Cass. crim., 22 février 2012, n° 11-82.963
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Nocquet
Avocat :
SCP Célice, Blancpain et Soltner
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de refus d'informer prise par le juge d'instruction à la suite de la plainte déposée par la société Citya Aximo Doursenaud le 30 septembre 2010 ;
"aux motifs propres que la résiliation de leurs mandats par trois clients de la SAS Citya Aximo Doursenaud, postérieurement au licenciement de Mme X..., ne pouvant constituer ni un détournement, ni une soustraction imputable à cette dernière qui ne peut voir sa responsabilité pénale engagée du fait des agissements de tiers, il y aura lieu de confirmer l'ordonnance de refus d'informer, les faits dénoncés dans la plainte ne relevant ni de la qualification de vol prévu à l'article 311-1 du code pénal, ni de l'abus de confiance prévu à l'article 314-1 du même code ;
"et aux motifs adoptés que le détournement de clientèle n'est pas pénalement répréhensible, qu'en effet la clientèle ne saurait être assimilée à un bien susceptible d'appropriation frauduleuse au sens des articles 311-1 et 314-1 du code pénal ; que les faits dénoncés ne peuvent admettre aucune qualification pénale, pas plus celle d'abus de confiance que celle de vol ;
"1°) alors qu'en se bornant, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer, à retenir que Mme X... ne pouvait voir sa responsabilité pénale engagée du fait des agissements de tiers en l'occurrence de la résiliation de leurs mandats par trois clients de son ancien employeur sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si Mme X... n'avait pas joué dans cette résiliation un rôle déterminant susceptible de recevoir, par lui-même, une qualification pénale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"2°) alors que le détournement constitutif d'un abus de confiance peut porter sur un bien quelconque, et non pas seulement sur un bien corporel ; qu'il peut en particulier concerner la clientèle attachée à un fonds de commerce, laquelle a une valeur patrimoniale ; qu'en affirmant que le comportement de Mme X..., consistant à détourner la clientèle de son ancien employeur au profit de son nouvel employeur, ne pouvait recevoir aucune qualification pénale, la cour d'appel a violé l'article 314-1 du code pénal" ;
Vu les articles 85 et 86 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, la juridiction d'instruction régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que cette obligation ne cesse, suivant les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 86, que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société City Aximo Doursenaud a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de vol et abus de confiance, en exposant qu'après le licenciement de son ancienne salariée, Mme Véronique X..., qui avait signé une clause de non-concurrence, trois de ses clients avaient résilié leur mandat pour en conclure un nouveau avec le cabinet immobilier ayant recruté cette dernière ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction portant refus d'informer sur les faits dénoncés par la partie civile, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que ces mandats avaient bien été résiliés, se borne à énoncer que les résiliations ne sont pas imputables à Mme X... car, intervenues postérieurement à son licenciement, elles sont le fait de tiers ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans avoir vérifié par une information préalable si ces faits pouvaient admettre une qualification pénale, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 février 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.