Cass. soc., 31 janvier 2024, n° 22-10.276
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sommer
Rapporteur :
M. Pietton
Avocat général :
Mme Grivel
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Poupet et Kacenelenbogen
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 septembre 2021) et les productions, M. [I] a été engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 12 février 2015 par la société Leader sécurité.
2. Après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Leader sécurité le 31 août 2017, le tribunal a prononcé le 17 août 2018 sa liquidation judiciaire et a arrêté un plan de cession de ses actifs, avec pour cessionnaire la société Groupe SAG, en précisant que l'entrée en jouissance de cette dernière aurait lieu à la date du jugement arrêtant le plan de cession.
3. Un avenant au contrat de travail a été soumis à la signature du salarié le 17 août 2018 par la société Agence alpine gardiennage sécurité (la société SAGS) aux fins de transférer son contrat de travail à cette société. Le salarié a refusé de le signer, soutenant que la société Groupe SAG demeurait son employeur.
4. Le 29 août 2018, à l'occasion d'un litige l'opposant à la société Leader sécurité devant la juridiction prud'homale, le salarié a appelé en intervention forcée la société Groupe SAG, la société SAGS ainsi que M. [N], en sa qualité d'administrateur judiciaire et la société Luc Gomis, aux droits de laquelle est venue la société MJ synergie, en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société, ainsi que l'AGS CGEA d'[Localité 8], pour faire juger que son contrat de travail avait été transféré à la société Groupe SAG et que le transfert décidé à la société SAGS était frauduleux.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Groupe SAG fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail du salarié a été transféré de plein droit en son sein en application du jugement du tribunal de commerce du 17 août 2018, alors « que le transfert de plein droit des contrats de travail organisé par l'article L 1224-1 du code du travail a pour objet d'assurer la pérennité de l'emploi des salariés ; qu'en affirmant, pour dire que la société Groupe SAG était l'employeur de M. [I] à compter du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 août 2018, que le transfert du contrat de travail de M. [I] au profit de la société SAGS s'était fait en fraude de l'article L 1224-1 du code du travail et du jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 août 2018, dès lors que l'offre de reprise avait été présentée par la société Groupe SAG, après avoir pourtant relevé que les contrats de travail des salariés, dont celui de M. [I], s'étaient poursuivis au sein de la société SAGS de sorte que bien que le transfert ait opéré au sein d'une autre société que celle désignée dans le jugement, la pérennité des emplois avait été assurée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 1224-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
8. Selon l'article L. 642-5 , alinéa 1, du code de commerce, après avoir recueilli l'avis du ministère public et entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur, l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et les contrôleurs, le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution. Il arrête un ou plusieurs plans de cession.
9. En application de l'alinéa 3 du même texte, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous.
10. En vertu de l'article L. 642-6 du code de commerce, une modification substantielle dans les objectifs et les moyens du plan ne peut être décidée que par le tribunal, à la demande du cessionnaire.
11. Aux termes de l'article L. 642-9, alinéa 3, du même code, toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal dans le jugement arrêtant le plan de cession, sans préjudice de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 642-6. L'auteur de l'offre retenue par le tribunal reste garant solidairement de l'exécution des engagements qu'il a souscrits.
12. Il en résulte qu'en l'absence d'autorisation par le tribunal ayant arrêté le plan de redressement d'une substitution de cessionnaire, les contrats de travail des salariés de l'entreprise cédée dont l'emploi est maintenu par le plan sont de plein droit transférés au cessionnaire.
13. La cour d'appel, qui a constaté que le jugement du tribunal de commerce n'avait arrêté le plan de cession qu'au profit de la société Groupe SAG et qu'il ne mentionnait aucune autorisation d'une éventuelle substitution du cessionnaire, notamment au profit de la société SAGS ou d'une société à créer, en a exactement déduit que le contrat de travail du salarié s'était poursuivi de plein droit avec la société Groupe SAG en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
15. La société Groupe SAG fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié à ses torts exclusifs à effet de cet arrêt et de la condamner, en conséquence, à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d'indemnité de licenciement et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de remettre au salarié un certificat de travail mentionnant comme période d'emploi, le 17 août 2018 avec une reprise d'ancienneté au 12 février 2015 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt, une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte et un bulletin de paie conformes, alors « que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier et/ou du deuxième moyen, emportera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts exclusifs de la société Groupe SAG à effet du présent arrêt et en ce qu'il l'a condamnée à lui payer diverses sommes et lui remettre divers documents subséquents. »
Réponse de la Cour
16. Les premier et deuxième moyen étant rejetés, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.