Décisions
CA Lyon, 3e ch. a, 1 février 2024, n° 21/04575
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 21/04575 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NUWO
Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 01 avril 2021
RG : 2019j1544
S.A.S. IT PARTNER
C/
Société IHL GROUP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 01 Février 2024
APPELANTE :
S.A.S. IT PARTNER au capital de 708.383,25 €, immatriculée au registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 400 008 652, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Franck-Olivier LACHAUD de la SELARL FRANCK-OLIVIER LACHAUD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
S.A.R.L. IHL GROUP au capital de 1 000 000€ immatriculée au RCS de LYON sous le n° 483 128 922, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric CESAR de la SELARL LEGI AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 664, substitué et plaidant par Me Samantha COURTADON, avocat au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 06 Juillet 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Novembre 2023
Date de mise à disposition : 01 Février 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
La société IT Partner a pour activité le conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle a absorbé la société Scapelan qui exerçait dans le même secteur d'activité qu'elle. La société IHL Group est spécialisée dans la recherche d'emploi et le recrutement en intérim, CDD et CDI.
Le 1er juin 2018, la société IHL Group a signé un contrat portant sur une prestation informatique de suivi, maintenance et support aux utilisateurs avec la société Scapelan, d'une durée de deux ans renouvelable.
Par lettre recommandée du 16 novembre 2018, elle a dénoncé le contrat à la société Scapelan avec effet au 1er décembre 2018.
Par courrier du 22 novembre 2018, la société Scapelan a consenti à ce que le contrat se termine à la date évoquée mais a exigé, en contrepartie, que les sommes dues au titre du contrat, d'un montant de 15.240 euros, soient réglées jusqu'à son terme initial, le 20 mai 2020.
Aucune solution amiable n'ayant été trouvée, la société IT Partner a assigné la société IHL Group, par acte du 2 août 2019, devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement contradictoire du 1er avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :
- constaté que la société IHL Group reconnaît à la barre que l'action de la société IT Partner à son encontre est recevable,
- jugé que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties,
- débouté la société IT Partner de sa demande au titre du paiement par la société IHL Group de la somme de 15.240 euros soit 18.288 euros TTC,
- jugé que la société IT Partner a exécuté sa mission conformément à ses engagements,
- dit que la procédure de la société IT Partner n'est pas abusive,
- débouté la société IT Partner au titre de sa demande pour résistance abusive de la société IHL Group,
- débouté la société IHL Group de sa demande en réparation des préjudices,
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires des parties,
- condamné la société IT Partner à payer à la société IHL Group la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société IT Partner aux entiers dépens.
La société IT Partner a interjeté appel par acte du 21 mai 2021.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 17 juin 2022 fondées sur les articles 1101, 1102, 1103 et 1104 du code civil, la société IT Partner demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
déclaré recevable son action à l'encontre de la société IHL Group,
jugé qu'elle a exécuté sa mission conformément à ses engagements,
débouté la société IHL Group de sa demande en réparation de ses préjudices,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
jugé que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties,
l'a débouté de sa demande de paiement par la société IHL Group de la somme de 15.240 euros HT, soit 18.288 euros TTC,
l'a débouté de sa demande de condamnation de la société IHL Group au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de la résistance abusive,
en conséquence,
- juger que la résiliation du contrat par la société IHL Group est contraire aux dispositions du contrat signé entre les parties,
- condamner la société IHL Group à lui payer une somme de 15.240 euros HT soit 18.288 euros TTC,
- condamner la société IHL Group à lui payer une somme de 1.500 euros au titre de la résistance abusive,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que la résiliation du contrat est conforme aux dispositions contractuelles,
- juger que le tribunal de commerce n'a pas tiré les conséquences légales de sa motivation,
- juger que la société IHL Group devait respecter ses engagements en réglant la somme due au titre des loyers du contrat de maintenance jusqu'à la date anniversaire du contrat soit au 1er juin 2019,
- condamner la société IHL Group à payer la somme de 700 euros HT par mois pendant 6 mois (du 1er décembre 2018 jusqu'à la date anniversaire du 1er juin 2019), soit 4.200 euros HT ou 5.040 euros TTC,
- débouter la société IHL Group de sa demande de condamnation de la société IHL Group à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- condamner la société IHL Group à lui payer la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société IHL Group aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel avec droit de recouvrement.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 juin 2022 fondées sur les articles 1101 et suivants, 1190, 1231-5 du code civil et les articles 699 et 700 du code de procédure civile, la société IHL Group demande à la cour de :
- juger qu'il est démontré que la société IT Partner ne peut sans se contredire alléguer avoir pleinement exécuté sa mission, alors que les blocages et ralentissement dénoncés en 2018 par sa cliente à l'époque ne peuvent manifestement pas être imputés à l'insolence du serveur installé par elle-même en 2016, puisqu'en 2021 ce même serveur prétendument obsolète fonctionne toujours sans le moindre défaut constaté,
- juger qu'il est démontré que la société IT Partner en changeant les codes administrateurs pour interdire toute intervention d'un prestataire dans l'attente d'un accord de payement de sa facture de solde, a entrepris un chantage fautif qui justifie à lui seul la résiliation du contrat de prestation,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
jugé que la résiliation du contrat par elle est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties,
débouté la société IT Partner de sa demande en paiement de la somme de 15.240 euros HT,
débouté la société IT Partner au titre de ses demandes pour résistance abusive,
- débouter la société IT Partner de sa demande de condamnation à son égard à lui payer la somme de 15.240 euros HT soit 18.288 euros TTC,
à titre subsidiaire,
- diminuer la somme qui serait allouée à la société IT Partner à l'euro symbolique,
- débouter la société IT Partner de sa demande de condamnation à son égard à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de la résistance abusive,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a
jugé que la société IT Partner aurait exécuté sa mission,
dit que la procédure de la société IT Partner ne serait pas abusive,
l'a débouté de sa demande en réparation des préjudices subis,
statuant à nouveau,
- condamner la société IT Partner à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi compte tenu du caractère abusif de l'action engagée,
- débouter la société IT Partner de sa demande de condamnation à son égard à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile et aux dépens,
- condamner la société IT Partner à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 juillet 2022, les débats étant fixés au 29 novembre 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité à agir
La société IT Partner sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il dit que son action contre la société IHL Group est recevable.
Toutefois, sa déclaration d'appel ne vise pas ce chef du jugement, lequel n'est pas davantage critiqué par un appel incident de l'intimée. La cour n'est donc pas saisie de ce chef et le jugement est définitif en ce qu'il 'constate que la société IHL Group reconnaît à la barre que l'action de la société IT Partner à son encontre est recevable'.
Sur la rupture du contrat par la société IHL Group
La société IT Partner fait valoir que :
- l'intimée a envoyé à la société Scapelan une lettre recommandée le 16 novembre 2018 pour lui indiquer sa volonté de rompre le contrat en fixant unilatéralement la date de rupture au 1er décembre 2018 ; cette résiliation intervient seulement 5 mois après la signature du contrat contre une durée déterminée de deux ans, n'intervient pas à la date anniversaire et ne respecte pas le délai de préavis de deux mois, en contradiction avec les termes du contrat,
- elle a légitimement refusé de tenir compte de cette résiliation et a ainsi répondu à la société IHL Group par lettre du 22 novembre 2018,
- l'intimée ne démontre pas les diligences qu'elle a engagées pour permettre une rupture du contrat garantissant la continuité de l'exploitation de chacune des parties,
- si par extraordinaire la cour jugeait que le contrat n'avait pas une durée déterminée de deux ans, la condition expresse de la date anniversaire au 1er juin demeure, de sorte que l'intimée aurait dû payer au moins les prestations jusqu'au 1er juin 2019, soit 4.200 euros HT,
- la résiliation n'est pas liée à des problèmes techniques, mais le fruit d'un ressentiment consécutif au changement de propriétaire de la société Scapelan.
La société IHL Group réplique que :
- si nécessaire, le contrat s'interprète contre l'appelante et en faveur de l'intimée,
- l'appelante a accepté la résiliation qu'elle lui a notifiée,
- la durée déterminée du contrat ne fait pas obstacle à la résiliation dès lors que les parties ont convenu de cette faculté dans le contrat ; elle a donc respecté les stipulations contractuelles,
- la date anniversaire à prendre en compte pour le respect du préavis de deux mois est le 21 mai, le contrat ayant pris effet au 21 mai 2018 ; l'appelante a accusé réception de sa lettre recommandée le 20 novembre 2018, respectant le préavis,
- la résiliation est contractuellement convenue à la date de remise de la lettre recommandée avec accusé de réception, soit le 20 novembre 2018,
- il ne résulte pas des stipulations contractuelles que la résiliation ne devait être qu'à la date anniversaire puisqu'il figure au contrat,
- l'acceptation de la résiliation par l'appelante résulte de la facturation qu'elle a émise en réponse ainsi que de l'indemnité forfaitaire qu'elle a imaginé ; l'appelante ne peut pas soutenir l'irrégularité prétendue de la résiliation et solliciter une indemnité forfaitaire sur son fondement sans se contredire,
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la résiliation ne pouvait intervenir qu'à la date anniversaire du 21 mai, alors elle a respecté le préavis.
Sur ce,
Aux termes du contrat signé par la société IHL Group le 1er juin 2018, la clause de renouvellement ou rupture était rédigée comme suit :
'Le présent contrat est valable pour 2 ans à compter de la date de démarrage de service et sera, sauf désaccord manifesté par la société IHL sur le principe et les conditions financières et opérationnelles, renouvelé à date anniversaire pour une durée équivalente. Les conditions économiques pourront en être revues d'un commun accord, en fonction des évolutions de la société.
Si l'une ou l'autre des parties souhaite rompre le contrat à la date anniversaire, il devra le faire en prenant soin d'en informer l'autre partie par LRAR au moins deux mois avant ladite date anniversaire. La date de résiliation prise en compte sera celle de la remise du courrier figurant sur l'accusé de réception.'
Il résulte clairement de cette clause que le contrat est conclu pour une durée déterminée de deux ans, renouvelable, sans possibilité de le rompre avant sa date d'échéance, laquelle est fixée au 21 mai 2020 dès lors que le contrat prévoit une date de démarrage au 21 mai 2018.
La résiliation ne pouvait donc intervenir avant le 21 mai 2020 et devait être effectuée par une lettre recommandée devant être envoyée au moins deux mois avant cette date. Pour vérifier que la lettre recommandée de résiliation a été envoyée plus de deux mois avant la date anniversaire, les parties ont précisé qu'il fallait prendre en compte la date mentionnée sur l'avis de réception.
Or, la société IHL Group a adressé à son cocontractant une lettre recommandée datée du 16 novembre 2018 dont celui-ci a accusé réception par lettre du 22 novembre suivant, l'avis de réception n'étant pas produit aux débats. Aux termes de cette lettre, la société IHL Group fixe la fin du contrat au 1er décembre 2018.
C'est donc par une lecture erronée du contrat que le tribunal a retenu que la société IHL Group avait respecté la clause de rupture. Le jugement sera réformé en ce qu'il juge que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions contractuelles.
Sur la demande en paiement de la société IT Partner et les manquements invoqués
La société IHL Group fait valoir que :
- la société Scapelan devenue IT Partner a commis des manquements contractuels graves justifiant une telle résiliation unilatérale pour faute ; les dysfonctionnements sont attestés par les 60 tickets incidents émis entre juin et novembre 2018, que l'appelante a été dans l'incapacité d'intervenir et de résoudre rapidement, ainsi que par les échanges de courriels entre les salariés de l'intimée,
- le défaut d'intervention rapide de l'appelante a pénalisé lourdement son activité,
- son système n'était pas obsolète, son serveur ayant été livré par l'appelante deux ans auparavant,
- le témoignage de M. [G] est produit sans que l'appelante n'expose sa qualité de directeur commercial de celle-ci entre octobre 2018 et janvier 2020 ; l'attestation est dépourvue de pertinence et mensongère ; elle est établie pour les besoins de la cause,
- son nouveau prestataire informatique atteste que son serveur, qui est le même depuis 2016, fonctionne encore aujourd'hui, et qu'il n'existe plus depuis le début de ses prestations de demande d'intervention pour des problèmes d'infrastructure ; son expert-comptable atteste de l'absence de modification de son système informatique en dépit de la croissance de son activité,
- à la date du 20 novembre 2018, l'appelante a immédiatement modifié le code administrateur du système informatique de l'intimée, alors qu'elle n'avait aucun droit sur ce mot de passe ; il s'agit d'une tentative de chantage, qui relève d'une qualification pénale ; cette tentative a eu lieu dans une période critique d'édition de 1.000 bulletins de paye dont avait connaissance l'appelante ; ce manquement justifie la résiliation.
Au titre des sommes réclamées, elle fait valoir que :
- la facturation forfaitaire tient compte du nombre d'utilisateurs ; ce mode de calcul de la facture n'a pas été discuté par l'intimée,
- en l'absence de résiliation respectant les termes du contrat, ce dernier a continué à s'exécuter ; les sommes prévues au titre du contrat sont dues ; l'appelante doit être condamnée à lui payer la somme de 15.240 euros HT soit 18.288 euros TTC,
- cette somme n'est pas une indemnité, une clause pénale ou une demande de dommages et intérêts, mais le simple respect des obligations contractuelles.
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que le contrat n'avait pas une durée déterminée de deux ans, la condition expresse de la date anniversaire au 1er juin demeure, de sorte que l'intimée aurait dû payer au moins les prestations jusqu'au 1er juin 2019, soit 4.200 euros HT soit 5.040 euros TTC ; il ne s'agit là encore pas d'une demande indemnitaire ou clause pénale.
La société IT Partner réplique que :
- le matériel informatique de l'intimée était vieillissant et difficile à réparer ; la facture de 2016 produite par l'intimée ne concerne pas les serveurs litigieux ; l'âge du matériel et l'évolution des besoins de l'intimée expliquent les nombreux tickets incidents et interventions,
- la société Scapelan a conseillé de façon récurrente un changement du matériel ; ces échanges sont attestés par M. [D] [G], ancien dirigeant de la société Scapelan, alors qu'il n'avait pas de lien avec l'appelante ; cette attestation est probante ; il ne peut être reproché à l'appelante le nombre de tickets incidents en l'absence de remplacement par l'intimée du matériel,
- l'attestation de M. [N] sur l'état fonctionnel du matériel informatique produite par l'intimée n'est pas objective car le dirigeant de la société dont il est salarié a lui-même conçu et mis en place l'installation de l'intimée,
- il est d'usage que le prestataire informatique conserve seul mes mots de passe administrateur, qu'elle aurait communiqué à première demande écrite du mandataire social de l'intimée contre signature d'une décharge de responsabilité ; cette procédure a été portée à la connaissance de l'intimée ; l'intimée n'a jamais adressé la demande écrite ; l'appelante a simplement respecté la procédure de sécurité ; il n'y a donc aucun manquement grave de chantage justifiant la résiliation,
- l'intimée se plaint du manque de professionnalisme de l'appelante pour des faits antérieurs à la signature du contrat du 1er juin 2018 ; la signature du contrat démontre que cet argument est de pure circonstance,
- elle a toujours répondu aux demandes de l'intimée et proposé des améliorations des équipements ; sa mission a été exécutée conformément à ses engagements.
Au titre de la demande en paiement formée à son encontre, elle réplique que :
- l'appelante imagine une indemnité forfaitaire exceptionnelle en raison de la résiliation,
- le contrat ne stipule pas que la résiliation devrait donner lieu au règlement de toutes les échéances à venir jusqu'à la date anniversaire du contrat, soit le 20 mai 2020,
- les conditions générales de vente jointes par l'appelante, illisibles, n'ont jamais été portées à sa connaissance ; elles lui sont inopposables,
- il n'y a pas de forfait libératoire 'exceptionnel' dans la proposition de règlement de l'appelante puisque la somme facturée correspond à la totalité des loyers à échoir jusqu'au 20 mai 2020 ; le procédé est dolosif et de mauvaise foi,
- le contrat ne prévoit par le règlement d'une indemnité égale à tout ou partie des loyers restant à courir en cas de résiliation anticipée du contrat ; les parties ont convenu entre elles de ne pas stipuler de telles indemnités de rupture anticipée ; le juge ne peut pas ajouter aux stipulations contractuelles,
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'une indemnité était due à l'appelante à raison de cette résiliation, elle jugera que celle-ci doit s'analyser en une clause pénale ; elle suppose donc la démonstration préalable du préjudice subi par le créancier, qui n'est pas apportée ; elle doit être réduite à l'euro symbolique.
Sur ce,
Selon l'article 1124 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Et il résulte de l'article 1226 du même code, que la gravité du manquement de l'une des parties peut justifier que l'autre partie mette fin à l'engagement de manière unilatérale, à ses risques et périls.
La société IHL Group produit aux débats (sa pièce n° 8) des échanges d'e-mails et 'tickets incidents', sur la période de février à octobre 2018, qui établissent que de nombreux dysfonctionnements ont été signalés à la société Scapelan puis IT Partner. Si les premiers incidents semblent avoir été résolus promptement et avec succès, les derniers échanges établissent qu'à compter de juillet 2018, les interventions n'ont pas toujours permis la résolution efficace ou rapide du problème.
La société IT Partner ne démontre pas que, comme elle le soutient, les difficultés auraient été dues à un état obsolète du matériel, ni qu'elle aurait informé la société IHL Group de la nécessité d'adapter son matériel. Si le contrat signé le 1er juin 2018, dans la rubrique 'nouveaux projets', mentionne 'Evolutions significatives de l'infrastructure (sur devis)', rien n'apparaît avoir été concrètement proposé, aucun devis produit.
Or, la société IHL Group justifie, par une facture du 30 septembre 2016, que la société Scapelan avait procédé au remplacement du serveur, puis, selon contrat du 9 mai 2017, au 'remplacement du switch existant', à l' 'installation et préparation de la nouvelle infra' et à la migration des services et données vers le nouveau serveur. Il n'est donc pas démontré que les incidents survenus courant 2018 soient dus à un matériel obsolète.
L'attestation de M. [V], gérant d'IHL Group, établie le 12 octobre 2021, démontre l'importance des effets des dysfonctionnements, notamment au titre des retards de paiement des salariés de la société d'intérim.
De plus, un nouvel incident a été signalé le 16 novembre 2018 par la société IHL Group qui sollicitait la communication du mot de passe administrateur du domaine IHL. Celle-ci justifie avoir dû faire appel à un autre prestataire le 20 novembre suivant, pour procéder à la réinitialisation des mots de passe administrateur que la société IT Partner refusait de lui transmettre.
Dès lors, au regard de l'importance de ces difficultés rencontrées par la société IHL Group, celle-ci était fondée à se prévaloir des manquements de la société IT Partner pour mettre fin à leurs relations contractuelles au 1er décembre 2018.
En conséquence, les échéances de paiement postérieures à la résiliation ne sont pas dues et la société IT Partner sera déboutée de sa demande en paiement. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes réciproques de dommages-intérêts pour résistance abusive et pour procédure abusive
Le contrat ayant été conclu pour une durée déterminée, il n'est pas abusif pour la société IT Partner d'avoir assigné la société IHL Group en paiement.
Inversement, la rupture du contrat en raison des importants dysfonctionnements justifie la résistance au paiement opposée par la société IHL Group à la société IT Partner.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute chaque partie de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société IT Partner succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société IT Partner sera condamnée à payer à la société IHL Group la somme de 1.200 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il juge que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties ;
Y ajoutant,
Condamne la société IT Partner aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne la société IT Partner à payer à la société IHL Group la somme de mille deux cents euros (1.200 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 01 avril 2021
RG : 2019j1544
S.A.S. IT PARTNER
C/
Société IHL GROUP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 01 Février 2024
APPELANTE :
S.A.S. IT PARTNER au capital de 708.383,25 €, immatriculée au registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 400 008 652, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Franck-Olivier LACHAUD de la SELARL FRANCK-OLIVIER LACHAUD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
S.A.R.L. IHL GROUP au capital de 1 000 000€ immatriculée au RCS de LYON sous le n° 483 128 922, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric CESAR de la SELARL LEGI AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 664, substitué et plaidant par Me Samantha COURTADON, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 06 Juillet 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Novembre 2023
Date de mise à disposition : 01 Février 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société IT Partner a pour activité le conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle a absorbé la société Scapelan qui exerçait dans le même secteur d'activité qu'elle. La société IHL Group est spécialisée dans la recherche d'emploi et le recrutement en intérim, CDD et CDI.
Le 1er juin 2018, la société IHL Group a signé un contrat portant sur une prestation informatique de suivi, maintenance et support aux utilisateurs avec la société Scapelan, d'une durée de deux ans renouvelable.
Par lettre recommandée du 16 novembre 2018, elle a dénoncé le contrat à la société Scapelan avec effet au 1er décembre 2018.
Par courrier du 22 novembre 2018, la société Scapelan a consenti à ce que le contrat se termine à la date évoquée mais a exigé, en contrepartie, que les sommes dues au titre du contrat, d'un montant de 15.240 euros, soient réglées jusqu'à son terme initial, le 20 mai 2020.
Aucune solution amiable n'ayant été trouvée, la société IT Partner a assigné la société IHL Group, par acte du 2 août 2019, devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement contradictoire du 1er avril 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :
- constaté que la société IHL Group reconnaît à la barre que l'action de la société IT Partner à son encontre est recevable,
- jugé que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties,
- débouté la société IT Partner de sa demande au titre du paiement par la société IHL Group de la somme de 15.240 euros soit 18.288 euros TTC,
- jugé que la société IT Partner a exécuté sa mission conformément à ses engagements,
- dit que la procédure de la société IT Partner n'est pas abusive,
- débouté la société IT Partner au titre de sa demande pour résistance abusive de la société IHL Group,
- débouté la société IHL Group de sa demande en réparation des préjudices,
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires des parties,
- condamné la société IT Partner à payer à la société IHL Group la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société IT Partner aux entiers dépens.
La société IT Partner a interjeté appel par acte du 21 mai 2021.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 17 juin 2022 fondées sur les articles 1101, 1102, 1103 et 1104 du code civil, la société IT Partner demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son appel,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
déclaré recevable son action à l'encontre de la société IHL Group,
jugé qu'elle a exécuté sa mission conformément à ses engagements,
débouté la société IHL Group de sa demande en réparation de ses préjudices,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
jugé que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties,
l'a débouté de sa demande de paiement par la société IHL Group de la somme de 15.240 euros HT, soit 18.288 euros TTC,
l'a débouté de sa demande de condamnation de la société IHL Group au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de la résistance abusive,
en conséquence,
- juger que la résiliation du contrat par la société IHL Group est contraire aux dispositions du contrat signé entre les parties,
- condamner la société IHL Group à lui payer une somme de 15.240 euros HT soit 18.288 euros TTC,
- condamner la société IHL Group à lui payer une somme de 1.500 euros au titre de la résistance abusive,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que la résiliation du contrat est conforme aux dispositions contractuelles,
- juger que le tribunal de commerce n'a pas tiré les conséquences légales de sa motivation,
- juger que la société IHL Group devait respecter ses engagements en réglant la somme due au titre des loyers du contrat de maintenance jusqu'à la date anniversaire du contrat soit au 1er juin 2019,
- condamner la société IHL Group à payer la somme de 700 euros HT par mois pendant 6 mois (du 1er décembre 2018 jusqu'à la date anniversaire du 1er juin 2019), soit 4.200 euros HT ou 5.040 euros TTC,
- débouter la société IHL Group de sa demande de condamnation de la société IHL Group à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- condamner la société IHL Group à lui payer la somme de 6.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société IHL Group aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel avec droit de recouvrement.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 juin 2022 fondées sur les articles 1101 et suivants, 1190, 1231-5 du code civil et les articles 699 et 700 du code de procédure civile, la société IHL Group demande à la cour de :
- juger qu'il est démontré que la société IT Partner ne peut sans se contredire alléguer avoir pleinement exécuté sa mission, alors que les blocages et ralentissement dénoncés en 2018 par sa cliente à l'époque ne peuvent manifestement pas être imputés à l'insolence du serveur installé par elle-même en 2016, puisqu'en 2021 ce même serveur prétendument obsolète fonctionne toujours sans le moindre défaut constaté,
- juger qu'il est démontré que la société IT Partner en changeant les codes administrateurs pour interdire toute intervention d'un prestataire dans l'attente d'un accord de payement de sa facture de solde, a entrepris un chantage fautif qui justifie à lui seul la résiliation du contrat de prestation,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
jugé que la résiliation du contrat par elle est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties,
débouté la société IT Partner de sa demande en paiement de la somme de 15.240 euros HT,
débouté la société IT Partner au titre de ses demandes pour résistance abusive,
- débouter la société IT Partner de sa demande de condamnation à son égard à lui payer la somme de 15.240 euros HT soit 18.288 euros TTC,
à titre subsidiaire,
- diminuer la somme qui serait allouée à la société IT Partner à l'euro symbolique,
- débouter la société IT Partner de sa demande de condamnation à son égard à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de la résistance abusive,
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a
jugé que la société IT Partner aurait exécuté sa mission,
dit que la procédure de la société IT Partner ne serait pas abusive,
l'a débouté de sa demande en réparation des préjudices subis,
statuant à nouveau,
- condamner la société IT Partner à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi compte tenu du caractère abusif de l'action engagée,
- débouter la société IT Partner de sa demande de condamnation à son égard à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile et aux dépens,
- condamner la société IT Partner à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 juillet 2022, les débats étant fixés au 29 novembre 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité à agir
La société IT Partner sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il dit que son action contre la société IHL Group est recevable.
Toutefois, sa déclaration d'appel ne vise pas ce chef du jugement, lequel n'est pas davantage critiqué par un appel incident de l'intimée. La cour n'est donc pas saisie de ce chef et le jugement est définitif en ce qu'il 'constate que la société IHL Group reconnaît à la barre que l'action de la société IT Partner à son encontre est recevable'.
Sur la rupture du contrat par la société IHL Group
La société IT Partner fait valoir que :
- l'intimée a envoyé à la société Scapelan une lettre recommandée le 16 novembre 2018 pour lui indiquer sa volonté de rompre le contrat en fixant unilatéralement la date de rupture au 1er décembre 2018 ; cette résiliation intervient seulement 5 mois après la signature du contrat contre une durée déterminée de deux ans, n'intervient pas à la date anniversaire et ne respecte pas le délai de préavis de deux mois, en contradiction avec les termes du contrat,
- elle a légitimement refusé de tenir compte de cette résiliation et a ainsi répondu à la société IHL Group par lettre du 22 novembre 2018,
- l'intimée ne démontre pas les diligences qu'elle a engagées pour permettre une rupture du contrat garantissant la continuité de l'exploitation de chacune des parties,
- si par extraordinaire la cour jugeait que le contrat n'avait pas une durée déterminée de deux ans, la condition expresse de la date anniversaire au 1er juin demeure, de sorte que l'intimée aurait dû payer au moins les prestations jusqu'au 1er juin 2019, soit 4.200 euros HT,
- la résiliation n'est pas liée à des problèmes techniques, mais le fruit d'un ressentiment consécutif au changement de propriétaire de la société Scapelan.
La société IHL Group réplique que :
- si nécessaire, le contrat s'interprète contre l'appelante et en faveur de l'intimée,
- l'appelante a accepté la résiliation qu'elle lui a notifiée,
- la durée déterminée du contrat ne fait pas obstacle à la résiliation dès lors que les parties ont convenu de cette faculté dans le contrat ; elle a donc respecté les stipulations contractuelles,
- la date anniversaire à prendre en compte pour le respect du préavis de deux mois est le 21 mai, le contrat ayant pris effet au 21 mai 2018 ; l'appelante a accusé réception de sa lettre recommandée le 20 novembre 2018, respectant le préavis,
- la résiliation est contractuellement convenue à la date de remise de la lettre recommandée avec accusé de réception, soit le 20 novembre 2018,
- il ne résulte pas des stipulations contractuelles que la résiliation ne devait être qu'à la date anniversaire puisqu'il figure au contrat,
- l'acceptation de la résiliation par l'appelante résulte de la facturation qu'elle a émise en réponse ainsi que de l'indemnité forfaitaire qu'elle a imaginé ; l'appelante ne peut pas soutenir l'irrégularité prétendue de la résiliation et solliciter une indemnité forfaitaire sur son fondement sans se contredire,
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que la résiliation ne pouvait intervenir qu'à la date anniversaire du 21 mai, alors elle a respecté le préavis.
Sur ce,
Aux termes du contrat signé par la société IHL Group le 1er juin 2018, la clause de renouvellement ou rupture était rédigée comme suit :
'Le présent contrat est valable pour 2 ans à compter de la date de démarrage de service et sera, sauf désaccord manifesté par la société IHL sur le principe et les conditions financières et opérationnelles, renouvelé à date anniversaire pour une durée équivalente. Les conditions économiques pourront en être revues d'un commun accord, en fonction des évolutions de la société.
Si l'une ou l'autre des parties souhaite rompre le contrat à la date anniversaire, il devra le faire en prenant soin d'en informer l'autre partie par LRAR au moins deux mois avant ladite date anniversaire. La date de résiliation prise en compte sera celle de la remise du courrier figurant sur l'accusé de réception.'
Il résulte clairement de cette clause que le contrat est conclu pour une durée déterminée de deux ans, renouvelable, sans possibilité de le rompre avant sa date d'échéance, laquelle est fixée au 21 mai 2020 dès lors que le contrat prévoit une date de démarrage au 21 mai 2018.
La résiliation ne pouvait donc intervenir avant le 21 mai 2020 et devait être effectuée par une lettre recommandée devant être envoyée au moins deux mois avant cette date. Pour vérifier que la lettre recommandée de résiliation a été envoyée plus de deux mois avant la date anniversaire, les parties ont précisé qu'il fallait prendre en compte la date mentionnée sur l'avis de réception.
Or, la société IHL Group a adressé à son cocontractant une lettre recommandée datée du 16 novembre 2018 dont celui-ci a accusé réception par lettre du 22 novembre suivant, l'avis de réception n'étant pas produit aux débats. Aux termes de cette lettre, la société IHL Group fixe la fin du contrat au 1er décembre 2018.
C'est donc par une lecture erronée du contrat que le tribunal a retenu que la société IHL Group avait respecté la clause de rupture. Le jugement sera réformé en ce qu'il juge que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions contractuelles.
Sur la demande en paiement de la société IT Partner et les manquements invoqués
La société IHL Group fait valoir que :
- la société Scapelan devenue IT Partner a commis des manquements contractuels graves justifiant une telle résiliation unilatérale pour faute ; les dysfonctionnements sont attestés par les 60 tickets incidents émis entre juin et novembre 2018, que l'appelante a été dans l'incapacité d'intervenir et de résoudre rapidement, ainsi que par les échanges de courriels entre les salariés de l'intimée,
- le défaut d'intervention rapide de l'appelante a pénalisé lourdement son activité,
- son système n'était pas obsolète, son serveur ayant été livré par l'appelante deux ans auparavant,
- le témoignage de M. [G] est produit sans que l'appelante n'expose sa qualité de directeur commercial de celle-ci entre octobre 2018 et janvier 2020 ; l'attestation est dépourvue de pertinence et mensongère ; elle est établie pour les besoins de la cause,
- son nouveau prestataire informatique atteste que son serveur, qui est le même depuis 2016, fonctionne encore aujourd'hui, et qu'il n'existe plus depuis le début de ses prestations de demande d'intervention pour des problèmes d'infrastructure ; son expert-comptable atteste de l'absence de modification de son système informatique en dépit de la croissance de son activité,
- à la date du 20 novembre 2018, l'appelante a immédiatement modifié le code administrateur du système informatique de l'intimée, alors qu'elle n'avait aucun droit sur ce mot de passe ; il s'agit d'une tentative de chantage, qui relève d'une qualification pénale ; cette tentative a eu lieu dans une période critique d'édition de 1.000 bulletins de paye dont avait connaissance l'appelante ; ce manquement justifie la résiliation.
Au titre des sommes réclamées, elle fait valoir que :
- la facturation forfaitaire tient compte du nombre d'utilisateurs ; ce mode de calcul de la facture n'a pas été discuté par l'intimée,
- en l'absence de résiliation respectant les termes du contrat, ce dernier a continué à s'exécuter ; les sommes prévues au titre du contrat sont dues ; l'appelante doit être condamnée à lui payer la somme de 15.240 euros HT soit 18.288 euros TTC,
- cette somme n'est pas une indemnité, une clause pénale ou une demande de dommages et intérêts, mais le simple respect des obligations contractuelles.
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que le contrat n'avait pas une durée déterminée de deux ans, la condition expresse de la date anniversaire au 1er juin demeure, de sorte que l'intimée aurait dû payer au moins les prestations jusqu'au 1er juin 2019, soit 4.200 euros HT soit 5.040 euros TTC ; il ne s'agit là encore pas d'une demande indemnitaire ou clause pénale.
La société IT Partner réplique que :
- le matériel informatique de l'intimée était vieillissant et difficile à réparer ; la facture de 2016 produite par l'intimée ne concerne pas les serveurs litigieux ; l'âge du matériel et l'évolution des besoins de l'intimée expliquent les nombreux tickets incidents et interventions,
- la société Scapelan a conseillé de façon récurrente un changement du matériel ; ces échanges sont attestés par M. [D] [G], ancien dirigeant de la société Scapelan, alors qu'il n'avait pas de lien avec l'appelante ; cette attestation est probante ; il ne peut être reproché à l'appelante le nombre de tickets incidents en l'absence de remplacement par l'intimée du matériel,
- l'attestation de M. [N] sur l'état fonctionnel du matériel informatique produite par l'intimée n'est pas objective car le dirigeant de la société dont il est salarié a lui-même conçu et mis en place l'installation de l'intimée,
- il est d'usage que le prestataire informatique conserve seul mes mots de passe administrateur, qu'elle aurait communiqué à première demande écrite du mandataire social de l'intimée contre signature d'une décharge de responsabilité ; cette procédure a été portée à la connaissance de l'intimée ; l'intimée n'a jamais adressé la demande écrite ; l'appelante a simplement respecté la procédure de sécurité ; il n'y a donc aucun manquement grave de chantage justifiant la résiliation,
- l'intimée se plaint du manque de professionnalisme de l'appelante pour des faits antérieurs à la signature du contrat du 1er juin 2018 ; la signature du contrat démontre que cet argument est de pure circonstance,
- elle a toujours répondu aux demandes de l'intimée et proposé des améliorations des équipements ; sa mission a été exécutée conformément à ses engagements.
Au titre de la demande en paiement formée à son encontre, elle réplique que :
- l'appelante imagine une indemnité forfaitaire exceptionnelle en raison de la résiliation,
- le contrat ne stipule pas que la résiliation devrait donner lieu au règlement de toutes les échéances à venir jusqu'à la date anniversaire du contrat, soit le 20 mai 2020,
- les conditions générales de vente jointes par l'appelante, illisibles, n'ont jamais été portées à sa connaissance ; elles lui sont inopposables,
- il n'y a pas de forfait libératoire 'exceptionnel' dans la proposition de règlement de l'appelante puisque la somme facturée correspond à la totalité des loyers à échoir jusqu'au 20 mai 2020 ; le procédé est dolosif et de mauvaise foi,
- le contrat ne prévoit par le règlement d'une indemnité égale à tout ou partie des loyers restant à courir en cas de résiliation anticipée du contrat ; les parties ont convenu entre elles de ne pas stipuler de telles indemnités de rupture anticipée ; le juge ne peut pas ajouter aux stipulations contractuelles,
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'une indemnité était due à l'appelante à raison de cette résiliation, elle jugera que celle-ci doit s'analyser en une clause pénale ; elle suppose donc la démonstration préalable du préjudice subi par le créancier, qui n'est pas apportée ; elle doit être réduite à l'euro symbolique.
Sur ce,
Selon l'article 1124 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Et il résulte de l'article 1226 du même code, que la gravité du manquement de l'une des parties peut justifier que l'autre partie mette fin à l'engagement de manière unilatérale, à ses risques et périls.
La société IHL Group produit aux débats (sa pièce n° 8) des échanges d'e-mails et 'tickets incidents', sur la période de février à octobre 2018, qui établissent que de nombreux dysfonctionnements ont été signalés à la société Scapelan puis IT Partner. Si les premiers incidents semblent avoir été résolus promptement et avec succès, les derniers échanges établissent qu'à compter de juillet 2018, les interventions n'ont pas toujours permis la résolution efficace ou rapide du problème.
La société IT Partner ne démontre pas que, comme elle le soutient, les difficultés auraient été dues à un état obsolète du matériel, ni qu'elle aurait informé la société IHL Group de la nécessité d'adapter son matériel. Si le contrat signé le 1er juin 2018, dans la rubrique 'nouveaux projets', mentionne 'Evolutions significatives de l'infrastructure (sur devis)', rien n'apparaît avoir été concrètement proposé, aucun devis produit.
Or, la société IHL Group justifie, par une facture du 30 septembre 2016, que la société Scapelan avait procédé au remplacement du serveur, puis, selon contrat du 9 mai 2017, au 'remplacement du switch existant', à l' 'installation et préparation de la nouvelle infra' et à la migration des services et données vers le nouveau serveur. Il n'est donc pas démontré que les incidents survenus courant 2018 soient dus à un matériel obsolète.
L'attestation de M. [V], gérant d'IHL Group, établie le 12 octobre 2021, démontre l'importance des effets des dysfonctionnements, notamment au titre des retards de paiement des salariés de la société d'intérim.
De plus, un nouvel incident a été signalé le 16 novembre 2018 par la société IHL Group qui sollicitait la communication du mot de passe administrateur du domaine IHL. Celle-ci justifie avoir dû faire appel à un autre prestataire le 20 novembre suivant, pour procéder à la réinitialisation des mots de passe administrateur que la société IT Partner refusait de lui transmettre.
Dès lors, au regard de l'importance de ces difficultés rencontrées par la société IHL Group, celle-ci était fondée à se prévaloir des manquements de la société IT Partner pour mettre fin à leurs relations contractuelles au 1er décembre 2018.
En conséquence, les échéances de paiement postérieures à la résiliation ne sont pas dues et la société IT Partner sera déboutée de sa demande en paiement. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes réciproques de dommages-intérêts pour résistance abusive et pour procédure abusive
Le contrat ayant été conclu pour une durée déterminée, il n'est pas abusif pour la société IT Partner d'avoir assigné la société IHL Group en paiement.
Inversement, la rupture du contrat en raison des importants dysfonctionnements justifie la résistance au paiement opposée par la société IHL Group à la société IT Partner.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute chaque partie de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société IT Partner succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société IT Partner sera condamnée à payer à la société IHL Group la somme de 1.200 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il juge que la résiliation du contrat par la société IHL Group est conforme aux dispositions du contrat signé entre les parties ;
Y ajoutant,
Condamne la société IT Partner aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne la société IT Partner à payer à la société IHL Group la somme de mille deux cents euros (1.200 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE