que les parties choisissent un commun accord.

Cette indexation sera appliquée annuellement au 1er janvier de chaque année et la première fois à la date prévue à l'article XIV &13.

La variation de l'indice choisi sera prise en considération aussi bien en cas de hausse que dans le cas de baisse sur l'indice, mais l'application de la présente clause d'indexation ne pourra en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur au loyer de base initial précisée aux conditions particulières.

La présente clause produira donc son effet sans qu'aucune formalité préalable ne soit nécessaire.

Les indices qui seront utilisés seront les derniers indices connus et publiés d'une part à la date de prise d'effet du loyer de base initial ou du loyer de base réajusté et d'autre part la date prévue pour l'indexation annuelle.

Dans le cas où l'indexation sur l'indice choisi deviendrait légalement ou pratiquement inapplicable, les parties conviennent d'appliquer l'indice légal de substitution et, en son absence, conviendrait d'un nouvel indice ou d'un nouveau mode d'indexation.'

Le bail prévoit, en son alinéa 3, un loyer plancher puisque si la clause d'indexation peut effectivement jouer à la hausse comme à la baisse, le loyer indexé ne peut être inférieur au loyer de base prévu dans le bail. Or l'indication d'un loyer plancher fait échec au caractère automatique de l'indexation exigé par l'article L.112-1 précité en ce qu'il induit un risque de décrochage de la variation du loyer par rapport à la variation de l'indice. En effet, si l'application de l'indice aboutit à la fixation d'un loyer inférieur au loyer plancher sur une année donnée, l'indexation ne sera pas mise en oeuvre sur cette période, de sorte que la période de variation de l'indice sera ensuite supérieure à la durée s'écoulant entre deux indexations. Il en résulte que cette stipulation est illicite et doit être réputée non écrite.

En ce qui concerne le périmètre du réputé non écrit, il est désormais constant que seule la stipulation qui créée la distorsion prohibée est réputée non écrite. Il convient, dès lors, de rechercher, de manière objective, si la stipulation contraire à l'article précité peut ou non être retranchée de la clause sans porter atteinte à la cohérence de celle-ci et au jeu normal de l'indexation.

En l'espèce, la stipulation litigieuse est prévue à l'alinéa 3 dans sa deuxième partie et peut être isolée de la première partie qui prévoit le principe de l'indexation à la hausse et à la baisse et qui est séparée de la première par une virgule et ainsi rédigée', mais l'application de la présente clause d'indexation ne pourra en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur au loyer de base initial précisée aux conditions particulières.'

Cette deuxième partie peut être isolée sans que la cohérence de la clause en soit atteinte puisque la première partie rappelle les dispositions légales à savoir que l'indexation peut se faire à la hausse et à la baisse et qu'elle est séparée par une virgule s'agissant d'un signe de ponctuation qui s'emploie à l'intérieur d'une phrase pour isoler des propositions qu'il est utile de séparer ou d'isoler pour la clarté du contenu. Elle peut également être isolée des alinéas 1 et 2 qui posent le principe de l'indexation et des alinéas suivants qui précisent les indices applicables. Le reste de la clause peut ainsi parfaitement s'appliquer en l'absence de la deuxième partie de l'alinéa 3. La suppression de la stipulation illicite en deuxième partie de l'alinéa 3 permet à la clause d'indexation de retrouver le fonctionnement normal et équilibré propre à l'indexation. Il n'est d'ailleurs pas contesté que l'indexation a pu jouer chaque année sans que la clause plancher ne trouve à s'appliquer.

De plus, la société Formul ne démontre pas en quoi cette stipulation litigieuse aurait été déterminante de la volonté des parties de recourir à l'indexation.

Par ailleurs, il convient de relever que le bail ne contient pas la mention selon laquelle la clause constitue une clause essentielle et déterminante sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté de sorte qu'il ne peut être reproché au juge de forcer le contrat et de réécrire la clause d'indexation dans des termes qui ne sont pas ceux arrêtés lors de la conclusion du contrat.

Au vu de ces éléments, les dispositions de la clause d'indexation étant parfaitement divisibles, il convient d'infirmer le jugement qui a déclaré la clause non écrite en son entier et de déclarer non écrite la deuxième partie du troisième alinéa de l'article VI 11du bail précisant ', mais l'application de la présente clause d'indexation ne pourra en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur au loyer de base initial précisée aux conditions particulières.' .

Par conséquent, la société Formul qui sollicite le remboursement des sommes versées au titre de l'application de la clause d'indexation soit la somme de 102 957,26 euros HT soit 123 548,71 euros TTC avec intérêts sera déboutée de sa demande et le jugement sera infirmé.

- Sur les demandes reconventionnelles de la société Mercialys

* Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire

La société Mercialys soutient que le bail se trouve résilié de plein droit à effet du 27 mars 2018, soit un mois après la délivrance du commandement de payer du 26 février 2018. Elle conteste avoir renoncé à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire.

A titre subsidiaire, elle demande de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire au 21 décembre 2019 suite à la délivrance du commandement du 20 novembre 2019 ou à titre infiniment subsidiaire au 19 mars 2020 après la délivrance du commandent du 18 février 2020 et en dernier lieu au 2 juillet 2020 avec prise en considération de la période de protection retenue par le jugement.

En réponse, la société Formul lui oppose qu'elle a renoncé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire suite à la délivrance du commandement du 26 février 2018 en se désistant de son instance après paiement des sommes visées au commandement.

Elle soutient qu'il en est de même pour les deux commandements suivants dans la mesure où elle a réglé les sommes réclamées et dues. Elle relève la mauvaise foi du bailleur au vu de la crise sanitaire qui doit conduire au débouté de sa demande. Pour l'année 2019, elle affirme avoir réglé les sommes réclamées par chèque et n'être redevable que d'une somme de 421,34 euros. Pour les l'année 2020 et 2021, elle conteste le fait que le bailleur a facturé l'ensemble des loyers et charges alors que son local a été fermé 193 jours en 2020 et en 2021 en raison de la crise sanitaire. Elle considère que ces 193 jours de loyers et charges doivent être retirés du solde locatif. Elle invoque la reconnaissance de la crise sanitaire comme un cas de force majeure qui a temporairement empêché l'exécution du contrat de bail, l'application du principe de l'exception d'inexécution, la perte de la chose louée. Elle sollicite également la protection prévue par l'ordonnance n°2020-316 et la loi n°2020-1379 et plus précisément les articles 4 et 14 dont elle affirme que le dispositif s'applique rétroactivement depuis le 17 octobre 2020 jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'activité cesse d'être affectée par une mesure administrative. Elle expose que la protection instaurée par le législateur fait obstacle à toute demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire formée pendant cette période mais également postérieurement à celle-ci dès lors qu'elle se rattache à des loyers et charges exigibles pendant la période de protection.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le contrat de bail conclu entre les parties comporte une clause résolutoire de plein droit un mois après la signification d'un commandement de payer les loyers demeurés sans effet.

La société Mercialys a délivré à la société Formul un premier commandement de payer en date du 26 février 2018. Le jugement entrepris a relevé à bon droit qu'en se désistant de son action en résiliation de bail compte tenu des règlements intervenus, la société Mercialys avait manifestement entendu renoncer à se prévaloir du bénéfice de ce premier commandement de payer et de la clause résolutoire.

La société Mercialys a délivré à la société Formul un deuxième commandement de payer en date du 20 novembre 2019. Il n'est pas contesté que les causes de ce commandement n'ont pas été totalement apurées, c'est à juste titre que le jugement entrepris a relevé que la société Mercialys avait également renoncé à se prévaloir du bénéfice de ce commandement puisqu'elle a fait délivrer un nouveau commandement le 18 février 2020.

Ce commandement vise un montant de 31 839,83 euros au titre des loyers et charges au vu du relevé de compte locataire arrêté au 5 février 2020. Le commandement ne vise donc pas des loyers dus pendant la période affectée par les mesures de police administrative et l'action en acquisition de la clause résolutoire a été engagée avant ces mesures de police administrative liées à la crise sanitaire.

S'agissant de l'obligation de paiement du locataire, il est désormais de jurisprudence constante que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure au visa des dispositions de l'article 1148 du code civil dans sa rédaction applicable au litige et que l'impossibilité d'exercer une activité du fait des mesures gouvernementales prises pour lutter contre la propagation du virus Covid-19 ne peut exonérer un locataire à bail commercial du paiement des loyers.

De plus, il est également constant que l'impossibilité pour le preneur d'exploiter les locaux loués selon leur destination contractuelle ne constitue pas un manquement du bailleur à son obligation de délivrance prévue à l'article 1719 du code civil. L'impossibilité d'exploiter suite à l'interdiction faite par les pouvoirs publics n'est pas imputable au bailleur et en l'absence de stipulations contractuelles, comme en l'espèce, le bailleur n'est pas tenu de garantir la commercialité des locaux. Le preneur n'est donc pas fondé à se prévaloir de l'exception d'inexécution visée à l'article 1219 du code civil de son obligation de payer le loyer.

Il est également acquis que la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public avec pour seul objectif de préserver la santé publique est sans lien direct avec la destination contractuelle des locaux loués de sorte que le preneur ne peut utilement invoquer la perte de la chose louée au visa de l'article 1722 du code civil.

En ce qui concerne la période de protection, la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire a été organisée s'agissant des dispositions applicables en l'espèce par ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifié par l'ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 qui précise dans son article 1-1 que ses dispositions sont applicables aux délais et mesures ayant expiré entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus.

L'article 4 de cette même ordonnance indique que les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans le délai visé à l'article 1-I sont réputées n'avoir pas pris court ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie à l'article 1-1 précité.

Lorsque le débiteur n'a pas exécuté son obligation et que l'obligation inexécutée est née avant le 12 mars 2020 dont la sanction arrive à échéance pendant la période protégée, la date à laquelle les astreintes ou clauses contractuelles auraient dû prendre cours ou produire leurs effets est reportée à partir du 24 juin 2020 pour une durée égale au temps écoulé entre le 12 mars 2020 et la date à la quelle l'obligation aurait dû être exécutée.

Il est acquis que le délai d'un mois après la signification du commandement délivré le 18 février 2020 est venu à échéance après le début de la période de protection, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que la société Formul disposait d'un délai jusqu'au 2 juillet 2020 pour apurer les causes du commandement en application des dispositions de l'article 4 précité.

La loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire prévoit en son article 14 :

«I. - Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application du second alinéa du I de l'article L 3131-17 du même code. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.

Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.

Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite...

...IV. - Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.

Contrairement aux affirmations du preneur l'article 14 ne vise pas les actions du bailleur antérieures au 17 octobre 2020 de sorte qu'il ne peut invoquer les dispositions de cet article en l'espèce.

S'agissant de la mauvaise foi invoquée par la société Formul, elle n'est pas caractérisée en l'espèce en ce que le commandement a été délivré avant le début de la crise sanitaire.

La société Formul ne démontre pas s'être acquittée des causes du commandement du 18 février 2020 à la date du 2 juillet 2020. Le jugement qui a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 juillet 2020 sera confirmé.

- Sur le montant des loyers et charges

La société Mercialys sollicite la réformation du jugement qui a rejeté sa demande de paiement des charges à hauteur de 7 151,47 euros faute de justificatifs. Elle rappelle que le paiement des charges est une obligation contractuelle du preneur et produit, devant la cour, un tableau récapitulatif des budgets et rééditions des travaux contestés. Elle demande de lui donner acte de ce qu'elle offre à la société Formul de mettre à sa disposition, par le biais d'une consultation sur site, toutes pièces et justificatifs dont elle désirerait prendre connaissance, sur demande préalable.

Elle sollicite l'expulsion de la société Formul et tous occupants de son chef avec au besoin, le concours de la Force publique.

Elle demande la condamnation de la société Formul à lui verser l'intégralité des loyers et charges soit au 13 novembre 2023, la somme de 181 485,39 euros outre la somme de 18 148,53 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et irrévocable de 10% prévu par le contrat de bail.

Elle demande de dire que le montant du dépôt de garantie lui sera définitivement acquis et de fixer le montant de l'indemnité d'occupation au double du dernier loyer courant, indexation et charges en sus et ce conformément aux dispositions contractuelles.

La société Formul demande de confirmer le jugement qui a débouté le bailleur de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 7 151,47 euros au titre des charges en soutenant que la société Mercialys ne produit pas des pièces de nature à rapporter la preuve des charges facturées.

Elle fait valoir que le paiement des honoraires de gestion ne peut lui être imposé au visa de l'article R.145-35 du code de commerce.

Elle s'estime redevable d'une somme de 124 446,26 euros (181 485,39 euros - 47 685,06 euros au titre des loyers Covid qu'elle estime indûment facturés - 7 151,47 euros au titre des charges indûment facturées - 2 202,60 euros au titre des honoraires de gestion indûment facturés).

A titre subsidiaire, elle demande de voir réduire l'indemnité forfaitaire à 1 euro symbolique et de voir fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer.

L'article VI 10 du bail relatif au loyer stipule notamment que les loyers sont payables trimestriellement le 1er jour de chaque trimestre civil, terme à échoir par prélèvement sur compte bancaire et l'article IX précise les modalités de facturation des charges.

Devant la cour, la société Mercialys a produit un décompte précis des charges dues ainsi que les pièces justificatives correspondant de sorte qu'il convient de retenir la somme réclamée au titre des charges à hauteur de

7 151,47 euros. Le jugement qui a débouté le bailleur de cette demande sera infirmé. Il n'y a pas lieu de faire droit à la proposition de la société Mercialys faite à la société Formul de se rendre au siège gestionnaire des locaux pour prendre connaissance des documents.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Formul à remettre à la société Mercialys le formulaire d'autorisation de prélèvement ainsi que son relevé d'identité bancaire ou postale dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et au-delà sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard et ce pendant un autre délai d'un mois à l'issue duquel il devra être à nouveau fait droit.

Il résulte du relevé de compte locataire arrêté au 13 novembre 2023 produit par le bailleur que la société Formul est redevable d'une somme de

181 485,39 euros, ce montant n'est pas contesté par le preneur à l'exception des honoraires de gestion. Ces honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble ne peuvent effectivement pas être mis à la charge du preneur au visa de l'article R.145-35 du code de commerce. Ces frais qui représentent une somme de 2 202,60 euros doivent être déduits de la somme due par la société Formul à la société Mercialys au titre de l'arriéré locatif. Ainsi, la société Formul est redevable d'une somme de

179 282,79 euros.

Il n'est pas contesté qu'il n'existe aucun créancier inscrit sur le fonds de commerce exploité par la société Formul dans le local commercial loué de sorte qu'il n'y a donc pas lieu de procéder à la dénonciation de la présente procédure.

Le jugement, qui a suspendu les effets de la clause résolutoire au motif que du fait de l'annulation de l'indexation et de la compensation ordonnée, la société Formul ne se trouve plus débitrice de la société Mercialys, sera infirmé. Il sera fait droit à la demande d'expulsion de la société Formul par la société Mercialys.

S'agissant des autres demandes indemnitaires, il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur a été mis en demeure.

L'indemnité forfaitaire réclamée par le bailleur est prévue à l'article XI du bail qui stipule qu' ' sans préjudice des sanctions prévues par le présent bail ou par la loi, et en particulier de la résiliation judiciaire ou de plein droit du bail, le preneur devra verser, à défaut de paiement à bonne échéance de l'une quelconque des sommes par lui dues au bailleur, à quelque titre que ce soit, une indemnité égale à 10% du montant de celles-ci'.

Il apparaît que ces dispositions sont claires, explicites et ne nécessitent aucune interprétation. Il est établi que le bailleur a mis en demeure au travers des trois commandements de payer délivrés au preneur et qu'elle l'a également mis en demeure, au vu de ses conclusions n°3, de lui régler la dette locative de 181 485,39 euros de sorte que les conditions d'application sont réunies et que l'indemnité de 10% est due. La société Formul sera condamnée à verser la somme de 17 928, 27 euros (10% de 179 282,79 euros).

Sur la conservation du dépôt de garantie, il est constant que la clause de dépôt de garantie n'est pas une clause pénale. En effet, l'objet de la clause de dépôt de garantie est d'indemniser forfaitairement le bailleur du préjudice subi et ne vient pas sanctionner l'inexécution de sorte qu'il convient de faire droit à la demande du bailleur de conserver le dépôt de garantie et ce conformément aux dispositions de l'article VII du bail.

Sur le montant de l'indemnité d'occupation, il est prévu à l'article XIII du bail que 'l'indemnité d'occupation à la charge du preneur en cas de non-délaissement des locaux, après résiliation de plein droit et dans ce cas à compter à compter de la date d'effet du commandement ou judiciaire, ou expiration du bail, sera établie forfaitairement sur la base du double du loyer global de la dernière année de location.'

L'indemnité d'occupation égale au double du loyer prévue au contrat de bail présente le caractère d'une clause pénale. Toutefois, le preneur ne précise pas en quoi cette clause serait manifestement excessive de sorte qu'il convient de le débouter de sa demande et de faire application de la loi des parties.

Enfin, il convient de relever que la société Mercialys n'a pas chiffré sa demande d'intérêts de retard contractuels se contentant d'indiquer 'à parfaire au jour du paiement' dans sa demande de condamnation du preneur de sorte qu'il ne peut être fait droit à cette demande.

- Sur la demande de délais de paiement

La société Formul demande à être autorisée à reporter l'éventuel solde débiteur de son compte locatif à l'expiration d'un délai de 24 mois à compter du mois suivant la signification de l'arrêt aux termes des dispositions de l'article 1343-5 du code civil. Elle fait valoir que compte tenu de la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire, elle est bien fondée à solliciter des délais de paiement en ce que son activité a été totalement arrêtée entre le 16 mars et le 11 mai 2020, entre le 30 octobre et le 28 novembre 2020 et entre le 3 avril et le 19 mai 2021. Elle précise avoir été fermée pendant 131 jours et avoir subi une perte de chiffre d'affaires de plus de 50%.

La société Mercialys s'y oppose en arguant que la société Formul ne peut être considérée comme étant de bonne foi en refusant de manière persistante de respecter ses engagements contractuels qu'il s'agisse de l'indexation ou du paiement de ses dernières échéances locatives. Elle précise que son compte locatif est constamment débiteur depuis l'échéance du dernier trimestre 2016. Elle conteste le fait que le centre commercial a fermé ses portes. Elle ajoute que le site de [Localité 3] est un établissement secondaire de la société Formul qui dispose de 39 établissements actifs et qui ne justifie pas de réelles difficultés économiques de nature à l'empêcher de régler ses loyers et charges et qu'elle s'est déjà, de fait, octroyée les plus larges délais de paiement.

Aux termes des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, le compte locatif du preneur est régulièrement débiteur depuis 2016. Il apparaît que le preneur n'a repris que ponctuellement le règlement des loyers après la période Covid puisque sa dette locative s'élève à

179 282,79 de sorte qu'il ne peut être considéré comme étant de bonne foi.

A l'appui de sa demande, la société Formul verse une attestation de son expert-comptable en date du 16 novembre 2022 qui mentionne que la société a réalisé moins de 50 millions de chiffre d'affaires HT annuel en 2019,2020 et 2021 et a un effectif inférieur à 250 salariés. Cette seule pièce est insuffisante à corroborer ses affirmations selon lesquelles elle connaîtrait des difficultés financières et n'apporte aucun élément sur la situation financière actuelle de la société Formul.

Dans ces conditions, la société Formul sera déboutée de sa demande de délais de paiement.

- Sur la demande d'indemnisation pour procédure abusive formulée par la société Mercialys

La société Mercialys sollicite la condamnation de la société Formul à lui verser une somme de 5 000 euros pour procédure abusive en arguant que le preneur avait conscience du caractère éminemment infondé de ses demandes visant à l'éradication complète de la clause d'indexation en contradiction avec la jurisprudence et sans alléguer le moindre préjudice au soutien de ses demandes.

La société Formul rétorque que sa demande n'est pas abusive et est conforme à la jurisprudence et notamment à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 janvier 2018.

Il convient de rappeler que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, ce qui ne démontre pas la société Mercialys et ce d'autant que les premiers juges ont fait droit à la demande de la société Formul de sorte que la société Mercialys sera déboutée de sa demande. Le jugement qui l'a déboutée de sa demande sera confirmé.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, la société Formul sera condamnée à verser à la société Mercialys la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel. Les dispositions du jugement relatives au frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées et la société Formul sera condamnée à verser la somme de 2 000 euros à la société Mercialys au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce :

- qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 2 juillet 2020,

- qu'il a rappelé que la société Formul doit régler son loyer le premier jour de chaque trimestre civil, terme à échoir, par prélèvement automatique sur un compte,

- qu'il a condamné la société Formul à remettre à la société Mercialys le formulaire d'autorisation de prélèvement ainsi que son relevé d'identité bancaire ou postale dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision et au-delà sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard et ce pendant un autre délai d'un mois à l'issue duquel il devra être à nouveau fait droit,

- qu'il a débouté la société Mercialys de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déclare nulle et réputée non écrite non écrite la deuxième partie du troisième alinéa de l'article VI 11du bail précisant ', mais l'application de la présente clause d'indexation ne pourra en aucun cas entraîner un montant de loyer inférieur au loyer de base initial précisée aux conditions particulières.' ;

Dit que l'article VI 11 du bail s'applique pour le surplus ;

Déboute la société Formul de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Ordonne, en tant que de besoin, l'expulsion des lieux loués de la société Formul, ainsi que celle de tous les occupants de son chef, avec, si besoin est, le concours de la Force publique ;

Condamne la société Formul à payer à la société Mercialys les sommes actualisées au 13 novembre 2023 de :

- 179 282,79 euros au titre des loyers, charges et accessoires impayés,

- 17 928, 27 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et irrévocable de10 % ;

Dit que le montant du dépôt de garantie sera définitivement acquis à la société Mercialys conformément aux stipulations contractuelles ;

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation sur la base du dernier loyer exigible majoré de 50% à compter du 2 juillet 2020 et jusqu'à libération des lieux loués ;

Condamne la société Formul à payer à la société Mercialys la somme de

2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la société Formul aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel ;

Déboute la société Mercialys du surplus de ses demandes, fins et conclusions.