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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 12 janvier 2010, n° 09/02312

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Fest Breizh (SARL)

Défendeur :

Société TB Expansion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

Mme Cocchiello, M. Christien

Avoués :

SCP Bazille, SCP Guillou & Renaudin

Avocats :

SCP Lallement- Soubeille - Adamczyk - Toret, Me Cuiec

T. com. Nantes, du 5 janv. 2009

5 janvier 2009

EXPOSÉ DU LITIGE

La société TB EXPANSION, qui a développé un réseau de crêpiers-traiteurs exerçant sous l'enseigne 'Tradition Bretagne', a conclu le 26 novembre 2003 avec les époux LE QUILLIEC, auxquels s'est substituée la société FEST BREIZH dans des circonstances discutées, un contrat de franchise ayant pris fin à l'échéance de son terme fixé au 25 novembre 2008 alors qu'une action en résiliation judiciaire du contrat venait d'être initiée par le franchisé devant le Tribunal de Commerce de PARIS désigné par la clause attributive de juridiction.

Prétendant que la société TB EXPANSION avait, au cours du mois de décembre 2008, démarché sa clientèle en lui proposant de réaliser des prestations de traiteur aux lieu et place de son ancien franchisé, la société FEST BREIZH l'a fait assigner, par acte du 5 janvier 2009, devant le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de NANTES, lequel, par ordonnance du 3 mars 2009 :

•            a rejeté l'exception de litispendance au profit du Tribunal de Commerce de PARIS,

•            s'est déclaré compétent,

•            a déclaré l'action de la société FEST BREIZH recevable,

•            mais a rejeté les demandes d'interdiction sous astreinte d'entretenir la moindre relation avec sa clientèle et de publication de la décision au motif que l'existence du trouble manifestement illicite allégué n'était pas démontré,

•            et a alloué à la société TB EXPANSION une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société FEST BREIZH a relevé appel de cette décision en faisant valoir que la clientèle développée par le franchisé appartenait à celui-ci et que, dès lors, la lettre circulaire adressée à ses clients par la société TB EXPANSION le 11 décembre 2008, postérieurement au terme du contrat de franchise, constituait un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au Juge des Référés de faire cesser.

Elle demande en conséquence à la Cour de :

'Faire interdiction à la société TB EXPANSION de développer la moindre relation commerciale avec la clientèle de la société FEST BREIZH ;

Dire et juger que cette interdiction sera assortie d'une astreinte de 500 € par infraction constatée ;

Autoriser la société FEST BREIZH à faire publier le dispositif de l'ordonnance à intervenir dans le journal de presse quotidienne de son choix aux frais de la société TB EXPANSION ;

Condamner la société TB EXPANSION à payer à la société FEST BREIZH la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile'.

La société TB EXPANSION, dissoute par décision de son assemblée générale du 30 juin 2009, est représentée à l'instance d'appel par son liquidateur amiable.

Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée et réclame de surcroît la condamnation de la société FEST BREIZH au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société FEST BREIZH le 30 juillet 2009, et pour la société en liquidation TB EXPANSION le 21 octobre 2009.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il sera en premier lieu observé que la société en liquidation TB EXPANSION a, au stade de l'appel, abandonné ses exceptions de litispendance et d'incompétence territoriale du Juge des Référés du Tribunal de Commerce de NANTES ainsi que d'irrecevabilité de la société FEST BREIZH pour défaut de qualité pour agir.

Elle continue en revanche à soutenir que la demande de la société FEST BREIZH se heurterait à une contestation sérieuse, mais il sera à ce sujet rappelé qu'aux termes de l'article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile, le Juge des Référés commerciaux peut toujours prescrire, même en présence d'une contestation sérieuse, toutes mesures conservatoire ou de remise en état nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Et, à cet égard, la société en liquidation TB EXPANSION fait à juste titre valoir que l'appelant ne démontre nullement que son comportement ait été de nature à causer à la société FEST BREIZH un trouble manifestement illicite.

Il est en effet patent que la clause de non-concurrence post-contractuelle figurant au contrat de franchise n'a été stipulée qu'en faveur du franchiseur et à l'encontre du franchisé, de sorte qu'en vertu du principe de liberté du commerce, la société en liquidation TB EXPANSION est libre de nouer des relations commerciales avec la clientèle de la société FEST BREIZH pourvu qu'elle n'use pas, pour ce faire, d'agissements déloyaux.

Dès lors, les démarches entreprises par la société en liquidation TB EXPANSION pour fournir directement des prestations précédemment réalisées par son ancien franchisé ne sauraient être, par elles-mêmes, qualifiées de trouble manifestement illicite.

Ainsi, la lettre circulaire, adressée le 11 décembre 2008, postérieurement à la cessation du contrat de franchise, afin d'annoncer à la clientèle que Monsieur LE QUILLIEC avait quitté le réseau, qu'une nouvelle direction allait se mettre en place en Loire-Atlantique et que les contacts devaient désormais être obtenus en composant un nouveau numéro de téléphone, revêtait un caractère purement informatif et était exempte de manoeuvres déloyales.

D'autre part, rien ne démontre que l'envoi de ce courrier circulaire ait été réalisé au moyen d'un fichier de la clientèle de la société FEST BREIZH obtenu dans des circonstances reprochables.

Enfin, il n'est pas davantage établi que la société en liquidation TB EXPANSION ait capté la clientèle de la société FEST BREIZH en détournant des commandes de clients en créant fautivement dans leur esprit une confusion entre les nouvelles activités de l'appelante et celles de son réseau de franchise.

Le premier juge a donc pertinemment rejeté les demandes de la société FEST BREIZH, en sorte que son ordonnance sera en tous points confirmée.

La demande reconventionnelle de la société en liquidation TB EXPANSION en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive sera en revanche rejetée, celle-ci ne démontrant pas suffisamment que l'action et le recours de la société FEST BREIZH aient dégénéré en abus.

Mais, il serait inéquitable de laisser à sa charge de l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme l'ordonnance rendue le 3 mars 2009 par le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de NANTES en toutes ses dispositions ;

Condamne la société FEST BREIZH à payer à la société en liquidation TB EXPANSION une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

Condamne la société FEST BREIZH aux dépens d'appel ;

Accorde à la société civile professionnelle GUILLOU et RENAUDIN, avoués associés, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.