Cass. 2e civ., 1 février 2024, n° 22-16.581
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
M. Rovinski
Avocat général :
M. Gaillardot
Avocat :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 24 mars 2022), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) a notifié à la société [3], aux droits de laquelle se trouve la société [4] (la société), une lettre d'observations du 21 octobre 2016 portant divers chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure du 21 décembre 2016, pour son établissement de Steinbourg.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 22 (PERCO - abondement collectif et critères d'attribution), alors :
« 1°/ que les abondements des employeurs destinés à participer à l'effort d'épargne des adhérents à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne sont exclus de l'assiette des cotisations sociales que lorsqu'ils revêtent un caractère collectif ; que l'abondement à un PERCO ne présente pas un caractère collectif lorsque le versement de l'entreprise dépend de la rémunération du salarié ; qu'en l'espèce, le règlement du PERCO prévoit que l'employeur abonde à hauteur de 100 % du versement du salarié, lequel abonde à hauteur maximale d'un pourcentage de sa rémunération ; que l'abondement de l'employeur étant fonction de la rémunération du salarié, et donc plus important, à valeur d'investissement égale, pour les salariés ayant la rémunération la plus élevée, il ne présente pas un caractère collectif, de sorte qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3332-2 du code du travail ;
2°/ qu'à tout le moins, les abondements des employeurs destinés à participer à l'effort d'épargne des adhérents à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne sont exclus de l'assiette des cotisations sociales que lorsqu'ils revêtent un caractère collectif ; que l'abondement à un PERCO ne présente pas un caractère collectif lorsque le versement de l'entreprise n'est pas, proportionnellement, identique pour tous les salariés; qu'en l'espèce, le règlement du PERCO prévoit que l'employeur abonde à hauteur maximale de 0,5 % du salaire mensuel jusqu'à 4 000 € et à hauteur maximale de 2,5 % du salaire mensuel pour la fraction comprise entre 4 000 € et 18 535 € ; que l'abondement de l'employeur étant proportionnellement plus élevé pour les salariés ayant une rémunération mensuelle excédant 4 000 €, il ne présente pas un caractère collectif, de sorte qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 3332-2 du code du travail. »
Vu les articles L. 3332-12 du code du travail et R. 242-1-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
4. En application du premier de ces textes, la modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise au titre d'un plan d'épargne d'entreprise ne saurait résulter que de l'application de règles à caractère général, qui ne peuvent, en outre, en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié ou de la personne, mentionnée à l'article L. 3332-2 du même code, croissant avec la rémunération de ce dernier.
5. Selon le second, pour bénéficier de l'exclusion de l'assiette des cotisations, les contributions de l'employeur mentionnées aux alinéas 6 à 9 de l'article L. 242-1 du même code, sont fixées à un taux ou à un montant uniforme pour l'ensemble des salariés ou pour tous ceux d'une même catégorie au sens de l'article R. 242-1-1 du même code, sauf les cas particuliers qu'il énumère.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes que les abondements des employeurs destinés à participer à l'effort d'épargne des adhérents à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne sont exclus de l'assiette des cotisations sociales que lorsqu'ils revêtent un caractère collectif.
7. Pour annuler le redressement relatif aux abondements de l'employeur au PERCO mis en place par la société, l'arrêt énonce que, d'une part, les versements du participant à ce plan d'épargne sont prédéfinis en pourcentage du salaire de référence, selon deux tranches de revenus à 0,5 % du salaire de référence limité à un montant mensuel de 4 000 euros et à 2,5 % du salaire de référence compris entre 4 000 euros et 18 535 euros mensuels et que, d'autre part, l'abondement de l'employeur est, dans toutes les situations, égal à 100 % du versement effectué par le participant, en sorte que le PERCO respecte les dispositions de l'article L. 3332-12 du code du travail et le caractère collectif exigé puisque le rapport entre le versement du participant et l'abondement de l'employeur est le même dans chaque situation (soit égal à 1).
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la mise en place d'un taux unique d'abondement de l'employeur en fonction du montant de l'épargne des salariés, lui-même plafonné à une somme déterminée en pourcentage de la rémunération, a pour effet d'augmenter la part des versements complémentaires de l'employeur avec la rémunération du salarié en méconnaissance du caractère collectif que doit revêtir l'abondement de l'employeur au plan d'épargne d'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. D'une part, l'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6 et 8, qu'il y a lieu de débouter la société de ses demandes en annulation du chef de redressement n° 22 et en remboursement par l'URSSAF de la somme de 62 827 euros et des intérêts légaux afférents.
12. D'autre part, la cassation des chefs de dispositif relatifs à l'annulation du point n° 22 et au remboursement par l'URSSAF à la société des cotisations et contributions prélevées à ce titre n'emporte pas celle du dispositif de l'arrêt condamnant pour moitié chaque partie aux dépens et rejetant les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel, en raison des dispositions de l'arrêt non remises en cause.
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le point n° 22 et ordonne à l'URSSAF d'Alsace de rembourser, sans astreinte, à la société [4] les cotisations et contributions prélevées à ce titre soit 62 827 euros dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la date de la décision, l'arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.