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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3 sect. 1, 8 février 2024, n° 23/01089

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INPI, PROCUREUR GENERAL 2, TIGER GRIP (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme GERARD

Conseillers :

Mme COMBRIE, Mme Vincent

Avocat :

SELARL AVOCATIA

CA Aix-en-Provence n° 23/01089

7 février 2024

M. [W] [K] a déposé le 31 mars 2022, la marque verbale Tiger Work sous le numéro 22 4857458 dans les classes 9 : vêtements de protection contre les accidents, les radiations et le feu, 25 : vêtements et 40 : confection de vêtements.

Le 26 juin 2022, la SAS Tiger Grip a formé opposition à l'enregistrement de cette marque sur la base de droits antérieures :

- marque verbale de l'Union européenne Tiger Grip déposée le 23 juillet 2020, sous le numéro 01827695 sur le fondement du risque de confusion

- marque complexe de l'Union européenne Tiger Grip Engineering, déposée le 23 juillet 2020, enregistrée sous le numéro 018276962 sur le fondement du risque de confusion.

Par décision du 16 décembre 2022, le directeur général de l'INPI a reconnu que l'opposition était justifiée et rejeté la demande d'enregistrement n°4857458.

Par déclaration remise au greffe par la voie électronique, M. [W] [K] a formé un recours à l'encontre de cette décision.

Par conclusions notifiées et déposées le 9 avril 2023, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [W] [K] demande à la cour de :

- juger qu'il ne peut exister de risque de confusion dans l'esprit du public sur l'origine des marques « TIGER WORK » et « TIGER GRIP » pour désigner les produits et services visés en classe 9 (vêtement de protection contre les accidents, les radiations et le feu) en classe 25 (vêtements) et en classe 40 (confection de vêtement)

- juger qu'il ne peut exister de risque de confusion dans l'esprit du public sur l'origine des marques « TIGER WORK » et « TIGER GRIP ENGINEERING » pour désigner les produits et services visés en classe 9 (vêtement de protection contre les accidents, les radiations et le feu) en classe 25 (Vêtements) et en classe 40 (Confection de vêtement)

- juger que le signe « TIGER WORK » peut être adopté comme marque pour désigner les produits et services visés en classe 9 (vêtement de protection contre les accidents, les radiations et le feu) en classe 25 (vêtements) et en classe 40 (confection de vêtement)

et par conséquent :

- annuler la décision statuant sur une opposition n°OP22-2639 du 16 décembre 2022 rendue par le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle, en ce qu'elle en ce qu'elle a :

- décidé que l'opposition est reconnue justifiée

- décidé que la demande d'enregistrement n°4857458 est rejetée

et statuant à nouveau :

- rejeter purement et simplement l'opposition contre la demande d'enregistrement n°4857458 déposée le 31 mars 2022 par M. [K] [W], du signe verbal TIGER WORK destiné à distinguer les produits et services suivantes « vêtements de protection contre les accidents, les radiations et le feu ; vêtements ; confection de vêtements ».

- condamner la société TIGER GRIP à payer à M. [K] [W] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient :

- qu'en ce qui concerne le risque de confusion allégué avec la marque verbale Tiger Grip, les deux marques ne visent pas des produits identiques et que les produits désignés par la marque antérieure ne sauraient être qualifiés de similaires, la marque antérieure ne visant que des chaussures ou sur-chaussures et non les vêtements

- que les signes Tiger Work et Tiger Grip ne peuvent être considérés comme similaires sur le plan visuel, auditif ou conceptuel puisqu'un seul signe est commun et que le second signe n'a aucune similitude visuelle ou sonore ou conceptuel, que Tiger ne peut être considéré comme le seul élément distinctif ou dominant alors que la base marque montre 276 résultats pour le signe Tiger en classe 9 et 25 et 211 résultats pour le signe Grip pour les mêmes classes,

- que les conditions d'exploitation des signes sont différentes ;

- que le risque de confusion avec le signe Tiger Grip Engineering n'est pas plus avéré en l'absence de produits identiques ou similaires,

- que la comparaison des signes montre que le signe antérieur est composé de trois éléments dont deux « grip engineering » n'offrent aucune similarité sur le plan visuel, sonore ou conceptuel avec le signe « work », que Tiger ne peut pas être considéré comme le signe distinctif et dominant au regard des deux autres,

- que les conditions d'exploitation sont différentes.

Le recours et les conclusions de M. [X] [K] ont été signifiées à la SASU Tiger Grip par acte du 11 mai 2023, délivré en application de l'article 656 du code de procédure civile.

La SASU Tiger grip n'a pas comparu.

Par observations notifiées aux parties le 30 août 2023, le directeur général de l'INPI rappelle que le risque de confusion s'entend du risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par la marque antérieure et la demande contestée proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d'entreprises liées économiquement et qu'il doit être apprécié globalement.

Il fait ainsi valoir que les produits visés sont similaires, que les signes ont en commun le terme Tiger placé en position d'attaque et suivi d'un second mot en langue anglaise, que l'élément Tiger est l'élément le plus distinctif au sein des signes en cause. S'agissant de la marque antérieure complexe, le signe contesté présente également de fortes ressemblances avec les marques antérieures.

Il rappelle enfin que le recours est dépourvu de tout effet dévolutif et que l'appelant n'est pas fondé à invoquer un moyen ou des pièces nouvelles, lesquels sont en tout état de cause inopérants.

Par conclusions du 29 novembre 2023, Mme la procureure générale près la cour d'appel d'Aix-en-Provence fait valoir que l'appréciation globale du risque de confusion à la fois quant à la comparaison des produits proposés par les entreprises concernées et à la similitude des sigles ne plaide pas en faveur de la distinctivité de la marque choisie par M [K] par rapport à la marque antérieure, dont elle peut être perçue comme une déclinaison par le consommateur moyennement éclairé. Elle demande que le recours soit rejeté.

MOTIFS

1- Sur la comparaison des produits et services :

Pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y a lieu de tenir compte des facteurs pertinents qui caractérisent les rapports entre les produits et les services en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE 29 septembre 1998 C-39/97).

Les conditions d'exploitation des marques sont indifférentes, le risque de confusion devant être apprécié à la seule lecture des actes créateurs de droits.

En l'espèce la demande d'enregistrement porte sur des vêtements de protection contre les accidents, les radiations et le feu (classe 9) les vêtements (classe 25) et la confection de vêtements (classe 40).

Les marques antérieures ont été enregistrées pour les classes 9 et 25 pour les produits suivants : « Chaussures de protection pour la prévention des accidents ou des blessures ; Bottes industrielles de protection ; Chaussures de protection à usage industriel ; Chaussures industrielles de protection ; Chaussures de protection contre les accidents et le feu ; Chaussures de protection contre les accidents, les radiations et le feu. Chaussures; Galoches; Souliers de sport; Articles chaussants de sport pour la marche; Chaussures d'escalade; Chaussures d'escalade; Semelles et talons gaufrés en caoutchouc ou en matières plastiques; Tongs; Empeignes; Chaussures pour hommes et femmes; Chaussures, à savoir couvre-chaussures; Chaussures, à savoir, bottines de travail; Talonnettes pour chaussures; Semelles intérieures; Premières pour bottes et chaussures; Chaussures de montagne; Chaussettes antidérapantes; Semelles antidérapantes pour chaussures; Semelles antidérapantes pour articles chaussants, à savoir pour chaussures de travail et chaussures de marche; Ferrures de protection pour chaussures et bottes; Galoches; Coussinets de course attachés sur des chaussures; Chaussures de plage et sandales; Couvre- chaussures; Semelles de chaussures; Brides de chaussures; Empeignes de chaussures; Chaussures à semelles antidérapantes; Semelles; Chaussures d'athlétisme; Antidérapants pour chaussures; Chaussures hydrofuges; Chaussures étanches; Chaussures et bottes de travail ».

En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, les produits et services d'une même classe sont considérés comme similaires, sinon identiques. Tel est bien le cas en l'espèce des produits visés dans les classes 9 et 25, étant précisé que d'une part, les vêtements de protection contre les accidents, les radiations et le feu sont similaires aux chaussures de protection contre les accidents, les radiations et le feu en ce qu'ils constituent des équipements de sécurité. D'autre part, s'agissant des vêtements ils doivent être considérés comme similaires aux chaussures en ce qu'ils relèvent des produits de l'habillement destinés à recouvrir et protéger le corps.

En second lieu, s'agissant de la classe 40 confection de vêtements, classe non visée par les marques antérieures, c'est à juste titre que le directeur de l'INPI a considéré qu'il existait une complémentarité entre les produits et services, même si elle est d'un degré plus faible, en ce que la confection de vêtements est une fabrication d'articles d'habillement lesquels sont similaires avec les chaussures.

2- Sur la comparaison des signes :

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique des marques antérieures qui lui sont opposées, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce.

Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

À cet égard, les conditions d'exploitation réelle de la marque contestée sont indifférentes et il ne peut être pris en compte, dans le cadre du présent recours en annulation, des éléments non soumis au directeur de l'INPI lors de l'instruction de la demande.

2-1. La comparaison du signe Tiger Work avec la marque verbale antérieure de l'Union Européenne Tiger Grip :

Les deux signes sont construits de la même manière : le terme TIGER suivi d'un terme anglais de quatre lettres, conférant à l'ensemble une grande proximité visuelle et phonétique comme l'a exactement relevé le directeur général de l'INPI. La longueur des signes est identique, les deux mots accolés au mot TIGER comportant chacun quatre lettres.

La position en attaque du mot TIGER le rend prédominant par rapport au mot qui le suit.

Au plan conceptuel, c'est tout aussi exactement que le directeur général de l'INPI énonce d'une part que le terme TIGER est l'élément distinctif dominant des signes en ce qu'il est totalement arbitraire pour les produits et services visés, les mots qui le suivent étant quant à eux, très faiblement distinctifs.

En effet, le mot Work évoque l'univers du travail et le monde professionnel soit la destination des produits visés et le mot GRIP ce qui relève de l'adhérence, soit une très faible distinctivité au regard de la nature des chaussures visées par la marque antérieure.

Il en résulte que la construction commune des signes, avec la reprise de l'élément distinctif nécessairement déterminant conduit à une ressemblance telle que le consommateur pourra légitimement croire que les marques sont des déclinaisons destinées à désigner les produits ou services d'une même entreprise, le public concerné, les professionnels, étant le même.

2-2 La comparaison avec la marque antérieure complexe Tiger Grip Engineering :

Cette marque antérieure, présente trois signes verbaux dont le mot TIGER calligraphié sur la représentation d'un tigre bondissant auquel est accolé le mot GRIP, le mot engineering figurant sous le dessin stylisé du tigre bondissant.

Il est renvoyé, pour l'analyse des ressemblances entre les signes verbaux TIGER et GRIP, au paragraphe précédent et c'est donc à juste titre que le directeur général de l'INPI a énoncé que le mot TIGER était également en position d'attaque, comme pour le signe contesté, le mot GRIP restant faiblement distinctif comme rappelé ci-dessus.

L'ajout du mot Engineering n'est pas plus arbitraire pour désigner les produits et services en cause en ce qu'il décrit la destination professionnelle ou la qualité innovante des produits en cause.

Dans ce signe c'est également le mot TIGER qui constitue l'élément le plus distinctif, en position d'attaque, son caractère arbitraire étant totalement conservé. Ce caractère prédominant est en outre renforcé dans ce signe par la stylisation du tigre bondissant.

Ainsi pris dans son ensemble et en considération de la reprise des éléments dominants de la structure de la marque antérieure, de la similitude conceptuelle, phonétique et visuelle, la ressemblance entre les signes est forte et le risque de confusion avéré en ce que le public concerné, soit les professionnels, pourra être amené à croire qu'il s'agit d'une déclinaison de la marque provenant de la même entreprise.

La décision du directeur général de l'INPI est fondée et le recours est rejeté.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

Rejette le recours formé par M. [W] [K] à l'encontre de la décision du directeur général de l'INPI OP-22-2639 du 16 décembre 2022,

Rappelle que la présente décision sera, par les soins du greffier, notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties et au Directeur général de l'Institut National de la Propriété Industrielle.