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Décisions

CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 26 janvier 2024, n° 22/02692

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 22/02692

26 janvier 2024

26/01/2024

ARRÊT N°2024/31

N° RG 22/02692 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O43X

CB/AR

Décision déférée du 22 Juin 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/00291)

ACT DIV - CAMBOU C.

[M], [V] [H]

GRAINE D'ARTISTES DE [Localité 3]

C/

[M] [H]

GRAINE D'ARTISTES DE [Localité 3]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 26 01 2024

à Me Renaud FRECHIN

Me Yaële ATTALI

ccc POLE EMPLOI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE et INTIMEE

GRAINE D'ARTISTES DE [Localité 3]

association prise en la personne de son représentant légal domiciliée es qualités audit siège sis à [Adresse 4]

Représentée par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME et APPELANT

Monsieur [M] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Yaële ATTALI, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, présidente , chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

E. BILLOT, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] [H] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 11 septembre 2007 par l'association Graines d'Artistes de [Localité 3], en qualité de professeur de musique.

La convention collective applicable est celle de l'animation.

L'association Graines d'Artistes de [Localité 3] emploie au moins 11 salariés.

Le 26 février 2019, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de solliciter le paiement de rappels de salaire.

Selon lettre du 15 mai 2019, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 mai 2019. Il a été licencié pour faute grave selon lettre du 3 juin 2019.

Le 3 octobre 2019, M. [H] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 22 juin 2022, le conseil a :

- dit qu'il y a lieu d'ordonner la jonction avec le numéro RG 19/1583, pour une meilleure administration de la justice,

- condamné l'association Graines d'Artistes de [Localité 3], prise en la qualité de son représentant légal, ès qualités, à verser à M. [H] [M] les sommes suivantes :

- 186,17 euros au titre de la retenue sur salaire de juin 2019,

- 3 279,42 euros au titre des heures complémentaires depuis le mois de mars 2016,

- 327,94 euros à titre des congés payés y afférent,

- 2 904,56 euros brut au titre des deux mois de préavis,

- 290,46 euros au titre des congés payés y afférent,

- 4 487,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 5 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code du procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- mis les dépens à la charge de l'association Graines d'Artistes de [Localité 3].

Le 18 juillet 2022, l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Le 27 juillet 2022, M. [H] a également interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Par une ordonnance en date du 15 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures.

Dans ses dernières écritures en date du 11 octobre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] demande à la cour de :

- dire et juger que le conseil de prud'hommes n'a pas qualifié la nature de la rupture, ne précisant pas s'il s'agit d'une résiliation judiciaire ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que le conseil de prud'hommes n'a pas précisé sur quel fondement juridique il condamnait l'association à payer des dommages et intérêts à M. [M] [H],

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 22 juin 2022, section activités diverses, en ce qu'il a condamné l'association Graines d'Artistes au paiement des sommes suivantes, à savoir :

- 186,17 euros au titre de la retenue sur salaire de juin 2019,

- 3 279,42 euros au titre des heures complémentaires depuis le mois de mars 2016,

- 327,94 euros au titre des congés payés afférents aux heures complémentaires,

- 2 904,56 euros au titre des deux mois de préavis,

- 290,46 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

- 4 487,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- débouter M. [H] de l'ensemble de ses prétentions comme étant infondées ou prescrites,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave est fondé tout comme l'avertissement,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes relatives au paiement des cotisations sociales ces dernières relevant du pôle social du tribunal judiciaire,

- condamner M. [H] à verser à l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- condamner M. [H] aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures en date du 6 janvier 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [H] demande à la cour de :

- juger les faits cités dans la lettre de licenciement prescrits,

- tirer les conséquences de la prescription,

- juger en conséquence le licenciement prononcé dénué de toute cause réelle et sérieuse,

- dire la mesure de licenciement prononcée abusive, infondée et fondée sur un motif discriminatoire,

- confirmer les dispositions du jugement du conseil de prud'hommes en date du 22 juin 2022 en ce qu'il a condamné l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] à payer à M. [M] [H] :

- 186,17 euros brut au titre d'une retenue sur salaire injustifiée,

- 3 279,42 euros au titre des heures complémentaires depuis le mois de mars 2016,

- 327,94 euros à titre de congés payés y afférents,

- 2 904,56 euros au titre des deux mois de préavis,

- 290,46 euros au titre des congés payés y afférents,

- 4 487,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en date du 22 juin 2022 en ce qu'il a alloué à M. [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement des charges sociales sur le bulletin de salaire de juin 2019 à hauteur de 356,16 euros,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement d'un rappel de congés payés en cours en juin 2019 (28 jours acquis, 17 jours payés) soit un solde de 10 jours à hauteur de la somme de 545,55 euros,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement des charges sociales sur le bulletin de salaire d'octobre 2014 sous astreinte de 50 euros par jour de retard jusqu'à régularisation par l'employeur,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement des frais de déplacement pour la visite médicale du 10 janvier 2019 à hauteur de la somme de 12,49 euros,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] à régler la majoration des heures de cours collectifs selon CA du 3 octobre 2010 et du CA du 15 octobre 2011 à hauteur de la somme de 2 089,56 euros brut,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement des congés payés sur majoration des heures de cours collectifs selon CA du 3 octobre 2010 à hauteur de la somme de 208,95 euros brut,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement du rappel d'ancienneté sur 5 ans à hauteur de la somme de 3 686,87 euros brut,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement des congés payés sur rappel d'ancienneté à hauteur de la somme de 368,68 euros brut,

- condamner l'association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement de la somme de 35 000 euros au titre de dommages et intérêts,

- ordonner que les intérêts légaux sont dus sur les condamnations à compter de la demande en justice,

- prononcer l'annulation de l'avertissement du 24 juillet 2018 comme injuste et infondé,

- allouer à ce titre à M. [H] des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 5 000 euros,

- condamner l'Association Graines d'Artistes de [Localité 3] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Association Graines d'Artistes de [Localité 3] aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 21 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie de l'appel principal de l'employeur portant sur les dispositions du jugement l'ayant condamné au paiement des sommes suivantes :

- 186,17 euros au titre de la retenue sur salaire de juin 2019,

- 3 279,42 euros au titre des heures complémentaires depuis le mois de mars 2016,

- 327,94 euros à titre des congés payés y afférent,

- 2 904,56 euros brut au titre des deux mois de préavis,

- 290,46 euros au titre des congés payés y afférent,

- 4 487,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 5 000 euros au titre des dommages et intérêts.

Elle est également saisie de l'appel du salarié. Celui-ci aux termes de sa déclaration d'appel énonçait les chefs de jugement qu'il critiquait, à savoir l'allocation de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et le débouté de ses autres demandes. Dans le dispositif de ses écritures, il ne sollicite l'infirmation du jugement qu'en ce qu'il lui a alloué la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Toutefois, le jugement ne contenait aucune énonciation de motifs pouvant se rapporter au chef de jugement déboutant les parties du surplus de leurs demandes. Il n'avait ainsi pas été statué de sorte que la cour ne pourrait procéder que par ajout au jugement, ce qui lui est demandé, et non par infirmation. Elle est ainsi saisie de l'ensemble des prétentions récapitulées au dispositif des écritures de l'intimé.

Sur les charges sociales,

L'employeur, dans les motifs de ses écritures, développe une exception d'incompétence à ce titre. Toutefois, outre que la cour serait juridiction d'appel de la juridiction invoquée comme compétente, aucune exception n'est reprise au dispositif des écritures de sorte que la cour n'en est pas saisie. Elle n'est pas davantage saisie d'une fin de non-recevoir au titre d'un défaut d'intérêt à agir du salarié. En effet, le dispositif du jugement vise un débouté, ce qui suppose un examen au fond, tout en faisant également référence à une prescription. Même si le débouté correspond à une énonciation incorrecte, la seule mention de la prescription dans le dispositif des écritures emporte que la cour est saisie de cette seule fin de non-recevoir et, subsidiairement, du fond.

La prescription ne peut être acquise s'agissant de l'erreur invoquée portant sur le bulletin de paie de juin 2019. Mais sur le fond, le salarié invoque une déduction opérée à tort sur son dernier bulletin de paie pour la somme de 356,16 euros correspondant à des indemnités journalières. Il indique que cette écriture lui est préjudiciable en ce qu'elle minore ses cotisations retraite et allocations chômage. Cependant, il ne demande pas des dommages et intérêts et si dans les motifs de ses écritures il sollicite une régularisation des charges sociales, dans le dispositif il demande une condamnation au paiement alors que ces charges ne sauraient lui revenir. Il ne peut qu'être débouté de cette prétention.

Quant à la demande portant sur le salaire d'octobre 2014, la prescription n'est certes pas acquise puisque le conseil a été saisi le 26 février 2019 et qu'il ne s'agit pas d'une question de paiement du salaire de sorte que c'est la prescription quinquennale qui s'applique. Toutefois, là encore dans le dispositif de ses écritures le salarié demande une condamnation au paiement alors que ces charges ne sauraient lui revenir. Il ne peut qu'être débouté de cette prétention.

Sur la retenue sur salaire,

Le conseil a alloué à ce titre la somme de 186,17 euros. L'employeur conclut à la réformation dans le dispositif de ses écritures mais ne développe aucun moyen de contestation. Il y a lieu à confirmation.

Sur les heures complémentaires,

Si le contrat de travail n'est pas produit par les parties, sa nature de contrat à temps partiel n'est pas remise en cause. Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Ainsi, si la charge de la preuve est partagée en cette matière, il appartient néanmoins au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, M. [H] produit un tableau récapitulant les heures qu'il invoque avoir accomplies en dehors des heures rémunérées avec la mention de la tâche effectuée. Ce document est suffisamment précis pour permettre un débat contradictoire.

Pour conclure à la réformation du jugement, l'employeur rappelle les dispositions de la convention collective quant aux heures de face à face pédagogique. Toutefois le système de rémunération en découlant a été exactement appliqué par le salarié. Sans aucune référence à un accord d'annualisation, l'employeur vient également considérer que compte tenu des vacances, le salarié aurait été rémunéré sur l'année pour un nombre d'heures supérieur à celui réalisé en incluant les heures de préparation et de suivi. Ceci ne saurait toutefois être retenu en dehors de tout dispositif d'annualisation.

Alors que le salarié justifie par un document émanant du syndicat employeur que les heures de réunion, d'inscription ou de concerts de fin d'année sont en principe des heures complémentaires, l'employeur n'apporte pas d'éléments démonstratifs contraires. En effet, les attestations qu'il produit ne sauraient être démonstratives étant observé à titre d'exemple que celle de M. [E] fait état de ce que les « auditions » seraient réalisées dans le cadre de la mission pédagogique de l'enseignant, ce qui correspond à du temps de travail effectif, mais sans aucune rémunération ce qui ne peut être satisfaisant.

Il convient en revanche d'exclure les participations relevant d'un strict bénévolat volontaire telle que la fête de la musique ainsi que les heures de face à face qui n'avaient pas été demandées par l'employeur, lequel avait même expressément rappelé le salarié à ses obligations pour l'élève visé au tableau récapitulatif des demandes.

Dès lors, après avoir procédé aux déductions correspondantes la cour retient des heures complémentaires n'ayant pas été rémunérées pour un montant total de 3 103 euros outre 310,30 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera donc infirmé sur le quantum et l'employeur condamné au paiement de cette somme.

Sur la majoration des cours collectifs,

S'agissant de la prescription, M. [H] soutient qu'elle est quinquennale et vise le régime applicable à la discrimination ou au harcèlement moral. Toutefois, sa demande porte sur un rappel de salaire et s'il vise une discrimination salariale, il n'invoque aucun critère de discrimination tel que prévu par l'article L. 1132-1 du code du travail, la disparité de traitement relevant d'un régime différent. C'est ainsi la prescription triennale qui s'applique et les demandes de rappels de salaire ne peuvent être appréciées au fond qu'à compter de février 2016.

Sur le fond, M. [H] fait valoir que certains cours collectifs ont fait l'objet d'une rémunération majorée ce qui n'a pas été le cas pour lui ce qui constitue une disparité de traitement illicite.

Toutefois, il existe en l'espèce un élément objectif d'où il résulte que les salariés avec lesquels M. [H] entend être comparé n'étaient pas placés dans une situation identique à la sienne. Il résulte en effet des éléments produits que la majoration a été appliquée aux enseignants qui pratiquaient des cours collectifs regroupant des élèves pratiquant le même instrument. Ceci a été mis en place pour la guitare et la flûte traversière. M. [H] ne soutient pas avoir réalisé des cours collectifs de batterie. Les documents qu'il produit au demeurant fort sommaires et peu démonstratifs, aucun nom ne figurant sur les pièces 3.35 et 3.36 et seul le prénom [M] pouvant se rattacher à lui dans la pièce 3.35, ne font pas ressortir des cours collectifs de batterie mais des cours d'ensemble regroupant plusieurs instruments. Cela correspondait donc à une différence objective de sorte que les salariés n'étaient pas placés dans la même situation.

Cette demande ne peut être que rejetée.

Sur le rappel d'ancienneté,

Le salarié se prévaut des dispositions conventionnelles emportant reconstitution de carrière à l'embauche d'un salarié disposant d'une ancienneté dans la branche.

L'employeur oppose une prescription pour le tout étant rappelé que son dispositif vise un débouté pour des demandes infondées et prescrites.

En toute hypothèse, la demande est en nature de rappel de salaire. La prescription est ainsi triennale. Elle ne saurait être quinquennale comme le soutient le salarié en invoquant une forme de discrimination dont il ne précise pas même le critère. Si son point de départ se situe au jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, il n'en demeure pas moins que le fait de ne pas exercer son droit dès l'embauche ne saurait le priver de la faculté de l'exercer dans les limites de la prescription triennale puisqu'il s'agissait d'une indemnité dont le paiement se répétait chaque mois.

La prescription est ainsi acquise pour toute la période antérieure à février 2016.

Sur le fond, le salarié justifie d'une ancienneté dans la branche depuis le 1er octobre 2000. Il pouvait donc bénéficier au regard des dispositions conventionnelles (article 1.7.5 de l'annexe 1) de 12 points d'ancienneté. Dans les limites de la prescription retenue ci-dessus et alors que pour le surplus son calcul n'est pas spécialement contesté, il peut prétendre à un rappel de prime d'ancienneté de 2 452,87 euros, outre 245,28 euros au titre des congés payés afférents. Il y aura lieu à ajout au jugement qui n'a pas spécialement statué de ce chef et à condamnation de l'employeur au paiement de cette somme.

Sur l'avertissement,

Il a été notifié au salarié selon lettre du 24 juillet 2018. L'employeur, aux termes de la lettre de sanction, reprochait au salarié d'avoir refusé de réaliser son entretien de fin d'année.

M. [H] conteste l'avertissement et en demande l'annulation ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Toutefois, si M. [H] conteste avoir commis une faute, il résulte de ses propres pièces qu'il refusait bien la réalisation de l'entretien puisqu'en réalité il entendait choisir son interlocuteur alors que l'employeur, usant de son pouvoir de direction, entendait le soumettre à cet entretien avec son référent. Ceci permettait à l'employeur de se placer sur le terrain disciplinaire et d'infliger une sanction, au demeurant mesurée, d'avertissement. La demande d'annulation sera rejetée comme la demande indemnitaire en découlant.

Sur les frais de déplacement,

M. [H] sollicite la somme de 12,49 euros au titre des frais exposés pour se rendre à la visite de la médecine du travail. Contrairement aux énonciations de l'employeur il explicite et justifie de son calcul correspondant au barème fiscal au regard des kilomètres entre le lieu de la visite et son domicile. La somme de 12,49 euros est justifiée et par ajout au jugement l'employeur sera condamné au paiement de cette somme.

Sur le licenciement,

Il a été prononcé sur le terrain de la faute grave. Elle se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise, d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.

Lorsque l'employeur retient la qualification de faute grave, il lui incombe d'en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce la lettre de licenciement du 3 juin 2019 énonce les motifs dans les termes suivants :

Vous avez été reçu en entretien préalable le mercredi 29 mai 2019 à 10 heures dans les locaux de l'association par la présidente de l'association, entretien au cours duquel vous avez été invité à fournir toutes explications sur les faits qui vous sont reprochés.

Vous étiez assisté lors de cet entretien par un conseiller du salarié extérieur à l'association choisi sur une liste établie par le préfet.

Après réflexion et après vous avoir entendu, nous avons pris la décision de vous licencier pour motif disciplinaire, faute grave.

Votre licenciement prendra donc effet à la première présentation de ce courrier.

Les motifs en sont les suivants :

Vous avez été embauché pour dispenser des cours de batterie dans le cadre des activités de l'association.

Depuis plusieurs mois, vous adoptez un comportement incompatible avec une exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail, une posture agressive et d'opposition envers les membres élus de l'association, ses salariés et de manipulation de certains de ses adhérents.

Malgré nos relances répétées, vous persistez à adapter l'emploi du temps établi selon vos désirs et votre plaisir sans en référer au préalable avec la direction de l'association. Vous déplacez sans autorisation les heures de cours alors que les créneaux sont précisément établis pour permettre un juste partage des infrastructures mises à notre disposition par la municipalité. Cela a généré à plusieurs reprises une désorganisation préjudiciable au bon fonctionnement de la structure.

Dans le même sens, vous dépassez régulièrement les heures de cours prévues et donc votre temps de travail sans autorisation préalable et sans intérêt pédagogique, ce qui génère une fois de plus désorganisation et des dépenses inutiles pour l'association dont vous savez le budget contraint.

Lors des manifestations organisées pour mettre en pratique le fruit de formation artistique dispensée aux adhérents, vous ne vous présentez pas ou adoptez, quand vous daignez être présent, une attitude discourtoise envers les adhérents et leur famille et un manque total de coopération avec les autres salariés de l'association ou les bénévoles venus participer à l'organisation de la manifestation. Cela a atteint de telles proportions que nombre de bénévoles ont indiqué ne pas vouloir participer à l'organisation des spectacles et manifestations lorsque vous étiez là.

D'autres ont eu à se plaindre des remarques déplacées, critiques, propos moqueurs de votre part.

Vous vous positionnez depuis plusieurs mois en opposition avec la direction de l'association envers laquelle vous faites montre d'insubordination. Vous ne déférez pas aux invitations qui vous sont adressées, vous conditionnez votre participation à des convocations à la satisfaction de demandes sans rapport avec l'objet de votre convocation, de ce fait vous pratiquez un véritable chantage interdisant toute relation professionnelle profitable et constructive.

Ainsi, la simple tenue d'un entretien annuel d'évaluation pose problème puisque votre référente, aussi vice-présidente, a dû vous relancer à plusieurs reprises pour que cet entretien soit tenu. A chaque fois vous avez conditionné votre participation à la satisfaction de demandes sans rapport avec l'objet de l'entretien. Ce comportement constitue un véritable chantage et n'est pas compatible avec un exercice loyal et de bonne foi du contrat de travail.

Vous semblez vouloir tirer avantage personnel de ce que l'association n'est gérée que par des bénévoles qui donnent de leur temps pour la faire tourner en plus de leur activité professionnelle. Vous les considérez avec mépris n'hésitant pas à vous moquer d'eux ou de leur absence de talent artistique dont vous vous érigez en seul juge soit face à eux soit devant d'autres salariés ou adhérents de l'association.

Votre mépris ne se limite toutefois pas aux seuls bénévoles puisque des salariés de l'association ont eu eux aussi affaire à votre mépris puisque vous n'hésitez pas à les mettre en cause devant d'autres salariés, des membres du conseil d'administration ou les adhérents de l'association.

Récemment, profitant d'une réunion organisée entre les salariés et les membres du conseil d 'administration, vous avez frontalement accusé l'une de vos collègues d'avoir ouvert un courrier à votre attention. Malgré ses dénégations sincères, vous avez persisté à mettre en doute sa bonne foi devant les salariés de l'association alors même que vous auriez pu traiter ce sujet de manière plus discrète et plus respectueuse de l'intégrité morale de cette personne qui a été fortement déstabilisée par votre agressivité et ces accusations aussi graves que sans fondement. Vous l'avez accusée d'être une menteuse devant l'ensemble des salariés et lorsque les bénévoles ont tenté de vous ramener à la raison et vous ont expliqué que cette réunion n'était pas le lieu de régler ce genre de différend, vous avez répondu avec agressivité que vous faisiez ce que vous vouliez quand vous le vouliez.

Enfin, alors que vous aviez été convoqué à un entretien préalable, ce qui relève de l'exécution d'un contrat de travail et est donc couvert par les dispositions relatives à la protection de la vie privée. Pourtant, vous avez cru opportun de communiquer largement avec les adhérents de l'association pour vous plaindre de cette convocation et faire allusion à un licenciement qui aurait été prononcé à votre encontre. Ce faisant, plusieurs d'entre eux, mal informés par vos soins se sont présentés auprès du secrétariat pour exiger que l'on reconsidère notre position et demander des comptes sur une procédure qui aurait dû demeurer à ce stade, privée et du seul domaine des parties au contrat.

Une fois de plus, vous avez instrumentalisé une situation et travesti la réalité dans le but de nuire à l'association et à faire pression sur sa présidente, vos collègues et les bénévoles.

Votre contrat de travail cessera à la première présentation de ce courrier.

Il existe tout d'abord un débat de prescription. Aucun fait fautif ne peut en effet, à lui seul, conduire à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice du pouvoir disciplinaire.

En l'espèce, la procédure a été entamée le 15 mai 2019, date de la lettre de convocation à l'entretien préalable. Il convient donc de déterminer s'il existe des faits dont l'employeur aurait eu connaissance après le 15 mars 2019 et lui permettant de se placer sur un terrain disciplinaire.

Il apparaît tout d'abord que la lettre de licenciement ne contient aucune date. Ceci ne prive certes pas l'employeur de la possibilité d'établir des faits dont la date serait matériellement vérifiable ainsi que la date à laquelle il en a eu connaissance.

Cependant, il apparaît que les pièces produites par l'employeur sont relatives pour l'essentiel à des faits non datés ou lorsque la date des faits est précisée particulièrement anciens. La lettre de licenciement vise d'ailleurs un comportement qui perdurerait depuis plusieurs mois. La cour ne saurait s'en tenir à l'affirmation de l'employeur selon laquelle il n'aurait eu connaissance des faits dans leur ensemble en interrogeant les salariés et bénévoles suite à la saisine du conseil par le salarié. En effet, les termes mêmes des attestations produites démontrent que l'attitude relevant d'une forme d'obstruction que l'employeur reproche au salarié était connue de lui ou devait nécessairement l'être. À titre d'exemple la cour retient l'attestation de Mme [C] récapitulant de manière plus précise les griefs de la lettre de licenciement et visant des faits entre 2013 et 2018.

À l'exception d'un événement sur lequel il sera revenu ci-après, le fait le plus récent tient au concert des professeurs du 9 février 2019. Or, ce fait est lui aussi très manifestement prescrit. En effet, outre que l'attitude reprochée a eu lieu en public de sorte qu'elle ne pouvait justifier d'investigations particulières, même le courrier de la mairie s'en plaignant est du 13 mars 2019. Pour le surplus l'employeur vise dans ses écritures une démission des membres du conseil d'administration en 2018, un comportement vis-à-vis de Mme [T] dont les attestations démontrent qu'il a eu lieu également en 2018 puisqu'en octobre 2018 l'association a adopté une autre organisation pour éviter les difficultés. L'employeur revient par ailleurs sur les faits ayant donné lieu à l'avertissement apprécié ci-dessus.

S'agissant de l'attitude après la convocation à l'entretien préalable, qui ne serait pas prescrite, aucune pièce n'est visée par l'employeur de sorte que le fait ne peut être matériellement établi.

Seul subsiste donc le courrier électronique adressé par Mme [R] le 12 avril 2019. Elle y fait état d'un incident lors d'une réunion le 10 avril 2019 et mentionne une agressivité contenue de la part de M. [H] et du fait qu'il aurait instauré un climat de suspicion à son égard à propos de l'ouverture d'une enveloppe. Mme [R] avait manifestement fort mal ressenti l'incident et craignait de façon tout aussi manifeste que son crédit soit entaché auprès de l'employeur. Toutefois, cette lettre relate davantage le ressenti de Mme [R] que des faits matériellement vérifiables imputables à M. [H] puisqu'ils sont énoncés de façon imprécise et sans que la cour puisse les qualifier. Cette seule pièce ne pouvait permettre à l'employeur de se placer sur un terrain immédiatement disciplinaire et de rappeler ainsi les antécédents par ailleurs prescrits.

Dès lors, le licenciement ne pouvait qu'être dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il existe une contradiction dans le dispositif des écritures du salarié qui vise à la fois un licenciement sans cause réelle et sérieuse et un licenciement nul comme discriminatoire. Là encore aucun critère de discrimination n'est visé et s'il est fait référence dans les motifs à un licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale, à savoir celle de saisir une juridiction, la cour ne peut retenir cette analyse. En effet, si la procédure de licenciement a été entamée alors que le conseil était saisi et si la cour a retenu que les griefs étaient prescrits, il n'en demeure pas moins que la lettre de licenciement ne fait aucune mention de la procédure en cours et qu'il n'est pas donné d'éléments permettant de considérer qu'il s'agissait d'une mesure de rétorsion. Il s'en déduit que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont applicables.

Au titre des conséquences, M. [H] peut donc prétendre aux indemnités de rupture dont le montant n'est pas spécialement contesté de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef. Il peut également prétendre à des dommages et intérêts qui tiendront compte de son ancienneté de 11 années révolues, des circonstances, d'un salaire de 1 452,28 euros (incluant les éléments retenus par la cour), de l'âge du salarié à la rupture (57 ans) mais également de l'absence de tout élément sur sa situation actuelle. Le montant des dommages et intérêts a ainsi été exactement apprécié par les premiers juges et le jugement sera confirmé.

Sur les congés payés,

M. [H] soutient ne pas avoir été rempli de ses droits à ce titre lors de la rupture. Il résulte des énonciations de son dernier bulletin de salaire qu'il disposait de 23 jours de congés payés, ce qu'il revendique. Il n'y a pas lieu d'y ajouter les congés payés pendant la période de préavis puisqu'ils ont fait l'objet d'une condamnation. Il a été réglé 17 jours. Il reste ainsi dû 6 jours de congés payés soit 297,57 euros. L'employeur sera condamné au paiement de cette somme par ajout au jugement.

Il y aura lieu à cours des intérêts au taux légal sur les sommes en nature de salaire à compter du 8 mars 2019, date de réception de la convocation en bureau de conciliation et d'orientation et à compter du jugement sur la somme en nature de dommages et intérêts.

Il y aura enfin lieu à application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de trois mois.

Le jugement sera confirmé sur le sort des frais et dépens.

L'appel de l'employeur étant pour l'essentiel mal fondé, il sera condamné au paiement d'une somme complémentaire de 1 200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 22 juin 2022 en ce qu'il a condamné l'association Graines d'artistes de [Localité 3] à payer à M. [H] les sommes de :

- 186,17 euros au titre de la retenue sur salaire de juin 2019,

- 2 904,56 euros brut au titre des deux mois de préavis,

- 290,46 euros au titre des congés payés y afférent,

- 4 487,85 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 5 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code du procédure civile

Et statué sur les dépens,

Sauf pour la cour à préciser que la somme de 5 000 euros est allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de rappels de salaire antérieures à février 2016,

Condamne l'association Graines d'artistes de [Localité 3] à payer à M. [H] les sommes de :

- 3 103 euros au titre des heures complémentaires,

- 310,30 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 452,87 euros au titre de la prime d'ancienneté,

- 245,28 euros au titre des congés payés afférents,

- 12,49 euros au titre des frais de déplacement,

- 297,50 euros à titre de rappel de congés payés,

- 1 200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que les sommes en nature de salaire porteront intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2019 et la somme en nature de dommages et intérêts à compter du jugement,

Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de trois mois,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne l'association Graines d'artistes de [Localité 3] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

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