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Décisions

Cass. com., 7 février 2024, n° 23-40.016

COUR DE CASSATION

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Boutié

Avocat général :

M. de Monteynard

Avocat :

SCP L. Poulet-Odent

T. com. Toulouse, du 16 nov. 2023

16 novembre 2023

Faits et procédure

1. M. [K], qui a succédé à M. [U] en qualité de gérant de la société Heda construction, a demandé l'ouverture d'une procédure collective le 31 octobre 2019.

2. Un jugement du 14 novembre 2019 a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Heda construction. Un jugement du 8 décembre 2022 a reporté la date de cessation des paiements, initialement fixée au 21 octobre 2019, au 31 mars 2019.

3. La société BDR & associés, désignée en qualité de liquidateur judiciaire, a assigné MM. [U] et [K] en responsabilité pour insuffisance d'actif et en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou, à défaut, d'interdiction de gérer.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Par un jugement du 13 novembre 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « Les dispositions des articles L. 653-8, alinéa 3 et L. 653-1, I, 2° du code de commerce en ce qu'elles permettent de sanctionner le gérant de fait d'une personne morale pour avoir omis sciemment de déposer la déclaration de cessation des paiements alors même qu'iI n'en a pas le pouvoir, sont-elles conformes à la Constitution du 4 octobre 1958 et aux textes auxquels renvoie son préambule, notamment aux dispositions de l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne M. [U].

6. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

8. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

9. Sous couvert d'une prétendue atteinte portée par les articles L. 653-8, alinéa 3 et L. 653-1, I, 2° du code de commerce à l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la question repose en réalité sur une interprétation de l'article R. 631-1 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article R. 641-1, texte réglementaire dont il est prétendu qu'il interdirait au dirigeant de fait de demander l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire.

10. Or, une telle interprétation n'est pas consacrée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Au contraire, celle-ci, en admettant qu'un dirigeant de fait puisse être sanctionné pour ne pas avoir demandé l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai légal applicable à compter de la cessation des paiements (Com., 6 janvier 1998, pourvoi n° 95-18.478, Bulletin civil 1998, IV, n° 6) et qui sanctionne également les administrateurs de société pour s'être abstenus d'exiger du représentant légal de la personne morale d'effectuer la déclaration de cessation des paiements qui s'imposait (Com., 25 mars 1997, pourvoi n° 95-10.995, Bulletin 1997, IV, n° 85 ; Com., 31 mai 2011, pourvois n° 09-13.975, 09-67.661, 09-14.026, 09-16.522, Bull. 2011, IV, n° 87), admet implicitement mais nécessairement qu'un dirigeant de fait puisse demander l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire.

11. La question, qui repose sur un postulat erroné et porte en réalité sur un texte de nature réglementaire, ne revêt pas de caractère sérieux.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.