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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 8 février 2024, n° 22/03719

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Opti-Mix Software (SAS), Booper (SAS), Margin Power Solution (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

Avocats :

Me Wecxsteen, Me Dandrel, Me Laforce, Me Brun, Me Gagey

TJ Lille, du 10 juin 2022, n° 20/01334

10 juin 2022

FAITS ET PROCEDURE

La société Opti-mix a pour activité l'édition d'une gamme de logiciels spécialisés dans la gestion de la fixation des prix ('pricing') en magasin et le traitement informatique de données relevées en magasins à des fins-marketing.

Elle exploite notamment trois logiciels : Gespri, Opti-Mix Pricing et Opti-Mix H-Matching.

Le logiciel Gespri a été développé par la société CERP, fondée par M. [F], mise en liquidation judiciaire en 2011 et dont les actifs ont été repris par la société Opti-mix le 15 avriL. 2011.

La société Opti-mix a embauché M. [F] en qualité de directeur général délégué de l'activité "software" (logiciel) le 2 mai 2011.

Ce dernier a été licencié le 18 février 2013 pour faute grave. Ce licenciement a donné lieu à un contentieux prud'homal portant sur la requalification du motif dudit licenciement, lequel a été jugé comme ayant une cause réelle et sérieuse en lien avec une insuffisance professionnelle.

Le 27 mars 2014, MM. [V] et [A], deux autres salariés de la société Opti-mix, ont démissionné et effectué leur préavis jusqu'en juin 2014.

Le 12 août 2014, M. [F] a créé la société Booper qui a notamment pour activité l'exploitation par tous moyens de toute activité d'édition de logiciels, de traitement et modélisation de l'information autour des Biga data, et de consulting. 

En avriL. 2015, il a ensuite créé En avriL. 2015 la société Margin Power Solution (ci-après 'MPS') qui a notamment pour activité la recherche, la conception et le développement et la réalisation de logiciels de pilotage de marges destinés aux entreprises de la grande distribution, de la distribution spécialisée et de l'industrie.

MM. [A] et [V] ont été embauchés par la société Booper, respectivement, en juillet 2014 et juin 2015.

Soupçonnant la société Booper de vendre une solution logicielle contrefaisant l'un de ses logiciels, la société Opti-mix a fait appel à la société [I], spécialisée dans les investigations informatiques, afin de procéder à la copie du disque dur des postes informatiques de ses anciens salariés, aux fins d'analyse et identification d'éventuelles copies ou transferts de fichiers.

La société [I] lui a remis un rapport daté du 18 septembre 2015.

Sur le fondement notamment de ce rapport, la société Opti-mix a sollicité et obtenu, par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Nanterre du 7 octobre 2015 et par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Lille du 9 octobre 2015, l'autorisation de faire diligenter des opérations de saisie-contrefaçon au domicile de M. [F] et au siège de la société MPS dans les Yvelines (78), d'une part, ainsi qu'au siège de la société Booper à Lille (59), d'autre part.

Les deux ordonnances ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon ont fait l'objet d'assignations aux fins de rétractation.

Le président du tribunal de grande instance de Lille a rendu une ordonnance le 1er mars 2016 refusant la rétractation de l'ordonnance. Suivant arrêt du 17 novembre 2016, la cour d'appel de Douai a notamment :

- déclaré irrecevables les demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance du 9 octobre 2015 et à la nullité des actes subséquents,

-rejeté la demande de mainlevée de la saisie, en ordonnant le cantonnement de cette dernière, en excluant les points 11 et 12 de la mission de l'expert visés à l'ordonnance et en ordonnant la suppression des constats effectués et la destruction des copies obtenues par l'huissier instrumentaire dans ce cadre.

De son coté, par ordonnance du 15 mars 2016, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a rétracté son ordonnance du 7 octobre 2015 au motif qu'à défaut de production des courriels émanant des disques durs et des messageries de MM. [V] et [A] mentionnés dans le rapport d'expertise privée de la société [I] produit au soutien de la requête initiale, le motif légitime de demande d'investigations informatiques faisait défaut, et qu'il n'était pas possible de retenir le caractère proportionné de la recherche de preuve au regard du secret des correspondances. Il n'a pas été fait appel de cette ordonnance.

À l'issue des opérations réalisées, la société Opti-mix a, par acte d'huissier du 6 novembre 2015, assigné la société Booper, la société MPS, MM. [F], [V] et [A] devant le tribunal judiciaire de Lille, reprochant essentiellement à MM [V] et [A] d'avoir travaillé pour M. [F], qu'elle considère comme un concurrent direct, en lui communiquant des informations et fichiers au sujet de travaux lui appartenant, à M. [F] d'avoir débauché ses anciens salariés en les incitant à démissionner pour rejoindre les sociétés qu'il allait créer, à la société Booper d'avoir contrefait en le reproduisant son logiciel Optim-Mix pricing et de s'être rendue coupable de concurrence déloyale et de parasitisme dans le cadre du développement de son propre logiciel Priceone, et enfin à M. [A], d'avoir conservé la copie du code source de son logiciel sur son ordinateur et celui de son épouse, également salariée de la société Booper.

Le juge de la mise en état a été saisi d'une exception d'incompétence pour connaître du litige opposant la société Opti-mix à ses anciens salariés, MM. [V] et [A], son expert en informatique ayant conclu à l'absence de toute contrefaçon du logiciel litigieux.

Par ordonnance du 10 octobre 2016, ce juge a reconnu la compétence de la juridiction prud'homale à l'égard de M. [V] et, après disjonction de l'instance, renvoyé le litige au conseil de prud'hommes de Roubaix. Par décision de cette dernière juridiction du 17 octobre 2017, un désistement à l'encontre de M. [V] a été prononcé.

Le juge de la mise en état a, par contre, considéré à l'encontre de M. [A], compte tenu des griefs tenant à la concurrence déloyale et à la contrefaçon, que le tribunal judiciaire était compétent pour connaître de l'ensemble des demandes et a refusé de disjoindre le litige.

Par arrêt du 16 février 2017, la cour d'appel de Douai a infirmé partiellement l'ordonnance précitée et renvoyé l'examen de l'exception d'incompétence soulevée par M. [A] devant le tribunal de grande instance de Lille statuant au fond dans le cadre de l'instance introduite par l'assignation délivrée le 6 novembre 2015.

Par jugement contradictoire et en premier ressort du 10 juin 2022, le tribunal de judiciaire de Lille a :

- rejeté l'exception d'incompétence pour connaître des demandes de la société Opti-mix dirigées à l'encontre de M. [A], au profit du conseil de Prud'hommes de Roubaix ;

- déclaré le tribunal judiciaire de Lille compétent pour connaître des demandes formées à l'encontre de M.[A] ;

- rejeté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire de Lille pour connaître des demandes de la société Opti-mix à l'encontre de M.[F] et des sociétés Booper et MPS, au profit du tribunal de commerce de Lille;

- déclaré le tribunal judiciaire de Lille compétent pour connaître des demandes formées à l'encontre de M. [F], de la société Booper et de la société MPS ;

- constaté que la pièce n° 24 n'est plus dans les débats ;

- rejeté les demandes aux fins de voir écarter des débats les pièces n° 15, n° 47 ;

- rejeté la demande aux fins de voir faire injonction à la société Opti-mix de retirer de ses écritures toute référence aux correspondances de M.[A] ;

- débouté la société Opti-mix de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d'auteurs ;

- condamné in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à payer à la société Opti-mix la somme de 45 000 euros au titre du préjudice lié aux investissements réalisés pour le développement du logiciel Opti-mix ;

- déclaré que dans leurs rapports entre eux, la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] seront tenus au paiement de cette condamnation au profit de la société Opti-mix dans les proportions suivantes :

- la société Booper : 40 %

- la société MPS : 40 % ;

- [S] [F] : 15 % ;

- [D] [A] : 5 % ;

- condamné in solidum a société Booper, la société MPS et M. [F] à payer à la société Opti-mix la somme de 35 000 euros au titre du préjudice lié au débauchage des salariés de la société Opti-mix ;

- déclaré que dans leurs rapports entre eux, la société Booper, la société MPS et M.[F] seront tenus au paiement de cette condamnation au profit de la société Opti-mix dans les proportions suivantes :

- la société Booper 40 %

- la société MPS : 40 % ;

- [S] [F] : 20 % ;

- condamné in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à payer à 1a société Opti-mix la somme de 100 000 euros au titre du préjudice lié à la perte de chance de gagner des parts de marché;

- déclaré que dans leurs rapports entre eux, les défendeurs seront tenus au paiement de cette condamnation dans les proportions suivantes :

- la société Booper : 40 %

- la société MPS: 40 % ;

- [S] [F] : 15 % ;

- [D] [A] : 5 % ;

- débouté la société Opti-mix software SAS du surplus de ses demandes ;

- débouté la société Booper, la société MPS et M. [F] de leurs demandes reconventionnelles ;

- débouté M. [A] de sa demande reconventionnelle ;

- condamné in solidum la société Booper et la société MPS à payer à la société Opti-mix la somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Booper et la société MPS aux entiers dépens de l'instance ;

- déclaré que dans leurs rapports entre eux, les défendeurs seront tenus au paiement de ces dernières condamnations dans les proportions suivantes :

- la société Booper : 50 % .

- la société MPS : 50 % ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 29 juillet 2022, M. [A] a interjeté appel en intimant la société Opti-mix et en critiquant dans son acte d'appel les dispositions le concernant.

Cet appel a été enregistré sous le n° RG 22-3719.

Dans le cadre de ce dossier, par assignation du 27 janvier 2023, la société Opti-mix a procédé à l'appel provoqué de M. [F] et des sociétés Booper et MPS.

Par déclaration du 29 juillet 2022, M. [F], la société Booper et la société MPS ont interjeté appel en intimant la société Opti-mix et en critiquant l'ensemble des chefs de la décision entreprise les concernant.

Cet appel a été enregistré sous le n° RG 22-3720.

Dans le cadre de ce dossier, par assignation du 27 janvier 2023, la société Opti-mix a procédé à l'appel provoqué de M. [A].

PRETENTIONS

Par conclusions signifiées le 3 octobre 2023, M. [A] demande à la cour, au visa des dispositions des articles L. 1411-4 et R .1412-1 du code du travail et 1355 du code civil, des dispositions des articles 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et 9 du code civil, des dispositions de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l'époque de l'introduction de la présente instance, de :

[..] prononcer la jonction des procédures RG 22/03719 et RG 22/03720

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 10 juin 2022 en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des demandes dirigées à son encontre ;

- en conséquence :

- renvoyer l'affaire pour qu'elle soit jugée par le conseil de prud'hommes de Roubaix ou la chambre sociale de la cour d'appel de Douai ;

- à titre subsidiaire, pour le cas extraordinaire où la juridiction refuserait ce renvoi :

- infirmer le jugement rendu [..] en ce qu'il a :

- rejeté la demande aux fins de voir écarter des débats la pièce n° 15

- rejeté la demande aux fins de voir écarter des débats la pièce n° 47

- rejeté la demande aux fins de voir faire injonction à la société Opti-mix software SAS de retirer de ses écritures toute référence aux correspondances de M. [A]

- condamné in solidum la société Booper la société MPS, MM. [F] et [A] à payer à la société Opti-mix la somme de 45 000 euros au titre du préjudice lié aux investissements réalisés pour le développement du logiciel Opti mix

- déclaré que dans leurs rapports entre eux, la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] seront tenus au paiement de cette condamnation au profit de la société Opti -mix dans les proportions suivantes :

- la société Booper : 40 %

- la société Margin power solution : 40 % ;

- [S] [F] : 15 % ;

- [D] [A] : 5 % ;

- condamné in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à payer à la société Opti-miw la somme de 100 000 euros au titre du préjudice lié à la perte de chance de gagner des parts de marché ;

- déclaré que dans leurs rapports entre eux, la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] seront tenus au paiement de cette condamnation au profit de la société Opti-mix dans les proportions suivantes :

- la société Booper : 40 %

- la société Margin power solution : 40 % ;

- [S] [F] : 15 % ;

- [D] [A] : 5 % ;

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 10 juin 2022 en ce qu'il a débouté la société Opti-mix de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d'auteur

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 10 juin 2022 en ce qu'il a débouté la société Opti-mix de ses autres demandes.

- et statuant à nouveau :

- ordonner le retrait des débats des pièces 15 et 47 produites par la société Opti-mix ;

- débouter la société Opti-mix de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- condamner la société Opti-mix à lui verser une somme de 35 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé à son ancien salarié.

- condamner la société Opti-mix à lui verser la somme de 45 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique du 25 septembre 2023, les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] demandent à la cour, au visa des dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce, de l'article L.111-1 du code de propriété intellectuelle, de l'article L. 112-3 du code de propriété intellectuelle, des articles L.112-6-1 et suivants du code de propriété intellectuelle, de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, de l'article 90 du code de procédure civile, de :

- ordonner la jonction de la présente procédure d'appel inscrite sous le numéro RG 22/03720 avec la procédure d'appel provoqué de la société Opti-mix portant le n° RG 22/03719,

- réformer le jugement dont appel, sauf en ce qui concerne la contrefaçon et en conséquence :

- dire M. [F] et les sociétés Booper et MPS recevables et bien fondés en leur appel,

- débouter la société Opti-mix de toutes ses demandes et conclusions,

- sur l'incompétence.

- déclarer le tribunal judiciaire de Lille incompétent rationae materiae pour connaître des demandes de la société Opti-mix dirigées à l'encontre de M. [F] et des sociétés Booper et MPS, au profit du tribunal de commerce de Lille ou alternativement au profit de la chambre commerciale de la cour de Céans,

En conséquence, dire que le dossier sera transmis par les services du greffe à la juridiction compétente,

sur le fond à titre subsidiaire,

ordonner le retrait des débats des pièces n° 15 et n° 24 de la société Opti-mix,

faire injonction à la société Opti-mix de retirer de ses écritures toute référence aux correspondances de MM. [A] ou [V] à peine d'irrecevabilité desdites conclusions,

dire que la société Opti-mix est irrecevable et mal fondée en son action en contrefaçon, en concurrence déloyale et pour parasitisme,

- au titre des demandes reconventionnelles

condamner la société Opti-mix à verser à la société Booper la somme de 1.600.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'avoir pu signer des contrats et réaliser du chiffre d'affaires au cours des années 2015 à 2019,

condamner la société Opti-mix à verser 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, à raison de 20.000 € à la société Booper, 20.000 € à M. [F] et 20.000 € à la société MPS,

condamner la société Opti-mix à verser la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, à raison de 20.000 € à la société Booper, 20.000 € à M. [F] et 20.000 € à la société MPS,

condamner la société Opti-mix à verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à raison de 10.000 € à la société Booper, 10.000 € à M. [F] et 10.000 € à la société MPS, ainsi qu'aux entiers dépens

condamner la société Opti-mix aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me [X].

Par conclusions signifiées par voie électronique du 3 octobre 2023, la société Opti-mix demande à la cour, au visa de l'alinéa 1er de l'article 6 de la directive européenne sur la protection juridique des programmes d'ordinateur, des articles L. 111-1, L. 112-2 , L. 113-1, L. 113-9, L.122-4, L.122-6 et suivants, L. 335-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de l'article L.1411-4 du code du travail, des articles 42 et 77 du code de procédure civile, de l'article 1382 du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a :

déclaré le tribunal judiciaire de Lille compétent pour connaître des demandes formées à l'encontre de M. [A] ;

rejeté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire de Lille pour connaître de ses demandes à l'encontre de M. [F] et des sociétés Booper et MPS, au profit du tribunal de commerce de Lille ;

déclaré le tribunal judiciaire de Lille compétent pour connaître des demandes formées à l'encontre de M. [F], de la société Booper et de la société MPS ;

constaté que la pièce n°24 n'était plus dans les débats ;

rejeté la demande aux fins de voir écarter des débats la pièce n°15 ;

rejeté la demande aux fins de voir écarter des débats la pièce n°47 ;

rejeté la demande aux fins de lui faire injonction de retirer de ses écritures toute référence aux correspondances de M. [A]

considéré que les parties adverses devaient être condamnées pour concurrence déloyale ;

débouté les parties adverses de leurs prétentions à l'égard de la concluante ;

condamné in solidum la société Booper et la société MPS à lui payer la somme de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés en première instance ;

- infirmer le jugement dont appel, en ce qu'il :

l'a déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteurs ;

a réduit les montant de dommages et intérêts réclamés pour les faits de concurrences déloyale et de parasitisme reprochés aux parties adverses et reconnus comme établis par le tribunal;

L'a déboutée du surplus de ses demandes ;

« a condamné in solidum la société Booper et M. [A] se sont rendus coupables d'actes de contrefaçon au titre de la reproduction et de la détention du logiciel Opti-mix Pricing dont des copies ont été retrouvées sur l'ordinateur de deux employés de la société Booper lors des opérations de saisie contrefaçon » ;

- enjoindre à la société Booper de procéder à la suppression de l'ensemble de ses systèmes informatiques, supports informatiques et notamment de l'ensemble des postes informatiques qu'ils soient fixes ou portables, des supports externes (et notamment clés USB et disque dur externe), des serveurs toute copie de tout ou partie du logiciel Opti-mix Pricing et de ses codes sources sous le contrôle d'un huissier accompagné d'un expert informatique désignés par ses soins, aux frais exclusifs de la société Booper, dans les sept (7) jours francs suivant la signification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 5.000 € par jour de retard passé ce délai ;

condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à payer la somme de 500.000 d'euros à la société Opti-mix au titre du préjudice lié aux investissements réalisés pour le développement du logiciel, préjudice qui résulte tant des faits de contrefaçon que des faits de concurrence déloyale ;

condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à payer la somme de 165.071,31 euros au titre du préjudice lié au débauchage de ses salariés sauf à parfaire ;

condamner in solidum la société Booper, la société MPS , MM. [F] et [A] à payer la somme de 88.897,92 euros au titre du préjudice lié au travail effectué par MM [V] et [A] au bénéfice de M. [F] durant la période où ils étaient ses salariés sauf à parfaire ;

condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à payer la somme de 106.484,13 euros au titre de la perte des contrats de maintenance ;

condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à lui payer la somme de 500.000 euros au titre préjudice commercial lié à la perte d'une chance de gagner des parts de marché ;

condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à faire publier à leurs frais exclusifs dans quatre revues spécialisées, LSA, Points de Vente, Les Echos et le Figaro, le dispositif du jugement à intervenir dans le délai de sept jours suivant la signification du jugement, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard et par publication à compter de l'expiration du délai de sept jours ;

condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] aux entiers dépens de l'instance qui s'est déroulée devant le tribunal judiciaire de Lille ;

- En tout état de cause :

- débouter les parties adverses de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] à lui payer la somme de 150.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société Booper, la société MPS, MM. [F] et [A] aux entiers dépens.

MOTIVATION

I- Sur la jonction

La cour est saisie d'appels croisés à l'encontre d'un même jugement, mettant en cause l'ensemble des parties et lui donnant connaissant de l'ensemble des chefs de la décision entreprise. Il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble et d'ordonner, en conséquence, la jonction des instances enregistrés sous les RG 22/3719 et 22/3720 sous le n° RG 22/3719.

II Sur la compétence de la juridiction

M. [A] plaide que le tribunal a fait fi des décisions, notamment de la cour d'appel sur la question de la compétence, et s'est prononcé d'emblée sur sa compétence, sans examen préalable de la question de fond portant sur la contrefaçon. Il estime de ce fait la décision irrégulière comme ne s'étant pas conformée à l'arrêt de la cour du 16 février 2017 et comme portant atteinte à l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt, ainsi qu'aux disposition de l'article L. 1411-4 alinéa 1er du code du travail, consacrant la compétence exclusive du conseil des prud'hommes pour connaître des litiges salariés-employeur.

De plus, M. [A] pointe qu'ayant jugé par la suite que le logiciel de la société Booper ne contrefaisait pas celui de la société Opti-mix, l'incompétence de la juridiction à son égard était avérée. Après exclusion de toute contrefaçon, les demandes dirigées contre ces deux anciens salariés devenaient parfaitement identiques

Les sociétés Booper et MPS et M. [F] soulèvent l'incompétence du tribunal de grande instance de Lille au profit du tribunal de commerce de Lille, puisque l'examen du dossier sur le fond a révélé que la contrefaçon invoquée par la société Opti mix n'était aucunement avérée et que l'action relevait en réalité plus d'une action en concurrence déloyale.

Les premiers juges auraient donc dû, après avoir constaté l'absence de toute contrefaçon, renvoyer l'affaire au tribunal de commerce.

S'agissant plus particulièrement de M. [F], ce dernier étant dirigeant des deux sociétés et associé majoritaire, il a un intérêt commun avec les deux sociétés concernées par le litige et relève également du tribunal de commerce.

La société Opti-mix réplique que la compétence du tribunal judiciaire est parfaitement justifiée, au regard de la compétence de ce dernier pour connaître de l'action relative à la propriété intellectuelle et des question connexes de concurrence déloyale.

Elle ajoute qu'en présence d'une action en contrefaçon, le tribunal judiciaire est exclusivement compétent quand bien même des faits commis auraient été en lien avec un contrat de travail.

La société Opti-mix rappelle en outre qu'en application du principe de l'effet dévolutif de l'appel, la cour doit avoir l'entière et totale connaissance du litige opposant les parties, et doit statuer en droit et en fait avec les mêmes pouvoirs que le premier juge.

Elle fait valoir qu'aucune disjonction à l'égard de M. [A] n'est possible, dès lors que ses prétentions sont toujours formées in solidum à l'encontre des autres parties et que ces prétentions sont connexes aux faits de contrefaçon reprochés. Elles participent d'un même ensemble de faits fautifs, ce qui engendrait une connexité indéniable.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article 90 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d'appel dans l'ensemble de ses dispositions.

Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.

Si elle n'est pas juridiction d'appel, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Cette décision s'impose aux parties et à la cour de renvoi.

L'article L. 331-1, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit que les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires déterminés par voie réglementaire.

L'article L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire précise que « des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection, de topographie de produits semi-conducteurs, d'obtentions végétales, d'indications géographiques et de marques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle.»

Il y a lieu d'examiner les critiques élevées par M. [A] d'une part, et les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] d'autre part, à l'encontre des chefs du jugement ayant retenu la compétence du tribunal judiciaire de Lille compte tenu de l'allégation de faits constitutifs de contrefaçon, au détriment respectivement du conseil de prud'hommes de Roubaix et du tribunal de commerce de Lille métropole.

L'intérêt d'un tel débat se trouve néanmoins en cause d'appel réduit dès lors que, comme le souligne implicitement mais nécessairement la société Opti-mix en évoquant l'effet dévolutif de l'appel, la cour, compte tenu de sa plénitude de juridiction, de l'effet dévolutif de l'appel et du fait qu'elle est juridiction d'appel de toutes les juridictions évoquées, aura, qu'elle confirme ou infirme la décision sur la compétence, le devoir de statuer sur le fond.

1) sur l'exception d'incompétence au profit du conseil des prud'hommes

Selon l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

L'article L. 1411-4 du même code précise que le conseil de prud'hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre. Toute convention contraire est réputée non écrite.

Le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles.

À titre liminaire, si par arrêt du 16 février 2017, sur appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du 10 octobre 2016, la cour a eu à connaître des questions de compétence, M. [A] ne peut utilement prétendre à une décision des premiers juges irrégulière, méconnaissant l'arrêt précité, lequel, selon l'interprétation qu'il en fait, aurait imposé de trancher la question de fond relative à l'existence d'une contrefaçon avant de statuer sur la compétence.

Or, l'autorité de la chose jugée dans la même instance ne vaut que pour ce qui a été tranché dans le dispositif. Ce dispositif prévoit, en l'espèce, uniquement le renvoi de l'examen de l'exception d'incompétence soulevée par M. [A] devant le tribunal de grande instance de Lille statuant au fond dans le cadre de l'instance introduite par l'assignation délivrée le 6 novembre 2015. Les premiers juges, dans le cadre du jugement entrepris, se sont conformés à cette prescription, ce qui prive le moyen de M. [A] de toute pertinence.

En application des textes précités, il s'induit que le conseil des prud'hommes est compétent à raison de la matière, sous réserve que cette compétence ne se heurte pas à une compétence exclusive conférée à une autre juridiction.

En l'espèce, en appel comme en première instance, ce qui avait justement été noté par les premiers juges, la société Opti-mix maintien des prétentions tenant à un non-respect des dispositions concernant la propriété littéraire et artistique.

Elle allègue des éléments factuels précis et circonstanciés, relatifs à la détention des codes sources du logiciel Opti-mix Pricing, distincts des questions concernant la relation de travail et l'exécution du contrat de travail de M. [A], et constitutifs de faits, selon elle, de contrefaçon.

Ce dernier domaine relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Lille et s'étend aux questions connexes tirées de faits de concurrence déloyale.

La circonstance que lesdits faits ne soient pas constitués, selon M. [A], est sans emport, à ce stade, sur la solution à donner à cette question de compétence. L'est tout autant le fait qu'une solution différente ait pu être apportée concernant la partie du litige mettant en jeu M. [V], rien ne permettant d'affirmer que des faits et prétentions identiques aient été invoqués à son encontre.

La décision des premiers juges en ce qu'elle a, d'une part, rejeté l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire de Lille pour connaître des demandes de la société Opti-mix dirigées à l'encontre de M. [A] au profit du conseil des prud'hommes, d'autre part, retenu sa compétence pour connaître de ces demandes, est donc confirmée.

2) sur l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Lille Métropole

Aux termes de l'article L. 721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent:

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Il n'est pas discuté qu'en principe, la compétence naturelle pour statuer dans les actions engagées contre les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F], leur dirigeant et associé majoritaire, revient au tribunal de commerce.

Cependant, conformément aux dispositions précitées du code de la propriété, et plus spécifiquement l'article L. 331-1 de ce code, ce tribunal n'est pas compétent pour connaître des actions et demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, et des questions connexes de concurrence déloyale, lesquelles relèvent exclusivement du tribunal judiciaire, et notamment en l'espèce du tribunal judiciaire de Lille.

Là encore, tant en appel qu'en première instance, la société Opti-mix maintient des prétentions fondées sur des faits de contrefaçon, peu important, au stade de l'examen de la compétence, que ces faits soient ou non constitués, d'autant qu'au stade de l'appel, la cour, juridiction d'appel des deux juridictions dont la compétence est discutée, se trouve compétente pour statuer sur le fond.

La décision des premiers juges est également confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence et retenu sa compétence pour connaître des demandes formées par la société Opti-mix à l'encontre des sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F].

En tout état de cause, quelle que soit la solution apportée à l'incompétence soulevée, la cour, disposant d'une plénitude de juridiction et compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel portant tant sur le fond que sur la compétence à l'encontre d'un jugement statuant en premier ressort, doit, en application de l'article 90 du code de procédure civile, statuer sur le fond du litige, sans que la répartition des attributions dans les différentes chambres d'une même cour d'appel ne puisse être utilement invoquée, s'agissant d'une mesure de pure administration judiciaire.

La répartition des compétences entre les chambres d'une même cour d'appel étant une pure mesure d'administration judiciaire, la demande de M. [A] envisageant l'incompétence de la chambre commerciale au profit de la compétence de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai, est privée de toute opérance.

III- Sur les questions relatives aux pièces

1) sur la demande visant à écarter des débats la pièce n°24

Réponse de la cour

La demande de voir écarter la pièce 24, maintenue par les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F], ne peut qu'être déclarée sans objet, dès lors que ladite pièce n'est pas communiquée et est indiquée au bordereau de communication de pièces de la société Opti-mix comme « non produite ».

2) sur la demande visant écarter des débats les pièces n° 15 et 47

M. [A] demande le retrait des pièces 15 et 47 (rapports de l'expert [I]), la décision du tribunal heurtant selon lui gravement l'interdiction faite pour tout employeur de divulguer ou de se prévaloir des correspondances privées de ses salariés quel qu'en soit le support.

Il estime que la cour avait cantonné les saisies effectuées et ordonné la suppression des constats ainsi que la destruction des copies. Le tribunal ne pouvait donc retenir lesdites correspondances en se fondant sur le fait que ces courriels avaient été créés en utilisant du matériel mis à la disposition par l'employeur.

Il souligne que la société Opti-mix a accepté de retirer des débats la pièce 24 intitulée « courriels échangés par MM. [F] et [A] » contenant elle aussi l'ensemble des courriels incriminés.

Les société Booper et MPS ainsi que M. [F] sollicitent le rejet de la pièce n° 15, s'agissant d'un rapport effectué avant les saisie-contrefaçons et violant la correspondance privée des salariés effectuée à partir de messageries personnelles. Les échanges de courriels sont postérieurs aux démissions.

Ils soulignent qu'en maintenant dans les débats cette note de la société [I] et en citant les courriels dont la destruction a été ordonnée par la cour d'appel de Douai, la société Opti-mix viole l'injonction de la cour et le secret des correspondances privées.

La société Opti-mix demande la confirmation des motifs du jugement qui a «rejeté cette fin de non-recevoir opposée aux pièces litigieuses » soulignant que la cour d'appel a déjà tranché cette question par voie d'arrêt du 16 février 2017, postérieurement à celui du 17 novembre 2016 sur les contrefaçons.

Elle précise, s'agissant de la pièce n° 15, que rien ne justifie d'en ordonner le retrait. Concernant la pièce 47, elle soutient que les éléments repris dans cette dernière étant directement la copie du disque dur de l'ordinateur mis à disposition de son salarié, pour l'exercice de son activité professionnelle, elle était en droit de le consulter et d'en communiquer les éléments saillants.

Elle ajoute qu'en matière de concurrence déloyale, la Cour de cassation a jugé que le secret de la correspondance n'est pas absolu et qu'il peut y être porté atteinte dès lors que cette atteinte est nécessaire et proportionnée. Elle précise n'avoir fait qu'exercer son droit à la preuve, à travers une recherche sur son matériel professionnel, mis à la disposition de ses salariés, pour effectuer leurs tâches professionnelles exclusivement.

Réponse de la cour,

Tant M. [A] que les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] sollicitent que soit écartée des débats la pièce 15 constituée par un rapport établi par la société [I] à la demande de la société Opti-mix, à la suite de recherches effectuées, sous le contrôle d'un huissier, sur l'ordinateur professionnel de M. [A], et la pièce 47, constituée par un procès-verbal de constat en date des 1er et 2 septembre 2016 relatif à des investigations informatiques sur la copie du disque dur du poste informatique attribué à M. [V] réalisée en juillet 2015.

Pour écarter cette demande, les premiers juges ont retenu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 16 février 2017 et l'absence de fait nouveau, outre l'échange de messages créés en utilisant le matériel mis à disposition par l'employeur, tandis que M. [A], les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] opposent à cette demande le secret des correspondances personnelles et la violation de l'injonction faite par la cour dans son arrêt du 17 novembre 2016.

En premier lieu, l'arrêt du 16 février 2017 déboute bien M. [A] de sa demande relative à la pièce communiquée par la société Opti-mix sous le numéro 15.

La cour, qui statuait sur appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du 10 octobre 2016, ne disposait pas de plus de pouvoir que ce dernier. Sa décision a alors la même autorité que celle attachée à la décision du juge de la mise en état en la matière.

Or, ce chef du dispositif, qui ne concerne ni une exception de procédure, ni une fin de non-recevoir, ni un incident mettant fin à l'instance, ni une question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l'article 789 du code de procédure civile, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal, en application des dispositions de l'article 794 du même code. Cela prive de toute pertinence les motifs relatifs à l'autorité de cette décision et à l'absence de fait nouveau.

En second lieu, il ne peut être argué d'une violation de l'injonction figurant dans l'arrêt du 17 novembre 2016, sur appel de l'ordonnance statuant sur la demande en rétractation des mesures in futurum mises en œuvre, en ce qu'il a «reje[té] la demande de mainlevée de la saisie mais en [a] ordonn[é] le cantonnement en excluant les points 11 et 12 de la mission de l'huissier visés à l'ordonnance et en ordonnant la suppression des constats effectués et la destruction des copies obtenues par l'huissier instrumentaire dans ce cadre ».

La portée de l'injonction faite ne vaut que pour les éléments recueillis dans le cadre de la procédure in futurum autorisée par l'ordonnance du 9 octobre 2015, et non erga omnes.

Or ni la pièce 15 ni la pièce 47 ne sont issues de ces opérations, peu important que les éléments qu'elles contiennent soient identiques à ceux obtenus dans le cadre de la mesure autorisée, et objet du cantonnement décidé par la cour d'appel.

En troisième lieu, se trouve débattue la concurrence entre le droit à la protection de la vie privée et au secret des correspondances, et l'exercice du droit à la preuve, étant rappelé que MM. [V] et [A] sont d'anciens salariés de la société Opti-mix.

Les éléments recueillis, objets des pièces 15 et 47, l'ont été à partir de matériel professionnel qui leur aurait été attribué et concernent la période antérieure à leur départ de l'entreprise, le 27 juin 2014.

Ainsi, traditionnellement, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que les éléments mis à la disposition du salarié pour l'exécution de sa prestation de travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.

Elle autorise, dans cette limite, l'employeur à accéder et à consulter, hors la présence du salarié, les fichiers et documents enregistrés par ce dernier sur l'ordinateur, mis à sa disposition, et à accéder aux courriers électroniques adressés ou reçus par son salarié à partir de la messagerie électronique qu'il a mis à la disposition du salarié.

Sont, en revanche, couverts par le secret des correspondances, les messages électroniques, échangés au moyen d'une messagerie instantanée, [provenant] d'une boîte à lettres électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont le salarié disposait pour les besoins de son activité.

Par un arrêt du 22 décembre 2023, l'assemblée plénière de la Cour de cassation considère désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce, les pièces 15 et 47, et surtout les éléments qu'elles renferment, n'ont pas été obtenues contradictoirement ou dans le cadre d'une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, mais par le biais d'une mesure effectuée directement par la société Opti-mix sur le matériel récupéré auprès de ses salariés, en leur absence, par l'intermédiaire d'un huissier et d'un expert privé, la société [I], qu'elle a mandatés à cet effet.

Dans le cadre de l'étude des disques durs des ordinateurs professionnels attribués à MM. [V] et [A], « des e-mails et documents portant la mention « personnel » et expressions assimilées » ont été écartés par la société [I], toutefois, il a été procédé à l'examen et la copie de messages, identifiés notamment dans un fichier issu de la synchronisation du téléphone portable professionnel de M. [V] sur l'ordinateur professionnel, provenant d'une messagerie "gmail".

La société [I] dans son rapport souligne que les sujets, MM. [F], [V] et [A] avaient échangé à partir de leurs adresses personnelles ([Courriel 5] ; [Courriel 7] et [Courriel 9] ).

Ainsi, les messages provenant de ces adresses et trouvés sur le disque dur ne sont pas des messages présumés professionnels et se trouvaient soumis au secret des correspondances opposables à la société Opti-mix, ancien employeur de MM. [A] et [V].

La société Opti-mix ne fait état d'aucune démarche contradictoire, salarié présent ou appelé, ni d'aucun risque ou évènement particulier justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, pour expliquer cette atteinte au secret des correspondances privées et à l'intimité de la vie privée de ses anciens salariés.

Le respect de la vie personnelle du salarié et le secret des affaires ne constituent pas, en eux-mêmes, un obstacle à l'application des dispositions de l'article145 du code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.

Or, préalablement au recueil des éléments susvisés, la société Opti-mix n'a pas eu recours à la procédure prévue à l'article 145 du code de procédure civile, permettant à l'employeur qui a des motifs légitimes de suspecter des actes de concurrence déloyale, d'être autorisé sur requête à accéder aux données contenues dans l'ordinateur mis par lui à la disposition du salarié, notamment aux messages électroniques personnels échangés par l'intéressé avec des personnes étrangères à l'entreprise, dès lors que l'huissier de justice a rempli sa mission en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé.

Surtout, le moyen qu'elle a utilisé pour obtenir les éléments litigieux n'apparaît pas comme étant la seule et unique solution pour établir les faits dénoncés, dès lors qu'en possession même de l'ordinateur et du disque dur, elle était en mesure notamment d'en prendre connaissance et d'exploiter lesdits fichiers, ses anciens salariés présents ou dûment appelés, sans risque de déperdition de la preuve.

Il s'ensuit que la société Opti-mix ne démontre pas que l'atteinte portée au secret des correspondances et à l'intimité de la vie privée, hors présence ou appel des anciens salariés concernés, fut indispensable à l'exercice de son droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.

Dès lors, ces pièces, qui portent manifestement atteinte au secret des correspondances et à l'intimité de la vie privée de ses anciens salariés, sont irrecevables,

La décision entreprise est donc infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande visant à écarter des débats la pièce 15 et 47, ainsi que celle visant à faire injonction à la société Opti-mix de retirer de ses écritures toutes référence aux correspondances de M. [A].

3) sur la demande d'injonction à la société Opti-mix de retirer toute référence aux correspondances de MM.[A] et [V] à peine d'irrecevabilité desdites conclusions

Réponse de la cour,

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] se contentent de demander à la cour de retirer toute référence aux courriels privés cités dans les écritures d'Opti-mix, dans le cœur de leurs conclusions (page 31).

Dans les motifs de leurs écritures, ils n'explicitent ni ne fondent juridiquement la fin de non-recevoir contenue dans leur dispositif et opposée aux conclusions qui ne se conformerait pas à la demande de retrait des références aux correspondances.

Aucun texte ne prévoit une telle sanction, ce qui justifie le rejet de cette demande, de sorte qu'il est indifférent que ce dernières fassent toujours référence à ces pièces.

En tout état de cause, la cour, qui a écarté les pièces précitées, ne prendra pas connaissance des extraits desdites pièces contenus dans les écritures.

4) sur la pièce de la société Opti-mix numérotée 39

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] consacrent des développements au non-respect par la pièce adverse 39 des prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et concluent au retrait de ladite pièce.

Outre qu'aucun chef du dispositif des parties précitées n'est dédié à cette prétention en contrariété avec l'article 954 du code de procédure civile, le non-respect des prescriptions précitées ne conduit ni à écarter une pièce ni à la déclarer irrecevable. Seule son éventuelle valeur probante peut être affectée en fonction des manquements constatés, ce qu'il appartiendra à la cour d'apprécier souverainement lors de l'examen de la question de fond à laquelle cette pièce se rattache.

IV- Sur la demande au titre de la contrefaçon

M. [A] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a estimé l'originalité du logiciel Opti-mix Pricing non démontrée, de sorte que la société Opti-mix ne pouvait revendiquer la protection de son logiciel au titre du droit d'auteur.

Si seuls les codes source sont protégeables, encore faut-il démontrer une originalité, ce qu'il estime non établi en l'espèce. Il souligne, qu'à supposer l'originalité démontrée, les éléments ne permettent pas de caractériser une contrefaçon. L'expert mandaté par la société Opti-mix elle-même a noté que les résultats de comparaison portant sur le code source fonctionnel des deux logiciels étaient tous négatifs. Il précise que les notes confirment que les logiciels sont différents, le logiciel Price one n'étant pas la copie de celui de la société Opti-mix. Le rapport de l'expert mandaté par la société Booper pour se prononcer sur le rapport versé par la société Opti-mix confirme la différence de logiciels et la non-reprise des codes sources.

M. [A] estime que sa probité ne peut être mise en cause pour avoir conservé une copie de sauvegarde du logiciel de la société Opti-mix, alors que celle-ci avait été effectuée à la demande son employeur et qu'elle n'a en rien servi à l'élaboration du logiciel de la société Booper.

M. [A] objecte, en outre, que la société Opti-mix a, un temps, reconnu elle-même l'absence de toute contrefaçon.

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] soulignent que l'accusation de la société Opti-mix repose sur un postulat - ressources en temps importantes nécessaires pour obtenir le développement d'un tel logiciel incompatible avec le caractère récent des sociétés- lequel n'est pas démontré. Ils indiquent que la société Opti-mix ne peut reprocher, après avoir licencié M. [F] en le déliant de sa clause de non-concurrence, d'avoir réutilisé son savoir-faire.

Ils pointent l'aveu judiciaire sur l'absence de contrefaçon commis par la société Opti-mix dans une précédente procédure (devant la cour d'appel statuant sur la rétractation).

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] plaident l'absence d'originalité du produit, ce qui permet d'exclure toute contrefaçon et rend la société Opti-mix irrecevable en sa demande.

Ils font valoir que l'expert judiciaire indique clairement qu'il n'existe pas de lignes communes dans le code fonctionnel et que les codes fonctionnels ne sont pas identiques entre les deux applications. Les fichiers sont ensuite différents ainsi que les bases de données.

Ils soulignent que, de toute façon, le droit d'auteur ne protège ni les langages de programmation ni les fonctionnalités des programmes d'ordinateur. Sur le fond, ils précisent que les deux logiciels ont des fonctionnalités différentes, ce qui est confirmé par les constats des deux experts et non utilement invalidé par des éléments techniques apportés par la société Opti-mix.

Ils prétendent que la détention d'une copie du logiciel ne peut être qualifiée d'illicite, étant en lien avec une demande de la société Opti-mix pour des raisons de sécurité. La copie de sauvegarde figurant sur l'ordinateur de M. [A] a été faite à la demande du supérieur hiérarchique pour permettre de travailler à distance et de protéger la société Opti-mix en cas de « crash-disque ». Il est d'ailleurs précisé par l'expert que le salarié n'a jamais utilisé cette copie de sauvegarde après son départ et que cette dernière n'a pas servi à écrire le logiciel Priceone.

Ils en concluent que la procédure en contrefaçon est abusive, et égrènent toutes les conséquences qui en découlent pendant 7 ans, dans le seul but de ternir l'image commercial en réclamant près de 2 millions d'euros. C'est à raison de ce contexte conflictuel et des comportements déloyaux et abusif que les salariés ont, 16 mois après le départ de M. [F], décidé de suivre ce dernier.

La société Opti-mix sollicite l'infirmation de la décision sur la contrefaçon, estimant que le logiciel Opti-mix Pricing est protégé au titre du droit d'auteur, que les droits d'auteur sur ce logiciel lui appartiennent, et que la copie de ce logiciel sans son consentement caractérise un acte de contrefaçon de droit d'auteur.

Elle estime qu'il est manifeste que le logiciel présente la condition d'originalité exigée, soulignant que c'est à raison du caractère innovant et original qu'elle a obtenu un prêt à taux zéro de la banque Oséo. Elle souligne que ce logiciel se différencie de ceux existant sur le marché.

La société Opti-mix se prévaut des copies des codes sources d'application Java d'Optimix retrouvées sur les postes de M. et Mme [A], et ce sans justification valable. Aucune opération de maintenance n'a été demandée après son départ de la société. M. [A] a bien copié le logiciel sur un ordinateur personnel, et conservé celui-ci après sa démission.

La détention illicite des codes sources est une contrefaçon et l'accès aux codes sources du logiciel permet à loisir à la société Booper de les consulter, de les analyser, de s'en inspirer et plus généralement d'en tirer tous enseignements et savoir-faire aux fins de développer le logiciel concurrent PriceOne.

La société Opti-mix souligne l'importance de son préjudice à raison de ces faits, au regard des investissements considérables effectués pour développer sa propre solution logicielle.

Réponse de la cour,

En droit, l'article L. 111-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

L'article L. 112-2 du même code précise que sont considérés comme œuvres de l'esprit au sens du présent code :

13° les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire.

En matière de logiciel, la protection au titre du droit d'auteur est, comme les autres « œuvres de l'esprit, subordonnée à la condition d'originalité, entendue comme 'l'empreinte de la personnalité de son auteur » La preuve de l'originalité d'un logiciel, lequel se caractérise par sa structure « interne », transparente pour l'utilisateur, composée de l'écriture même des instructions du programme source et son enchaînement en une architecture globale, ainsi que par sa structure « externe », correspondant à l'interface utilisateur, à ses fonctionnalités et à ses aspects télévisuels, doit être démontrée in concreto par le demandeur.

Dans le prolongement de l'article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

L'article L. 122-6 du même code prévoit que, sous réserve des dispositions de l'article L. 122-6-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser :

1° La reproduction permanente ou provisoire d'un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. Dans la mesure où le chargement, l'affichage, l'exécution, la transmission ou le stockage de ce logiciel nécessitent une reproduction, ces actes ne sont possibles qu'avec l'autorisation de l'auteur.

La Cour de cassation, dans l'arrêt Pachot, a retenu qu'un logiciel était original lorsque son auteur l'avait marqué de son apport intellectuel. Cette originalité doit ainsi s'entendre d'un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d'une logique automatique et contraignante, et la matérialisation de ce effort réside dans une structure individualisée ( Ass. plén., 7 mars 1986, pourvoi n° 83-10.477 ).

Cette originalité peut résulter notamment des « lignes de programmation, des codes ou organigramme, ou du matériel de conception préparatoire » (Cass. 1re civ., 14 nov. 2013, n° 12-20.687), tandis que le caractère prétendument innovant ou nouveau du logiciel n'est pas en soi suffisant à caractériser la notion d'originalité. Échappent aussi à la protection du droit d'auteur les fonctionnalités d'un logiciel, ses algorithmes, les langages de programmation mis en œuvre, en raison de leur appartenance au domaine des idées qui sont de libre parcours.

En l'espèce, les société Booper et MPS ainsi que M. [F] opposent à l'action menée de ce chef par la société Opti-mix une fin de non-recevoir à titre principal, avant de conclure au rejet sur le fond.

La condition d'originalité n'étant pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès, les parties précitées ne tirent pas de l'absence de démonstration de l'originalité des logiciels de prix développés par la société Opti-mix les conséquences juridiques qui s'imposent en concluant à l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon. Aucune irrecevabilité ne saurait prospérer de ce chef.

Il n'en demeure pas moins que s'agissant de la preuve de l'originalité des logiciels, qui pèse sur la société Opti-mix, celle-ci, en cause d'appel, se contente toujours d'affirmations inopérantes voire particulièrement vagues.

D'abord, la société Opti-mix se prévaut du caractère innovant de ses solutions par rapport aux logiciels existants démontré, selon elle, par l'obtention d'un « contrat de prêt à taux zéro pour l'innovation » de la part de la société Oséo.

Outre que cette attribution, réalisée à partir d'un dossier de projet purement déclaratif établi par ses soins, est insusceptible d'établir une quelconque originalité, le caractère nouveau ou innovant, comme ci-dessus rappelé, n'est pas en soi suffisant, à le supposer établi, pour caractériser l'originalité requise.

Ensuite, est tout autant inopérante l'argumentation de la société Opti-mix relative aux moyens humains, financiers et de temps, nécessaires pour développer les logiciels, ces éléments, à les supposer établis, n'étant pas de nature à démontrer, à eux seuls, une quelconque originalité.

Comme l'ont justement rappelé les premiers juges, l'existence d'un enregistrement des logiciels Opti-Mix pricing, Opti-mix liking et Opti Mix H-matching auprès de l'agence pour la protection des programmes le 1er avril. 2015, invoquée par la société Opti-mix, permet tout au plus de préconstituer à leur auteur la preuve de leurs droits éventuels, mais n'atteste en rien de ce que les logiciels sont originaux, et donc, protégés au titre du droit d'auteur.

La société Opti-mix se contente, d'une part, de généralités non prouvées, relatives à « un logiciel d'intelligence artificielle singulier, se démarquant de la concurrence, intégrant notamment une combinaison de fonctionnalités spécifiques, une présentation et des expressions singulières ; marquant l'empreinte de leur personnalité », d'autre part, de citations des dispositions applicables aux reproductions et copies caractérisant un acte de contrefaçon du droit d'auteur.

Elle ne prend toutefois pas la peine d'effectuer la moindre démonstration, basée sur des éléments et des faits précis et articulés, aux fins de faire ressortir, d'une part, l'existence de choix opérés par ses soins, différents de la pratique traditionnelle ou de ceux des concurrents, d'autre part, l'apport intellectuel propre dans la conception de son logiciel, et enfin, l'effort personnalisé dans l'élaboration dudit logiciel.

Elle est ainsi défaillante dans la preuve qui lui incombe de l'originalité invoquée des logiciels lui permettant de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur attachée à toute œuvre de l'esprit et lui permettant de revendiquer la protection contre toute contrefaçon.

En tout état de cause, comme l'ont justement relevé les premiers juges, M. [T], expert informatique, intervenu en accompagnement technique de l'huissier lors des opérations de saisie-contrefaçon au cours desquelles avaient été saisis les codes sources des logiciels de la société Booper conclut clairement, après comparaison des logiciels d'Opti-mix avec le logiciel Priceone de la société Booper, que « les similitudes rencontrées dans l'analyse des codes logiciels (Jav et sql) montrent que les deux codes remplissent des fonctionnalités analogues. Ils utilisent pour ce faire une architecture technique commune et des concepts analogues... Si les façades sont très similaires (architecture technique, accès à la base de données, vocabulaire, concepts), l'écriture des logiciels est différente. PriceOne réalise des fonctions logicielles différentes avec un code différent du code Optimix dans la base de données, la redistribution différente des champs communs et l'exploitation différente des jointures en sont l'illustration. Dans le code source Java, la revue du code autour des éléments de vocabulaires et de concept communs, confirme cette différence d'écriture des logiciels.

Ainsi, les différents éléments techniques recueillis, notamment dans le rapport de l'expert [T], précité, qui se trouve d'ailleurs loin d'être contredit par le rapport de M.[Y], expert amiable mandaté par la société Booper, qui le complète, pointent certes une parenté entre les logiciels.

Néanmoins cette parenté est liée soit à un même spectre fonctionnel, à savoir l'analyse et l'optimisation de prix (pricing), soit au style et au choix d'architecture faite par un même développeur, soit à l'usage d'outils et de technologies disponibles sur le marché ou sur internet (Java, Apache, Tomcat, Oracle, Smartgwt), ce qui prive le logiciel de toute originalité.

Ces éléments mettent également en lumière une différence des codes source entre les logiciels Opti-mix Pricing et Price One, ce qui ne peut conduire sur le fond qu'à écarter toute contrefaçon.

La décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a, à juste titre, écarté toutes demandes de la société Opti-mix formées au titre de la contrefaçon, ce qui comprend la demande d'injonction faite à la société Booper de procéder sous astreinte à la suppression de toute copie de tout ou partie du logiciel Optimix pricing et ses codes source sous astreinte.

Cela concerne également la demande de condamnation au préjudice lié aux investissements réalisés pour le développement du logiciel à hauteur de 500 000 euros à l'encontre des sociétés Booper, MPS ainsi que de MM. [F] et [A], en sa partie fondée sur le non-respect du droit d'auteur, puisque la société Opti-mix dans ses dernières écritures lie ce préjudice tant au faits de contrefaçon qu'aux faits de concurrence déloyale (in fine p 57 dans le dispositif), qu'il convient d'examiner désormais.

V Sur l'existence d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme

Arguant de quatre type d'actes distincts tenant au développement du logiciel Priceone par MM. [V] et [A] durant une période où il étaient ses salariés, au délai de développement du logiciel concurrent, au débauchage fautif des salariés, au démarchage de ses clients, la société Opti-mix considère que les parties adverses ont commis des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme, justifiant leur condamnation à indemniser son préjudice, ce que les sociétés Booper, MPS , MM. [F] et. [A], contestent, pointant l'absence de preuve tant d'une faute que d'un préjudice.

M. [A] conclut, plus particulièrement, à titre subsidiaire à son absence de responsabilité personnelle, ce qui ne pouvait permettre au tribunal de lui imputer 5 % de contribution, la somme mise à sa charge correspondant à plus de deux mois de salaires. Il estime que la recherche par l'employeur de la responsabilité pécuniaire de son salarié exige la démonstration d'une faute lourde, qui s'avère en l'espèce totalement inexistante. Il ajoute qu'aucun agissement reproché ne concerne des faits postérieurs à son départ de l'entreprise et précise avoir agi dans le cadre strict des fonctions acquises auprès de son nouvel employeur.

La société Optimix réplique qu'elle fonde sa demande de condamnation in solidum sur le fait que chacune des parties a conjointement participé aux actes de contrefaçon et de concurrence déloyale dont elle a été victime. Elle n’estime qu’aucune des circonstances invoquées par M.[A] ne peut l'exonérer de sa responsabilité.

Elle rappelle que la réparation de son préjudice doit être intégrale, et justifie la demande des frais de recrutement investis en pure perte (M. [C]), des frais de chasseurs de tête pour remplacer les salariés partis, et le paiement de salariés non opérationnels. Elle demande 20 % des frais généraux engagés pour les salariés débauchés. Elle chiffre la perte des contrats pour les années 2014 et 2015 ainsi que trois années de partenariats supplémentaires.

Elle précise que du fait des actes de concurrence déloyale, elle a subi un retard considérable dans un marché très concurrentiel, qui l'a privée de parts de marché, et ce au bénéfice de la société Booper. L'indemnisation doit comprendre la réparation de la perte subie mais également du gain dont elle a été privée.

Elle considère nécessaire la publication de l'arrêt d'appel, puisque de nombreux contacts avec ses clients ont été menés par les parties adverses.

Réponse de la cour,

Aux termes des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, devenus 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L'action en concurrence déloyale constitue une action en responsabilité civile, qui implique non seulement l'existence d'une faute commise par le défendeur mais aussi celle d'un préjudice souffert par le demandeur. Il appartient à celui qui s'en prévaut d'en apporter la preuve.

L'action en concurrence déloyale peut être mise en œuvre par celui qui n'est pas titulaire d'un droit privatif (action en contrefaçon), ou par celui qui ne remplit pas les conditions pour exercer l'action fondée sur son droit privatif.

Les comportements et procédés qui relèvent de la concurrence déloyale sont nombreux et variés. Ils ont en commun de constituer un manquement aux usages du commerce et à l'honnêteté professionnelle, n'impliquant pas nécessairement la mauvaise foi, c'est-à-dire l'intention de nuire, ce qui rend sans objet les développements polémiques de la société Opti-mix quant à une préméditation voire une intention dolosive de M. [F].

Le parasitisme est l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, ou en exposant des frais bien moindres que ceux auxquels il aurait dû normalement faire face pour arriver au même résultat s'il n'avait pas bénéficié des efforts de l'autre.

Il sera noté que n'est pas discuté le fait que les sociétés Opti-mix, Booper et MPS soient positionnées sur un même marché et en situation de concurrence.

La société Opti-mix présente des demandes de ces chefs in solidum contre les sociétés Booper et MPS mais également MM. [F] et [A]. Elle n'explicite cependant nullement les fondements lui permettant de rechercher la responsabilité de M. [A], son ancien salarié, qui ne dispose d'aucun mandat de gestion dans le cadre des sociétés précitées, ou celle de M. [F], dont il n'est ni allégué ni démontré qu'il ait eu une quelconque activité indépendante concurrente et qui n'est que le dirigeant social des sociétés précitées.

En fonction des griefs retenus, il conviendra de s'interroger sur la possibilité d'un concours des différents protagonistes à la faute retenue permettant de rechercher leur responsabilité.

Dans un premier temps, il convient d'examiner les quatre faits invoqués par la société Opti-mix qui ressortissent pour trois d'entre eux d'actes de concurrence déloyale. Quant aux actes regroupés sous l'intitulé « délais de développement du logiciel concurrent PriceOne », ils doivent être plutôt rattachés à la notion de parasitisme. Seront également abordés les développements consacrés par la société Opti-mix au contournement des règles des procédures collectives, ces derniers concernant plus spécifiquement M. [F].

1) sur le développement du logiciel Priceone par MM. [V] et [A] durant une période où ces derniers étaient ses salariés

M. [A] revient sur la date à laquelle il a commencé à travailler sur le logiciel Priceone, le travail sur le logiciel en amont de son départ et la rapidité avec laquelle le logiciel a été élaboré ne pouvant accréditer les accusations de parasitisme.

Il souligne que les éléments pris en compte par le tribunal relèvent de correspondances privées, qui sont irrégulièrement détenues et concernent M. [V], contre lequel la société Opti-mix a abandonné toutes poursuites.

M. [A] réplique à la demande de remboursement des salaires, que cette demande n'est ni fondée ni en droit ni en fait, et ne fait que traduire l'intention dolosive de la société Opti-mix. Il souligne que cette demande a été délaissée à l'encontre de M. [V] et qu'aucune pièce du dossier ne démontre qu'il ait délaissé son emploi pendant les 8 mois précédant son départ.

La société Opti-mix rappelle que, même en l'absence d'une clause expresse de non-concurrence, le salarié est tenu d'une obligation de non-concurrence jusqu'à l'expiration de son contrat et ne peut, par principe, utiliser à des fins personnelles des moyens matériels appartenant à son employeur.

Les échanges démontrent que MM. [V] et [A], incités par M. [F], ont utilisé leurs temps de travail et les moyens mis à leur disposition pour travailler pour le compte de ce dernier, et ce pendant les 8 mois précédant la fin de leur contrat.

Les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F] ne consacrent aucun développement à ce grief.

Réponse de la cour,

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

La société Opti mix ne fonde ses griefs concernant le développement du logiciel Priceone par MM. [V] et [A] durant une période où ces derniers étaient ses salariés que sur les courriels relatés dans les pièces 15 et 47.

Or, ces pièces ont précédemment été déclarées irrecevables et ne peuvent servir à prouver une quelconque faute devant la cour.

La cour ne peut que constater qu'il n'est pas apporté de preuve des assertions de la société Opti-mix relative à une utilisation de moyens personnels et humains durant le contrat de travail de M. [A], les motifs des premiers juges en sens contraire étant invalidés.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation in solidum des sociétés Booper, MPS, MM. [F] et [A] à hauteur de 88 897,92 euros au titre du préjudice lié au travail effectué par MM [V] et [A] durant la période où ils étaient salariés au bénéfice de M. [F].

2) Sur l'utilisation des moyens mis en œuvre pour le développement d'un logiciel concurrent

M. [A] fait valoir qu'il ne peut lui être reproché d'avoir, grâce à son expérience acquise chez la société Opti-mix, entrepris de développer le logiciel Priceone de son nouvel employeur. Il souligne qu'il n'était lié à la société Opti-mix par aucune clause de non-concurrence et disposait donc d'une liberté totale pour mettre ses talents de concepteur-développeur au service de toute société de son choix. Le fait que le logiciel Priceone porte la trace de son intervention ne peut donc lui être reproché.

M. [A] conteste toute utilisation fautive du savoir-faire acquis dans ses activités antérieures. Les rapports d'expertise versés au débat démontrent que les éléments communs aux deux logiciels ne résultent pas d'un emploi fautif de données ou de techniques propres à la société Opti-mix. Les similitudes relevées résultent de sa « patte » ou de l'emploi d'un langage commun aux développeurs. La ressemblance dans les noms des fichiers est justifiée par les normes de nommage des attributs et des objets dans le monde de la programmation.

Le rapport d'expertise rendu par l'expert à la demande de la société Opti-mix confirme que « l'écriture des logiciels est différente ».

M. [A] souligne l'interprétation fallacieuse faite par la société Opti-mix du rapport d'expertise et conteste tout agissement parasitaire, par une appropriation déloyale de connaissance qui auraient été transmises par la société Opti-mix.

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] soutiennent que la société Opti-mix n'a pu communiquer un savoir-faire spécifique puisque son cœur de métier n'a jamais été la conception de logiciel et que le savoir-faire provenait de M. [F]. Ce n'est pas grâce aux techniques utilisées par la société Opti-mix que la société Booper a pu élaborer son logiciel Priceone. Ils pointent les citations tronquées et l'interprétation tendancieuse du rapport d'expertise, et contestent l'argumentation d'un développement trop rapide du logiciel Priceone de Booper.

La société Opti-mix réplique que le délai pour développer le logiciel Priceone, puis sa commercialisation, démontrent l'existence d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme. Elle pointe les nombreuses similitudes présentées avec ses logiciels (même spectre fonctionnel, même infrastructure, même bibliothèque graphique, même nombre de fichiers, formes de programmations similaires, transposition des noms) ce qui permet de se convaincre de l'exploitation faite par les parties adverses du logiciel, dont elle détient les droits, comme modèle et comme base de travail en vue de développer leur logiciel.

Elle indique que l'utilisation déloyale et fautive des investissements de la société Opti-mix résulte également de la circonstance que la société Booper a développé son logiciel en seulement un an. Un développement aussi rapide ne peut s'expliquer que par la réutilisation de ses investissements et de son savoir-faire, matérialisés notamment par les codes sources du logiciel Opti-mix pricing dont une copie a été retrouvée sur les postes informatiques des salariés de la société Booper, en violation flagrante de ses droits de propriété intellectuelle.

Réponse de la cour,

En droit, la théorie du parasitisme ou des actes parasitaires peut être utilisée pour bannir l'utilisation illégitime et intéressée d'une valeur économique d'autrui, fruit d'un savoir-faire spécifique et d'un travail intellectuel lorsque cette valeur n'est pas protégée par un droit spécifique.

Par cette notion, se trouve appréhendé, comme rappelé ci-dessus, l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, ou en exposant des frais bien moindres que ceux auxquels il aurait dû normalement faire face pour arriver au même résultat s'il n'avait pas bénéficié des efforts de l'autre.

À la différence de la concurrence déloyale qui ne saurait résulter d'un faisceau de présomptions, le parasitisme résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité.

Il appartient donc à celui qui se prévaut d'actes de parasitisme ou d'agissements parasitaires d'apporter la preuve d'un détournement de la notoriété ou de l'investissement effectué par ses soins mais également de la volonté du parasitaire de s'inscrire dans le sillage d'autrui, ce qui ampute d'autant le retour d'investissement recherché.

Cette sanction de comportements déloyaux doit néanmoins se concilier avec le principe essentiel de la liberté du commerce et de l'industrie, ou encore la possibilité d'user de son savoir-faire acquis dans le cadre d'une expérience antérieure, voire le principe selon lequel « les idées sont de libre parcours ».

En ce dernier domaine, seule la reprise de la composition ou de la structure de l'idée peut permettre à la théorie du parasitisme de jouer, l'idée, en tant que telle, n'étant pas protégeable.

Enfin, il a été jugé que la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de l'industrie, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce.

En l'espèce, pour incriminer de ce chef les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F], la société Opti-mix argue des délais très courts pour développer le logiciel Priceone, lequel serait issu d'une copie de son propre logiciel, pour lequel elle précise avoir consacré d'importants moyens humains et financiers.

Tout d'abord, de l'ensemble des principes ci-dessus rappelés, il se déduit, que pour qu'il y ait parasitisme, encore faut-il préalablement établir l'existence d'une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers importants, ou d'un savoir-faire représentant une valeur économique importante en soi.

Or, les éléments versés pour attester ce point par la société Opti-mix sont des plus succincts, alors qu'il résulte de ses propres écritures que la conception des logiciels, qui représente à peine 12 % de son activité, n'est pas son c'ur de métier.

Elle n'apporte aucun élément pour justifier de techniques ou de savoir-faire individualisé et spécifique que renfermerait sa solution logicielle, alors que les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F] pointent l'existence sur le marché d'un grand nombre de logiciels de pricing, remplissant des fonctions identiques. La seule production des conventions de prêt Oseo est impropre à démontrer techniquement une quelconque valeur ajoutée en la matière, cet organisme n'ayant de compétence qu'en matière de financement.

Si la société Opti-mix prouve d'importantes levées de fond pour développer ses logiciels, il n'est pas justifié d'une valeur économique individualisée et d'un savoir-faire qui lui soient propres, alors que ne peut être occulté le contexte d'acquisition par ses soins des savoir-faire et actifs issus du rachat des éléments d'actifs de la société CERP, créée par M. [F], lequel indique « être à l'origine de la création-conception des logiciels de prix de la société CERP », ce que ne conteste pas la société Opti-mix qui se contente de discuter les compétences et sa manière de servir lorsque ce dernier était employé par ses soins.

En tout état de cause, la société Opti-mix, qui se prévaut de cette notion de parasitisme, doit démontrer l'existence d'une reprise de la composition et de la structure de son logiciel, dépassant les simples nécessités fonctionnelles et une copie de son logiciel par des procédés déloyaux, la « filiation commune », ci-dessus rappelée, pouvant d'ailleurs expliciter certains éléments communs retrouvés dans les deux logiciels sans que cela soit nécessairement constitutif d'une faute.

L'expert mandaté par la société Opti-mix pour assister les huissiers dans le cadre des saisies-contrefaçons réalisées à sa demande rappelle cette filiation commune en exergue de sa synthèse, lorsqu'il note qu'« ayant en tête que les deux bases de données représentent le même champ conceptuel et qu'elles ont été développées par les mêmes développeurs, je peux m'attendre à [ce que] les mêmes stratégies de nommage et les mêmes principes d'organisation de données soient repris sans pour autant en faire une copie ».

Des différents rapports techniques, on peut retenir que :

- il ne saurait être tiré argumenté d'une présentation montrant deux applications ayant le même spectre fonctionnel (page 7 du rapport [T]), cette identité étant normale s'agissant de logiciels partageant la même finalité (rapport M. [Y]) et traitant des mêmes champs fonctionnels qui « représentent le métier de l'analyse de prix » (page 10 du rapport [T]), M. [T] soulignant que « la revue des champs communs (40) montre que les champs sont en rapport avec le thème traité sans grande originalité » ;

- il est noté des « formes de programmation similaires » et des stratégies de nommages analogues, des éléments de structure très proches », mais également pointé des « éléments exploités différemment par les deux codes java » (page 13 du rapport [T]) et « une organisation des bases de données différentes (recherches jointures, recherches sur la répartition des champs communs » (page 12 du même rapport).

- si M. [T] relève que « l'organisation des packages partage la même infrastructure », il note que l' « organisation des packages fonctionnels (chaînage, simulation, produit..) n'est pas la même » ;

- au titre de la comparaison des codes Java, M. [T] retrouve des « lignes communes », qui « correspondent à des références techniques du socle de données » et note que le code , « organisé de la même façon » [..] « reprend l'architecture technique d'Opti-mix », avec, d'une part, « des éléments du codes sources d' Opti-mix (quelques dizaines de fichiers) repris dans Price One (env 1000 fichiers) notamment pour organiser l'accès aux données », d'autre part, des concepts représentés par le code d'Opti-mix qui ont « leur contrepartie dans le code de Priceone, quelques squelettes de code repris » et enfin le vocabulaire d'Opti-mix à hauteur de 10 % ;

- il pointe toutefois que « les différentes recherches effectuées montrent que le code fonctionnel, c'est-à-dire que celui qui met en œuvre le comportement de l'application, n'est pas le même dans les deux applications. Les différentes reprises restent mineures dans le code de Priceone. Quelques dizaines de fichiers repris alors qu'il y a un millier de fichiers » (page 20 du rapport [T]).

Or, dans ses écritures, la société Opti-mix se livre à une étude empreinte de dénaturation du rapport de M. [T], en pointant uniquement les similitudes mises en lumière et en tronquant nombre de justifications ou de contextualisations données par l'expert pour expliciter les parentés soulignées.

Aux termes de ce rapport, M. [T] conclut clairement à la présence, certes de « façades très similaires (architecture, accès à la base de données, vocabulaires, concept) » mais également à une « écriture des logiciels différentes. Priceone réalise les fonctions logicielles avec un code différent d'Optimix. Dans la base de données, la redistribution différentes des champs communs, et l'exploitation différente des jointures, en sont l'illustration. Dans le code java, la revue de code autour des éléments de vocabulaire et de concepts communs, confirme cette différence d'écriture des logiciels ».

Il sera en outre observé que le rapport de M. [Y], loin de contredire le rapport de M. [T], le complète et en explicite les termes.

Il conforte l'idée d'une absence d'appropriation par les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F] d'un quelconque fruit d'un investissement ou savoir-faire spécifique d'Opti-mix, en soulignant que, pour nombre de similitudes constatées, il n'existe pas un accaparement de compétence développée par la société Optimix mais une utilisation notamment de bibliothèques (smartgwt) en libre-service sur internet, d'outils logiciels (java, appache, tomcat, oracle) très largement diffusés et utilisés, ou de pratiques partagées par les utilisateurs de Java.

Ces explications ne sont aucunement contredites par la société Opti-mix, laquelle ne répond pas plus aux éléments apportés par M. [Y] pour expliciter les mots-clefs communs trouvés entre les deux applications, à savoir l'emploi de « termes techniques généraux », qui n'apparaissent pas liés au métier de l'analyse de prix mais sont, par exemple pour « Optirow une fonction de Java d'optimisation des largeurs des colonnes d'un tableau ».

Enfin, la société Opti-mix, qui fait grand cas de la découverte des copies de ses logiciels sur l'ordinateur personnel de M. [A], demeure taisante sur le fait que les éléments mis en exergue par M. [T] lors de la saisie-contrefaçon permettent de constater que lesdites copies n'ont pas été modifiées après le départ du salarié de l'entreprise et qu'aucun élément ne permettent d'établir qu'elles aient été utilisées.

Dès lors, au vu des seuls éléments valablement produits, la société Opti-mix ne peut raisonnablement soutenir que le logiciel Priceone, dont il convient de rappeler, d'une part, qu'il partage la même finalité et vise un périmètre fonctionnel identique, d'autre part, qu'il a été développé par M. [F] et des développeurs, notamment MM. [A] et [V], qui avaient initialement travaillé sur le logiciel Opti-mix, ce qui peut expliciter certaines similarités, ait été obtenu en usant de techniques et de savoir-faire, fruits de son investissement que les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F], avec l'aide de M. [A], auraient déloyalement utilisés.

En conséquence, la société Opti-mix échoue à démontrer que les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F], avec l'aide de M. [A], aient usé de savoir-faire individualisé et/ou des fruits issus de son investissement, pour procéder au développement du logiciel Priceone, sans bourse délier ou avec des moyens plus limités et rapides, non respectueux des usages loyaux du commerce. Cela justifie l'infirmation de la décision entreprise de ce chef.

3) Sur le débauchage fautif des salariés

M. [A] s'oppose à toute demande formée au titre du débauchage massif, la société Opti-mix ne lui imputant aucun grief directement. Il n'existe aucune démonstration ni d'un départ massif de salariés vers la société Booper, ni d'un départ simultané. Seuls deux développeurs sont concernés et plus d'un an sépare les départs. Il n'existe aucun fondement à la responsabilité de M. [A], lequel n'a pas le pouvoir d'embaucher.

Les société Booper et MPS ainsi que M. [F] contestent tout débauchage massif des salariés, puisque les départs sont au nombre de deux et interviennent 16 mois après le licenciement de M. [F], et avec un intervalle d'un an entre les deux départs.

Ils soulignent l'absence d'incitation aux départs et l'absence de preuve d'un débauchage massif et simultané, et enfin l'absence de preuve d'une désorganisation de la société Opti-mix. Ils indiquent que les départs de développeurs sont en lien avec le comportement de l'ancien directeur du développement et que ni M. [A] ni M. [V] ne disposaient de toute façon d'une expérience en Pricing avant de rentrer chez Opti-mix.

Ils contestent l'existence même du service R&D revendiqué par la société Opti-mix.

Ils font remarquer que les dommages et intérêts réclamés par la société Opti-mix de ce chef sont calculés sur la base d'éléments sans aucun lien avec les faits allégués.

La société Opti-mix se prévaut d'un débauchage fautif des salariés, soulignant l'existence d'un départ de deux de ses quatre collaborateurs de son département recherche, un troisième la quittant pour rejoindre la société Booper un an après.

Elle indique que chacun de ses salariés était spécialisé dans un logiciel ou un domaine spécifique, ce qui les rendait indispensables à l'entreprise. Ce débauchage a désorganisé l'activité de l'entreprise qui a mis 6 mois, avec l'aide de chasseurs de tête, pour trouver des profils destinés à remplacer les salariés démissionnaires et les former. Elle a ainsi subi un retard considérable dans le développement de ses projets.

Elle conteste l'affirmation selon laquelle l'activité de vente de logiciel ne représente que 5 % environ de son chiffre d'affaires et souligne que, de toute évidence, cela est indifférent sur la constitution même du débauchage. Elle précise que le développement de logiciels représentait un axe de développement stratégique.

Réponse de la cour,

Le principe de la liberté du travail et de la libre concurrence implique que l'embauche d'un salarié ayant appartenu récemment à une entreprise exerçant une activité dans un même secteur, qui n'est en outre tenu d'aucun engagement de non-concurrence à l'égard de son ancien employeur, n'est fautive que lorsqu'elle intervient dans des conditions déloyales et entraîne la désorganisation de l'entreprise.

Il en est de même en ce qui concerne le débauchage des salariés d'un concurrent, consistant pour une entreprise, à les inciter à quitter leur emploi pour les attirer en son sein.

Le débauchage peut être déloyal notamment s'il relève d'une démarche de débauchage massif, portant sur des effectifs importants par rapport à l'ensemble de l'effectif du service considéré, ou sur un personnel disposant d'une qualification particulière.

Outre la condition de déloyauté précédemment rappelée, pour être constitutif de concurrence déloyale, le débauchage fautif doit en outre produire un effet de désorganisation du concurrent, observation étant faite qu'il ne doit pas s'agir d'une simple perturbation et que cela suppose la démonstration concrète d'une désorganisation subséquente aux départs des salariés de l'entreprise quittée.

En l'espèce, la société Opti-mix sollicite la condamnation in solidum des sociétés Booper, MPS ainsi que de M. [F], et M. [A] au titre d'un débauchage.

Sous ce vocable, la société Opti-mix évoque les départs de « 75 % de son effectif du département Recherche & développement », englobant les démissions du 27 mars 2014 de MM. [V] et [A], libérés de leur préavis le 27 juin 2014, avec celle de M. [C] le 15 mai 2015.

MM. [A] et [C] ont rejoint la société Booper à la rupture de leur contrat de travail, soit respectivement le 27 juin 2014 et le 15 mai 2015, tandis que M. [V] a d'abord rejoint la société Conix avant d'entrer dans les effectifs de la société Booper.

Il doit être noté, tout d'abord, qu’aucun ne fait précis de débauchage imputé à son ancien salarié, M. [A], envers les salariés de la société Opti-mix n'est caractérisé. Ce même constat peut être fait pour la société MPS, aucun fait concluant n'étant invoqué à son encontre.

Ensuite, il n'est pas contesté qu'aucun des salariés dont le départ est évoqué par la société Opti-mix n'était lié par une clause de non-concurrence.

Leur simple embauche dans des conditions régulières ne pouvant dès lors être fautive, il appartient à la société Opti-mix d'établir le caractère déloyal et fautif de cette embauche ainsi que la désorganisation induite par ces départs.

Or, les incitations à la démission mentionnée par la société Opti-mix ne sont étayées par aucune pièce probante, étant ajouté qu'au titre des procédés déloyaux, la société Opti-mix, suivie en cela par les premiers juges, invoque les liens existant entre MM. [V], [A] et M. [F], lesquels sont fondés exclusivement sur le contenu des pièces 15 et 47 dont il a été précédemment jugé qu'elles sont irrecevables.

Ce grief ne peut donc qu'être rejeté.

Alors que sont contestés l'existence d'un département Recherche et développement et le nombre des effectifs le composant, mais également la désorganisation induite par le départ simultané ou successif de salariés y étant affectés, la société Opti-mix se garde bien d'apporter la moindre preuve de son effectif salarial, de son organisation interne et de l'existence de département différents avec l'affectation des différents personnels pouvant y être employés.

Elle ne verse aucune pièce permettant d'attester ses dires, notamment sur la répartition des tâches entre les différents salariés litigieux en fonction des logiciels ou domaines spécifiques dans lesquels ils étaient prétendument spécialisés.

La société Opti-mix ne fait qu'affirmer leur caractère indispensable à l'entreprise et « l'impact lourd » de leur départ alors qu'elle avait « assuré leur formation technique et le développement de leur compétence », aucun élément probant n'étant versé pour attester de la véracité de ces affirmations.

La production de la convention de recrutement, qui aurait été conclue en 2013 et aurait permis le recrutement de M. [C], sans qu'aucune pièce ne permette de vérifier ce dire, ou encore la proposition contractuelle d'un cabinet de « chasseur de tête [la société Selec'team] pour trouver des profils pouvant remplacer les salariés démissionnaires et pour les former », conclue en avriL. 2014 puis juin 2014, permettent tout au plus d'établir l'existence d'investissements réalisés par la société Opti-mix dans le recrutement, mais nullement l'imputabilité des départs de ces salariés à un débauchage et encore moins la désorganisation de l'entreprise qui en aurait découlé.

La société Opti-mix se contente ainsi de généralités sur l'« axe de développement majeur » de l'activité recherche & développement, qui aurait subi un « débauchage des trois quarts des effectifs », voire de supputations quant à l'interposition de la société Conix dans le recrutement de M. [V], « tout laiss[ant] à penser que sous couvert de son contrat de travail avec la société Conx M. [V] a travaillé au moins en partie, pour M. [S] [F] ».

Il s'ensuit que la concurrence déloyale par débauchage fautif de salariés n'est pas constituée, faute pour la société Opti-mix d'établir des faits de déloyauté et la désorganisation engendrée par ces départs, ce qui ne peut que conduire à réformer la décision des premiers juges sur ce point.

4) sur le démarchage de la clientèle

M. [A] objecte que son implication dans un quelconque démarchage n'est pas démontrée, le libre jeu de la concurrence s'opposant à toute volonté de voir condamner un concurrent vers lequel un client s'est tourné. Le seul client concerné est la société Pro-distribution qui est partie pour des raisons liées au dysfonctionnement de sa relation commerciale avec la société Opti-mix.

Les société Booper et MPS ainsi que M. [F] font valoir qu'aucune faute de démarchage de clients de la société Opti-mix n'est caractérisée. Le départ de la société Pro-distribution était en lien avec une insatisfaction des prestations de la société Opti-mix et aucune autre rupture de relations commerciales avec un autre client n'est alléguée.

La société Opti-mix se prévaut d'un démarchage entraînant la perte notamment d'un de ses clients, la société Pro-distribution. Elle ajoute que la société Booper s'est avérée incapable de gérer correctement le client qui a finalement repris contact avec elle.

Réponse de la cour,

En droit, au vu du principe de la liberté du commerce et du principe de la libre recherche de la clientèle, qui est de l'essence même du commerce, pour que puisse être retenu un acte de concurrence en la matière, doivent être caractérisés l'abus de cette liberté et l'atteinte à la libre concurrence par des procédés déloyaux.

Le détournement de clientèle n'existe pas du seul fait de l'ouverture d'un commerce concurrent ou du seul fait que la clientèle suive un salarié quittant l'entreprise initiale.

Le démarchage de clientèle de l'ancien employeur n'est pas constitutif de concurrence déloyale s'il n'est pas réalisé par des moyens critiquables, car contraires aux usages locaux du commerce.

En l'espèce, au soutien de cette prétentions, la société Opti-mix verse uniquement une facture de maintenance pour l'année 2014 au profit de la société Pro-distribution, le courrier de résiliation du contrat de maintenance et de projet de cette dernière société pour la fin de l'année 2014, mentionnant des retards et une absence de suivi, le courrier émis par la société DBA, filiale de la société Pro-distribution mentionnant des retards dans le projet et une absence de suivi la conduisant à estimer rompues ses relations avec la société Opti-mix.

Il n'est ni allégué ni prouvé de faits contraires aux usages locaux du commerce ayant concouru aux départs des clients cités, et imputables aux sociétés Booper et MPS.

Des éléments recueillis lors de la saisie-contrefaçon, à savoir la détention des codes sources sur l'ordinateur de M. [A], sa présence dans les effectifs désormais de la société Booper et l'absence de M. [F] lors de ses saisies dues à sa visite de la clientèle de la société Pro-distribution, la société Opti-mix extrapole l'existence d'un démarchage des anciens clients.

Sans aucun élément objectif et précis, elle déduit de la détention sans droit des codes sources, trouvés sur l'ordinateur de M. [A], la possibilité pour la société Booper « d'assurer la maintenance des logiciels d'Opti-mix auprès d'anciens clients de la société, tels prodistribution ».

Or, rien n'atteste que lesdits éléments, retrouvés sur l'ordinateur personnel de M. [A], aient été consultés par ce dernier après son départ, voire transmis à la société Booper.

En l'absence de la moindre preuve, dans un marché de libre concurrence, aucune faute ne saurait être imputée de ce chef, ce qui justifie la confirmation de la décision entreprise de ce chef.

5) sur le contournement des règles de la procédure collective

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] objectent que l'allégation d'une violation des règles applicables aux procédures collectives n'a aucun sens. Ils rappellent que la société Opti-mix a fait choix de racheter l'actif de l'ancienne société de M. [F], de demander à M. [F] d'investir des fonds dans l'entreprise, puis de le licencier en le libérant de sa clause de non-concurrence.

Ils soulignent que le prétendu retard dans le développement commercial est purement virtuel et n'est en lien avec aucune faute prouvée qui puisse leur être imputée.

M.[A] ne consacre aucun développement à ce grief.

La société Opti-mix soutient que l'attitude de M. [F] est d'autant plus fautive au regard des conditions de son embauche initiale, liée au rachat des actifs de la société CERP, société dont il était le fondateur et en liquidation judiciaire, qui était détentrice du logiciel Gespri.

Elle soutient que M. [F] tente de reprendre possession des actifs de la société, en contournant l'article L624-3 du code de commerce, son action étant préméditée.

Réponse de la cour,

En droit, les parties ont la charge d'alléguer et de prouver les faits nécessaires au succès de leurs prétentions en application des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile et il leur incombe de procéder à une démonstration en tirant les conséquences juridiques des éléments invoqués.

En l'espèce, la société Opti-mix se contente d'affirmer l'existence d'une préméditation et d'un montage utilisé par M. [F] pour poursuivre son activité et conserver les actifs de la société CERP, dont le logiciel d'Opti-mix est issu, sans réelle démonstration et preuve.

La seule attestation, très générale, d'un salarié, disposant d'un lien de subordination, est insuffisante pour établir ce fait.

Au surplus, à supposer ce montage établi, la société Opti-mix ne saurait invoquer sa propre turpitude dès lors qu'elle a contribué à l'acquisition des logiciels de la société CERP et à l'embauche de M. [F] en connaissance de cause.

Ce moyen ne peut qu'être rejeté.

VI ' Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F]

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] demandent la sanction de la société Opti-mix laquelle a tenté d'éliminer du marché un concurrent direct, la société Booper et M. [F].

Ils demandent réparation de la perte de chance de finaliser des négociations avec trois très gros clients, liée à la divulgation aux prospects des éléments sur les saisies-contrefaçons, estimant à 50 % ou 30 % selon les clients la perte de chance de finaliser l'offre. Ils indiquent que si la société Opti-mix entend contester ces montants, il lui appartient notamment de communiquer les montants des chiffres d'affaires qu'elle a réalisés avec Auchan international, ce qu'elle refuse de faire.

Ils invoquent un préjudice lié aux saisies-contrefaçons et au maintien de la présente procédure pendant sept ans consistant en un retard pris dans le développement commercial du logiciel et de l'impossibilité de convaincre les investisseurs extérieurs de participer à une importante levée de fonds. Ils reviennent sur l'évaluation de cette perte de chance.

Ils arguent également de la rétractation de certains clients, sur le point de signer des contrats de licence pour le logiciel PriceOne. Ils se prévalent de lettres d'intention qui rendent crédibles et cohérentes les prévisions du business plan de la société Booper et de leur réalisation possible, si la société Opti-mix n'avait pas entravé délibérément et illicitement leur développement commercial. Ils invoquent enfin un préjudice moral de M. [F] et de ses sociétés, qui ont subi une obstruction et la violence des saisies-contrefaçons, lesquelles ont déstabilisé tant M. [F] et son épouse que les salariés de l'entreprise.

Ils pointent le dénigrement dont M. [F] a été l'objet,

La société Opti-mix conclut au rejet de la demande d'indemnisation formulée par les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F], soulignant l'absence de toute justification juridique de la demande initialement présentée.

Le manque à gagner invoqué ne peut être fondé sur un simple business plan, sans qu'aucun document comptable probant soit fourni et sans élément pour établir que ce business plan était réaliste. Le préjudice résultant de la perte de chance de finaliser des négociations avec de gros clients n'est pas plus établi. Les emails d'encouragement, de félicitation ou de demandes d'informations complémentaires ne sont aucunement des engagements fermes de la part de potentiels clients. Les motifs réels de rétractation des investisseurs et clients ne sont pas en lien avec les fautes commises par M. [F] et ses sociétés, mais relèvent du risque légitime pesant sur une société dont le développement est assis sur des faits de contrefaçon et de parasitisme.

Il n'est apporté la preuve d'aucun acte de dénigrement,

Réponse de la cour,


Conformément aux dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du code civil, il appartient à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'un préjudice, d'un lien de causalité et d'une faute.

En cas de perte de chance, la réparation du dommage est mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. L'élément de préjudice constitué par la perte de chance peut présenter en lui-même un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine.

La société Booper, dans une partie relative aux demandes reconventionnelles, consacre deux paragraphes intitulés respectivement la « perte de chance de finaliser ses négociations avec 3 très gros clients » et « le manque à gagner du fait de l'impossibilité de réaliser une levée de fonds » (paragraphe 2-41 et 2-4-2, pages 50 à 65).

Ces paragraphes comportent des estimations des préjudices à hauteur, pour le premier, à tout le moins de près d'un million a minima, et le second, d'un tiers de la perte de marge bénéficiaire de 4,810 millions, soit 1, 6 millions d'euros. Cependant, aux termes de leur dispositif, les sociétés Booper, MPS et M. [F] sollicitent une condamnation de la société Opti-mix à la somme unique et globale de 1 600 000 euros pour perte de chance « d'avoir pu signer des contrats » et de « réaliser du chiffre d'affaires au cours des années 2015 à 2019 ».

Alors que ces vocables décrivent plutôt des préjudices, ces intitulés servent à introduire des développements (paragraphes 2-4-1 et 2-4-2) décousus et pour le moins peu précis, dans lesquels sont disséminées des remarques tenant à la fois au lien de causalité (pages 58 in fine, 59), au préjudice (page 53, puis page 55 et page 58) et aux fautes invoquées, lesquelles ne se cantonnent pas uniquement à la perte de la clientèle et à la perte des investisseurs, auxquelles les intitulés précités paraissent renvoyé.

Dans le paragraphe intitulé « manque à gagner » du fait de « l'impossibilité de réaliser une levée de fonds » se trouve regrouper, sans grande cohérence, en réalité trois faits distincts, évoqués pêle-mêle et sans lien réellement avec l'intitulé retenu et le préjudice invoqué, avant que la société Opti-mix ne revienne sur l'implication de la divulgation des informations tenant à la procédure litigieuse et aux saisies-contrefaçons sur le manque à gagner.

Par ailleurs, si la société Booper consacre son paragraphe « perte de chance de finaliser ses négociations avec 3 très gros clients », à la faute de perte de clientèle, en envisageant notamment quatre illustrations, cette faute est également évoquée, dans le paragraphe relatif à la fuite des investisseurs, de manière plus générale, lorsqu'elle invoque la nécessité d'informer ses interlocuteurs et la rétractation de plusieurs clients (paragraphe 2-4-2 page 59).

Compte tenu, d'une part, du caractère décousu des développements précités et des incohérences dans la présentation choisie par les sociétés Booper, MPS et M. [F] de leurs prétentions, la cour se trouve contrainte d'interpréter les conclusions. Elle en extrait, au soutien d'une demande de réparation unique et globale de 1 600 000 euros, les fautes suivantes : un comportement nuisible à la contractualisation avec la clientèle, le maintien injustifié d'une procédure de contrefaçon, la mauvaise publicité auprès des investisseurs, la démobilisation du personnel, qu'il convient désormais d'examiner.

1) sur les nuisances à la contractualisation avec la clientèle

Les sociétés Booper, MPS et M. [F] se prévalent de quatre « illustrations », concernant les clients Casino, Auchan internation pour le Vietnam et la Chine, le client G 20, et le client Gifi, pour déplorer une « divulgation déloyale et diffamatoire aux effets catastrophiques » sur la clientèle.

Les pièces versées aux débats établissent l'existence de négociations contractuelles en cours avec les clients précités, à des degrés plus ou moins avancés, et susceptibles d'apporter des gains conséquents à la société Booper, mais également l'interruption soudaine des négociations ou rapprochements en cours.

Tel est le cas notamment pour l'interruption des négociations, sans examen de la contre-offre de la société Booper avec le client Auchan international pour le Vietnam et la Chine.

Contrairement à ce qu'affirme la société Opti-mix, l'attestation de M. [B], directeur général de Sumacas de 2017 à 2020, établit avec suffisance l'existence d'un processus de négociation pour faire référencer le logiciel Priceone, la renonciation à finaliser cette négociation en raison de la divulgation d'informations relatives à la procédure en saisie-contrefaçon, et surtout l'imputabilité de cette renonciation à la société Opti-mix.

En effet, M. [B] précise expressément que l'« information a été communiquée par le groupe qui la tenait de la société Opti-mix » et « a de ce fait renoncer à travailler avec la société Booper pour l'implémentation de MPS de crainte que cette société ne puisse aller au terme de sa mission ».

Le fait que la société Opti-mix soit déjà le prestataire de la société Casino et que les négociations de la société Booper avec le groupe Casino ne concerneraient qu'une branche de ce groupe ne prive pas la divulgation faite par la société Opti-mix de la procédure de saisie-contrefaçon de caractère fautif, cette société ne pouvant prétendre ignorer qu'elle affaiblissait ainsi son concurrent.

Il ressort, en effet, de l'attestation de M. [H], directeur commercial de la société Opti-mix de janvier 2018 à octobre 2021, que la société Opti-mix craignait la concurrence de la société Booper et les performances de son logiciel de pricing.

M. [H] fait alors part de l'orchestration d'une démarche visant à « « éloigner à tout prix » Booper du marché en tant que concurrent », en « ciblant les clients de Booper afin de l'affaiblir le plus possible, en priorité par rapport à tous les autres concurrents, et d'appliquer un « no passaràn systématique. Cette priorisation s'est traduite par un focus de la prospection sur les clients Booper, et par une « carte blanche tarifaire n'imposant aucune limite de remise. Ce fut le cas notamment sur Pro distribution (client Booper), ainsi que sur l'ensemble des prospects pour lesquels nous savions que Booper était positionnée ».

Cette démarche orchestrée par la société Opti-mix en vue de détourner les clients de la société Booper en instrumentalisant le litige en cours est également illustrée par les échanges du directeur Pincing de la société Lapeyre avec M. [F], ce qui rend inopérants les développements de la société Opti-mix relatifs à l'existence d'un litige avec son ancien salarié, M. [H], et sa partialité.

Ainsi, dans un mail à M. [F], M. [L], directeur Pricing de la société Lapeyre, souligne ne pas avoir « eu de réponse de leur part [opti-mix] pendant que je choisissais l'éditeur » du logiciel avant de contractualiser avec la société Booper, et avoir « reçu un appel du directeur qui a eu vent de notre contractualisation. Celui-ci m'a fait part d'un différend commercial entre vous et d'un procès pour plagiat/utilisation fraudulueuse du code source afin de monter Booper », et interroge M. [F] en ses termes : « Pourrais-tu m'en dire une peu plus sur cette procédure et si elle entraîne un risque pour la pérennité de Booper  ».

A juste titre, la société Booper pointe donc de manière plus générale dans son paragraphe 2-4-2 page 59, un comportement délibéré de la société Opti-mix ayant eu un retentissement sur ses partenaires contractuels, tant actuels que futurs, qui a nui au développement de sa clientèle et mis en danger la pérennité de la société Booper.

Si ce litige sur fond de contrefaçon et de parasitisme ne pouvait être ignoré dans le milieu économique, ni même passé d'ailleurs sous silence par la société Booper auprès de ses différents interlocuteurs, sous peine d'être taxée elle-même de déloyauté par ces derniers, la divulgation de cette information dépassait la communication d'éléments purement objectifs tenant à l'existence d'un litige.

De plus, les pièces précitées établissent à suffisance que la société Opti-mix s'est livrée à un comportement plus général et délibéré destiné à décrédibiliser la société Booper auprès de ses différents partenaires contractuels, tant actuels que futurs, ce qui a déstabilisé la clientèle et nui au développement serein de son activité.

Ce procédé fautif a engendré un préjudice de perte de chance de contractualiser avec la clientèle et développer sereinement son activité, source d'un préjudice certain et indéniable pour la société Booper qu'elle est en droit de voir réparer.

Compte tenu de l'absence d'imputabilité certaine de la perte de trois des quatre clients identifiés, et au vu des pièces dont la cour dispose, le préjudice lié à l'absence de développement serein de l'activité et à la perte des clients Casino et non identifiés, engendrées par le comportement de la société Opti-mix, peut être évalué à 800 000 euros.

Au vu des pièces qui luis sont soumises, la cour estime la perte de chance de conclure avec le client Casino et également les autre clients potentiels à 50 % du préjudice précité.

En conséquence, il convient de condamner la société Opti-mix à payer à la société Booper la somme de 400 000 euros de ce chef.

2) sur le maintien de l'action engagée

Les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F] indiquent subir « un préjudice lié aux saisies contrefaçons et au maintien de la présente procédure durant 7 ans, consistant dans le retard pris dans le développement commercial de leur logiciel PriOne et dans l'impossibilité de convaincre les investisseurs extérieurs de participer à une importante levée de fonds ».

Le seul fait qu'une procédure ait été engagée et qu'elle ait été maintenue, sauf à ce qu'elle soit jugée abusive, ne constitue pas en soi une faute, la possibilité d'ester en justice étant un droit qui ne dégénère en abus du seul fait que l'action engagée fut infondée.

Cette faute n'est pas constituée.

3) sur la mauvaise publicité auprès des investisseurs.

Les mêmes estiment avoir été privés, à raison de la mauvaise publicité effectuée par la société Opti-mix sur les saisies-contrefaçons pratiquées, de la possibilité de lever des fonds, ce qui ne leur a pas permis de « faire entrer au capital des investisseurs extérieurs et de mener à terme les différentes opportunités économiques envisagées », notamment celles concernant les clients Casino et Auchan, empêchant ainsi la société Booper d'« attein[dre] les objectifs anticipés dans son Business plan d'origine ».

Toutefois, aucune pièce n'établit une quelconque divulgation auprès des investisseurs des informations liées au litige en cours et imputable à la société Opti-mix, étant en outre observé qu'il n'a pas été retenu contre la société Opti-mix de faute dans l'échec de la négociation avec Auchan.

L'attestation de la société Sivao consulting n'évoque ce procès que comme l'une des raisons l'ayant conduite à mettre fin prématurément au contrat l'unissant à la société Booper. Si elle indique n'avoir « pu dans ces conditions pour des raisons déontologiques évidentes poursuivre les négociations avec les banques et les sociétés de capital-investissement contactées », elle n'impute nullement cette rupture à la société Opti-mix.

Le seul fait que la société Booper ait eu à réévaluer ses prétentions financières et ne soit pas parvenue à inciter les partenaires à investir ne permet pas d'établir un comportement fautif de la société Opti-mix dans ces faits.

Cette faute n'est pas établie.

4) sur la démobilisation du personnel

Enfin, est évoquée la brutalité des saisies-contrefaçons entreprises par la société Opti-mix tant au domicile de M. [F] et de son épouse, qu'aux sièges sociaux des entreprises, qui ont engendré une démobilisation du personnel.

Outre qu'il ne s'agit que de l'usage d'une voie de droit et qu'aucun élément objectif n'établit la démobilisation invoquée, il n'est pas établi de lien entre la faute et le préjudice tenant au manque à gagner du fait de l'impossibilité de réaliser une levée de fonds.

Ce grief ne peut qu'être rejeté.

5) Sur le préjudice moral de M. [F] et de ses sociétés

Les sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F] ne peuvent invoquer la violence injustifiée des saisies contrefaçons injustifiées, alors que deux experts étaient intervenus dans le dossier et avaient écarté la contrefaçon, puisque ces expertises sont postérieures à la réalisation même des saisies précitées.

Aucun moyen n'est développé dans les écritures des précités au soutien de la demande de la société MPS en dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 20 000 euros, étant observé qu'aucune pièce ne vient accréditer l'existence d'un quelconque préjudice de cette société.

Cette demande ne peut qu'être rejetée.

Par contre, les pièces versées aux débats établissent l'obstruction systématique mise en œuvre par la société Opti-mix pour nuire au développement de la société Booper, ce qui est à l'origine d'un préjudice moral de la société Booper, qui, au vu des pièces dont la cour dispose, sera justement réparé par l'octroi de 20 000 euros de dommages et intérêts

Pour justifier la demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros au profit de M. [F], sont évoqués à la fois l'obstruction et l'atteinte portées aux démarches entreprises par ses soins et les propos dénigrants.

En premier lieu, l'article 1240 du code civil, anciennement 1382 du code civil, seul fondement invoqué par M. [F], permet uniquement sanctionner le dénigrement de produits ou de service, et non le dénigrement de propos jetant le discrédit de la personne, qui « porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne », lesquels relèvent de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. La demande M. [F] de ce chef ne peut donc prospérer.

Par contre, il ne peut être contesté, au vu des pièces versées aux débats, et notamment les mails de M. [H] et M. [L], l'obstruction faite aux démarches entreprises par M. [F] à travers ses sociétés. Cette obstruction et les mesures prises ont causé un préjudice moral à M. [F] qui sera intégralement réparé par la société Opti-mix par la somme de 15 000 euros, au vu des pièces produites.

VII Sur la demande reconventionnelle de M. [A]

M. [A] conclut à son absence de responsabilité personnelle et invoque un préjudice moral, se trouvant au cœur d'un conflit personnel entre deux dirigeants d'entreprises concurrentes dont l'origine est bien antérieure aux faits de l'espèce.

La société Opti-mix conteste l'existence même du préjudice moral de M. [A], lequel apparaît heureux de travailler pour la société Booper et pour lequel il n'a existé aucune violation irrégulière des correspondances.

Réponse de la cour

Il ressort indéniablement des pièces versées au dossier que M. [A] s'est retrouvé au c'ur d'un conflit le dépassant largement et visant à atteindre M. [F] et les sociétés de ce dernier, notamment la société Booper, et ce depuis de nombreuses années. Il est tout autant établi que par le biais de mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et des investigations menées par la société Opti-mix sur le matériel informatique, cette dernière a porté atteinte au secret de ses correspondances.

Il s'infère nécessairement de ces faits un préjudice moral qu'il convient de réparer en lui octroyant la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts.

VIII - Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive des sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F]

Les sociétés Booper et MPS ainsi que M. [F] sollicitent une indemnisation pour procédure abusive. Ils estiment que la société Opti-mix avait conscience de la fictivité de cette procédure ce qui démontre sa volonté de leur nuire.

M. [A] est taisant de ce chef,

La société Opti-mix ne consacre aucun développement spécifique en cause d'appel à cette prétention, sollicitant uniquement la confirmation du jugement aux termes de son dispositif sur ce point.

Réponse de la cour,

En droit, sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Au titre de cette prétention, la société Opti-mix, qui n'énonce pas de nouveaux moyens mais demande la confirmation du jugement, est compte tenu du principe posé par l'article 954 in fine du code de procédure civile, réputée s'approprier les motifs des premiers juges, lesquels ont rejeté la demande des sociétés Booper, MPS et M. [F] aux motifs qu'ayant fait droit en partie aux demandes présentées par la société Opti-mix, le caractère abusif des demandes n'est pas établi.

La demande des sociétés Booper, MPS ainsi que M. [F] ne peut qu'être rejetée, puisqu'aucun des moyens allégués n'est susceptible de caractériser un abus de droit d'ester en justice, marqué par une intention de nuire et un dévoiement de l'action mise en œuvre, laquelle portait tant sur la contrefaçon que sur des actes de concurrences déloyales et de parasitisme.

Le seul fait que la partie ait pu se méprendre sur ses droits et que l'action ait été jugée infondée en son ensemble par la cour d'appel n'est pas suffisant pour établir la faute ayant fait dégénérer en abus la procédure diligentée. Aucun élément objectif ne vient d'ailleurs étayer cette prétention.

La demande formée de ces chefs par les sociétés Booper, MPS et de M. [F] est donc rejetée.

IX- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Opti-mix succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Opti-mix, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée au titre des frais irrépétibles à hauteur de la somme fixée au dispositif du présent arrêt, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

La demande de distraction au profit de Me [X] est accueillie,

Les chefs de la décision entreprises relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont infirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

ORDONNE la jonction des litiges enregistrés sous les RG 22/3719 et 22/3720 sous le n° RG 22/3719 ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence au profit du conseil des prud'hommes de Roubaix ainsi qu'au profit du tribunal de commerce de Lille et s'est déclaré compétent pour connaître des demandes et également en ce qu'il a débouté la société Opti-mix software de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d'auteur ;

L'INFIRME pour le surplus,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

DECLARE irrecevables les pièces n° 15 et 47 de la société Opti-mix software;

DIT sans objet la demande de voir écarter la pièce de la société Opti-mix software n° 24 ;

REJETTE la demande visant à enjoindre à la société Opti-mix software de retirer toute référence aux correspondances de MM. [A] et [V] à peine d'irrecevabilité de ses conclusions ;

CONSTATE l'absence de fin de non-recevoir opposée à la demande de la société Opti-mix en contrefaçon et en conséquence déboute les sociétés Booper et Margin power solution ainsi que M. [F] de leur irrecevabilité de la demande en contrefaçon ;

DIT que les fautes de développement du logiciel Priceone durant le temps de travail des salariés, d'utilisation des moyens mis en œuvre pour développer un logiciel concurrent, de débauchage fautif des salariés, de démarchage de la clientèle et de contournement des règles de la procédure collective ;

En conséquence,

DEBOUTE la société Opti-mix software de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

DIT que la faute de la société Opti-mix software de nuisance à la contractualisation avec la clientèle est constituée ;

En conséquence,

CONDAMNE la société Opti-mix software à payer à la société Booper la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice financier ;

DIT non constituées les fautes de mauvaise publicité auprès des investisseurs, de démobilisation du personnel ;

CONDAMNE la société Opti-mix software à payer à la société Booper la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice financier ;

DEBOUTE la société Margin power solution de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la société Opti-mix software à payer à la société Booper la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la société Opti-mix software à payer à M. [F] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la société Opti-mix software à payer à M. [A] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

DEBOUTE la société Booper, la société Margin Power solution et M. [F] de leurs demandes au titre de la procédure abusive ;

CONDAMNE la société Opti-mix software aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Opti-mix software à payer la somme de 10 000 euros chacun aux sociétés Booper et Margin power solution ainsi qu'à M. [F] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Opti-mix software à payer à M. [A] la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Opti-mix software de sa demande d'indemnité procédurale ;

ORDONNE la distraction des dépens au profit de Me [X].