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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-2, 1 février 2024, n° 21/03253

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 21/03253

1 février 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre Sociale 4-2

(Anciennement 6èmechambre)

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 1er FEVRIER 2024

N° RG 21/03253 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U2EL

AFFAIRE :

[C] [B]

C/

S.A.R.L. CLASSE CONCEPT HABITAT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : C

N° RG : F 21/00071

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Grégoire BRAVAIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [B]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant: Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

APPELANT

****************

S.A.R.L. CLASSE CONCEPT HABITAT

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Grégoire BRAVAIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Novembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

La société Classe concept habitat, exerçant sous le nom commercial Mobalpa, dirigée par M. [T] [V], dont le siège social est situé [Adresse 7] à [Localité 6], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de détail de meubles.

Elle emploie moins de 10 salariés et applique la convention collective des magasins prestataires de services de cuisine à usage domestique du 17 juillet 2008.

M. [C] [B], né le 23 juillet 1962, a été engagé par la société Classe concept habitat selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2014 en qualité de vendeur-concepteur, moyennant une rémunération mensuelle fixe de 1 100 euros brut sur 12 mois outre une rémunération variable. Ce contrat a pris fin le 13 mai 2014.

M. [B] a de nouveau été engagé par la société Classe concept habitat selon contrat de travail à durée indéterminée du 8 septembre 2016 en qualité de vendeur-concepteur, avec la même rémunération fixe et une rémunération variable.

Par courrier en date du 4 avril 2017, la société Classe concept habitat a convoqué M. [B] à un entretien préalable qui s'est déroulé le 11 avril 2017.

Par courrier en date du 14 avril 2017, la société Classe concept habitat a notifié à M. [B] son licenciement pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :

'Par lettre remise en main propre du 4 avril 2017, nous vous avons adressé une convocation à un entretien préalable en vue d'examiner la mesure de licenciement que nous envisageons à votre égard. Au cours de cet entretien du 11 avril 2017, nous vous avons exposé les motifs de cet éventuel licenciement et nous avons pris note de vos observations qui ne se sont toutefois pas révélées satisfaisantes.

Aussi nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Nous vous rappelons les raisons qui nous conduisent à appliquer cette mesure :

- vous avez du mal à remplir vos objectifs qui sont mentionnés dans votre contrat de travail et votre taux de concrétisation est faible au regard des documents que vous nous avez remis sur votre activité commerciale,

- à plusieurs reprises, nous vous avions fait des observations et recadrages quant à la qualité de présentation de vos dossiers aux clients qui sont exigeants et sensibles à l'image du magasin,

- nous constatons encore des erreurs dans vos implantations et vous sous-évaluez les temps de poses.

Force est de constater qu'il n'y a pas eu d'amélioration et que vos lacunes professionnelles sur vos dossiers perdurent.

En conséquence de tout cela, vous vous dispensons d'effectuer votre préavis qui vous sera rémunéré. Il prendra fin, un mois après première présentation de cette lettre.(...)'

Par requête du 19 février 2018, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres aux fins de voir :

- déclarer M. [B] recevable et bien fondé en ses demandes,

En conséquence,

- constater que la rupture du contrat de travail de M. [B] est abusive,

- condamner la société Classe concept habitat à payer à M. [B] les sommes suivantes :

. 3 375,66 euros à titre de rappel de salaire,

. 337,56 euros brut au titre des congés payés y afférents,

. 12 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

. 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi,

. 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- ordonner la remise par la société Classe concept habitat à M. [B] d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte journalière de 100 euros par document,

- dire que le conseil se réservera le droit de procéder à la liquidation de l'astreinte,

- ordonner l'exécution provisoire sur le fondement des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société Classe concept habitat aux entiers dépens.

La société Classe concept habitat avait, quant à elle formé les demandes suivantes :

- dire et juger que le licenciement qui a été notifié à M. [B] pour insuffisance professionnelle est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter en conséquence M. [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- dire et juger que M. [B] a subtilisé indûment l'ensemble des dossiers papiers, prospect et clients,

- dire et juger que M. [B] a sciemment supprimé les comptes clients enregistrés en informatique selon constat d'huissier en date du 28 avril 2017,

- dire et juger que ce comportement constitue une faute contractuelle engageant sa responsabilité,

- constater que cette subtilisation a causé un préjudice à son employeur,

- condamner M. [B] au paiement d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial ainsi causé par la faute du salarié,

- condamner M. [B] au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 11 octobre 2021, la section commerce du conseil de prud'hommes de Chartres a :

En la forme,

- reçu M. [B] en ses demandes,

- reçu la société Classe concept habitat en ses demandes reconventionnelles,

Au fond,

- confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [B] par la société Classe concept habitat,

En conséquence,

- débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. [B] à verser à la société Classe concept habitat les sommes suivantes :

. 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Classe concept habitat du surplus de ses demandes,

- condamné M. [B] aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels.

M. [B] a interjeté appel de la décision par déclaration du 2 novembre 2021.

Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 3 novembre 2023, M. [B] demande à la cour de :

- juger M. [B] recevable et bien fondé en son appel et en toutes ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il dispose : « En la forme :

Reçoit M. [C] [B] en ses demandes,

Reçoit la société Classe concept habitat en ses demandes reconventionnelles,

Au fond :

Confirme le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [C] [B] par la société Classe concept habitat,

En conséquence,

Déboute M. [C] [B] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne M. [C] [B] à verser à la société Classe concept habitat les sommes suivantes :

. 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

. 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Classe concept habitat du surplus de ses demandes »,

Et, statuant à nouveau,

- juger que la rupture du contrat de travail de M. [B] est abusive,

- condamner la société Classe concept habitat à payer à M. [B] les sommes suivantes :

. 3 375,66 euros brut à titre de rappel de salaire,

. 337,56 euros brut au titre de congés payés y afférents,

. 12 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

. 5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

. 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation pôle emploi,

. 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Avec intérêts légaux à compter de la date de réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- ordonner la remise par la société Classe concept habitat, à M. [B], d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte journalière de 100 euros par document,

- juger que le conseil de prud'hommes devra procéder à la liquidation de ladite astreinte,

- débouter la société Classe concept habitat de ses demandes incidentes,

- condamner la société Classe concept habitat au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Classe concept habitat aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Chantal de Carfort, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 20 octobre 2023, la société Classe concept habitat demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a :

. jugé que le licenciement de M. [B] par la société Classe concept habitat reposait sur une cause réelle et sérieuse,

. débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

. condamné M. [B] à verser à la société Classe concept habitat 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné M. [B] aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels,

- confirmer sur le principe le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a condamné M. [B] à verser à la société Classe concept habitat des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- réformer sur le quantum le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de M. [B] à verser à la société Classe concept habitat des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à 500 euros et porter ce montant à 1 500 euros,

En conséquence :

- dire et juger que le licenciement qui a été notifié à M. [B] pour insuffisance professionnelle est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- juger que M. [B] a subtilisé indument l'ensemble des dossiers papiers prospect et clients,

- juger que M. [B] a sciemment supprimé les comptes clients enregistrés en informatique selon constat d'huissier du 28 avril 2017,

- juger que ce comportement constitue une faute contractuelle engageant sa responsabilité,

- constater que cette subtilisation a causé un préjudice à l'employeur,

- condamner M. [B] au paiement d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial ainsi causé par la faute du salarié,

- condamner M. [B] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 8 novembre 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 24 novembre 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Il convient d'indiquer à titre liminaire qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir 'constater', 'juger' ou 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais sont la reprise des moyens des parties.

Sur le licenciement

M. [B] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en l'absence de preuve de l'existence et du sérieux des motifs qui sont invoqués et que sa véritable raison n'est pas son insuffisance professionnelle mais un motif économique.

La société Classe concept habitat répond qu'après son embauche en 2016, elle a constaté que M. [B] avait des difficultés à accomplir ses missions et qu'elle a donc renouvelé sa période d'essai ; que les résultats ne s'étant pas améliorés, elle a notifié à M. [B] la rupture de sa période d'essai à effet au 5 novembre 2016 ; que sur l'insistance de M. [B] et ses promesses d'un redressement de ses résultats, elle a accepté de lui donner une dernière chance et l'a maintenu dans son emploi ; que faute d'atteinte des résultats escomptés, elle a procédé à son licenciement, qu'elle estime fondé, contestant avoir connu des difficultés économiques.

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s'apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d'une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, pour justifier le licenciement, les manquements doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle.

En l'espèce, le licenciement est fondé sur une insuffisance professionnelle et repose sur trois manquements.

1 - sur l'insuffisance de résultats

La lettre de licenciement reproche à M. [B] d'avoir du mal à remplir les objectifs qui sont mentionnés dans son contrat de travail et d'avoir un faible taux de concrétisation dans son activité commerciale, ce qui constitue une insuffisance de résultat.

Des objectifs peuvent être fixés au salarié par accord des parties ou décision de l'employeur seul, dans le cadre de son pouvoir de direction.

Le seul fait que les résultats ne soient pas atteints ne constitue pas en soi un motif de licenciement.

L'insuffisance de résultats peut justifier un licenciement lorsque le salarié disposait des moyens nécessaires à l'accomplissement des objectifs, que ceux-ci étaient réalisables et que le secteur d'activité ne connaissait pas de difficultés particulières de nature à expliquer ces résultats limités.

Le juge doit rechercher si les mauvais résultats sont imputables au salarié, c'est à dire s'ils proviennent de son insuffisance professionnelle ou d'un comportement fautif.

La société expose que M. [B] n'a pas atteint ses objectifs contractuels au cours de l'année 2016, raison pour laquelle sa période d'essai a été renouvelée puis rompue ; qu'il était également bien en-deçà de ses objectifs en 2017, ce que le salarié a reconnu. Elle estime que cette insuffisance de résultat ne procède que de l'insuffisance professionnelle de M. [B] qui s'est présenté à l'embauche en faisant valoir une compétence professionnelle ancienne dans son secteur et qui n'a pas contesté le caractère réaliste et atteignable de ses objectifs contractuels. Elle souligne que Mme [R] [I], binôme de M. [B], a quant à elle atteint ses objectifs.

Elle conteste l'absence de terminal de paiement de carte bleue dans le magasin et estime que ce fait ne pourrait expliquer l'absence d'atteinte des objectifs de M. [B].

M. [B] répond qu'il a toujours contesté l'insuffisance de résultat alléguée à son encontre pour les besoins de la cause après qu'il a refusé de démissionner et de signer une rupture conventionnelle. Il fait valoir que lorsqu'il a été engagé pour la seconde fois par la société en 2016, l'objectif mensuel incombait au binôme qu'il constituait avec sa collègue et non à lui seul, et qu'il a été atteint voire largement dépassé en janvier et mars 2017. Il impute la baisse du chiffre d'affaires à la situation qu'il a trouvée lors de son embauche (nombre de prospects en portefeuille très réduit, nombreux litiges avec la clientèle), à l'environnement peu favorable du magasin de [Localité 6] qui était délaissé car il devait faire l'objet d'un transfert dans un nouveau local commercial, à la fermeture du magasin de [Localité 8], à la réduction des charges salariales. Il expose encore qu'il a été exclu de formations qualifiantes et que malgré cet environnement morose, il avait réussi au bout de 3 mois à relancer l'activité pour atteindre les objectifs avec son binôme, percevant des commissions en constante augmentation.

Lorsque M. [B] a été embauché par la société Classe concept habitat en 2016, il était connu de cet employeur, M. [V] l'ayant lui-même auparavant embauché pour le compte de la société en contrat à durée indéterminée le 1er février 2014, ce que la société n'évoque à aucun moment dans ses écritures (contrat de travail - pièce 2 du salarié). Le curriculum vitae produit en pièce 12 par la société, qui fait état d'une expérience antérieure dans trois autres grandes enseignes exerçant dans le même secteur, date manifestement de l'époque de la première embauche puisqu'il ne mentionne pas le premier emploi de M. [B] chez Mobalpa. Les parties n'expliquent d'ailleurs pas pourquoi ce premier contrat s'est achevé le 13 mai 2014 (fiches de paye - pièce 3 du salarié). Ce premier contrat prévoyait une rémunération fixe et une rémunération variable liée à un objectif minimum mensuel de ventes de 30 000 euros hors taxes.

C'est donc en toute connaissance des compétences de M. [B] que M. [V] l'a de nouveau embauché par contrat de travail à durée indéterminée du 8 septembre 2016, qui prévoyait une période d'essai d'un mois pouvant être renouvelée une fois, outre une rémunération fixe et une rémunération variable sur la base suivante : 'l'objectif minimum mensuel des ventes devra être égal à 40 000 euros hors taxes dans le cadre d'un travail en binôme avec la collaboratrice en place. Dans le cadre du travail en binôme, la rémunération variable se fera donc sur la totalité des ventes réalisées par le magasin' (pièce 4 du salarié).

Le seuil mensuel minimal de ventes de 40 000 euros hors taxes n'était donc pas l'objectif personnel de M. [B] mais celui du binôme du magasin (M. [B] et sa collègue Mme [R] [I]).

Par courrier du 6 octobre 2016, la société Classe concept habitat a renouvelé la période d'essai de M. [B] jusqu'au 6 novembre 2016, en faisant valoir que sa brièveté ne lui avait pas permis d'apprécier convenablement ses aptitudes professionnelles (pièce 11 de la société).

Par courrier du 2 novembre 2016, elle a notifié à M. [B] la rupture de sa période d'essai et la fin de son contrat au 5 novembre 2016, estimant que l'essai n'était pas concluant (pièce 13 de la société). Les relations contractuelles se sont néanmoins poursuivies.

Pour justifier de la matérialité de l'insuffisance de résultat, l'employeur produit :

- s'agissant de l'année 2016 : les résultats des ventes de M. [B] à compter de son embauche (pièce 21) : 0 euro en septembre et en octobre, 21 370,98 euros en novembre et 10 007,12 euros en décembre.

A défaut de production des résultats de son binôme, Mme [I], il n'est pas établi que l'objectif n'a pas été rempli pour cette période,

- s'agissant de l'année 2017 : les résultats de M. [B] et de Mme [I] de janvier à avril 2017 (pièce 16) :

° janvier : M. [B] : 5 766,21 euros - Mme [I] : 38 110,08 euros soit 43 876,29 euros au total,

° février : M. [B] : 31 152,12 euros - Mme [I] : 1 280,83 euros soit 32 432,95 euros au total,

° mars : M. [B] : 11 697,05 euros - Mme [I] : 41 065,91 euros soit 52 762,95 euros au total,

° avril : M. [B] : 473,33 euros - Mme [I] : 0 euros, soit 473,33 euros au total.

Il en ressort que les résultats du binôme ont excédé les objectifs en janvier et mars mais qu'ils ont été inférieurs aux objectifs en février 2017. Il est relevé que si Mme [I] a eu un résultat meilleur que M. [B] en janvier et mars, l'inverse est survenu en février. Les résultats d'avril ne sont pas significatifs, M. [B] ayant été licencié par courrier du 14 avril.

L'insuffisance de résultats du mois de février 2017 ne peut être imputée à M. [B] dès lors que ce dernier a réalisé durant ce mois un résultat bien meilleur que celui de sa collègue. Au surplus, elle n'est pas suffisamment durable pour justifier un licenciement, alors que les résultats ont été meilleurs et supérieurs à l'objectif le mois suivant. En outre, M. [B] a perçu des commissions pour les ventes réalisées (pièces 16 des deux parties).

Il en ressort que le manquement de M. [B] n'est pas établi, sans qu'il y ait lieu d'examiner si l'environnement de travail du salarié était défavorable comme il le soutient.

2 - sur l'absence de qualité du travail

La lettre de licenciement indique qu'à plusieurs reprises des observations et recadrages ont été faits à M. [B] quant à la qualité de présentation de ses dossiers clients.

La société expose que la présentation des dossiers est un marqueur de son image, qu'un dossier mal présenté fait craindre aux clients que la réalisation de leur cuisine ne soit pas à la hauteur de leurs espérances et que M. [B] n'a jamais contesté la réalité de ce grief.

M. [B] réplique que l'employeur ne rapporte pas la preuve du grief, qu'il a contesté et conteste encore. Il fait valoir que les projets étaient standardisés et de qualité car établis à l'aide d'un logiciel informatique, qu'il n'a pas été formé à certains logiciels et a été exclu d'une formation sur un nouveau logiciel par son employeur.

La société, sur laquelle repose la charge de la preuve de la réalité du manquement, ne produit aucune pièce établissant d'une part que les dossiers réalisés par M. [B] étaient mal présentés et d'autre part que la remarque lui en a été faite à plusieurs reprises.

Le manquement n'est donc pas établi.

3 - sur les erreurs commises

La lettre de licenciement reproche à M. [B] d'avoir commis des erreurs dans les implantations et sous-évalué les temps de poses.

La société fait valoir que le salarié n'a pas contesté ce grief et qu'il a admis ses erreurs successives qui ont dégradé l'image de la société puisque dans ses conclusions il fait reposer ses erreurs sur les clients.

M. [B] réplique que ce grief n'est pas prouvé, qu'il l'a contesté et le conteste encore, expliquant que les projets initiaux sont établis d'après les mesures communiquées par les clients, la vérification ultérieure du métrage par l'installateur pouvant entraîner une modification de l'agencement de la cuisine.

La société ne produit pas la moindre pièce justifiant de la réalité du grief, notamment aucune plainte de client dénonçant des erreurs commises par M. [B]. Le manquement n'est donc pas établi.

4 - sur les difficultés économiques de l'employeur

M. [B] soutient que son licenciement est en réalité lié à la réorganisation des sociétés de M. [V], gérant de la société Classe concept habitat, qui souhaitait ouvrir un nouveau magasin Mobalpa au [Adresse 4] à [Localité 6] en fermant les magasins de la même enseigne situés [Adresse 7] à [Localité 6] et [Adresse 3] à [Localité 8], ce qui le conduisait à faire partir ou à licencier des salariés. Il souligne qu'il n'est pas justifié que le nouveau magasin de [Localité 8] a ouvert en 2017 et soutient que le nouvel associé de la société ne souhaitait pas conserver tous les anciens salariés.

La société Classe concept habitat conteste avoir rencontré des difficultés économiques, se prévaut de la progression régulière de son chiffre d'affaires et de ses dépenses publicitaires et fait valoir que M. [B] tente d'entretenir une confusion entre les deux entreprises détenues par M. [V]. Elle expose que la société Classe de [Localité 8] a changé de siège social en poursuivant son activité dans un autre local et que la société Classe concept habitat a déménagé à courte distance de son ancien local aux fins d'avoir un show-room plus grand.

Il ressort des pièces versées au débat (extraits Kbis, extraits de sites internet, procès-verbaux d'assemblées générales des sociétés) que M. [V] était le gérant de :

- la société Classe, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre le 8 août 2000 sous le numéro 432 430 726, exerçant sous l'enseigne Mobalpa, dont le siège social initialement situé [Adresse 3] à [Localité 8] a été transféré à compter du 1er janvier 2020 dans la même ville au [Adresse 1], selon décision d'assemblée générale du 29 mai 2020, avec fermeture à la même date de l'établissement situé au [Adresse 3],

- la société Classe concept habitat, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre le 19 mai 2011 sous le numéro 532 440 591, exerçant sous l'enseigne Mobalpa, dont le siège social initialement situé [Adresse 7] à [Localité 6] a été transféré le 3 janvier 2018 dans la même ville au [Adresse 4], selon décision d'assemblée générale du 3 novembre 2017, qui mentionnait également la cession des parts sociales détenues par la société Classe à M. [O], nouvel associé.

Le licenciement de M. [B] est ainsi intervenu quelques mois avant le transfert du magasin de [Localité 6] dans de nouveaux locaux et plusieurs années avant le transfert du magasin de [Localité 8] dans de nouveaux locaux.

Le fait que le magasin de [Localité 6] était délaissé et qu'il en découlait des difficultés économiques pour la société ne ressort que des affirmations de M. [B] dans ses courriers et d'aucune pièce objective versée au débat.

La société produit au contraire en pièce 17 des extraits de son compte de résultat qui montrent une progression de son résultat d'exploitation : 5 906 euros en 2015 et 24 076 euros en 2016.

Si l'amélioration de ce résultat est certes en partie liée à une baisse de la charge salariale (54 794 euros en 2016 contre 74 559 euros en 2015), le chiffre d'affaires a cependant évolué favorablement : 472 480 euros en 2015 et 483 417 euros en 2016.

Il n'est donc pas établi que le licenciement de M. [B] avait en réalité un motif économique.

En tout état de cause, les manquements invoqués par l'employeur n'étant pas établis, le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse, par infirmation de la décision entreprise.

M. [B] réclame, sur le fondement des anciennes dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, une indemnisation de 12 000 euros au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, faisant valoir que son préjudice est lié à son âge au moment de la rupture et au temps mis à retrouver un emploi.

La société répond que l'âge n'est pas un obstacle à retrouver un emploi dès lors qu'elle avait embauché M. [B] alors qu'il était âgé de 54 ans, que M. [B] ne justifie, ni avoir perçu des allocations chômage, ni avoir recherché un emploi.

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1987 du 22 septembre 2017 applicable au litige, prévoyait que : 'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.'

En l'espèce, M. [B] a été licencié à l'âge de 54 ans alors qu'il avait une ancienneté de 8 mois dans l'entreprise. Il produit une attestation d'inscription à Pôle emploi du 10 novembre 2015 au 28 février 2017, période durant laquelle il était pour partie salarié de la société Classe concept habitat, puis du 15 mai 2017 au 1er juillet 2018, sans pour autant justifier qu'il a perçu une allocation de retour à l'emploi (pièce 18).

Sur la base des salaires perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement et dans la limite de la demande formée par le salarié, la cour lui allouera l'indemnité de 12 000 euros sollicitée, par infirmation de la décision entreprise.

La somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui en fixe le principe et le montant et la capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable

M. [B] réclame paiement d'un rappel de salaire de 3 375,66 euros et des congés payés afférents en faisant valoir qu'il n'a pas perçu l'ensemble des commissions auxquelles il pouvait prétendre et que son employeur les a récupérées de manière injustifiée au moment du solde de tout compte pour un montant de 2 611,63 euros.

La société répond que M. [B] n'explique pas la somme qu'il demande et fait valoir qu'il a été rempli de ses droits par le versement chaque mois des commissions qui lui étaient dues.

Le contrat de travail de M. [B] mentionne que la rémunération variable, basée sur un objectif mensuel minimal de ventes de 40 000 euros hors taxe pour le binôme, sera de :

'- 4 % sur les meubles avec un coefficient minimum de 2,4 sur la base d'une tva à 20 %,

exemple prix achat 1 500 ht / prix de vente minimum ht 1 500 € x 2,4 = 3 600 €.

- 4 % sur l'électroménager si le prix de vente correspond aux prix du marché (ex : Darty),

- 3 % sur les travaux à compter d'un minimum de 25 % de marge,

- 4 % sur le granit, marbre et assimilé ainsi que le corian à compter d'un minimum de 30 % de marge brute,

- 4 % sur les sanitaires et accessoires à compter d'un minimum de 30 % de marge brute. (...)

Dans l'hypothèse d'un départ définitif du salarié, M. [B] [C] accepte que sa rémunération variable soit minorée, afin de compenser le travail restant à effectuer sur ses dossiers de :

- 25 % pour les commandes livrées posées dans les trois mois suivants le départ,

- 15 % pour les commandes livrées posées dans un délai supérieur à trois mois.'

M. [B] fonde sa réclamation sur deux documents.

Il produit en pièce 24 l'extrait tronqué d'un tableau mentionnant uniquement le total des ventes TTC du mois de mars 2017 (97 157 euros) pour le salarié '[Localité 6]', qui s'applique donc au binôme qu'il formait avec sa collègue et non à lui-même et qui au surplus ne comporte aucun calcul de commission et aucun élément permettant d'effectuer un calcul.

Il produit en pièce 16 un tableau le concernant cette fois, établi par l'employeur, sur lequel est retrouvée la somme qu'il demande. Il y est mentionné en effet qu'il devait percevoir au titre de l'exercice 2016/2017 des commissions d'un montant total de 3 375,66 euros soit :

- s'agissant des 4 % applicables à l'électroménager et aux fournitures : 2 580,93 euros et 782,73 euros,

- s'agissant des 3 % applicables aux travaux : 12 euros.

Sont cependant mentionnées des retenues, qui correspondent de toute évidence à la minoration des rémunérations variables applicables en cas de départ du salarié, prévues au contrat de travail, pour un total de 765,64 euros soit :

- sur la somme de 2 580,93 euros : '- 645,23 regul - 25 % cf contrat travail',

- sur la somme de 782,73 euros : '- 117,41 regul - 15 % cf contrat travail',

- sur la somme de 12 euros : '- 3,00 regul - 25 %'.

Il ressort des fiches de paie de M. [B] qu'il a perçu chaque mois de janvier à avril 2017 des commissions d'un montant total de 4 811,94 euros outre une avance sur commission de 863,53 euros en avril 2017 (pièce 10 du salarié).

Ont été retenues sur le bulletin de paie du mois de mai 2017 les sommes suivantes :

- 765,64 euros à titre de 'regul commissions cf contrat',qui correspond à la minoration des rémunérations variables en cas de départ du salarié telles que calculées supra,

- 603,77 euros au titre de la régularisation de l'avance sur commissions de décembre 2016,

- 863,53 euros au titre de la régularisation de l'avance sur commissions d'avril 2017.

La somme de 446 euros a en revanche été versée à titre d'avance sur les commissions de mai 2017 et les autres sommes retenues correspondent à des indemnités de congés payés sur commissions et des heures d'absence non rémunérées.

M. [B] ayant été ainsi rempli de ses droits au titre de la rémunération variable, il sera débouté de sa demande en paiement, par confirmation de la décision entreprise.

Sur le préjudice moral du salarié

M. [B] fait valoir que son employeur a mis un terme à son contrat de travail en violant de nombreuses règles légales des plus élémentaires, qu'il n'a pas hésité à lui demander de venir travailler durant son préavis dont il l'avait dispensé et à l'accuser de vol de documents alors qu'il n'avait fait qu'emprunter des dossiers de prospects pour en faire des photocopies et faire valoir ses droits dans la procédure à venir en démontrant l'importance de sa charge de travail. Il soutient que son licenciement a eu lieu dans des conditions vexatoires car il a été victime d'une agression de la part de son employeur.

La société répond que les faits isolés commis par l'employeur sont intervenus dans un contexte particulier et que la plainte a été classée sans suite sous réserve que le salarié restitue les documents qu'il avait volés à son employeur.

Un licenciement fondé peut néanmoins ouvrir droit à une indemnisation au profit du salarié du fait de circonstances brutales et vexatoires l'ayant accompagné, à la condition de justifier d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement et d'un préjudice spécifique.

M. [B] a été licencié par courrier du 14 avril 2017 le dispensant de l'exécution de son préavis d'une durée d'un mois.

Il ne justifie pas par la production d'une pièce objective que son employeur l'a contraint de travailler durant son préavis, comme il l'a soutenu dans un courrier de son conseil du 7 juin 2017.

Il est cependant établi qu'il se trouvait dans les locaux de la société le 18 avril, puisqu'il lui est reproché d'avoir effacé des fichiers informatiques à cette date, et le 21 avril 2017, date à laquelle il a eu une altercation avec son employeur.

M. [V] a écrit le 21 avril 2017 qu'il signifie 'à nouveau' à M. [B] qu'il ne souhaite pas qu'il effectue son préavis (pièce 7 du salarié).

Le 22 avril 2017 M. [B] a déposé plainte contre M. [V] pour les menaces réitérées de violences proférées à son encontre le 21 avril. Il a relaté que le 21 avril, M. [V] a congédié sa collègue à 17h30 et lui a ensuite demandé de lui remettre les clés du magasin, la puce électronique de son portable professionnel et l'a accusé de vol de documents ; qu'après qu'il lui a fait constater que les documents (factures, chèque) lui avaient été remis, M. [V] lui a demandé de restituer les notes personnelles qu'il avait à la maison. M. [B] relate avoir alors appelé la police qui lui a dit de régler cela au niveau des prud'hommes ; que pendant qu'il parlait à la police, M. [V] lui a arraché le téléphone des mains, est devenu violent, l'a insulté (voleur, crétin) et a menacé de le frapper et de détruire son portable ; qu'il n'a pas été frappé car ayant peur, il s'est réfugié dans les toilettes ; que M. [V] a fini par accepter de lui signer une décharge indiquant qu'il pouvait quitter son poste ; que la scène a duré jusqu'à 20heures (pièce 15 du salarié).

Lorsqu'il a été entendu le 21 juillet 2019, M. [V] a indiqué que M. [B] refusait de quitter l'entreprise le 21 avril. Il a reconnu avoir traité M. [B] de 'noms d'oiseau' lorsqu'il a refusé de lui restituer les fiches découvertes clients qui sont la base du travail car elles contiennent les coordonnées des clients, leurs besoins et demandes ; qu'il a repris la conversation lorsque M. [B] a dit au policier qu'il l'avait traité de voleur et que la police lui a confirmé que le refus de restitution des documents constituait un vol. Il a reconnu s'être interposé de manière virulente lorsque M. [B] a voulu appeler un client du magasin qui est avocat, après avoir une nouvelle fois refusé de quitter le magasin. Il a reconnu les injures mais non les menaces, indiquant que les deux hommes s'étaient bousculés mutuellement.

M. [V] a lui-même déposé une main-courante pour vol de documents à l'encontre de M. [B] le 22 avril 2017 puis une plainte le même jour (pièces 7, 8 et 22 de la société). Au cours de la confrontation qui s'est tenue le 21 juillet 2017, M. [B] a reconnu avoir conservé ses notes personnelles et n'a consenti à les restituer à son employeur que si ce dernier entrait en négociation avec son avocat pour modifier les motifs de son licenciement afin qu'il puisse bénéficier des droits sociaux liés à un licenciement économique. La plainte a été classée sans suite après que M. [B] a remis, à la demande du Parquet, les documents qu'il avait conservés, à la police qui les a restitués à M. [V] le 31 juillet 2017.

L'énervement certes excessif de M. [V] ayant été causé par la conservation de documents de travail originaux par M. [B], il ne peut être retenu que les circonstances du licenciement ont été vexatoires et de nature à permettre d'allouer des dommages et intérêts à M. [B].

M. [B] sera en conséquence débouté de sa demande indemnitaire, par confirmation de la décision entreprise.

Sur la remise tardive de l'attestation Pôle emploi

M. [B] sollicite 2 000 euros de dommages et intérêts au motif que l'attestation destinée à Pôle emploi lui a été adressée avec retard et non pas dans le délai inférieur à 8 jours fixé par la jurisprudence, de sorte qu'il n'a pu s'inscrire à Pôle emploi et qu'il est demeuré de longs mois sans le moindre revenu. Il fait valoir qu'il ne pouvait pas aller chercher ses documents de fin de contrat en raison de l'agression qu'il avait subie.

La société répond que les documents de fin de contrat sont quérables et non portables mais que lorsqu'elle a constaté que M. [B] ne venait pas les chercher, elle les lui a adressés par voie postale, en intégrant les éléments de paie du mois de mai. Elle estime que M. [B] ne justifie pas d'un préjudice, notamment en ce qu'il a été inscrit à Pôle emploi rétroactivement au 15 mai 2017.

Les articles L. 1234-19, L. 1234-20 et R. 1234-9 du code du travail prévoient que l'employeur délivre au salarié, à l'expiration du contrat de travail, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et des attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations de chômage.

Les textes ne prévoient aucun délai de délivrance de ces documents qui sont quérables et non portables, la seule obligation de l'employeur étant d'établir les documents et de les tenir à la disposition du salarié.

L'absence ou le retard de délivrance de ces documents constitue un manquement de l'employeur à ses obligations qui peut conduire à allouer des dommages et intérêts au salarié qui justifie en avoir subi un préjudice, la jurisprudence citée par M. [B] qui retient l'existence d'un préjudice 'nécessaire' pour le salarié du fait du retard à délivrer les documents de fin de contrat étant obsolète.

En l'espèce, M. [B] a été licencié par courrier du 14 avril 2017 qui indique que les documents de fin de contrat lui seront remis au terme du contrat de travail, à l'issue du préavis d'un mois. Les documents devaient donc être tenus à disposition de M. [B] à compter du 14 mai 2017.

M. [B] explique qu'il n'est pas allé chercher les documents en raison de l'altercation qui s'est produite le 21 avril 2017, qui a pour cause le fait qu'il a refusé de restituer à son employeur des documents appartenant à la société.

La société a établi les documents le 1er juin 2017 et les lui a adressés par courrier recommandé du 2 juin 2017 reçu le 9 juin.

M. [B], qui a été inscrit à Pôle emploi à compter du 15 mai 2017, ne justifie pas être demeuré de longs mois sans revenus comme il l'allègue ni avoir subi un retard dans l'indemnisation de son chômage.

En conséquence, il sera débouté de sa demande, par confirmation de la décision entreprise.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Compte tenu du sens de la décision, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande, par confirmation de la décision entreprise.

Sur la demande reconventionnelle

La société Classe concept habitat sollicite une indemnisation de 1 500 euros en réparation du préjudice que lui ont causé le vol et la destruction informatique de dossiers clients par M. [B]. Elle rappelle que M. [B] a emporté à son domicile des dossiers, papiers des prospects et clients du magasin, qui n'ont été rendus que le 27 juillet 2017, trois mois après le licenciement, suite à un dépôt de plainte et à l'intervention de la police. Elle ajoute qu'il a 'écrasé' l'ensemble des fichiers clients qui étaient présents en informatique, ce qui dénote une intention de nuire. Elle expose qu'elle s'est brutalement trouvée dans l'impossibilité de traiter les dossiers confiés et de contacter ses prospects et sa clientèle, perdant potentiellement un chiffre d'affaires de 150 000 à 250 000 euros.

M. [B] réplique qu'il n'a pas emmené l'ensemble des dossiers des clients, qui sont enregistrés sur le logiciel de la société, et qu'il n'a emporté que quelques dossiers papier des prospects qui sont non aboutis et régulièrement jetés, pour les photocopier aux fins de faire valoir ses droits notamment quant aux heures supplémentaires accomplies. Il conteste qu'il s'agit d'un vol et soutient que l'employeur n'a subi aucun préjudice notamment du fait qu'il a restitué les dossiers.

M. [B] nie avoir effacé des fichiers clients et émet des réserves sur l'attestation de Mme [I], faisant valoir qu'elle est dans un lien de subordination à l'égard de la société et que le magasin a fermé au moment du départ de M. [B], de sorte qu'elle n'y travaillait plus.

Ainsi qu'indiqué plus avant, il ressort des déclarations des parties à l'occasion des dépôts de plainte qu'elles ont formées que M. [B] a emporté à son domicile, au moment de son licenciement, des dossiers de prospects de la société qui l'employait, aux fins de photocopies pour justifier de son travail et de la réalisation d'heures supplémentaires.

Le fait que les documents en cause étaient des notes personnelles prises par M. [B], qui n'étaient jetées qu'après la réalisation ou l'abandon des projets, ne justifie pas leur conservation dès lors qu'ils étaient établis sur des formulaires de la société et comportaient les noms et coordonnées de prospects ainsi que leurs besoins et demandes (dossiers clients produits en copie en pièce 22 par le salarié). Si elle n'était pas en possession de ces informations, la société était dans l'incapacité de contacter ces clients et de donner suite à leurs demandes, ce qui nuisait à son chiffre d'affaires et à son image.

Si le droit à la preuve pouvait permettre à M. [B] de photocopier ces dossiers, il ne l'autorisait pas pour autant à les conserver, au risque de porter préjudice à la continuité de l'activité de son employeur, au surplus malgré les demandes de restitution faites par son employeur, directement le 21 avril 2017 puis par courrier de son conseil du 16 juin 2017 (pièce 6 de la société). Confronté le 21 juillet 2017 à M. [V] dans le cadre de la plainte pour vol de documents déposée par ce dernier le 22 avril 2017, il a maintenu son refus de restituer les documents et ne les a remis à la police (47 dossiers) fin juillet que sur injonction du Parquet. Force est de constater que M. [B] ne forme pas de demande en paiement d'heures supplémentaires sur la base des documents conservés.

Mme [I] atteste avoir été 'dans l'incapacité de travailler pendant 10 jours environ depuis le départ de M. [C] [B] qui était due à la disparition intentionnelle des fichiers clients informatiques et des dossiers papiers des prospects-clients. Nous n'étions que 2 salariés à travailler sur le site' (pièce 18). M. [B] ne prouve pas que le magasin a été fermé dès son départ de la société.

La société produit en pièce 10 un constat d'huissier établi le 28 avril 2018 dont il ressort que dans 17 fichiers clients, seul le nom du client demeure, les autres coordonnées (prénom, adresse, téléphone, portable, fax, e-mail) sont vides, les fichiers ayant été modifiés les 14, 18 ou 21 avril 2017, entre 13h34 et 13h52 en ce qui concerne le 18 avril.

M. [B] fait valoir que Mme [I] était en congés le 18 avril et qu'il a été relayé par son employeur lorsqu'il allait déjeuner. Cependant on comprend mal l'intérêt qu'aurait eu l'employeur à effacer ses propres fichiers pour mettre en difficulté son entreprise.

Il est ainsi à tout le moins établi que M. [B] a conservé des documents appartenant à la société plus de 3 mois après son licenciement.

Cependant, le seul fait que M. [V] affirme dans son dépôt de plainte que les dossiers détenus par M. [B] ont 'une valeur potentielle basée sur les devis entre 150 000 et 250 000 euros' ne suffit pas à justifier l'ampleur du préjudice de la société, qui n'est rapporté par aucune autre pièce.

En conséquence, la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. [B] à payer à la société Classe concept habitat une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, la société Classe concept habitat sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit du conseil de M. [B] en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée à verser à M. [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 11 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a :

- confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [B] par la société Classe concept habitat,

- débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- condamné M. [B] à verser à la société Classe concept habitat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels,

Le confirme pour le surplus,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [C] [B] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Classe concept habitat à payer à M. [C] [B] une somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Classe concept habitat aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me Chantal de Carfort, avocat,

Condamne la société Classe concept habitat à payer à M. [C] [B] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Classe concept habitat de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président