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Décisions

CA Versailles, 4e ch. des expropriations, 5 juin 2018, n° 16/00910

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Société d’Economie Mixte d’Aménagement de Gennevilliers (Semag 92) (Sté)

Défendeur :

Société Nouvelle Centrale Dépannage Remorquage (SNCDR) (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Abgrall

Conseillers :

Mme Manes, Mme de Mersseman

Juge de l'expropriation de Nanterre, du …

14 janvier 2015

FAITS ET PROCÉDURE :

Par une délibération de son conseil municipal du 26 janvier 2005, la ville de Gennevilliers a décidé d'entreprendre l'aménagement d'un secteur de sa commune dénommé [...], qu'elle a confié, par une convention publique d'aménagement du 9 mars 2005, à la société d'Economie Mixte d'Aménagement de Gennevilliers 92, ci-après dénommée, la SEMAG 92.

Par arrêté du 22 février 2010, le Préfet du département des Hauts de Seine a déclaré d'utilité publique cette opération.

La Société Nouvelle Centrale Dépannage Remorquage, ci-après dénommée «'la SNCDR'» est locataire d'un ensemble de bâtiments à usage industriel sur une parcelle cadastrée section L n° 195, située [...], dans le secteur concerné par l'aménagement.

Par ordonnance du 15 septembre 2010, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé, au profit de la SEMAG 92, le transfert de propriété des parcelles sur lesquelles se trouvent les bâtiments exploités par la SNCDR.

A défaut d'accord entre les parties sur le montant de l'indemnité d'éviction due, la SEMAG 92 a saisi le juge de l'expropriation par mémoire du 29 juin 2012, pour voir fixer le montant de cette indemnité à la somme de 1 223 850 euros.

Par jugement contradictoire du 14 janvier 2015, la juridiction de l'expropriation des Hauts de Seine siégeant au tribunal de grande instance de Nanterre a :

- fixé à 1 477 873 euros l'indemnité à revenir à la SNCDR pour son éviction du bien sis [...] sur la parcelle cadastrée section L n°195,

- rejeté le surplus des demandes,

- rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L. 13-5 du code de l'expropriation.

I) Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 février 2016, la SEMAG 92 a interjeté appel de ce jugement. La procédure a été ouverte sous le numéro de RG: 16/ 910.

Par conclusions du 4 mai 2016, notifiées à la SNCDR (avis de réception signé le 10 mai 2016) et au commissaire du gouvernement (avis de réception signé le 9 mai 2016), la SEMAG 92, demande à la cour de :

Etant établi la réinstallation de la SNCDR à proximité de son lieu d'exploitation actuel, il conviendra de réformer la décision entreprise et de':

* fixer l'indemnité principale à : 137 796,00 €

* fixer l'indemnité de remploi à : 14 280,00 €

* fixer le montant du trouble commercial à : 24 795,00 €, correspondant à trois mois du résultat de l'exploitation moyenne des trois dernières années conformément à l'usage en la matière,

- confirmer le rejet des demandes concernant les frais de réinstallation,

- fixer l'indemnité de déménagement souverainement compte tenu de l'absence de factures et d'éléments comparatifs,

- dire que le montant des dépens sera à la charge de la SEMAG.

Par conclusions adressées au greffe le 13 juin 2016, notifiées à la SEMAG 92 et à la SNCDR (avis de réception signés le 17 juin 2016), le commissaire du gouvernement, demande à la cour de :

Hypothèse n°l : Non-réinstallation de la SNCDR à proximité du fonds exploité :

- fixer l'indemnité principale à 1 270 633 €,

- fixer l'indemnité pour frais de remploi à 125 913 €,

- fixer l'indemnité pour trouble commercial à 24 795 €,

- fixer l'indemnité d'éviction totale à l 421 341 €.

Hypothèse 2 : Réinstallation de la SNCDR à proximité du fonds exploité :

- fixer l'indemnité principale à 130 040 €

- fixer l'indemnité de remploi à 11 850 €

- fixer l'indemnité pour trouble commercial à 24 795 €

- fixer l'indemnité d'éviction totale à 166 685 €.

Par conclusions datées du 13 juillet 2016 et parvenues au greffe le 18 juillet, notifiées à la SEMAG 92 et au commissaire du gouvernement (avis de réception signés le 2 septembre 2016), la SNCDR, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'elle a bien perdu son fonds de commerce,

- fixer son indemnité d'éviction à la somme de 3 535 411 euros (soit en toutes lettres : trois millions cinq cent trente-cinq mille quatre cent onze euros).

Par conclusions en réplique du 6 septembre 2016, notifiées à la SNCDR et au commissaire du gouvernement (avis de réception signés le 8 septembre 2016), la SEMAG 92, demande à la cour de :

- déclarer 'd'office', par application de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation, le mémoire déposé par l'intimé le 18 juillet irrecevable, en ce qu'il a été déposé plus de deux mois après la notification du mémoire de l'appelant,

- rejeter 'd'office' les pièces énumérées selon bordereau de l'intimé, en ce qu'elles n'ont pas été déposées au greffe de la Cour,

En tout état de cause :

Etant établi la réinstallation de la SNCDR à proximité de son lieu d'exploitation actuel, il conviendra de réformer la décision entreprise et de':

- fixer l'indemnité principale à : 137 796,00 €

- fixer l'indemnité de remploi à : 14 280,00 €

- confirmer le montant du trouble commercial à : 24 795,00 €, correspondant à trois mois du résultat de l'exploitation moyenne des trois dernières années conformément à l'usage en la matière,

- confirmer le rejet des demandes concernant les frais de réinstallation,

- fixer l'indemnité de déménagement souverainement compte tenu de l'absence de devis approprié et d'éléments comparatifs,

- dire que le montant des dépens sera à la charge de la SEMAG.

Par conclusions du 27 octobre 2016, notifiées à la société SEMAG 92 et au commissaire du gouvernement (avis de réception signés le 31 octobre 2016), la SNCDR, communique ses pièces 12 à 29 et demande à la cour de :

- débouter la SEMAG 92 de son moyen tiré de l'irrecevabilité du mémoire déposé dans l'intérêt de SNCDR,

A titre subsidiaire sur ce point,

- constater qu'elle justifie d'un motif grave et légitime justifiant le relevé de sa forclusion,

En conséquence,

- déclarer recevable le mémoire tel que déposé par la SNCDR et portant le visa du greffe au 18/07/2016,

- confirmer le jugement en ce que la SNCDR a bien perdu son fonds de commerce,

- fixer l'indemnité d'éviction de la SNCDR à la somme de 3 535 411 euros (soit en toutes lettres : trois millions cinq cent trente-cinq mille quatre cent onze euros).

Le 4 novembre 2016, la SNCDR communique de nouveau ses pièces n°12 à 29, lesquelles ont été notifiées à la SEMAG 92 et au commissaire du gouvernement (avis de réception signés le 8 novembre 2016).

II) Parallèlement à ces échanges d'écritures, la SNCDR, a, par acte du 27 octobre 2016, interjeté appel du jugement du 14 janvier 2015. Cette procédure a été enregistrée sous le n° de RG : 16/7769.

Par conclusions déposées au greffe le 4 novembre 2016, notifiées à la SEMAG 92 et au commissaire du gouvernement (avis de réception signés le 10 novembre 2016), la SNCDR, forme les mêmes demandes que celles qui figurent dans ses conclusions du 13 juillet 2016 déposées dans la procédure n° 16/910 ci-avant citées.

Par conclusions adressées au greffe le 28 novembre 2016, notifiées à la SNCDR et au commissaire du gouvernement (avis de réception signés le 1er décembre 2016), la SEMAG 92, demande à la cour, au visa des dispositions de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation, de :

In limine litis':

- déclarer irrecevable l'appel interjeté le 27 octobre 2016 par la SNCDR,

- condamner la SNCDR aux entiers dépens.

Subsidiairement,

- étant établi la réinstallation de la SNCDR à proximité de son lieu d'exploitation actuel, il conviendra de réformer la décision entreprise et de':

* fixer l'indemnité principale à : 130 040,00 €

* fixer l'indemnité de remploi à : 11 850,00 €

* fixer le montant du trouble commercial à : 24 795,00 €, correspondant à trois mois du résultat de l'exploitation moyenne des trois dernières années conformément à l'usage en la matière,

- confirmer le rejet des demandes concernant les frais de réinstallation,

- fixer l'indemnité de déménagement souverainement compte tenu de l'absence de factures et d'éléments comparatifs,

- dire que le montant des dépens sera à la charge de la SEMAG.

Par conclusions en réplique du 30 janvier 2017, notifiées à la SEMAG 92 et au commissaire du gouvernement (avis de réception signés le 1er février 2017), la SNCDR, demande à la cour de :

- déclarer recevable son appel, interjeté le 27 octobre 2016,

- confirmer le jugement en ce que la SNCDR a bien perdu son fonds de commerce,

- l'infirmer sur le quantum,

- fixer l'indemnité d'éviction de la SNCDR à la somme de 3 535 411 euros.

Le commissaire du gouvernement n'a déposé de mémoire dans cette procédure.

La SEMAG 92, la SNCDR et le commissaire du gouvernement, ont été régulièrement convoqués à l'audience du 10 avril 2018 dans les deux procédures.

'''''

SUR CE, LA COUR :

A titre liminaire, sur la jonction des procédures :

Attendu que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de prononcer la jonction des deux procédures enregistrées au répertoire général sous les n° 16/910 et 16/7769, les parties et le jugement attaqué étant identiques ;

Que la procédure sera désormais suivie sous le n° 16/910 ;

Attendu qu'il y a toutefois lieu de rappeler qu'une jonction de procédure n'ayant pas pour effet de créer une instance unique, les questions juridiques posées par les deux procédures initiales seront examinées successivement ;

Sur la recevabilité des conclusions d'intimé de la SNCDR du 13 juillet 2016 contestée par la SEMAG 92 :

Attendu que l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose en son alinéa 2 :

'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.'

Attendu qu'en l'espèce, le mémoire d'appelant de la SEMAG 92 a été notifié à la SNCDR par lettre du greffe du 6 mai 2016 dont l'avis de réception a été signé le 10 mai ;

Que le délai de deux mois expirait donc le 11 juillet 2016 à 0 heure ;

Que le mémoire d'intimé de la SNCDR est daté du 13 juillet et porte le tampon du greffe du 18 juillet ;

Que la SNCDR prétend que son mémoire a été déposé au greffe le 13, mais que s'agissant de la semaine du 14 juillet, 'les actes n'étaient pas visés par les greffes au jour le jour' ; Que d'une part, cette affirmation, purement gratuite, ne repose sur aucun élément objectif ;

Que, d'autre part, à supposer même que le mémoire ait été déposé le 13 juillet, il l'a été hors du délai de deux mois susvisé ;

Attendu que la SNCDR fait état en second lieu, de ce que l'avis de passage de la poste ne faisait état d'aucune date, ce qui ne permettait pas de connaître exactement celle de la signification du mémoire de la SEMAG 92 et donc le point de départ du délai de deux mois de l'article R.311-26 ;

Attendu cependant que, le dossier de la cour contient un avis de réception de la lettre de notification, par le greffe, du mémoire de l'appelant adressé à l'avocat postulant de la SNCDR, qui fait état d'une présentation de la lettre le 10 mai et qui est dûment signé ;

Que ce document, qui établit que l'avocat désigné de la SNCDR a reçu la notification des conclusions de l'appelant, a fait courir le délai de deux mois susvisé, qui expirait, ainsi qu'il a déjà été exposé, le 11 juillet 2016 à 0 heure (s'agissant d'un délai exprimé en mois) ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient la SNCDR dans une troisième argumentation, le fait que le commissaire du gouvernement ait déposé ses conclusions le 14 juin 2016, n'est pas de nature à faire courir un nouveau délai de deux mois, au titre de l'alinéa 3 de l'article R.311-26 précité, qui prévoit que, l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification qui lui en est faite, pour conclure ;

Que, si le commissaire du gouvernement a, dans ses conclusions du 13 juin, parvenues le 14 juin au greffe proposé une indemnisation inférieure à celle fixée par le tribunal, il n'a pas expressément formé un appel incident ;

Qu'en toute hypothèse, l'intervention de ces conclusions, qui ne contiennent pas les mêmes moyens de fait et de droit que celles de la SEMAG 92 (le commissaire du gouvernement ne prenant par exemple pas parti sur la question de la réinstallation ou non de la SNCDR) ni les mêmes estimations des indemnités dues, ne peut dispenser l'intimé à l'appel principal, de répondre à l'appelant dans les délais qui lui sont impartis ;

Que d'ailleurs, la lecture des conclusions litigieuses montre, s'il en était besoin, que la SNCDR y répond exclusivement à la SEMAG 92 et non au commissaire du gouvernement, les écritures de ce dernier n'étant citées qu'à deux reprises et pour venir à l'appui de la position de l'intimée ;

Attendu enfin, que, la SNCDR fait valoir subsidiairement, qu'elle doit être relevée de la forclusion de l'article R.311-26 dans la mesure où elle justifie d'un motif grave et légitime ; Qu'elle expose que Me D., constituée en qualité d'avocate postulante, enceinte de jumeaux depuis le mois de mars 2016, s'est trouvée dans l'obligation de demeurer alitée du 23 juin au 23 juillet 2016, à la suite de deux admissions successives aux urgences obstétricales de l'hôpital de Poissy dans la nuit du 22 au 23 juin, puis le 23 juin au soir en raison de saignements importants ;

Attendu cependant, qu'il convient de relever, d'une part, que le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ne comporte aucune disposition prévoyant la possibilité de relever une partie de la forclusion résultant des dispositions de l'article R.311-26 ou de toute autre disposition du même code ; Qu'il n'existe pas par exemple l'équivalent de l'article 910-3 du code de procédure civile, introduit par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ;

Attendu d'autre part et en toute hypothèse, que, les circonstances ci-dessus décrites, dûment justifiées par les documents médicaux produits, ne peuvent constituer un motif grave et légitime ayant empêché la SNCDR de déposer ses conclusions dans les délais légaux ;

Qu'en effet, la période d'alitement de Me D. a commencé suffisamment tôt par rapport au délai butoir de dépôt des conclusions d'intimé de la SNCDR, pour qu'il ait été possible, si un déplacement à son bureau était exclu pendant cette période, de solliciter l'aide de confrères ou des instances de l'ordre du barreau de Versailles pour gérer les urgences ; Que, surtout, la procédure en matière d'expropriation est certes écrite, mais la représentation n'est pas obligatoire, de sorte que la constitution d'un avocat postulant ne l'était pas non plus et que Me D. pouvait prévenir l'avocat plaidant ou la SNCDR de sa situation afin que l'un ou l'autre dépose des conclusions en temps utile ;

Que, pour l'ensemble de ces raisons, les conclusions d'intimé de la SNCDR datées du 13 juillet 2016 et visées par le greffe le 18 juillet seront déclarées irrecevables ;

Attendu en outre, qu'il y a lieu d'observer, que, comme le soutient la SEMAG 92, les pièces figurant sur le bordereau annexé aux conclusions du 13 juillet 2016 n'ont pas été déposées avec les conclusions et n'ont donc pas été notifiées à la SEMAG et au commissaire du gouvernement par le greffe ; Qu'ainsi, même si les conclusions avaient été recevables, les pièces ne l'auraient pas été ;

Attendu cependant que, la SNCDR ayant formé un appel principal le 27 octobre 2016, il convient à présent d'examiner sa recevabilité, contestée par la SEMAG 92 ;

Sur la recevabilité de l'appel principal interjeté par la SNCDR le 27 octobre 2016, contestée par la SEMAG 92 :

Attendu qu'il n'est pas contesté que le jugement dont appel n'a pas été signifié ;

Attendu que, la SEMAG 92 invoque au soutien de son moyen d'irrecevabilité, un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 13 octobre 2016, pourvoi n° 15-25.926, aux termes duquel il a été jugé que : 'du fait de son abstention, alors que cette voie de recours lui était ouverte dans les conditions prévues par l'article 550 du code de procédure civile, la banque n'était pas recevable à relever ensuite appel principal du jugement précédemment attaqué, la date de la signification de ce dernier étant indifférente.'

Que, dans cette espèce comme dans la présente instance, l'intimé s'était abstenu de conclure dans le délai de deux mois prévu par l'article 909 du code de procédure civile (dans sa rédaction applicable à la cause) ;

Que cet arrêt fait lui même suite à un précédent, du 4 décembre 2014, pourvoi n° 13-25.684, statuant dans le même sens ;

Attendu cependant, qu'à la même période, c'est à dire sous l'empire des articles 908 et suivants dans leur rédaction antérieure au décret n° 2017- 891du 6 mai 2017, il convient de relever que la 2ème chambre civile a rendu une solution inverse en ce qui concerne l'appelant, qui a été jugé recevable à former un second appel, si le premier était déclaré caduc : 2ème Civ, 7 avril 2016 pourvoi n° 15-14.154; 22 septembre 2016 pourvoi n° 15-14.431 ;

Que, la justification de cette différence de traitement entre l'appelant et l'intimé n'apparaît pas à la lecture des arrêts ou des rapports ;

Attendu que, si l'article 911-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction postérieure au décret précité, prévoit dans ses alinéas 3 et 4 que l'appelant dont l'appel a été déclaré caduc et l'intimé qui n'a pas formé un appel incident dans les délais impartis, ne seront plus recevables à former un appel principal, ce texte n'est pas applicable à la présente espèce ;

Qu'en effet il n'est applicable que depuis le 1er septembre 2017 ;

Que d'autre part, il ne vise que les articles du code de procédure civile et non ceux du code de l'expropriation alors que ce dernier a été 'aligné' sur la procédure de droit commun en ce qui concerne les délais pour conclure ;

Qu'en conséquence, et au regard des textes et de la jurisprudence applicables, le fait de déclarer irrecevable l'appel formé par la SNCDR le 27 octobre 2016, au motif qu'il s'est abstenu de conclure dans le délai prévu par l'article R.311-26 précité, alors qu'il aurait été recevable à former un appel principal, faute de signification du jugement par l'expropriante, porterait une atteinte excessive au droit d'accès au juge en remettant en cause directement son droit d'appel ;

Que, pour l'ensemble de ces raisons, l'appel de la SNCDR interjété le 27 octobre 2016 sera déclaré recevable ;

Sur la description des locaux et leur situation locative :

Attendu que pour une description détaillée du bien en cause, il convient de se reporter au jugement ;

Qu'il sera seulement rappelé que la parcelle L 195 est située dans une zone industrielle à proximité d'une gare du RER C, qu'elle dispose d'une superficie de 8 664 m² , sur laquelle sont implantés trois bâtiments : le premier, préfabriqué, à usage de bureau, le deuxième, en parpaings, à usage d'atelier, le troisième, à usage de hangar, ainsi qu'une aire de stockage des véhicules ;

Que cette parcelle et ces locaux sont donnés à bail commercial à la SNCDR depuis un contrat du 2 mai 1994, renouvelé rétroactivement le 1er mai 2003 par acte du 17 mars 2005 ;

Que la SNCDR y exerce une activité de fourrière ;

Sur l'indemnité d'éviction due à la SNCDR :

Sur l'indemnité principale :

Attendu que, le jugement a fixé l'indemnité totale à la somme de 1 477 873 €, calculée, s'agissant de l'indemnité principale, sur la valeur du fonds de commerce en se fondant sur l'engagement pris par la SNCDR de ne pas se réinstaller à proximité compte tenu de son impossibilité de trouver un site comparable dans le secteur ;

Que, la société évincée demande en appel la confirmation du principe d'une indemnité principale fondée sur la perte du fonds de commerce et demande qu'y soient ajoutées d'autres indemnités correspondant au coût d'aménagement de son nouveau terrain et au différentiel de loyer qu'elle doit régler ;

Que la SEMAG 92 fait valoir que la SNCDR s'étant réinstallée à proximité, contrairement à ce qu'elle avait déclaré devant le premier juge, son indemnité principale doit être calculée selon la méthode préconisée par le commissaire du gouvernement, à savoir, celle dite du différentiel de loyer ;

Attendu qu'il résulte des documents versés aux débats que la SNCDR a conclu le 4 janvier 2016 une convention d'occupation du domaine public d'une durée de 12 ans, avec le Port Autonome de Paris, pour exercer son activité de fouriériste sur un terrain de 10 623 m² situé [...] ;

Qu'elle ne conteste pas exercer désormais son activité sur ce terrain ; Qu'elle soutient avoir malgré tout perdu son fonds de commerce dans la mesure où ce contrat n'est pas un bail commercial et où le nouveau terrain ne se trouve pas à proximité de ses anciens locaux ;

Attendu cependant que, l'activité de la SNCDR qui consiste à entreposer les véhicules mis en fourrière sur réquisition de la police ou de la justice, ne génère pas en elle même de 'clientèle' au sens habituel du terme, dès lors que les propriétaires de ces véhicules subissent la mesure de mise en fourrière ;

Que, cette activité dépend donc à titre principal, voire, exclusif, de l'agrément délivré par l'autorité préfectorale ainsi que des délégations de service public accordées par les municipalités pour l'enlèvement des véhicules situés sur leur territoire respectif ;

Qu'il résulte de la convention du 4 janvier 2016 (préambule, page 2) que le projet d'implantation présenté par la SNCDR 'lui permet ainsi de se maintenir sur le secteur et de conserver les contrats qu'elle détient avec les villes voisines' ;

Que par ailleurs, il ne ressort nullement de la lecture du cahier des charges des fourrières automobiles dans le département des Hauts de Seine (pièces n° 14 de la SNCDR), que l'agrément serait perdu en cas de changement de lieu d'implantation;

Qu'il résulte au contraire de ce document ainsi que de l'agrément (pièce n° 13), que celui-ci est personnel ; Qu'il a en l'espèce été délivré à M. R., gérant de la SNCDR ; Que, si le terrain sur lequel il exploitait est visé dans l'agrément, il n'est pas exclu que celui-ci puisse être reconduit sur un autre terrain dès lors que les conditions tenant à la qualité des personnels et des installations seraient réunies ;

Qu'il n'est pas soutenu par la SNCDR que l'agrément accordé à M. R. le 17 novembre 2012 par le Préfet pour une durée de 5 ans, n'aurait pas été confirmé, puis renouvelé après la mise en place sur le nouveau terrain des installations nécessaires à l'activité ; Que l'affirmation, contenue dans les écritures de l'appelante, selon laquelle 'l'autorité délégante est particulièrement attachée à la stabilité de l'exploitation de la délégataire' et l'absence d'une telle stabilité 'est préjudiciable à la SNCDR lors de l'attribution de prochains contrats', n'est en rien confirmée par les éléments versés aux débats, l'appelante n'ayant pas démontré de diminution importante de son activité, ni même de modification dans les conditions d'exercice de son activité ; Qu'au contraire, ainsi qu'il a été exposé précédemment, la convention du 4 janvier 2016 fait expressément état du maintien de ses contrats avec les villes avoisinantes ;

Attendu, en ce qui concerne la distance qui sépare le nouvel emplacement de l'ancien, de 4,5 km selon la SEMAG 92 ou de 5,5 selon la SNCDR, qu'elle n'entraîne pas de conséquence majeure sur l'activité dès lors qu'il n'existe pas de véritable 'clientèle' pour un fouriériste, les personnes qui ont vu leur véhicule placé en fourrière ne disposant d'aucun choix et devant se rendre à l'adresse de la fourrière quelle qu'elle soit ;

Que, là encore, la SNCDR n'établit pas que sa nouvelle implantation aurait eu des effets négatifs concrets sur son activité c'est à dire sur des délégations qui auraient pris fin ou n'auraient pas été renouvelées pour ce motif ;

Attendu en conséquence, que la SNCDR s'étant réinstallée à proximité et ayant poursuivi son activité de fouriériste, son indemnisation ne peut être calculée sur la base de la perte d'un fonds de commerce ;

Attendu qu'il y a lieu de retenir la méthode préconisée par l'expropriante, qui reprend elle même celle préconisée par le commissaire du gouvernement dans ses conclusions du 14 juin 2016, versées aux débats par la SEMAG 92 ;

Que cette méthode, dite du différentiel de loyer, consiste à rechercher la valeur du droit au bail sur le marché, de locaux similaires à ceux dont l'exploitant est évincé, puis à calculer la différence entre ce loyer et celui, actuel, payé par l'exploitant ;

Attendu que la SEMAG 92 et le commissaire du gouvernement ont arrêté la valeur du loyer du marché à 90 € /m², soit 56 700 € pour 650 m², en retenant plusieurs termes de comparaison correspondant à des locations à Gennevilliers et fixé celle du loyer actuel à 130 040 € ; Que, la différence obtenue étant négative, une année de loyer est proposée (alors qu'en cas de différence positive, elle est ensuite multipliée par un coefficient de situation) ;

Attendu toutefois en l'espèce, que, selon le calcul de l'actualisation du loyer effectué par la SNCDR dans ses écritures du 4 novembre 2016, le loyer initial fixé au bail s'élève depuis à 11 483 €, soit, 137 796 € par an ;

Qu'il résulte clairement de la convention du 4 janvier 2016, que le loyer désormais acquitté par la SNCDR s'élève à 23 750 €, soit 285 000 € par an ;

Que, la différence de loyer est donc en l'espèce connue et il n'est pas nécessaire de recourir à un calcul théorique à partir du prix du marché ; Qu'elle s'élève à 147 204 € par an ;

Attendu que la SNCDR demande que cette somme soit multipliée par 12, le nombre d'années de la convention la liant au Port Autonome de Paris afin de compenser le préjudice qu'elle va subir du fait de l'expropriation ;

Attendu toutefois que, l'indemnisation de la perte du droit au bail calculée ainsi qu'il vient d'être exposé, n'a pas pour objectif de faire peser sur l'expropriant la totalité du surplus de loyer payé par l'exploitant jusqu'au terme du nouveau bail ;

Que, tel peut d'autant moins être le cas en l'espèce, que la convention du 4 janvier 2016 n'est pas un bail soumis au statut des baux commerciaux comme l'a souligné la SNCDR et peut être résiliée sans indemnité avant le terme contractuel ;

Qu'au regard de ces éléments, il y a lieu de retenir une indemnisation à hauteur de trois années, soit 147 204 x 3 = 441 612 € ;

Sur l'indemnité de remploi :

Attendu que, cette indemnité sera calculée, selon les usages, aux taux suivants :

5% pour la fraction de l'indemnité inférieure à 23 000 €, soit : 1 150 €

10% au delà de 23 000 €, soit 44 046,20 €

Total : 45 196,2 arrondi à 45 196 € ;

Sur l'indemnité pour trouble commercial :

Attendu que la SNCDR réclame à ce titre la somme de 46 000 euros, sans justifier sa demande ;

Que, les chiffres avancés au titre d'un excédent brut d'exploitation 2010 ne sont corroborés par aucune pièce ;

Que ce trouble sera donc indemnisé comme l'a retenu le premier juge, à hauteur de trois mois du résultat d'exploitation moyen des trois dernières années, soit, 125 315 €, et non comme le demande la SEMAG 92, 99 181 €, sans justifier ce chiffre, alors que le tribunal avait clairement exposé qu'il retenait les résultats d'exploitation des années 2009, 2010 et 2011 ;

Que l'indemnité en cause s'élève donc à 31 328 € (125 315 : 12 x 3) ;

Sur l'indemnité pour frais de réinstallation :

Attendu que la SNCDR demande à ce titre la somme de 276 418 € correspondant aux travaux auxquels elle a dû procéder sur le terrain du port de Gennevilliers, pour pouvoir exercer son activité de fouriériste ;

Attendu que, contrairement à ce que fait valoir la SEMAG 92, la SNCDR produit des factures pour justifier ses demandes et qu'elle doit être indemnisée de la totalité du préjudice qu'elle subit ;

Qu'il résulte, d'une part, de la convention signée avec le Port Autonome de Paris, que la SNCDR avait l'obligation contractuelle de créer des bureaux d'accueil de 148 m², une halle de stockage de 350 m² et d'installer des caméras de surveillance, le tout étant estimé à 218 000 € HT;

Que les factures produites, qui ne sont pas critiquées par la SEMAG 92, établissent que ces travaux se sont élevés à 268 560 € ;

Qu'à ces travaux s'en sont ajoutés d'autres, correspondant à des raccordements électriques (3 680 € + 2 564 €) et à des fournitures et aménagements divers (1 704 €) ;

Que le total de ces sommes s'élève à 276 508 € et non à 276 418 € comme l'écrit la SNCDR ;

Que cependant la cour de pouvant allouer plus que ce qui est demandé, seule la somme de 276 418 € sera accordée ;

Sur l'indemnité relative au différentiel de loyer :

Attendu qu'il y a lieu de rappeler qu'il a été statué sur ce chef de demande au titre de l'indemnité principale ;

Sur l'indemnité de déménagement :

Attendu que le tribunal a accordé une somme forfaitaire de 50 000 € pour frais de déménagement en relevant qu'un seul devis d'une montant de 69 205 € était produit ;

Que la SEMAG 92 conteste cette somme forfaitaire, en admettant toutefois que la nécessité de laisser les locaux libres de toute occupation existait ;

Attendu que la SNCDR n'a produit aucun document sur ce point en cause d'appel ;

Que, cependant, au regard de l'existence du préjudice non contestée par l'expropriante, il sera évalué, compte tenu de la nécessité d'évacuer les véhicules stockés et de la capacité d'accueil d'une aire de stationnement de 200 m², à la somme de 30 000 € ;

Attendu qu'au total, l'indemnité d'éviction due à la SNCDR s'élève à la somme de

Indemnité principale : 441 612

Indemnité de remploi 45 196

Indemnité pour trouble commercial: 31 328

Indemnité de déménagement : 30 000

Indemnité pour aménagement

du terrain : 276 418

Total : 824 554 €

Attendu que le jugement sera donc infirmé de ce chef pour retenir le chiffre susvisé ;

Que les parties seront déboutées de toutes leurs autres demandes ;

Sur les dépens :

Attendu que les dépens, seront, conformément à la demande de la SEMAG 92, laissés à sa charge ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement,

Joint les procédures enregistrées sous les n° de registre général 16/910 et 16/7769,

Dit que la procédure est désormais suivie sous le n° 16/910,

Déclare irrecevables les conclusions de la Société Nouvelle Centrale Dépannage Remorquage du 13 juillet 2016,

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 octobre 2016 par la Société Nouvelle Centrale Dépannage Remorquage,

Fixe l'indemnité due à la Société Nouvelle Centrale Dépannage Remorquage par la Société d'Economie Mixte d'Aménagement de Gennevilliers, pour son éviction des biens situés [...] sur la parcelle cadastrée section L n° 195, à la somme totale de 824 554 euros , se décomposant comme suit :

441 612 euros au titre de l'indemnité principale,

45 196 euros au titre de l'indemnité de remploi,

31 328 euros au titre de l'indemnité pour trouble commercial,

30 000 euros au titre de l'indemnité de déménagement,

276 418 euros au titre de l' indemnité pour aménagement du terrain.

Déboute les parties de toute autre demande,

Laisse les dépens à la charge de la SEMAG 92.