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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 25 janvier 2024, n° 22/17070

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/17070

25 janvier 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 25 JANVIER 2024

N° 2024/027

Rôle N° RG 22/17070 N° Portalis DBVB-V-B7G-BKQQI

[E] [N] [Y]

S.A.R.L. BATI RENOV 3000

C/

S.C.P. BR ASSOCIES

[W] [V] veuve [Y]

[D] [Y]

[P] [Y]

[K] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe BELLEMANIERE

Me Gilles MATHIEU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution d'AIX EN PROVENCE en date du 15 Décembre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/04104.

APPELANTE

S.A.R.L. BATI RENOV 3000

immatriculée au RCS d'AIX-EN-PROVENCE sous le n° 490 480 746

Représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Philippe BELLEMANIERE de la SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN ET GIRAUD SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Annabelle DEGRADO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

S.C.P. BR ASSOCIES prise en la personne de Maître [I] [Z],

en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société d'Exploitation des Etablissements Mercader, SARL ayant son siège social situé [Adresse 1], représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, désigné en cette qualité par jugement du Tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 29 septembre 2022.,

siège social [Adresse 4]

représentée et plaidant par Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Quentin MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES

Madame [W] [V] veuve [Y]

née le 21 Mai 1980 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 2]

Madame [D] [Y]

né le 12 Mars 2012 à [Localité 5]),

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [P] [Y]

né le 05 Mars 2018 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [K] [Y]

né le 17 Avril 2015 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 2]

tous en qualité d'héritiers de Monsieur [E] [Y] décédé le 11 août 2023

Tous représentés et plaidant par Me Philippe BELLEMANIERE de la SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN ET GIRAUD SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Annabelle DEGRADO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Décembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2024.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte sous seing privé du 4 octobre 2021 M. [E] [Y] et la SARL Bati Renov 3000 ont cédé à la société d'Exploitation des Etablissements Mercader (ci après, la société Mercader) la totalité des actions leur appartenant dans le capital des sociétés Entreprise Provençale de Construction (EPC) et Concept Méditerranée Provence (CMP) pour le prix provisoire global fixé à 1 500 000 euros payable en plusieurs versements.

Faute de règlement les cédants ont assigné la société Mercader en référé devant le tribunal de commerce de Salon de Provence afin d'obtenir sa condamnation en paiement. Celle-ci s'y est opposée invoquant diverses contestations et a sollicité reconventionnellement la communication des informations permettant d'utiliser le logiciel pour l'exploitation des sociétés EPC et CMP.

Par ordonnance en date du 12 janvier 2022 le juge des référés a entre autres dispositions:

' dit que les demandes formulées par [Y] et la société Bati Renove 3000 à l'encontre de la société Mercader sont irrecevables car ne relevant pas du pouvoir juridictionnel du juge des référés,

' condamné solidairement, sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard à dater du mois de la signification du présent jugement, M. [Y] et la société Bati Renove 3000 à délivrer à la société Mercader :

- les codes sources Lucy pour EPC et CMP,

- la clé de décryptage Lucy pour EPC et CMP,

- les identifiants d'utilisation administrative pour EPC et CMP,

- toute la documentation et toutes les informations techniques liées à l'utilisation du logiciel pour les entreprises EPC et CMP,

- toutes les informations permettant effectivement d'être en pleine possession du logiciel pour EPC et CMP.

Cette ordonnance a été signifiée à la société Bati Renov 3000 le 14 janvier 2022 et à M. [Y] le 19 janvier suivant qui en ont relevé appel. Elle a été confirmée par arrêt de la cour de ce siège en date du 23 juin 2022, signifié aux mêmes le 12 juillet 2022 et le 9 août 2022. Leur pourvoi en cassation est actuellement pendant.

Dans l'intervalle M. [Y] et la société Bati Renov 3000 ont saisi au fond le tribunal de commerce de Salon de Provence de leur action en paiement à l'encontre de la société Mercader laquelle, par jugement rendu le 12 mai 2022, a été condamnée à leur payer :

- la somme de 200 000 euros à concurrence de 16 368 euros au profit de M. [Y] et de 183 632 euros à la société Bati Renov 3000 ;

- la somme de 850 000 euros à concurrence de 69 564 euros à M. [Y] et 780 436 euros à la société Bat Renov 3000 ;

- la somme chacun de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et le tribunal a dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement.

L'appel formé par la société Mercader est actuellement en cours.

***

Par jugement du 30 juin 2022 la société Mercader a été placée en redressement judiciaire, Me [B] étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire.

***

Invoquant l'absence d'exécution de l'obligation assortie d'astreinte ladite société et son administrateur judiciaire ont, par assignation délivrée le 9 août 2022 à M. [Y] et la société Bati Renov 3000, saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Aix en Provence aux fins de liquidation de l'astreinte ayant couru du 14 février 2022 au 4 août 2022, pour un montant de 168 000 euros , outre fixation d'une astreinte majorée.

En cours de procédure, la société demanderesse a été placée en liquidation judiciaire par décision du 29 septembre 2022 ayant désigné la SCP BR et Associés représentée par Me [I] [Z] en qualité de liquidateur, qui est intervenue volontairement à l'instance.

M. [Y] et la société Bati Renov 3000 ont sollicité un sursis à statuer dans l'attente d'une part, du jugement du tribunal de commerce qu'ils ont saisi de la question de la propriété du logiciel en cause, d'autre part, dans l'attente de l'arrêt de la cour appelée à statuer sur la validité de la cession de leurs parts sociales et enfin dans l'attente de la décision de la Cour de cassation sur l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour de céans. Au fond ils ont sollicité la suppression totale ou à tout le moins partielle de l'astreinte ainsi que le rejet de la demande d'astreinte complémentaire, et à titre subsidiaire, demandé la compensation du montant de l'astreinte liquidée avec la condamnation en paiement prononcée à l'encontre de la société Mercader.

Par jugement du 15 décembre 2022 le juge de l'exécution a :

' déclaré recevable l'intervention volontaire de la SCP BR & Associés, es-qualité ;

' débouté M. [Y] et la société Bati Renov 3000 de leur demande de sursis à statuer ;

' fait droit partiellement à la demande de liquidation de l'astreinte ;

' liquidé l'astreinte prononcée par ordonnance de référé du 12 janvier 2022 à la somme de 50 000 euros pour la période comprise entre le 15 février 2022 et le 4 août 2022 en ce qui concerne la société Bati Renov 3000 et entre le 20 février 2022 et le 4 août 2022 en ce qui concerne M. [Y], date de la signification de la communication des documents et informations;

' condamné solidairement M. [Y] et la société Bati Renov 3000 à payer à la société Mercader ladite somme avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

' débouté M. [Y] et la société Bati Renov 3000 de leur demande de compensation ;

' débouté la société Mercader de sa demande d'astreinte complémentaire provisoire ;

' dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné M. [Y] et la société Bati Renov 3000 aux dépens :

' rejeté le surplus des demandes.

M. [Y] et la société Bati Renov 3000 ont relevé appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 22 décembre 2022 en intimant la société BR Associés, ès qualités de liquidateur de la société Mercader.

Par des écritures notifiées le 24 mars 2023 ils ont demandé à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

En conséquence,

A titre principal :

- de prononcer un sursis à statuer dans l'attente du jugement au fond qui sera rendu par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence, statuant sur la propriété du logiciel, dans l'attente du prononcé de l'arrêt de cette cour appelée à statuer sur la validité de la cession intervenue, et dans l'attente enfin de la décision de la Cour de Cassation sur l'appel de la décision rendue le '12 juillet 2022 ' par la présente cour,

- de prononcer eu égard aux circonstances de la cause, la suppression totale de l'astreinte prononcée,

A titre subsidiaire :

- d'ordonner la compensation de la somme qui pourrait être retenue par notre juridiction au titre de l'astreinte, avec la condamnation prononcée à l'encontre de la société Mercader par le jugement rendu le 12 mai 2022 par le tribunal de commerce de Salon de Provence,

En tout état de cause,

- de débouter Me [Z] de la SCP BR Associés, ès qualités de liquidateur de la société Mercader de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident.

- de la condamner, ès qualité, à payer à chacun des requis la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leur demande de sursis à statuer ils faisaient valoir en substance que la question de la propriété du logiciel litigieux est soumise au tribunal de commerce qui doit prochainement statuer et qu'ils ont formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt confirmant l'ordonnance de référé prononçant l'astreinte, qu'enfin dans le cadre de l'appel sur le jugement de condamnation de la société Mercader au paiement du prix de cession de leurs parts, ils sollicitent la nullité de cette vente pour dol.

Au fond ils affirmaient que le logiciel, propriété de M. [Y], ne faisait pas partie des actifs des entreprises cédées, de sorte qu'il est impossible de transmettre les éléments listés par l'ordonnance de référé.

Ils ajoutaient qu'au regard des circonstances de l'affaire la demande en liquidation de l'astreinte est inacceptable, alors que la société Mercader a 'vidé' les comptes des sociétés rachetées, crées dix huit ans auparavant par M. [Y], et a fait l'objet d'une procédure collective qui obère leurs chances de pouvoir recouvrer le prix de la cession. Ils signalent que les associés de la société Mercader sont coutumiers de telles pratiques consistant à dépouiller les entreprises acquises puis à déposer le bilan.

Ils précisaient que dès le 3 janvier 2022 les codes d'accès au logiciel étaient rétablis, ainsi qu'il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice et d'une attestation d'un salarié de la société EPC de sorte que l'astreinte n'a pas couru. En outre à compter du 26 avril 2022 cette société et la société CMP étaient placées en liquidation judiciaire et n'avaient donc plus l'utilité du logiciel.

En réponse à l'appel incident des intimés, ils affirmaient que contrairement à ce qui est soutenu l'acte de cession d'actions ne mentionne pas la cession du logiciel Lucy, qui n'était pas nécessaire aux opérations commerciales des sociétés ainsi que le confirme l'expert M. [T] qu'ils ont consulté.

Par ailleurs ils faisaient grief au premier juge d'avoir considéré qu'il n'avait pas compétence pour faire droit à la demande de compensation en l'absence de mesure d'exécution forcée, et indiquent qu'ils ont déclaré leur créance au passif de la société Mercader et fait procéder à une mesure d'exécution forcée à l'encontre de cette dernière.

M. [Y] est décédé le 11 août 2023.

Ses héritiers , Mme [W] [V], sa veuve, et leurs enfants mineurs, [D] [P] et [K] [Y] ont notifié le 3 octobre 2023 des conclusions d'intervention volontaire et de reprise d'instance.

Par dernières écritures notifiées le 17 novembre 2023, auxquelles il est référé pour l'exposé exhaustif de leurs moyens, la société Mercader et la SCP BR Associés, ès qualité, formant appel incident demandent à la cour :

A titre principal :

- de débouter M. [Y] et la société Bati Renov 3000 de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [Y] et la société Bati Renov 3000 de leurs demandes ;

A titre reconventionnel :

- de recevoir la société Mercader et la SCP BR Associés, es qualités, en leur appel incident,

- de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné solidairement M. [Y] et la société Bati Renov 3000 au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte ;

Et statuant de nouveau :

- de condamner solidairement M. [Y] et la société Bati Renov 3000 à payer à la société Mercader et à la société BR Associés, ès qualité la somme de 171 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 12 janvier 2022, pour la période allant du 14 février 2022 au 4 août 2022.

- de condamner les mêmes à payer à la société Mercader et à la société BR Associés, ès qualité la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A cet effet l'intimé et la société Mercader font valoir qu'aucune demande de sursis à statuer ne peut être formulée devant le juge de l'exécution qui , en application des dispositions de l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution, ne peut suspendre l'exécution d'une décision de justice.

Au fond, ils indiquent que malgré mise en demeure du 2 décembre 2021, puis l'ordonnance du juge des référés, l'arrêt confirmatif de la cour, suivi d' une nouvelle mise en demeure M. [Y] et la société Bati Renov 3000 ne se sont pas exécutés alors qu'aux termes du contrat de cession ils s'étaient engagés à 'communiquer toutes les données et informations informatiques nécessaires à la poursuite de l'activité' et que contrairement à ce qu'ils soutiennent la convention fait bien mention des droits de propriété intellectuelle.

Ils précisent que ce logiciel était essentiel à l'activité des deux sociétés cédées puisque constituant l'unique moyen de procéder à la facturation des dossiers en cours et à venir, et que par message adressé à tous les postes des collaborateurs de ces sociétés M. [Y] avait indiqué 'Cher Fran21, sauf erreur de notre part, vous avez oublié de nous régler la somme de 1 050 000 € et votre accès a été bloqué. Merci de bien vouloir justifier du règlement (CB, chèque ou espèces) afin de profiter de nouveau de Lucy ».

Ils affirment que ce blocage qui s'apparente à un chantage, a placé les sociétés EPC et CMP dans une situation financière critique, dont elles n'ont pu se relever par la suite, et les a contraintes à déposer le bilan, leur liquidation ayant eu pour effet de rendre la société Mercader à son tour insolvable.

Elles font grief au premier juge d'avoir minoré la liquidation de l'astreinte sans motiver sa décision sur ce point et réclament la liquidation de l'astreinte pour son montant nominal.

Elles l'approuvent en revanche d'avoir décliné sa compétence pour ordonner la compensation des créances respectives des parties.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 24 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet de leurs moyens, les ayants droits de M. [Y] et la société Bati Renov 3000 demandent à la cour de :

- recevoir Mme [W] [V] veuve [Y], Melle [D] [Y] et MM. [P] et [K] [Y], ayants droits de M. [E] [Y] décédé le 11 août 2023, en leurs conclusions d'intervention volontaire et de reprise d'instance,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

En conséquence,

A titre principal :

- prononcer eu égard aux circonstances de la cause, et compte tenu du fait que le logiciel a été

confirmé comme étant la propriété personnelle du défunt [E] [Y], la suppression totale

de l'astreinte prononcée,

A titre subsidiaire :

- ordonner la compensation de la somme qui pourrait être retenue par votre juridiction au titre de l'astreinte, avec la condamnation prononcée à l'encontre de la société Mercader par le jugement rendu le 12 mai 2022 par le tribunal de commerce de Salon de Provence et éventuellement avec l'astreinte qui court à l'égard de l'intimé en suite du jugement rendu parle tribunal de commerce de Salon-de-Provence le 22 juin 2023,

En tout état de cause,

- débouter Me [Z] de la SCP BR Associés, ès qualités, de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident.

- condamner Me [Z], ès qualités, à payer à chacun des requis la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Reprenant les moyens exposés dans les écritures initiales des appelants, exposés plus avant, les consorts [Y] et la société Bati Renov 3000 ajoutent que par jugement du 22 juin 2023 le tribunal de commerce a jugé que 'le logiciel Lucy établi comme une banale base de renseignements sans code source, sans clef de cryptage et sans documentation technique est bien la propriété personnelle de M. [E] [Y] et a condamné la société Mercader et la SCP BR Associé, ès qualités, à restituer ce logiciel et tout ce qui permet de le faire fonctionner au profit de M. [E] [Y] ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé le délai de huit jours suivant la signification du jugement.

Par ordonnance du 20 juin 2023 la présidente de cette chambre saisie par l'intimé et la société Mercader a dit n'y avoir lieu à radiation administrative en raison de la consignation par les appelants auprès de la Carpa séquestre d'[Localité 5] d'une somme de 50 000 euros.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été reportée au 28 novembre 2023 .

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En premier lieu, il convient de recevoir l'intervention volontaire de Mme [W] [V] veuve de M. [Y], ayant droit de M. [E] [Y];

L'intervention de leurs trois enfants mineurs qui en raison de leur incapacité devaient être représentés par leur mère, Mme [V], n'est en revanche pas recevable ;

Par ailleurs la cour relève que la demande de sursis à statuer mentionnée en pages 7 à 9 des dernières écritures des appelants notifiées le 24 novembre 2023 n'est pas reprise dans le dispositif de celles-ci qui seul saisit la cour par application de l'article 914 du code de procédure civile, en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ce chef .

Sur la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 12 janvier 2022, confirmée par arrêt du 23 juin 2022, régulièrement signifiés :

Selon l'article L.131-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ;

L'astreinte est une mesure accessoire à la condamnation qu'elle assortit ;

Par ailleurs en vertu des articles 484 et 488 alinéa 1 du code de procédure civile l'ordonnance de référé est une décision provisoire dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal ;

Enfin selon l'article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, a autorité de la chose jugée dès son prononcé ;

En l'espèce l'ordonnance de référé du12 janvier 2022, confirmée par arrêt du 23 juin 2022, a ordonné à M. [Y] et à la société Bati Renov de délivrer à la société Mercader les codes sources, la clé de décryptage et les identifiants du logiciel Lucy pour les sociétés EPC et CMP ainsi que la documentation et les informations permettant à la société Mercader d'être en pleine possession de ce logiciel;

Toutefois depuis lors M. [Y] et la société Bati Renov 3000 ont saisi le juge du fond pour

voir constater essentiellement que le logiciel Lucy appartenait à M. [Y] personnellement et non aux sociétés dont les titres avaient été cédés à la société Mercader, et qu'ils ne pouvaient donc être condamnés à la restitution de ce programme informatique et ce qui l'accompagnait dont ils ont demandé la restitution sous astreinte ;

Dans son jugement du 22 juin 2023, le tribunal de commerce a considéré que dans l'acte de cession , il n'existe pas de propriété intellectuelle d'un logiciel indispensable à l'exploitation des sociétés EPC et CMP et que le logiciel Lucy qui constitue une banale base de renseignements sans code source, sans clef de cryptage et sans documentation technique, est la propriété personnelle de M. [Y] ;

Ce jugement, qui en vertu de l'article 480 précité, a autorité de chose jugée dès son prononcé nonobstant l'appel interjeté par la société Mercader et son liquidateur, a condamné ces derniers sous astreinte, à restituer à M. [Y] ce logiciel Lucy et tout ce qui peut le faire fonctionner;

Dès lors cette décision de fond, sur laquelle les intimés sont taisants, fait obstacle à l'obligation faite à M. [Y] et à la société Bati Renov 3000 de délivrer à la cessionnaire l'ensemble des instructions et outils techniques et la documentation lui permettant d'être en pleine possession de ce programme informatique, propriété de M. [Y] ;

Il sera en conséquence fait droit à la demande de suppression de l'astreinte, la société Mercader et son liquidateur étant déboutés de leur demande de liquidation de l'astreinte ;

Il s'ensuit la réformation du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la SCP BR Associés, ès qualité, supportera les dépens de première instance et d'appel et sera tenue de verser à Mme [V] et la société Bati Renov 3000 la somme de 1000 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de Mme [W] [V], ayant droit de M. [E] [Y] ;

DÉCLARE irrecevable l'intervention volontaire des enfants mineurs [D], [K] et [P] [Y] ;

INFIRME le jugement entrepris, excepté en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention de la SCP BR Associés, ès qualité, et rejeté la demande de frais irrépétibles présentée par cette dernière et la société d'Exploitation des Etablissements Mercader ;

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

SUPPRIME l'astreinte prononcée par ordonnance de référé rendue le 12 janvier 2022 par le président du tribunal de commerce de Salon de Provence, confirmée par arrêt de cette cour en date du 23 juin 2022 ;

DÉBOUTE en conséquence la société d'Exploitation des Etablissements Mercader et la SCP BR Associés, ès qualités, de leur demande de liquidation de l'astreinte ;

DÉBOUTE la société d'Exploitation des Etablissements Mercader et la SCP BR Associés, ès qualités du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SCP BR Associés, ès qualités , à payer à Mme [W] [V] et la SARL Batin Renov 3000 la somme de 1000 euros chacun, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCP BR Associés, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE