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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 16 janvier 2024, n° 21/02128

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 21/02128

16 janvier 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02128 - N° Portalis DBVH-V-B7F-ICAT

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

14 mai 2021

RG :F 19/00236

[RX]

C/

S.A. MFEX FRANCE

Grosse délivrée le 16 janvier 2024 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 16 JANVIER 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 14 Mai 2021, N°F 19/00236

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Septembre 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

Madame [Y] [RX]

née le 04 Septembre 1981 à [Localité 6] (Kazakhstan)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Sébastien VIDAL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

S.A. MFEX FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Emilie TOURNIER, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Avril 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 16 janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [Y] [RX] a été engagée par la SA Mfex Mutual Funds Échange AB à compter du 10 juillet 2008 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chargée de prospection sociétés de gestion et distributeurs, statut cadre, de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation du 18 décembre 1952.

Du 1er mars 2011 au 31 août 2011, la durée de travail de Mme [RX] était réduite à 32 heures par semaine

A compter du 1er février 2012, la durée de travail de Mme [RX] était réduite à 20 heures par semaine et il était convenu entre les parties que Mme [RX] travaillerait depuis son domicile.

A compter du 15 mai 2012, la durée du travail de Mme [RX] était portée à 32 heures par semaine.

En dernier lieu et depuis le 1er novembre 2012, la durée hebdomadaire de travail de Mme [RX] était de 41 heures et son lieu de travail était toujours son domicile.

Du 11 décembre 2018 au 31 janvier 2019, Mme [RX] était placée en arrêt de travail.

Le 7 février 2019, les parties ont signé une rupture conventionnelle.

Par lettre du 22 février 2019, la société Mfex France adressait à la Direccte une demande d'homologation de la rupture conventionnelle.

Le contrat de travail était rompu le 9 mars 2019.

Le 30 avril 2019, Mme [RX] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes afin de solliciter la requalification de la rupture conventionnelle en un licenciement nul, sa réintégration au sein de la société Mfex France et la condamnation de la société Mfex France à lui verser diverses sommes, lequel, par jugement contradictoire du 14 mai 2021, a :

- débouté Mme [Y] [RX] de l'ensemble de ses demandes,

- donné acte à la SA Mfex France de ce qu'elle va régulariser la rupture du contrat de travail de Mme [Y] [RX] à la date du 15 mars 2019,

- condamné Mme [Y] [RX] à payer à la SA Mfex France la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Y] [RX] aux entiers dépens.

Par acte du 1er juin 2021, Mme [Y] [RX] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 07 décembre 2022, Mme [Y] [RX] demande à la cour de :

- dire l'appel régulier et la concluante recevable en sa constitution et ses conclusions,

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 14 mai 2021 en toutes ses dispositions soit en ce qu'il :

* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

* donné acte à la SA Mfex France de ce qu'elle va régulariser la rupture de son contrat de travail à la date du 15 mars 2019,

* l'a condamnée à payer à la SA Mfex France la somme de 700,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

A titre principal

- déclarer recevable la pièce 56

- juger que son contrat de travail prévoit 41 heures hebdomadaires rémunérées

- juger que depuis plus de trois ans avant la date de rupture, Mfex n'a payé que 35 heures hebdomadaires, soit 6 heures contractuelles non payées chaque semaine

- juger que le taux horaire des 6 heures non payées chaque semaine était de 40,5211 euros bruts

- juger que Mfex devait payer les 41heures prévues au contrat

- condamner Mfex à lui payer la somme de :

* 37.927,77 euros bruts au titre des heures contractuelles non payées depuis février 2016

* 3.792,78 euros bruts au titre des congés payés y afférents

- condamner Mfex à fournir des bulletins de salaires corrigés, de même que des documents de rupture corrigés

- juger que son salaire mensuel brut de référence est de 5.970,26 euros bruts.

- juger que Mfex s'est rendue coupable de travail dissimulé au sens de l'article L8221-5 du code du travail

- condamner Mfex à lui payer la somme de 35.821,56 euros au titre de l'article L8223-1 du code du travail

- juger qu'elle a subi un harcèlement, une discrimination et que Mfex a fait preuve de déloyauté contractuelle

- condamner Mfex à lui payer la somme de 71.642,12 euros de dommages et intérêts à ce titre

- juger que Mfex :

* ne justifie pas lui avoir remis un exemplaire de la convention de rupture le jour de sa signature

* ne l'a pas informée de sa faculté de se faire assister lors des entretiens préalables à la rupture, alors que celle-ci était en état de faiblesse psychologique connue de l'employeur, viciant ainsi son consentement,

* a rompu le contrat avant le délai d'homologation par l'administration, donc sans que la convention ne soit homologuée,

* l'a contrainte à accepter une rupture en situation de harcèlement, ou à tout le moins de détresse psychologique parfaitement connue de l'employeur

* a fait usage de violence psychologique viciant son consentement

* s'est livrée à un dol viciant son consentement

* l'a contrainte à signer des documents antidatés, et n'a jamais réalisé les entretiens requis par la loi,

* l'a contrainte à accepter une rupture conventionnelle, viciant son consentement

- juger nulle la convention de rupture, et partant la rupture du contrat de travail

- juger qu'elle a donc été licenciée sans cause réelle et sérieuse par Mfex.

- juger que le licenciement est nul pour être discriminatoire

- ordonner sa réintégration assortie du paiement d'un salaire de 5970,36 euros par mois entre la date de rupture et la date de réintégration, assorti de 10% de congés payés

- juger que si la réintégration est impossible du fait de l'employeur alors le rappel de salaire découlant de la décision de réintégration sera dû et assorti des montants résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du jugement à intervenir

Dans ce cas,

- condamner Mfex à lui payer :

* 17.910,78 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis

* 1.791,08 euros bruts au titre des congés payés y afférents

* 15.920,69 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement

* 143.286,24 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul et discriminatoire

En tout état de cause, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, et au vu de sa situation professionnelle particulière

- juger qu'en application de la convention 159 de l'OIT et de l'article 24 de la charte sociale européenne, les plafonds fixés par l'article L1235-3 du code du travail sont inapplicables

Subsidiairement sur ce point,

- interroger à titre préjudiciel la Cour de Justice de l'Union Européenne sur l'applicabilité de cet article L1235-3 du code du travail, au visa de l'article 267 TFUE et de la décision du Comité Européen des Droits Sociaux publiée le 26 septembre 2022 selon laquelle ledit article du Code du travail viole l'article 24b de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux en ces termes : « les articles L1235-3 et suivants du Code du travail Français violent-t-ils l'article 24 de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux comme le soutien le Comité Européen des Droits sociaux dans sa décision publiée le 26 septembre 2022,, et dans l'affirmative, demeurent-t-ils applicables ' », ou toute autre formulation qui plaira à la Cour,

- condamner Mfex à lui payer :

* 17.910,78 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis

* 1.791,08 euros bruts au titre des congés payés y afférents

* 15.920,69 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement

* 143.286,24 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- juger que sa clause de non-concurrence n'a pas été levée

- juger que ladite clause n'a pas été rémunérée postérieurement à la rupture, toute rémunération incluse dans le salaire versé antérieurement à la rupture étant exclue

- juger qu'elle est fondée à demander le paiement de sa clause de non-concurrence, cette indemnité ayant une nature salariale

- condamner Mfex à lui payer les sommes de :

* 35.821,26 euros bruts au titre de la rémunération de sa clause de non-concurrence

* 3.528,13 euros bruts au titre des congés payés y afférents

- débouter Mfex de tout appel incident et demande reconventionnelle

- codamner Mfex à la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mfex aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les sommes prévues par les articles R444-3 et ses annexes, et A444-31 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ajoutées en sus aux sommes auxquelles elle sera condamnée et laissées entièrement à sa charge.

Elle soutient que :

- sur les rappels de salaires

- dès lors que la demande est introduite dans les 3 années qui suivent la rupture, la demande de rappel peut porter sur les trois années qui précèdent ladite rupture, soit du 10 mars 2016 au 9 mars 2019

- le contrat de travail prévoit qu'elle est rémunérée pour 41h de travail hebdomadaire

- or, elle n'a été payée que sur 35 heures de travail hebdomadaire alors qu'elle travaillait bien 41 heures

- il n'y a aucun « forfait en heures » mais la fixation de la durée du travail hebdomadaire

- la société ne saurait invoquer un avenant signé le 31 octobre 2012, un concept résultant de textes en vigueur depuis seulement le 8 août 2016, et créant le forfait en heures hebdomadaires

- lors des augmentations individuelles dont se prévaut Mfex, l'employeur aurait dû préciser par avenant ce qui relève de la durée légale et ce qui relève des heures supplémentaires. A défaut, le nouveau salaire ne porte que sur la durée légale

- les bulletins de paie doivent préciser le nombre d'heures de travail et distinguer les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires, aucun de ses bulletins de salaire ne comportant une telle précision

- inclure le paiement de la clause de non concurrence dans la rémunération annuelle est illicite

- sur les heures supplémentaires

- la nature même de ses fonctions, qui l'amenait à de fréquents déplacements et à ne pas compter ses heures, a conduit à des dépassements horaires au-delà des 41h contractuelles

- Mfex n'a procédé à aucun relevé des temps de travail contrairement à ses obligations

- l'élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé et matérialisé par l'absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de salaires

- sur la discrimination et le harcèlement

- c'est dans un contexte d'épuisement moral dû à un comportement anormal de l'employeur suite à une fusion que la rupture du contrat de travail est intervenue et l'employeur était parfaitement informé de la situation

- c'est sous la contrainte qu'elle a fini par accepter de rompre le contrat

- elle travaillait dans un contexte de tension croissante, M. [X] n'hésitant pas à remettre en cause le contrat (et le lieu de travail), ses attributions, menace de mutation

- elle subissait l'une des plus importantes charges de travail

- des visites clientèles lui étaient refusées

- l'employeur était parfaitement informé des effets de son mode de management

- sur la nullité de la rupture conventionnelle

- l'employeur ne justifie pas qu'une quelconque convention de rupture lui ait été remise le jour de la signature

- l'affirmation de Mme [I] selon laquelle elle lui aurait remis un exemplaire de la convention constitue une attestation pour elle-même, totalement irrecevable

- la convention de rupture a été signée le 7 février 2019, de même que le CERFA

- or, la date de signature mentionnée dans ces documents est le 6 février 2019. Ils sont donc antidatés

- alors qu'elle était en situation de faiblesse, elle n'a jamais été assistée, mais encore elle n'a jamais été informée de la faculté de l'être, alors que son employeur en a l'obligation

- la demande d'homologation a été envoyée le 22 février 2019 alors qu'elle aurait dû être envoyée au plus tôt le 23 février 2019 compte tenu de la signature de la convention de rupture le 7 février 2019 et non le 6 février

- l'homologation de la rupture n'est intervenue que le 14 mars 2019

- la rupture est intervenue le 9 mars 2019, soient 5 jours calendaires avant cette date d'homologation

- elle démontre l'état psychologique dans lequel elle se trouvait lors de la signature de la convention de rupture

- son consentement a été vicié et l'employeur s'est même rendu coupable d'un dol

- les entretiens invoqués par l'employeur n'ont jamais eu lieu

- sur le paiement de la clause de non concurrence

- la convention de rupture conventionnelle étant nulle, la clause n'a jamais été levée par l'employeur

- elle a parfaiement respecté la clause de non concurrence lui interdisant de travailler en France, ayant retrouvé un emploi au Luxembourg.

En l'état de ses dernières écritures en date du 1er décembre 2022, contenant appel incident, la SA Mfex France venant aux droits de la société Mfex Mutual Funds Échange AB demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à savoir en ce qu'il a :

* débouté Mme [Y] [RX] de l'ensemble de ses demandes

* lui a donné acte de ce qu'elle va régulariser la rupture du contrat de travail de Mme [Y] [RX] à la date du 15 mars 2019

* condamné Mme [Y] [RX] à lui payer la somme de 700 euros au titre de l'article700 du code de procédure civile

* condamné Mme [Y] [RX] aux entiers dépens

- débouter Mme [RX] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,

Y ajoutant :

- déclarer irrecevable la pièce adverse n°56 ' procès-verbal de constat d'huissier du 13 septembre 2022 - en qu'elle constitue un élément de preuve illicite et l'écarter des débats,

- condamner Mme [RX] à lui payerla somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Subsidiairement, si la cour infirmait le jugement entrepris :

- débouter Mme [RX] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents pour la période du 10 mars 2016 au 9 mars 2019 en ce qu'elles sont injustifiées et erronées,

- juger que Mme [RX] n'a subi aucun harcèlement moral ni agissement discriminatoire du fait de son état de santé ;

- juger que la nullité de la rupture conventionnelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- juger que les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail sont applicables et conformes aux conventions internationales,

Ce faisant,

- débouter Mme [RX] de sa demande de question préjudicielle auprès de la Cour de Justice de l'Union Européenne,

- juger que les sommes allouées à cette dernière au titre de la rupture de son contrat de travail viendraient en déduction de celles déjà allouées par la société Mfex France à hauteur de 30.000 euros et faire application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail,

- débouter Mme [RX] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, discrimination et déloyauté contractuelle au motif que cette dernière ne rapporte pas la preuve du préjudice subi,

- juger que Mme [RX] ne rapporte pas la preuve du préjudice subi du fait du prétendu caractère illicite de sa clause de non concurrence,

- en conséquence, débouter Mme [RX] de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre de sa clause de non concurrence,

A titre infiniment subsidiairement, si la cour infirmait le jugement entrepris et jugeait que la nullité de la rupture conventionnelle produisait les effets d'un licenciement nul :

- constater que la réintégration de Mme [RX] est impossible compte tenu du fait qu'elle a retrouvé un emploi et par conséquent débouter Mme [RX] de sa demande de réintégration et de rappel de salaire afférent,

- faire application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail et allouer à Mme [RX] une indemnité pour licenciement nul d'un montant égal aux 6 derniers mois de salaire

En tout état de cause :

- débouter Mme [RX] de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [RX] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Elle fait valoir que :

- sur le rappel d'heures contractuelles

- sur la période litigieuse elle a bien rémunéré les heures supplémentaires que la salariée a effectuées chaque semaine au-delà de 35 heures

- il résulte des dispositions contractuelles liant les parties que la rémunération brute mensuelle englobait le paiement de 6 heures supplémentaires par semaine, soit 25,98 heures supplémentaires par mois, lesquelles portaient l'horaire de travail à 41 heures par semaine

- les bulletins de paie de Mme [RX] mentionnaient, à tort, une durée du travail de 151 heures 67 par mois, soit 35 heures par semaine, au lieu et place d'une durée de travail de 177,53 heures par mois

- dans la mesure où la rémunération mensuelle de Mme [RX] était globale et forfaitaire, il n'y avait pas lieu de distinguer sur ses bulletins de paie le salaire de base correspondant à 151,67 heures des 25,98 heures supplémentaires majorées chaque mois

- le bulletin de paie ne revêt aucun caractère contractuel, contrairement au contrat de travail

- en outre, l'erreur n'est pas créatrice de droit

- sur le harcèlement moral, la discrimination et l'exécution déloyale du contrat de travail

- la salariée travaillait au quotidien depuis son domicile

- Mme [RX] ne justifie pas de la pression ou de la surcharge de travail dont elle aurait été victime

- l'appelante n'explique pas quelles sont les actions managériales que la société auraient dû mettre en place ni en quoi la fusion en cours au sein de la société Mfex France aurait eu des conséquences sur ses conditions de travail

- les pièces médicales ne font que reprendre les déclarations de la salariée

- Mme [RX] ne précise toujours pas à quel titre ni sur quel motif prohibé elle aurait été discriminée

- le seul fait que Mme [RX] ait signé une rupture conventionnelle pendant son arrêt maladie ne permet pas de caractériser l'existence d'une pression, d'un harcèlement moral, d'une discrimination ou même d'une déloyauté de la part de la société

- le lieu de travail n'a jamais été modifié depuis 2012

- en 2018, il a été proposé à la salariée de manager une équipe et de venir à [Localité 13] 3 jours par semaine, ce qu'elle a accepté malgré les contraintes familiales dont elle fait état aujourd'hui

- lesdites contraintes ont cependant entraîné la fin des déplacements fin mars début avril 2018

- concernant les visites clientèles, il s'agit de trois clients basés à [Localité 13] et elle a estimé qu'il était plus judicieux et moins coûteux de faire intervenir des salariés basés à [Localité 13]

- compte tenu de son ancienneté professionnelle, il était normal que Mme [RX] se voit confier un nombre de dossiers plus importants que ses collègues sans que cela puisse constituer une surcharge de travail, d'ailleurs non démontrée

- sur la nullité de la rupture conventionnelle

- par un courrier en date du 31 janvier 2019, elle convoquait l'appelante à un entretien en vue de la rupture conventionnelle de son contrat de travail et l'avisait de la possibilité qu'elle avait de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise

- l'entretien a eu lieu le 7 février 2019 à [Localité 13] et non le 5 février 2019 compte tenu de l'indisponibilité de la salariée

- Mme [I], responsable des ressources humaines de la société, avec qui Mme [RX] a négocié les conditions et termes de sa rupture conventionnelle et qui était présente à l'entretien du 7 février 2019, atteste qu'un exemplaire de la convention de rupture a bien été remis à l'appelante

- elle a signé la convention de rupture le 6 février 2019, l'entretien ayant été décalé au 7 février 2019, aucune modification n'était apportée au formulaire de rupture conventionnelle préalablement rempli par la société

- les parties ont donc régulièrement disposé d'un délai de réflexion de 15 jours entre le 6 et 21 février 2019

- à l'issue de ce délai de réflexion, soit le 22 février 2019, la rupture conventionnelle a été adressée à la Direccte pour homologation

- la Direccte a homologué la rupture conventionnelle conclue entre les parties, alors même que la date de rupture du contrat de travail mentionnée dans le formulaire de rupture conventionnelle était antérieure à la fin de son délai d'instruction de 15 jours ouvrables

- la Cour de cassation a jugé que la fixation par les parties d'une date de rupture du contrat de travail antérieure au lendemain de l'homologation par la Direccte ne constituait pas une cause de nullité de la rupture conventionnelle

- la salariée ne démontre aucune situation de harcèlement ayant pu vicier son consentement

- la salariée a librement discuté, négocié (par emails et par téléphone) et signé sa rupture conventionnelle.

Elle ne démontre aucune manoeuvre de sa part pouvant constituer un dol

- le procès-verbal de constat du 13 septembre 2022 produit par l'appelante retranscrit des enregistrements réalisés à l'insu de Mme [C], supérieure hiérarchique de Mme [RX], s'agissant ainsi d'une preuve illicite devant être rejetée

- en outre, l'huissier n'a pas procédé à une retranscription intégrale

- la salariée ne démontre pas plus les pressions dont elle dit avoir fait l'objet

- sur la clause de non concurrence

- la présence dans un contrat de travail d'une clause de non concurrence illicite ne cause plus nécessairement un préjudice au salarié

- Mme [RX], a, immédiatement après son départ de la société, retrouvé un emploi au sein d'une entreprise concurrente, la société FUND CHANEL

- la salariée a été déliée de son obligation de non-concurrence lors de la rupture de son contrat de travail.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 24 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 avril 2023. L'affaire a été fixée à l'audience du 11 mai 2023.

MOTIFS

La cour rappelle que les demandes de 'constater', de 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.

Sur le rappel de salaire

Suivant avenant du 31 octobre 2012, 'l'artic1e 4 : ' Rémunération' du Contrat est annulé et remplacé par l'article 4 suivant :

Le Salarié percevra, payable sur une période de douze (12) mois, une rémunération fixe brute de quarante et un mille deux cent quarante huit euros (41,248 EUR) dont dix mille euros (10,000 EUR) au titre de la clause de non-concurrence de l'article 7.4 du Contrat.

La rémunération fixée ci-dessus couvre forfaitairement l'horaire de travail du Salarié tel qu'il résulte de l'horaire habituel de l'entreprise et des dépassements individuels nécessités par ses fonctions, et ce, dans la limite de 1/1 0° de la durée hebdomadaire prévue au contrat.

La rémunération ainsi convenue correspond à 41H décomptée chaque semaine et inclut toute majoration de salaire liée à 1'accomp1issement de ces heures.

...'

L'appelante considère ainsi qu'elle a droit au paiement des 41 heures de travail, soutenant qu'elle n'a été payée que pour 35 heures hebdomadaires.

En application de l'article L3121-38 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur, la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

Le recours à un tel forfait n'est pas subordonné à l'existence de dispositions conventionnelles l'autorisant. Mais si elles existent, les conditions imposées par accord collectif doivent être remplies.

Par ailleurs l'article L3121-41 du même code dans sa rédaction applicable, prévoit que la rémunération du salarié ayant conclu une convention de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre correspondant à son forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'article L3121-22.

Si la comparaison est désavantageuse pour le salarié, la convention de forfait est considérée comme nulle. Le salarié peut en conséquence réclamer le paiement des heures supplémentaires.

La rémunération au forfait ne peut résulter que d'un accord entre les parties et la convention de forfait doit déterminer le nombre d'heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu'il percevrait en l'absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires.

Le forfait hebdomadaire en heures permet de faire varier librement, le cas échéant à la seule initiative du salarié, le nombre d'heures de travail d'une journée à l'autre tout en respectant le volume hebdomadaire fixé.

En l'espèce, il résulte de l'avenant repris supra qu'une convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures a été conclue, couplée avec une rémunération forfaitaire comprenant des heures supplémentaires.

Mme [RX] soutient que la convention de forfait doit comprendre les majorations prévues et

réclamées, ce qui n'est pas le cas dans le présent litige, la prétendue « convention de forfait » ne comprenant aucun détail.

Cependant, la fixation par le contrat de travail d'une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour 41 heures caractérise une convention de forfait de rémunération incluant un nombre déterminé d'heures supplémentaires, l'avenant précisant : 'rémunération ainsi convenue correspond à 41H décomptée chaque semaine et inclut toute majoration de salaire liée à 1'accomp1issement de ces heures'.

Mme [RX] soutient encore qu'en l'absence de toute référence contractuelle à un salaire égal à celui mentionné sur les bulletins de salaire, distinguant ce qui est dû pour les 35 premières heures de ce qui est dû pour les suivantes, la mention de cette somme pour 35h hebdomadaires (151,67 heures mensuelles) sur les bulletins fait foi.

La cour constate que le salaire de l'appelante a évolué depuis la signature de l'avenant litigieux, les augmentations ne nécessitant aucunement la signature d'un nouvel avenant.

Il n'est pas contestable que le bulletin de paie doit indiquer la période et le nombre d'heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant, s'il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause et en mentionnant le taux appliqué aux heures correspondantes, en application des dispositions de l'article R 3243-1 du code du travail.

Cependant, la seule sanction civile consiste en la condamnation de l'employeur à verser des dommages-intérêts au salarié, pour autant que l'intéressé établisse l'existence du préjudice qui en résulte.

Ce faisant, l'absence de distinction entre les heures de travail normales et les heures supplémentaires ne peut préjuger de l'existence ou non d'une convention de forfait.

En effet, les mentions portées sur le bulletin de salaire valent présomption de leur contenu à l'égard du salarié, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire.

En l'espèce, l'avenant du 31 octobre 2012 constitue incontestablement une convention de forfait, signée par la salariée.

En définitive, la seule difficulté concerne le paiement des 6 heures de travail au delà des 35 heures hebdomadaires, tenant la mention sur les bulletins de salaire de 151,67 h de travail par mois au lieu de 177,67 h (41h/semaine).

L'employeur reconnaît dans ses écritures que Mme [RX] travaillait 41 heures par semaine et soutient que cette dernière a été payée sur la base du forfait signé.

Mme [RX] estime au contraire qu'elle n'a été payée que pour 35 heures et réclame ainsi les 6 heures supplémentaires qu'elle réalisait chaque semaine.

Il apparaît au vu des explications développées supra que la convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures conclue entre les parties, couplée avec une rémunération forfaitaire comprenant des heures supplémentaires, est parfaitement valable, Mme [RX] ayant été rémunérée en application de ce forfait, pour 41 heures de travail par semaine, de sorte que seules les heures réalisées au delà de ces 41 heures doivent donner lieu à un paiement en heures supplémentaires.

Il apparaît en effet que la rémunération de Mme [RX] pour 41 heures de travail par semaine était supérieure au minimum conventionnel pour sa catégorie, de sorte qu'il englobait nécessairement les 6 heures supplémentaires prévues dans la convention de forfait.

Mme [RX] ne saurait dans ces circonstances obtenir un quelconque rappel de salaire.

Par ces motifs ajoutés à ceux des premiers juges, il y a lieu de débouter celle-ci de sa demande, outre celle relative à l'indemnité pour travail dissimulé et de confirmer le jugement entrepris.

Sur la discrimination

Mme [RX] soutient avoir été victime d'une discrimination sans développer la moindre argumentation sur ce point, et dès lors sans viser un des cas prévus par l'article L 1132-1 du code du travail.

Le jugement querellé sera dans ces circonstances confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [RX] invoque les faits suivants, constitutifs, selon elle, d'actes de harcèlement :

- des propos tenus par M. [X] notamment, dans un contexte de tension croissante, celui-ci n'hésitant pas à remettre en cause le contrat (et le lieu de travail), ses attributions, etc..

- des déplacements professionnels utiles chez ses clients lui étaient refusés et d'autres salariés envoyés à sa place, la dépouillant de facto de sa clientèle

- elle subissait l'une des plus importantes charges de travail

- le tout sous les ordres d'un manager qui assume parfaitement son management par le chantage et le mensonge

- jusqu'à l'arrêt maladie dont l'employeur connaissait parfaitement la cause.

Pour étayer ses affirmations, Mme [RX] produit les éléments suivants :

Les propos tenus par M. [X]

- pièce n°32-1 : un courriel que lui a adressé Mr [X] le 3 janvier 2018 :

'[Y] merci pour cette bonne discussion

une base de départ est ce que MFEX Montpellier n'existe pas. ( ou ne peut plus, ou n'aurait pas du exister)

Il est temps pour toi de prendre la responsabilité d'une équipe

Ton mail que je trouve très positif et que j'ai partagé avec DK et OHAG constitue la base d'une bonne discussion;

on peut y ajouter la maîtrise d'ouvrage de LYNX et tout autre projet qui doit impérativement avance vite et bien

Tenez moi au courant SVP: MFEX va beaucoup évoluer dans les semaines à venir il y a plein de choses à faire.

deadline Vendredi 5 Janvier

MERCI'

- pièce n°32-2 : un courriel qu'elle a adressé à Mr [X] le 12 janvier 2018 :

'Bonjour [L],

Je reviens sur notre discussion sur les jours de présence. Lundi /Mardi /Mercredi se sont les jours les plus chargés d'habitude donc on peut commencer comme ça et on changera si nécessaire. Je laisse l'équipe s'habituer à l'idée la semaine prochaine et on attaque le planning dès le 21 janvier 2018. Du coup l'onboarding meeting on déplacera à Mercredi.

En ce qui concerne les horaires des trains. J'ai vérifié et le premier train est à:

07h38[Localité 3] [Localité 7]

10h45[Localité 13] [9]

Le dernier est :

19h07 [Localité 13] [9]

22h22 [Localité 3] [Localité 7]

Il y en a pas plus tôt. S'il faut je m'engage à travailler lundi jusqu'à 20h pour compenser l'arrivée à 11h. Partir la veille signifie une nuit à payer en plus pour MFEX et une soirée de moins avec mes enfants.

Je te remercie pour ta confiance'

- pièce n°32-3 : un courriel que lui a envoyé Mme [C] le 5 avril 2018, en langue anglaise avec la traduction en pièce n°46 :

'Bonjour [Y],

Comme discuté je te remercie de prendre en compte les démarches à suivre ci-dessus.

Je copie [JA] et [V] qui vont prendre le relais pour les étapes suivantes.

STP prépare les détails des conversations en cours et transmets-les à [V] et [JA] pour les RV correspondants.

[G]'

Un courriel qu'elle a envoyé à Mme [C] le 28 mars 2018, en langue anglaise avec la traduction en pièce n°46 :

' Bonjour [G],

Voici la liste de mes sociétés de gestion que je prévois de rencontrer au mois de Avril/Mai à [Localité 11].

Dis-moi ce que t'en penses pour les sujets évoqués.

[Y]'

- pièce n°32-4 : un courriel envoyé par Mme [C] le 17 mai 2018 à ' MFEX Fundrelations ; MFEX Sales [Courriel 12]> Cc: MFEX Legal ', en langue anglaise avec la traduction en pièce n°46 :

'Bonjour à tous,

Suite à la grande rotation du personnel actuellement :

[N] : on travaille sur le replacement

[W] : ses sociétés ont étés réallouées à [Localité 13] et Suisse

[EX] : sera en charge de négociation des frais de plateforme +sociétés françaises

[JA] : sera en charge de négociation des frais de plateforme +sociétés anglaises

[J] sera remplacé par [A] -> [TS] sera la personne de contact

[G] : suite aux discussions en cours pour l'acquisition de la plateforme française je suis moins disponible [P], [Z], [JA], [Y] and [EX] prendrons le relai !

Vous trouverez le fichier d'allocation ci-joint et merci pour votre engagement pendant cette transition.

[G]'

- pièce n°32-5 : un échange de courriels entre Mme [RX] et M. [X] des 12 et 13 avril 2018, l'appelante concluant l'échange ainsi :

' Maleureusement c'est la verité

Je me sens plutôt comme une mule qu'on charge sans cesse pour voir jusqu'où elle peut tenir.

Si la stratégie est de pousser les gens à la dépression ou démission (pour renouveler les actifs ou autres) c'est plutôt réussi.

Si c'est pas le cas il y a urgence d'agir (c'est la première fois que je le dis en 10 ans) pour recruter et remotiver les troupes. Car ce n'est pas seulement FR mais CS et BO en pâtisse de notre manque de ressources. On ne parle même pas du moral.

J'ai proposé les solutions intermédiaires à [G] pour soulager les PAMs: transférer les Fund Lists chez Fund Info ou [F] ; affecter les Platform Fee nego aux sales ; assigner les Swiss DA à [Localité 10].

Apparemment aucune convient dans l'organisation à aujourd'hui'

Je termine mon monologue matinale, on en discute la semaine prochaine si tu veux. Bonne journée,

[Y]'

- pièce n°32-6 : courriel qu'elle a reçu de M. [X] le 14 avril 2018 :

'Bonjour [Y], je pnse que tu as eu les réponses à tes questions re rachat axeltis.

Nous allons avoir 30 nouveaux collègues très heureux de rejoindre MFEX, une société dynamique avec d'excelllenets prespectives de croissance plutôt que travailler dans une filiale d'une grande banque.

Il ya des vendeurs, des pams et des CS de bonne qualité. J' en ai rencontré la plupart.

Il me revient par ailleurs que tu passes beaucoup de temps à bla blater avec certains de tes collègues sur le thème " comme la vie est dure, le management est injuste, etc."

Il faut que tu comprennes que même si tes collègues t' écoutent (ou plutôt font semblant de t' écouter ou de compatir), ils n'apprécient pas du tout ce genre d' attitude et m'en parlent.

Donc ca, ca s'arrête IMMEDIATEMENT.

A disposition pour en parler de vive voix ou au tel.

OH'

Réponse de Mme [RX] le 19 avril 2018 :

'Bonjour [L],

Nous ne sommes pas croisés cette semaine donc je réponds brièvement à ton message.

Je suis désolée pour les malentendu (il n'avait aucun mauvais esprit juste l'état de lieux des retards et requêtes accumulé qu'on n'est pas en mesure de traiter) au sujet des rumeurs du bureau sur le fond de stress et de pression certainement.

Pour le sujet de fond: on a fait le point sur la situation dans le service qui dure depuis des mois, impacte d'autres départements et la productivité globale. J'ai mis beaucoup d' efforts dans le projet qui m'as été confié depuis 4 mois dont l'efficacité risque de baisser. Vous avez pris la décision, on ne va pas y passez plus de temps.

Bravo pour le rachat d'Axeltis ! En effet, c'est une perspective très intéressante à moyen terme néanmoins d'ici l'intégration a 6 mois on fait comme on peut.

Cordialement, [Y]'

- pièce n°32-7 : courriel qu'elle a adressé le 19 novembre 2018 à '[V] [T] ; [L] [H] ; [G] [C] [Courriel 8]>' , en langue anglaise avec sa traduction en pièce n°46 :

'Bonjour [G], [V] et [L],

Je vous écris ce jour car la quantité des intégrations clients acceptée en mon absence pour le 4ème trimestre 2018 est impossible à finaliser pour dates convenu avec les clients ie Janvier 2019.

Nous continuons à accepter les intégrations rétroactives malgré une procédure claire mise en place et engagement de ne plus procéder de cette manière, nous continuons à les notifier au mi-novembre.

Avec la structure actuelle de l'équipe et la charge de travail ci-dessus, il est physiquement impossible de le faire. Et combien même nous les contactons tous les jours il y a également les délais administratifs à cause de la période de Noel.

En janvier 2019 nous devons fournir des chiffres prévisionnels. Pouvons-nous discuter ensemble quelle solution/ensemble de solutions nous pouvons mettre en place :

- On se concentre sur les plus gros clients

- On avance de l'argent aux clients

- On implique les bureaux respectifs pour l'intégration de leurs clients

- On redistribue la charge de travail

Pour votre information le meilleur résultat par personne de l'année dernière était 170 dossiers par an soit 50 maximum par trimestre et nous en avons 307 pour les deux mois restants de l'année.

([Y] [RX] en a 82 dossier sur 307)'

- pièce n°32-8 : courriel que lui a envoyé M. [X] le 27 mars 2018 en réponse à celui de la salariée du même jour :

Mme [RX] :

'You are welcome!

En retour tu m'apprends comment promettre des carottes sans en donner vraiment ' '

Soignes-toi bien et reviens nous en forme.

Kr,[Y]'

M. [X] :

'C'est comme [R] [S] dans Rabbi Jacob

" je promets TOUT et je ne donne RIEN!!!!!!!!!"'

- pièce n°32-9 : courriel de Mme [C] du 19 octobre 2018 à '[XL] [B] [Courriel 14]>', en langue anglaise avec sa traduction en pièce n°46 :

'Bonjour [XL],

C'est un bon début ! Cependant il y a plusieurs choses à mentionner.

En plus des meetings, les négociations des frais de plateforme, les études de portefeuilles, les réponses aux tickets et demandes divers, plusieurs personnes de l'équipe ont une énorme charge de travail. Les chiffres sont ci-dessus.

Je suggère qu'on soit pragmatique.

Ma suggestion sera d'allouer une personne à cette tâche pour gérer toutes les contreparties.

Une personne basée en Espagne de préférence.

Je pense aux deux options :

-organiser le projet dans sales force

-ou faire une campagne emailing

Dans tous les cas un email type sera nécessaire ainsi que la base correcte des contacts .

Nous pouvons en discuter ensemble.'

- pièce n°32-10 : échange de courriels entre Mme [RX] et M. [X] en langue anglaise sans aucune traduction.

En application de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539, l'ensemble des pièces et documents doivent être traduits en langue française, le procès devant la juridiction française se déroulant en langue française.

Il appartient au juge du fond, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis notamment lorsque ceux-ci sont en langue étrangère et au besoin en sollicitant leur traduction.

En l'espèce la cour ne peut fonder sa décision sur des emails écrits en langue anglaise et non traduits au soutien des prétentions de l'appelante, ne pouvant pas apprécier leur teneur sans risquer une erreur d'interprétation.

La pièce non traduite n°32-10 produite par Mme [RX] n'a dès lors aucune force probante de ce fait et sera rejetée des débats.

- pièce n°32-11 : courriel de Mme [RX] du 12 avril 2018 à '[JJ] [FG] ; [M] [E] ; [Z] [K] ; [P] [JT] ; [U] [D] ; [G] [C] [Courriel 8]>' :

'Bonjour,

Ma fille est malade, elle reste à la maison. Je vais chez le médecin ce matin.

Du coup je pose la journée bébé.

A demain, [Y]'

La pièce n°32-11 comporte également plusieurs autres emails de la même date, dont certains en langue anglaise sans traduction et qui ne seront dès lors pas retenus, Mme [RX] indiquant qu'elle travaille alors qu'elle a posé une journée de congé.

- pièce n°9 : courriel de Mme [RX] du 12 décembre 2018 à Mme [C] :

'Bonsoir [G],

J'ai consulté mon médecin pour mon état suite à la surcharge de travail/pression/fusion/absence d'actions du management. Tu as eu un aperçu à la présentation : je ne suis plus moi-même, n'arrive plus à contrôler mes émotions et la situation me dépasse.

Sur avis médical je vous envoie mon premier arrêt maladie en dix ans'

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que ses décisions étaient étrangères à tout harcèlement moral.

L'employeur conteste tout harcèlement moral et soutient que :

- le lieu de travail de Mme [RX] n'a jamais été modifié depuis 2012.

Il résulte en effet de l'avenant du 30 décembre 2011 que :

'...

L'articIe 6: 'Lieu de travail - mobilité géographique' est annulé et remplacé par l'artic1e 6

suivant:

6.1 Le Salarié travaillera de son domicile.

6.2 Toutefois, il est bien entendu que pour des raisons touchant à l'organisation et au bon fonctionnement de la Société, le lieu de travail pourra être modifié par la Société, notamment pour travailler dans les locaux du bureau de représentation français de la Société, ledit bureau étant immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris (numéro SIRET 482 311 248 00033, code APE 70102) et domicilié [Adresse 4] / [Localité 5].

6.3 Dans le cadre de ses fonctions, le Salarié pourra être souvent amené à voyager à l'étranger.

...'

Les avenants postérieurs n'apporteront aucune modification à ces dispositions.

Il apparaît ainsi que les quelques déplacements réalisés par Mme [RX] au siège à [Localité 13] sont justifiés par la clause susvisée, et ne sont pas de nature à perturber une vie familiale normale, tenant leur fréquence réduite.

- Mme [RX] a accepté de manager une équipe, cette fonction nécessitant une présence à [Localité 13].

Les pièces n°32-1 et 32-2 produites par l'appelante montrent en effet que M. [X] a proposé à cette dernière de manager une équipe, ce qu'elle a accepté en remerciant celui-là pour sa confiance, et en proposant un planning de ses déplacements sur [Localité 13] pour ce faire (trois jours étant demandés par la société), lequel a été accepté par l'employeur.

Il ne résulte par ailleurs d'aucune pièce de la salariée que l'employeur l'aurait menacée d'une mutation au siège de la société à [Localité 13].

L'employeur soutient, sans être démenti, que dès le mois de février les venues hebdomadaires sur [Localité 13] de Mme [RX] s'espaçaient et cessaient définitivement, à son initiative, fin mars/début avril 2018 en raison de ses contraintes personnelles et familiales.

- s'agissant des déplacements professionnels chez des clients qui lui auraient été refusés, Mme [RX] allègue 3 rendez-vous clients courant avril 2018.

L'employeur justifie sa décision par la domiciliation de ces clients à [Localité 13], estimant qu'il était plus judicieux d'envoyer deux collaborateurs basés dans cette ville.

Il s'agit d'un choix de l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, de surcroît, limité dans le temps et dans le nombre.

- compte tenu de son ancienneté et de son expérience de collaboratrice senior, l'employeur estime qu'il était normal que Mme [RX] se voit confier un nombre de dossiers plus important que d'autres collaborateurs moins expérimentés.

La cour relève que l'appelante se plaint d'une surchange de travail dans ses courriels des 12 et 13 avril 2018, ainsi qu'en novembre 2019.

Elle justifie par ailleurs avoir échangé avec divers collaborateurs de la société le 12 avril 2018 alors qu'elle avait posé une journée de congé.

Une réorganisation aura lieu ainsi qu'il résulte de la pièce n°32-4 versée par l'appelante, s'agissant d'un courriel envoyé par Mme [C] le 17 mai 2018 à plusieurs collaborateurs et actant une nouvelle répartition des dossiers.

Il résulte encore de cet envoi que Mme [RX] n'avait pas un nombre de dossiers le plus important de la société, mais arrivait juste derrière M. [O] (156) avec 123 dossiers, M. [JT] venant ensuite avec 110 dossiers.

- il ne ressort pas de l'email de M. [X] du 14 avril 2018 qu'il aurait mis fin de manière vexatoire à l'une des missions de la salariée.

Ce courriel demande seulement à Mme [RX] de cesser des bavardages avec certains de ses collègues qui s'en plaignent, ce qui ne peut être considéré comme un acte de harcèlement, aucun écrit discourtois ne figurant dans cet email.

Il ne ressort d'ailleurs d'aucun échange entre M. [X] et Mme [RX] un mépris ou un quelconque dédain envers la salariée. Les échanges sont francs et l'appelante y apporte systématiquement une réponse sans que le premier n'en prenne ombrage.

La cour ne décèle rien dans les emails produits qui puisse constituer un acte de harcèlement moral.

Enfin, les pièces médicales ne sont que le reflet des déclarations de la salariée sans que les médecins n'aient constaté personnellement un lien avec la situation professionnelle de Mme [RX], ledit lien n'étant évoqué qu'à travers les déclarations du patient.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société intimée démontre que les faits matériellement établis par Mme [RX] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [RX] de ses demandes relatives au harcèlement.

Sur la nullité de la rupture conventionnelle

Selon les articles L 1237-11 et suivants du code du travail, la rupture conventionnelle est un contrat par lequel l'employeur et le salarié conviennent, d'un commun accord, de rompre le contrat de travail à durée indéterminée qui les lie et fixe les conditions de cette rupture.

La signature de la convention de rupture doit être précédée d'un ou plusieurs entretiens entre les parties, au cours desquels le salarié peut se faire assister dans les mêmes conditions que pour un licenciement.

L'article L.1237-13 du code du travail prévoit qu'à compter de la date de la signature de la convention par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.

Conformément à l'article L 1237-14 du code du travail, l'accord des parties doit être matérialisé par une convention de rupture, datée et signée par chacune des parties qui dispose d'un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. À l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse la demande d'homologation de la convention à la Direccte.

Outre que les dispositions légales spécifiques en la matière sont destinées à garantir la liberté du consentement des parties, comme tout contrat, la rupture conventionnelle suppose l'existence d'un consentement effectif et non vicié c'est-à-dire éclairé et obtenu en dehors de toute contrainte ou manoeuvre.

Mme [RX] soulève la nullité de la rupture conventionnelle conclue avec l'employeur aux motifs suivants :

- la société Mfex ne justifie pas qu'une quelconque convention de rupture lui ait été remise le jour de la signature

- la convention de rupture est antidatée

- elle n'a pas été informée sur la possibilité d'être assistée

- les délais de rétractation et d'homologation n'ont pas été respectés

- elle a été victime de harcèlement moral et était dans une situation de détresse psychologique liée à son travail connue de son employeur

- il existe un état de violence psychologique viciant irrémédiablement son consentement

- l'employeur s'est rendu coupable d'un dol.

L'employeur soulève l'irrecevabilité de la pièce adverse n°56 (procès-verbal de constat d'huissier du 13 septembre 2022), sur lequel se fonde la salariée pour justifier des pressions subies, en ce qu'elle constitue un élément de preuve illicite.

Il est rappelé que l'illicéité d'un moyen de preuve n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats si la production de cette pièce est indispensable à l'exercice du droit à la preuve du salarié et si l'atteinte à la vie personnelle de l'interlocuteur est strictement proportionnée au but poursuivi.

La cour rappelle que l'écoute et l'enregistrement de conversations à l'insu de l'auteur des propos invoqués constitue un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la restitution de cet échange.

Il n'est pas contesté que l'enregistrement produit a été fait à l'insu de Mme [C], de sorte qu'il a été fait en contradiction avec la loyauté à laquelle Mme [RX] était tenue à l'égard de son employeur, et il est dès lors est illicite.

Il résulte du procès-verbal que l'intégralité des conversations n'a pas été retranscrite. Même si les échanges manquants sont peu importants, leur absence interdit à la cour d'en apprécier la valeur eu égard aux pressions dont l'appelante se dit avoir été victime.

De plus, et s'agissant d'une conversation entre deux personnes, Mme [RX] a pu facilement orienter la discussion sur des points pour lesquels Mme [C] n'avait aucune réponse et même invoquer des faits tenus pour acquis que cette dernière n'a pas constatés et sur lesquels elle ne peut se prononcer.

La cour relève encore que Mme [RX] produit d'autres éléments pour tenter de démontrer les pressions et les vices du consentement invoqués, de sorte que la production de cet enregistrement obtenu illicitement n'est pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve de la salariée.

Il apparaît ainsi que le but légitime poursuivi par la salariée pouvait être atteint sans porter une atteinte à la vie privée de son interlocuteur.

Le procès-verbal produit en pièce n°56 sera dans ces circonstances déclaré irrecevable.

La remise de la convention le jour de la signature

Il est de principe qu'il appartient à l'employeur de rapporteur la preuve de la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié.

Pour démontrer ladite remise, l'employeur produit l'attestation de Mme [I], responsable des ressources humaines, qui indique :

« ... je me suis entretenue avec Mme [RX] concernant la rupture conventionnelle de son contrat de travail ; le premier échange était par téléphone (le 14 janvier 2019), en présence de [G] [C], son manager...

Considérant son éloignement géographique, nous nous sommes entendues pour que je lui adresse un 'draft' des documents pour lecture (email du 3 janvier 2019).

Nous nous sommes rencontrées le 7 février 2019 dans un café afin de finaliser les documents afférents à la rupture conventionnelle. 3 exemplaires (CERFA et protocole de rupture conventionnelle) ont été signés par Monsieur [L] [X] (D. Général MFEX FRANCE AB) et [Y] [RX]. Je lui ai remis un exemplaire dûment signé du CERFA et du protocole. »

Par email du 4 février 2019, Mme [RX] accuse réception du protocole, soulignant qu'il est déjà signé par '[L]' et qu'elles se verront jeudi (avec Mme [I]), soit le 7 février, date à laquelle Mme [I] atteste lui avoir remis un exemplaire de la convention de rupture.

La preuve de ladite remise est dès lors rapportée par l'employeur.

La convention de rupture est antidatée

La convention de rupture est datée du 6 février 2019, Mme [RX] soutenant l'avoir signée le 7 février 2019.

L'employeur reconnaît avoir signé le document le 6 février 2019.

Il indique que l'entretien du 6 février 2019 pour signature a été décalé au lendemain à la demande de la salariée, ce qu'elle conteste, l'employeur n'apportant aucun élément à l'appui de son allégation.

Pour autant, la date devant être prise en considération pour faire partir le délai de retractation de 15 jours sera celle de la signature de la salariée, seule cette dernière donnant date certaine à l'acte.

Le fait que l'employeur ait daté et signé l'acte avant le salarié ne saurait dans ce cas précis entraîner la nullité de la convention de rupture.

Elle n'a pas été informée sur la possibilité d'être assistée

Le défaut d'information du salarié sur la possibilité de se faire assister lors de l'entretien n'emporte pas de conséquence sur la validité de la rupture.

Les délais de rétractation et d'homologation n'ont pas été respectés

La demande d'homologation a été envoyée par l'employeur à la Direccte le 22 février 2019, soit avant l'expiration du délai de 15 jours prévu par les articles L 1237-13 et L 1237-14 du code du travail, comme ayant commencé à courir le lendemain de la signature de la convention de rupture par la salariée, soit le 8 février 2019.

Aucune partie à la convention ne peut valablement demander l'homologation de la convention à l'autorité administrative avant l'expiration de ce délai de rétractation.

Chaque jour de la semaine est ainsi comptabilisé à compter du lendemain de la date de la signature de la convention de rupture (Circ. DGT no 2009-04, 17 mars 2009, § 4.1).

Ainsi, le quinzième jour suivant la signature de la convention de rupture étant le 22 février 2019, la demande d'homologation ne pouvait intervenir avant le 23 février 2019.

Il convient encore de rappeler qu'un formulaire de rupture conventionnelle antidaté ne permettant pas au salarié de bénéficier du délai légal de rétractation est une cause d'annulation.

En l'espèce, la convention de rupture prévoit un délai de rétractation expirant le 21 février 2019, alors qu'il apparaît, à la lecture des propres pièces de l'employeur, que la salariée a signé la convention le 7 février 2019.

Il convient dans ces circonstances de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle intervenue entre Mme [RX] et la société Mfex France, et ce sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens développés par l'appelante à ce titre.

Le jugement querellé sera réformé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la nullité de la convention de rupture

Aucun harcèlement moral ni aucune discrimination n'ayant été retenus, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [RX] est fondée à obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et une indemnité de licenciement.

Les parties sont en désaccord sur les montants de ces indemnités, la cour relevant que Mme [RX] ne détaille aucunement les sommes qu'elle réclame, alors que l'employeur a pris en compte le salaire perçu par celle-ci, soit la somme de 4916 euros.

Mme [RX] peut dès lors prétendre aux sommes suivantes :

- 14.748 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois x 4.916 euros)

- 1.474,80 euros bruts à titre de congés payés afférents

- 13.242,23 euros à titre d'indemnité de licenciement.

L'appelante peut également prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par un arrêt du 11 mai 2022, la Cour de cassation considère que :

'Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.'

Par ailleurs, la Charte sociale européenne n'a pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Il n'y a pas lieu en conséquence à un quelconque renvoi préjudiciel auprès de la Cour de Justice de l'Union Européenne sur ce point.

L'article L.1235-3 du code du travail dispose que :

'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

...'

Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme [RX] comptait dix ans et sept mois d'ancienneté, de sorte que l'indemnité pouvant lui être attribuée pour licenciement abusif est comprise entre trois et dix mois de salaire, seules les années complètes devant être prises en considération.

L'appelante justifie avoir retrouvé un emploi rapidement après la rupture, mais avec un salaire inférieur.

Ce faisant, compte tenu de l'ancienneté de Mme [RX], de son âge (année de naissance 1981) de son salaire mensuel moyen brut des 6 derniers mois (4916 euros) et des éléments produits sur sa situation personnelle, il lui sera alloué une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse arbitrée à 34412 euros, correspondant à 7 mois de salaire.

Sur le paiement de la clause de non concurrence

Mme [RX] soutient que cette clause n'a jamais été levée par l'employeur, qu'elle est nulle et ajoute l'avoir respectée pour être allée travailler au Luxembourg.

Pour être valable, la clause de non-concurrence doit :

' être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ;

' être limitée dans le temps et dans l'espace ;

' tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié ;

' comporter l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière.

En l'espèce, l'article 4 du contrat de travail prévoit une rémunération annuelle incluant la rémunération de la clause de non-concurrence.

La contrepartie financière est une indemnité compensatrice de salaire, versée en contrepartie du respect par le salarié de son engagement de non-concurrence après la cessation du contrat de travail. Il s'agit d'une condition de validité de la clause de non-concurrence. Autrement dit, l'employeur a l'obligation de verser une indemnité de non-concurrence s'il entend imposer une telle obligation au salarié. À défaut, la clause est nulle.

Les modalités de versement de la contrepartie pécuniaire sont également librement déterminées par les parties, sauf dispositions particulières de la convention collective. Elle peut ainsi prendre la forme d'une indemnité forfaitaire versée à l'expiration du contrat de travail, ou bien d'un versement mensuel pendant toute la durée d'exécution de la clause, cette dernière hypothèse ayant été retenue par les parties (soit 10000 euros).

Cependant, quel que soit le mode retenu (versement unique, ou versement échelonné sur la période d'exécution de la clause), le paiement de la contrepartie ne peut intervenir qu'après la rupture du contrat de travail.

Il est en effet interdit de verser la contrepartie en cours d'exécution du contrat de travail, par le biais d'une majoration de salaire apparaissant comme telle sur le bulletin de paie. La clause de non-concurrence est nulle dans ce cas.

En l'espèce, la majoration de salaire apparaît sur le contrat de travail et est intégrée dans le salaire mensuel de sorte que la clause de non concurrence doit être déclarée nulle.

La nullité produit au profit du salarié les mêmes effets que si la clause n'avait jamais existé. Celui-ci est donc libéré de son obligation de non-concurrence et il est également privé du bénéfice de la contrepartie pécuniaire qu'elle prévoit, les sommes antérieurement payées à ce titre par l'employeur lui restant acquises.

Le salarié peut dès lors obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice qu'il a éventuellement subi.

Mme [RX] soutient justement que l'interdiction de travailler en France pour une société ayant une activité concurrente à celle de l'intimée pendant un an l'a contrainte à chercher un emploi en dehors du territoire national, soit au Luxembourg du 1er mai 2019 au 31 janvier 2020.

De ce fait, la salariée a nécessairement subi un préjudice qui, compte tenu de la durée de l'expatriation, sera évalué à la somme de 7000 euros.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante, le jugement dont appel étant réformé de ce chef, ainsi que sur les dépens, lesquels, tant ceux de première instance que d'appel seront mis à la charge de la SA Mfex France.

L'employeur demande à titre subsidiaire que la somme de 30000 euros versée en application de la convention de rupture vienne en déduction de celles qui pourraient être attribuées à la salariée.

Il convient de faire droit à cette demande et d'ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge de la société Mfex France et celle de 30000 euros versée au titre de la convention de rupture déclarée nulle.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 14 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a débouté Mme [Y] [RX] de ses demandes de rappels de salaires et au titre d'un harcèlement moral et d'une discrimination,

Le réforme pour le surplus

Et statuant à nouveau

Rejette des débats les pièces n°32-10 et 56 produites par Mme [Y] [RX],

Prononce l'annulation de la rupture conventionnelle en date du 7 février 2019 avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA Mfex France à payer à Mme [Y] [RX] les sommes suivantes :

- 14.748 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois x 4.916 euros)

- 1.474,80 euros bruts à titre de congés payés afférents

- 13.242,23 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- 34412 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Prononce la nullité de la clause de non concurrence contenue le contrat de travail liant les parties,

Condamne la SA Mfex France à payer à Mme [Y] [RX] la somme de 7000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre,

Ordonne la compensation entre les sommes mises à la charge de la SA Mfex France envers Mme [Y] [RX] et celle de 30000 euros versée au titre de la convention de rupture déclarée nulle,

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SA Mfex France à payer à Mme [Y] [RX] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens d'appel et de première instance à la charge de la SA Mfex France,

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,