Cass. 2e civ., 28 novembre 2019, n° 18-22.609
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Avocats :
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle de la société Isotec Invest (la société), portant sur les années 2010 et 2011, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, notamment, des indemnités kilométriques non justifiées versées à la gérante ; que l'URSSAF lui ayant fait signifier, le 15 octobre 2013, une contrainte pour le paiement des cotisations et contributions sociales résultant du redressement ainsi que des majorations de retard afférentes aux cotisations et contributions sociales des mois de mai et juillet 2013, la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1353 du code civil ;
Attendu que pour annuler la contrainte, l'arrêt retient que la société, après avoir évoqué les diplômes et la notoriété de la gérante, a rapporté la preuve qu'elle assistait effectivement aux réunions techniques organisées en cas de sinistres sur les chantiers (pièces 36, 37 et 38) ; que la société ne disposait que de six berlines, le reste de la flotte étant composé de véhicules de chantiers ou de camionnettes ; que sur les six berlines, deux étaient affectées à deux salariés du service commercial (d'Isolis et d'Isolea), et quatre aux quatre salariés des services « exploitation » et « qualité » ; que l'URSSAF n'a pas fait la démonstration que les notes de poste de ces six salariés leur attribuaient effectivement la gestion des appels d'offre et le suivi des chantiers, au moins pour les clients les plus importants énumérés sur les listings de facturation de la période contrôlée ; que seule cette démonstration aurait pu justifier l'observation selon laquelle la dirigeante de la société n'avait pas pu effectuer près de 3 500 kilomètres par an pour contrôler les appels d'offre et assurer le suivi des chantiers selon les notes de frais fournies ; qu'à défaut pour l'URSSAF d'avoir apporté cette preuve, les documents versés aux débats par l'appelante permettent de constater que le calendrier des déplacements de l'intéressée ne peut pas être sérieusement critiqué, que l'utilisation de son véhicule personnel était indispensable à l'exécution de sa fonction de dirigeante et que les indemnités kilométriques étaient justifiées ;
Qu'en statuant ainsi, en exigeant de l'URSSAF qu'elle démontre que d'autres salariés étaient chargés du suivi des chantiers et du contrôle des appels d'offre, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve de l'utilisation conformément à leur objet des indemnités kilométriques supérieures au barème fiscal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que l'arrêt constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens ;
Attendu que pour annuler la contrainte, l'arrêt retient que la celle-ci visait également d'autres sommes dues à titre de majorations de retard, en mai 2013 et juillet 2013, sur la base de deux mises en demeure des 16 juillet et 23 août 2013 ; que l'URSSAF n'a pas communiqué ces mises en demeure, n'a fourni aucune explication et n'a pas justifié de la réalité des sommes dues en principal, alors que l'appelante demandait l'annulation totale de la contrainte ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, alors que les observations écrites que l'opposante à la contrainte avait développées à l'audience, tout en concluant à l'annulation totale de celle-ci, ne faisaient pas état du caractère non fondé des majorations de retard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.