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Décisions

CA Orléans, ch. com., 1 février 2024, n° 23/00570

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 23/00570

1 février 2024

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/02/2024

la SCP BRILLATZ-CHALOPIN

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

ARRÊT du : 01 FEVRIER 2024

N° : 30 - 24

N° RG 23/00570

N° Portalis DBVN-V-B7H-GXUR

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 20 Janvier 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265287421652632

SELARL VILLA-FLOREK, Mandataires judiciaires,

Prise en la personne de Maître [H] [D], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS SECURITE ET SIGNALISATION (SES),

dont le siège social est [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ, membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉ : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265293883933379

Monsieur [K] [F]

En qualité de dirigeant de la SAS SECURITE ET SIGNALISATION

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Emmanuel DRAI, membre de la SELEURL DRAI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 22 Février 2023

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 Octobre 2023

Dossier communiqué au Ministère Public le 15 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 12 OCTOBRE 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 01 FEVRIER 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société Sécurité et Signalisation (SES) fabriquait, commercialisait et installait des équipements de signalisation, de signalétique et d'aménagement routier et urbain. Elle opérait sur des marchés publics auprès notamment de municipalités, conseils généraux, l'Etat et des marchés privés (société d'autoroute, syndic d'immeuble, supermarchés), en France et à l'international.

En avril 2006, la société Somaro devenue Aximum dépendant du groupe Colas, leader mondial de la construction routière, a cédé 100 % des actions de la société SES à la société SLC, société holding créée à cet effet, appartenant à M. [K] [F], moyennant le prix de 15 600 000 euros entièrement financé par un crédit vendeur de 10 échéances annuelles de 1 560 000 euros sans intérêt, pour lequel celui-ci s'est porté caution. A compter de cette date, la société SES a été dirigée par M. [K] [F].

La société SES faisait partie des 4 principaux acteurs sur le marché francais de la signalisation verticale. Elle exploitait 4 sites industriels, 9 agences commerciales en France et deux filiales aux Etats-Unis et en Hollande. Elle employait 525 salariés au 30 avril 2011.

Suivant déclaration de cessation des paiements en date du 29 avril 2011, la société SES a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Tours du 3 mai 2011.

Par jugement du 30 juin 2011, le tribunal de commerce de Tours, après avoir arrêté un plan de cession par jugement distint du même jour, a converti la procédure en liquidation judiciaire et nommé la SELARL [D] Florek en qualité de liquidateur judiciaire de la société SES.

Ayant constaté l'existence d'une importante insuffisance d'actifs de la liquidation judiciaire de la société SES d'au moins 20 000 000 euros et considérant qu'elle est au moins pour partie la conséquence de graves fautes de gestion commises par M. [K] [F], la SELARL [D]-Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SES, a par acte du 10 août 2011 fait assigner M. [K] [F] devant le tribunal de commerce de Tours en responsabilité pour insuffisance d'actif sur le fondement de l'article L.651-2 du code de commerce.

Par requête du 17 décembre 2012, Me [D] es qualités a sollicité auprès du juge commissaire la désignation d'un technicien, faisant valoir que ses compétences et les pièces à sa disposition ne lui permettaient pas de défendre utilement aux arguments techniques et étayés développés par M. [K] [F]. Par ordonnance du 9 janvier 2013, le juge commissaire a fait droit à la requête et a désigné le cabinet Grant Thornton à l'effet notamment de déterminer la date de cessation des paiements, l'évolution de cet état et de la situation de l'entreprise jusqu'au jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 3 mai 2011 et de donner son avis sur le préjudice pouvant résulter de la cessation des paiements et de l'évolution de la situation nette entre l'apparition de l'état de cessation des paiements et le jugement d'ouverture.

Le 27 novembre 2014, statuant sur l'appel interjeté par M. [F], la cour d'appel d'Orléans a infirmé l'ordonnance du juge commissaire ainsi que le jugement confirmatif du tribunal de commerce de Tours du 20 décembre 2013. Par arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi introduit par Me [D], a cassé 1'arrêt de la cour d'appel d'Orléans. Par un arrêt du 6 janvier 2018, la cour d'appel de renvoi de Poitiers a confirmé la désignation du technicien ainsi que sa mission dont celle d'indiquer quelle a été l'incidence sur la trésorerie à court terme et à moyen terme des mouvements financiers intervenus entre les sociétés SES et SLC, et celle de déterminer les éléments d'information permettant à la société SES, lors de l'établissement de ces opérations financières, d'avoir conscience des incidences que

ceux-ci pourraient avoir sur la trésorerie future de l'entreprise.

La société Grant Thornton a déposé sa note technique le 7 décembre 2021.

Par jugement du 20 janvier 2023, le tribunal de commerce de Tours a :

Après communication de la procédure au ministère public,

Vu les articles 1240 et 1353 du code civil,

Vu les articles L.63l-8 et L.65 1-2 du code de commerce,

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

Vu les pièces du dossier,

- débouté la SELARL [D] Florek, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation - S.E.S, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouté M. [F] de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamné la SELARL [D] Florek, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation - S.E.S, à payer à M. [F] la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SELARL [D] Florek, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation - S.E.S, aux entiers dépens de la présente instance, liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 98,34 euros.

Suivant déclaration du 22 février 2023, la SELARL [D] Florek, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation (SES), a interjeté appel de ce jugement, en en critiquant tous les chefs lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2023, la SELARL [D] Florek prise en la personne de Me [H] [D], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation (SES), demande à la cour de :

- dire recevable et fondé l'appel interjeté par la concluante du jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 20 janvier 2023,

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 20 janvier 2023 en ce qu'il a :

' débouté la SELARL [D] Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation - S.E.S, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' condamné la SELARL [D] Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation - S.E.S, à payer à M. [F] la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SELARL [D] Florek, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sécurité et Signalisation - S.E.S, aux entiers dépens de la présente instance, liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 98,34 euros,

Statuant à nouveau,

- constater que M. [K] [F], dirigeant de la société S.E.S, a commis dans la gestion de celle-ci une faute qui a contribué à l'insuffisance d'actif constatée,

- débouter M. [F] de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner en conséquence M. [K] [F] à payer à la SELARL [D] Florek, ès qualités de liquidateur de la société S.E.S, la somme de 7 914 220,92 euros,

- condamner en outre M. [K] [F] à payer à la SELARL [D] Florek, ès qualité de liquidateur de la société S.E.S, la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [F] aux entiers dépens dont notamment les frais de mesure conservatoire.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 octobre 2023, M. [K] [F] demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 9 et 32 -1 du code de procédure civile,

Vu les articles L.651-2 et L.621-32 du code de commerce,

Vu la jurisprudence citée à l'appui,

Vu les pièces visées,

- confirmer le jugement du 20 janvier 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [K] [F] de sa demande de dommages-intérêts, l'infirmer de ce chef,

Statuant à nouveau,

- recevoir M. [K] [F] en toutes ses demandes et les déclarer bien fondées,

- prendre acte de l'abandon par Me [D] es-qualités des fautes de gestion reprochées à M. [K] [F] devant le tribunal de commerce de Tours et notamment un défaut de déclaration de cessation de paiement dans le délai de 45 jours, une poursuite d'une activité structurellement déficitaire, d'avoir procédé à des paiements privilégiés d'honoraires et cession de créance professionnelle peu de temps avant la déclaration de cessation de paiement, d'avoir bénéficié d'une rémunération excessive, d'avoir participé à une entente jugée anticoncurrentielle, la présence d'un système comptable inopérant,

- débouter Me [D] ès qualités de liquidateur de la société S.E.S de l'ensemble de ses demandes,

- juger que Me [D] ès qualités ne démontre pas l'existence de fautes de gestion à l'encontre de M. [K] [F], ni le lien causal entre les fautes alléguées et l'insuffisance d'actif dénoncé,

En tout état de cause,

- condamner Me [D] ès qualités de liquidateur de la société S.E.S à verser à M. [F] la somme de 11 478 euros correspondant au taux de l'inflation appliqué sur les 100 000 euros saisis par Me [D],

- condamner Me [D] ès qualités de liquidateur de la société S.E.S à verser à M. [F] la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral causé à M. [K] [F], soit 5 000 euros par année de poursuite,

- juger que l'action de Me [D] es qualités de liquidateur de la société S.E.S à l'encontre de M. [K] [F] est constitutive d'un abus et le condamner en conséquence au paiement de la somme de 10 000 euros en application des articles 32-1 code de procédure civile et 1240 du code civil,

- ordonner la mainlevée de toutes les mesures conservatoires prises par Me [D] il y a plus de 10 ans et la restitution sans délai des fonds appartenant à M. [F],

- condamner Me [D] ès qualités de liquidateur de la société S.E.S à payer la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et juger qu'il s'agit d'une créance postérieure utile qui devra être immédiatement versée à M. [F].

L'affaire a été fixée à l'audience du 12 octobre 2023 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

La procédure a été transmise le 15 mars 2023 au ministère public qui a donné son avis le 13 septembre 2023 communiqué le 14 septembre suivant aux parties. Il requiert qu'il plaise à la cour de bien vouloir confirmer le jugement entrepris.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 5 octobre 2023.

MOTIFS :

Sur l'action en insuffisance d'actif intentée par le liquidateur :

L'article L.651-2 du code de commerce dispose que 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.

Toutefois, en cas de de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée'.

Il appartient au liquidateur de démontrer que le dirigeant a commis une faute de gestion qui a participé en tout ou partie à l'insuffisance d'actif, soit l'existence d'une faute et d'une relation causale avec le préjudice, l'insuffisance d'actif excipée par le liquidateur à hauteur de 28 300 000 euros n'étant pas contestée en l'espèce.

Il apparaît qu'en première instance, la SELARL [D]-Florek, es-qualités, a reproché à M. [K] [F] diverses fautes de gestion qu'elle a partiellement abandonnées en cause d'appel, ne retenant que l'attribution au profit de la société SLC, holding, de dividendes excessifs prélevés dans les réserves de la société SES au moment où cette société rencontrait des difficultés, rappelant que M. [K] [F] était caution à hauteur de 3 millions d'euros des engagements pris par la société SLC à l'égard d'Aximum, de sorte que les dividendes distribués pour régler à la société Aximum le prix d'acquisition par la société SLC des titres de la société SES apparaît avoir été fait tout à la fois à son profit indirect qu'à son profit direct.

La SELARL [D]-Florek es-qualités fait état à cet égard -sans être démentie- de prélèvements de :

- 1 600 000 euros en 2008

- 1 560 000 euros en 2009

- 1 601 250 euros en 2010

outre la distribution en 2007 de la totalité du bénéfice clos le 31 décembre 2006, soit 3 152 970,92 euros,

Total : 7 914 220,92 euros.

Elle expose que cette faute de gestion de M. [K] [F], à savoir procéder à des remontées de dividendes à sa holding alors même que la société SES n'était pas en mesure de les assumer, a contribué à l'insuffisance d'actif puisque les dividendes versés ont appauvri et privé celle-ci de la trésorerie correspondante.

M. [K] [F] réplique que les difficultés de son entreprise ont trouvé leur origine dans des faits imprévisibles (abandon des commandes anglaises après l'élection de M. [P], météo défavorable conduisant à l'arrêt de chantier et printemps arabes, ayant entraîné une perte de chiffre d'affaires consécutive de 24 millions d'euros) ; qu'il a immédiatement réagi et pris les mesures qui s'imposaient (ouverture d'une procédure de mandat ad hoc, plan social de 117 personnes provisionné dans les comptes pour 3,5 millions d'euros et devant être entièrement financé par la vente d'un actif, ouverture d'une procédure de conciliation) ; que des négociations se sont nouées sous l'égide du mandataire ad hoc/concialiateur et du CIRI pour permettre au fonds d'investissement Perceva Capital de reprendre la SES in bonis et qu'elles ont échoué du fait du groupe Colas ; qu'immédiatement après avoir constaté l'échec des négociations, il a régularisé la déclaration de cessation de paiements de la société SES le 29 avril 2011 ; que les remontées de dividendes reprochées ont été effectuées à une époque où la société SES ne connaissait aucune difficulté particulière, de sorte qu'elles ne peuvent être à l'origine de ses difficultés. M. [K] [F] ajoute qu'il n'a pas été le bénéficiaire de ces remontées de dividendes visant à rembourser la société Aximum dans le cadre du crédit vendeur octroyé lors de l'achat des titres de la société SES.

Il ressort des éléments du dossier et notamment de l'attestation d'Eight Advisory, expert comptable, du 26 janvier 2011, ainsi que l'ont également relevé les premiers juges, que le prix de vente de la société SES qui, avant sa cession en 2006, avait enregistré des pertes successives sur les exercices 2004 et 2005 respectivement de 3,1 millions euros et 1,8 millions euros, a été très largement surévalué au regard de la performance de la société à la date de cession et qu'il a nécessité des remontées de dividendes extrêmement lourdes voire difficiles à tenir pour assurer la pérennité de l'entreprise.

Il s'avère que les bénéfices de la société SES se sont élevés :

en 2006 à 3 153 000

en 2007 à 1 708 000

en 2008 à 103 000

en 2009 à 1 010 000

ce qui, à juste titre, a permis aux premiers juges de considérer que les remontées de dividendes dans un contexte de maintien voire d'augmentation du chiffre d'affaires étaient supportables et qu'elles n'ont pas constitué pendant cette péridode un élément consécutif de l'insuffisance d'actif constaté ultériereurement, la société Grant Thornton notant pour l'exercice 2009 que 'la situation économique et financière n'amène pas à conclure sur des difficultés avérées à cette date à partir des informations à notre disposition' et relevant plus précisément une position nette de trésorerie bénéficiaire de 1 562 000 euros au 31 décembre 2009.

S'agissant de l'exercice 2010, la société Grant Thornton indique que 'le chiffre d'affaires a chuté de 10,6 millions euros par rapport à 2009 et atteint 67,4 millions euros au 31 décembre . Cet effondrement était prévisible en raison de l'opération exceptionnelle avec le Royaume Uni en 2009 estimé à 16,3 millions euros' et qu'au niveau de la trésorerie, la 'société franchit plusieurs fois la limite de découvert autorisé avant un retour à un niveau raisonnable sur le dernier trimestre'. M. [K] [F] explique à cet égard que les difficultés de la société SES sont consécutives à la perte du marché anglais à la suite de l'élection de M. [P] le 11 mai 2010 et les restrictions budgétaires qui en ont découlé. Enfin, il fait valoir -sans être démenti- que le dernier versement de dividendes à la société Aximum, par ailleurs également son donneur d'ordre, l'a été pour répondre au chantage de celle-ci qui refusait d'honorer des paiements dus à la société SES à hauteur de 3,5 millions euros tant qu'elle ne recevrait pas le paiement de son échéance de crédit vendeur.

C'est donc fort justement que les premiers juges ont considéré que les dividendes versés pour l'année 2010, s'ils ont contribué à accroître le passif, étaient sans commune mesure avec le niveau des pertes, lesquelles ont été provoquées par la mauvaise conjoncture économique.

En outre, il convient de relever que M. [K] [F] a effectué de multiples démarches pour sauver son entreprise avant de déclarer l'état de cessation de paiements, évoquées plus haut et dont il justifie, outre le fait qu'il a intenté, avant l'ouverture du redressement judiciaire et après un audit lui ayant permis de constater que le groupe Colas avait avant la cession de 2006 indument prélevé la somme de 15 300 000 euros chez SES, une action contre la société Aximum devant le tribunal de commerce de Tours en paiement de la somme de 42 340 000 euros afin notamment de récupérer ces prélèvements indus et obtenir la restitution des versements au titre du crédit vendeur, à laquelle ne se sont pas associés les organes de la procédure collective qui ont préféré entamer une négociation entre la société SES, la société SLC et la société Aximum ayant donné lieu in fine à une transaction autorisée par le président du tribunal de commerce.

Enfin, il y a lieu de rappeler que M. [K] [F] n'était pas rémunéré au sein de la holding SLC et que les remontées de dividendes avaient pour seul objectif de rembourser le crédit vendeur contracté auprès de la société Aximum, étant relevé qu' 'en raison de l'exigibilité du crédit vendeur au niveau de la société holding, une absence de distribution aurait toutefois contraint la structure à engager des discussions avec la société venderesse, sans pouvoir avoir la certitude d'une conclusion favorable', comme le souligne la société Grant Thornton.

En conséquence, au regard des circonstances particulières du dossier, la faute de gestion reprochée à M. [K] [F] n'est pas rapportée. Par confirmation du jugement entrepris, la SELARL [D]-Florek sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur les demandes de dommages-intérêts formées par M. [K] [F] :

M. [K] [F] sollicite la réparation de son préjudice financier et moral résultant de la privation pendant douze ans de la libre disposition de ses biens et du maintien par Me [D] d'une action sans preuves tangibles -générant stress et anxiété-, lequel a principalement misé sur l'usure de M. [F] et le fait qu'il pourrait de guerre lasse laisser ses biens saisis en paiement afin que cela s'arrête.

Il réclame la somme de 11 478 euros correspondant au taux de l'inflation appliqué sur les 100 000 euros abusivement saisis et celle de 50 000 euros au titre du préjudice moral.

Il apparaît, concernant le préjudice financier allégué, d'une part que Me [D] es qualités pouvait prendre des garanties conservatoires pour se prémunir d'une éventuelle condamnation de M. [K] [F], d'autre part que l'allégation de ce préjudice est essentiellement lié à la longueur de la procédure commencée en 2011 qui ne saurait être imputée à la SELARL [D]-Florek es-qualités, dès lors que le recours exercé par M. [K] [F] à l'encontre de la décision du juge commissaire ayant désigné la société Grant Thornton a donné lieu à sept ans de procédure avant d'être rejeté, outre trois années de plus pour le dépôt du rapport du technicien.

M. [K] [F] sera donc débouté de ce chef. En revanche, eu égard au sens de la présente décision, il convient de faire droit à la demande -sur laquelle les premiers juges n'ont pas statué- de mainlevée de toutes les mesures conservatoires prises par Me [D] et la restitution sans délai des fonds appartenant à M. [K] [F].

S'agissant du préjudice moral, M. [K] [F], dirigeant de société et partant rompu aux risques et aléas inhérents au monde des affaires, ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande. Il sera donc débouté de ce chef.

M. [K] [F] sollicite encore la somme de 10 000 euros pour procédure abusive. Il n'établit toutefois pas que le droit d'agir du liquidateur au vu de l'importance de l'insuffisance d'actif ait dégénéré en abus et ne justifie pas à cet égard d'un préjudice autre que celui résultant de l'obligation dans laquelle il s'est trouvé d'assurer sa défense et faisant l'objet d'une demande distincte formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] [F] de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges.

La SELARL [D]-Florek es-qualités, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à M. [K] [F] la somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 20 janvier 2023 du tribunal de commerce de Tours en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne en conséquence la mainlevée de l'ensemble des mesures conservatoires prises par la SELARL [D]-Florek sur les biens de M. [K] [F] et la restitution des fonds appartenant à ce dernier,

Condamne la SELARL [D]-Florek, es-qualités de liquidateur de la société Sécurité et Signalisation (SES), aux dépens d'appel,

Condamne la SELARL [D]-Florek, es-qualités de liquidateur de la société Sécurité et Signalisation (SES), à verser à M. [K] [F] la somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT