ADLC, 12 janvier 2024, n° 24-DCC-04
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés OCS et Orange Studio par Groupe Canal Plus (Bolloré)
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 11 juillet 2023, déclaré complet le 29 septembre 2023, relatif à l’acquisition par le Groupe Canal Plus du contrôle exclusif des sociétés OCS et Orange Studio, formalisée par un contrat d’option de vente du 22 février 2023 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ;
Vu les engagements déposés le 28 novembre 2023 et modifiés en dernier lieu le 20 décembre 2023 par la partie notifiante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité a procédé à l’examen de l’opération de prise de contrôle exclusif des sociétés OCS et Orange Studio par Groupe Canal Plus.
Groupe Canal Plus dispose d’activités d’édition de chaînes payantes premium et thématiques et de chaînes en clair, de distribution vidéo à la demande, d’agrégation et de distribution d’offres de télévision et de services de vidéo à la demande payants, ainsi que de production, d’acquisition et de distribution de films de cinéma et de séries télévisées. Le groupe est actif en France métropolitaine et dans les territoires ultra-marins.
OCS opère des activités d’édition de chaînes payantes et d’un service de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) et produit des créations originales. OCS est distribuée en métropole, en autodistribution (« Over The Top » ou OTT) ou par l’intermédiaire de distributeurs tels que Groupe Canal Plus ou des fournisseurs d’accès à internet. Dans les territoires ultra-marins, sa distribution est réalisée uniquement par l’intermédiaire de distributeurs.
Orange Studio a pour activité principale la co-production, l’acquisition, la distribution et la vente d’oeuvres cinématographiques et de séries.
L’Autorité a mené son analyse sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion, les marchés intermédiaire de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision et les marchés aval de la distribution de services de télévision. Dans le cadre de son instruction, elle a réexaminé sa pratique décisionnelle sur les marchés précités et a conclu que la segmentation selon le mode de diffusion (linéaire et non-linéaire) n’était plus pertinente, pour les besoins de l’espèce, aussi bien sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion, concernés au titre de l’opération, que sur les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision payantes pour les thématiques cinéma et séries.
Elle a en revanche estimé qu’il était pertinent de conserver, sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques, une distinction selon la fenêtre de diffusion, telle que séquencée par la chronologie des médias. En particulier, il ressort de l’instruction que les services de VàDA, qui préachètent des droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques en conséquence notamment d’obligations réglementaires, ne peuvent, au regard de la chronologie des médias, que procéder à la diffusion de ces oeuvres au sein d’une deuxième fenêtre payante. Ces services ne constituent donc pas à ce jour des concurrents de GCP (Canal+ et Ciné+) et d’OCS en première fenêtre de diffusion payante, même s’ils ont formellement la possibilité d’acheter les droits de diffusion en première fenêtre sans les exploiter, cette pratique ne représentant pas un véritable substitut à divers titres. L’Autorité a également considéré qu’il était pertinent de conserver les distinctions selon l’origine de l’oeuvre et le caractère récent ou non des films.
Sur les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision, l’Autorité a considéré au cas d’espèce, notamment au regard des activités d’OCS, que les chaînes éditées pouvaient être intégrées au sein d’une thématique regroupant à la fois le cinéma et les séries.
L’instruction a identifié des effets horizontaux sur le marché amont de l’acquisition de droits de diffusion et les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision, des effets verticaux entre les marchés intermédiaires et aval de la distribution de services de télévision et enfin des effets congloméraux découlant du pouvoir de marché de la nouvelle entité sur les marchés de l’acquisition de films récents.
Sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques, l’opération entraîne la disparition du guichet alternatif que constituaient les chaînes d’OCS en première fenêtre payante à six mois, en particulier pour les oeuvres cinématographiques d’expression originale française (« EOF »)
Ainsi, l’opération conduirait à la constitution d’un monopsone sur la première fenêtre payante de diffusion pour les films EOF emportant un risque de détérioration de la diversité du cinéma français.
Parmi les autres effets de l’opération, l’Autorité a relevé que celle-ci pourrait limiter l’accès aux films EOF de catalogue d’Orange Studio sur les services de télévision de rattrapage des chaînes en clair.
Concernant les marchés intermédiaires et aval de la distribution de services de télévision, si l’Autorité a écarté les risques de verrouillage par les intrants s’agissant de la France hexagonale, en revanche, l’opération pourrait entraîner un appauvrissement des bouquets de chaînes proposés par certains distributeurs aux consommateurs des territoires ultramarins, ces opérateurs ne disposant pas, à ce jour, de substituts suffisants aux chaînes OCS.
Au regard des risques identifiés, la partie notifiante a soumis une première proposition d’engagements en date du 28 novembre 2023 qui a fait l’objet d’une consultation auprès du marché. Les retours des opérateurs interrogés ont fait ressortir que, pour une majorité des répondants, cette proposition d’engagements ne permettait pas de circonscrire les atteintes à la concurrence identifiée.
Groupe Canal Plus a proposé une deuxième version de sa proposition d’engagements le 18 décembre 2023, qui a été modifiée une ultime fois le 20 décembre 2023.
Cette proposition engage Groupe Canal Plus à maintenir une équipe d’acquisition OCS/Ciné+ dédiée au préachat de films français de première fenêtre payante auprès de producteurs français, distincte de celle de Canal+. La séparation effective et la viabilité de cette équipe sont assurées par une série de mécanismes, dont la garantie d’un budget dédié à la hauteur du budget actuel d’OCS dans le préachat et la séparation de la comptabilité analytique. Afin de préserver la diversité du cinéma français, Groupe Canal Plus s’est également engagé à ce que l’équipe Ciné+/OCS fasse une proposition de préachat sur un certain nombre de projets de films qui auront été refusés par Canal+ en première fenêtre payante (un minimum de quatre projets de films français par an, dont un par an d’un devis inférieur à quatre millions d’euros, et au moins 25 sur une période de 5 ans).
Afin de répondre aux autres risques anticoncurrentiels identifiés, Groupe Canal Plus s’est également engagé à ce que la cession de droits de diffusion de télévision de rattrapage d’une partie des films de catalogue EOF d’Orange Studio soit toujours possible, vis-à-vis des diffuseurs en clair. En outre, Groupe Canal Plus s’est engagé à proposer l’accès à l’offre Ciné+/OCS à tous les distributeurs qui en feraient la demande dans les territoires des DROM dans des conditions tarifaires objectives, transparentes et non discriminatoires. Ces engagements sont d’une durée de cinq ans et peuvent faire l’objet d’un réexamen.
Compte tenu de ces engagements, l’Autorité de la concurrence a autorisé l’opération sous réserve des engagements proposés par Groupe Canal Plus.
I. Les entreprises concernées et l’opération
A. LES ENTREPRISES CONCERNEES
1. Le groupe Canal Plus rassemble la société anonyme Groupe Canal+ et ses différentes filiales. La société Groupe Canal+ est intégralement détenue par le groupe Vivendi, celui-ci étant intégralement détenu par le Groupe Bolloré, lui-même ultimement contrôlé de façon indirecte par la famille Bolloré (ci-après pris ensemble « Groupe Canal Plus » ou « GCP »). Le groupe Bolloré est un groupe congloméral, opérant des activités diverses dans les secteurs des transports et de la logistique, de l’industrie et de la gestion d’actifs financiers, en plus de celles de Vivendi. Vivendi opère dans les secteurs suivants : médias2, communication et publicité3, édition de livres4 et de jeux vidéo5, hébergement de contenus vidéo sur internet6, spectacle et billetterie7. S’agissant plus particulièrement des activités de GCP, ce dernier est un groupe de télévision, payante et gratuite, qui opère en France et à l’international des activités d’édition de chaînes payantes premium et thématiques8 et de chaînes gratuites9, de distribution vidéo à la demande à l’acte (« VàD ») et de service de vidéo à la demande par abonnement (« VàDA »), d’agrégation et de distribution d’offres de télévision et de services de VàDA payants10, ainsi que de production, d’acquisition et de distribution de films de cinéma et de séries télévisées11, outre ses activités de régie publicitaire12.
2. GCP est actif en France métropolitaine et dans les territoires ultra-marins, via sa filiale C+I qui distribue des bouquets de chaînes de télévision payante par le biais de ses filiales Canal+ Antilles et Canal+ Guyane dans les Caraïbes (Antilles et Guyane française) et de sa filiale Canal+ Réunion dans l’Océan Indien (Réunion et Mayotte). Ces offres sont distribuées par les filiales, soit via leurs propres plateformes de distribution technique, soit via la plateforme de distribution technique de fournisseur d’accès à internet (« FAI »), dans le cadre d’accords d’auto-distribution conclus avec des tiers (Orange) ou avec Canal+ Télécom, filiale de C+I.
3. OCS est une société en nom collectif détenue conjointement par Orange TV Participation (filiale d’Orange SA) et par C+T Participations France (filiale de GCP), qui détiennent respectivement 66,7 % et 33,3 % du capital social et des droits de vote. OCS opère des activités d’édition de chaînes payantes13 et un service de VàDA et de télévision de rattrapage. OCS produit également des créations originales à travers deux labels (OCS Signature et OCS Originals). OCS est distribuée en métropole, en auto-distribution (over-the-top, « OTT ») ou par l’intermédiaire de distributeurs (GCP et FAI). Dans les territoires ultra-marins, OCS est uniquement distribuée par l’intermédiaire de distributeurs.
4. Par ailleurs, il est noté qu’OCS ne constitue pas une entité économiquement autonome d’un point de vue fonctionnel14. Dans cette mesure, il doit être considéré dans le cadre de la présente analyse qu’OCS n’opère pas une activité économique sur les marchés qui lui est propre. Elle ne fait qu’opérer une activité économique spécifique pour ses mères et pour leur compte, ces dernières demeurant indépendantes l’une de l’autre au sens du droit des concentrations. OCS concentre en particulier l’intégralité des activités de télévision payante et de VàDA d’Orange en lien avec la télévision premium cinéma et les services de VàDA thématisés premium cinéma15.
5. Orange Studio est une société anonyme détenue à 100 % par Orange Participations, filiale d’Orange SA. Son activité principale comprend la co-production, l’acquisition, la distribution et la vente d’oeuvres cinématographiques et de séries.
B. L’OPERATION
6. L’opération, matérialisée par un contrat d’option de vente du 22 février 2023, consiste en les acquisitions simultanées et interdépendantes par GCP de l’intégralité du capital et des droits de vote d’OCS (conjointement contrôlé par Orange et GCP avant l’opération) et de l’intégralité du capital et des droits de vote d’Orange Studio (exclusivement contrôlé par Orange avant l’opération), respectivement. Cette opération s’inscrit dans le double cadre de procédures [confidentiel] au bénéfice des sociétés cibles16, d’une part, et de l’existence d’un droit de préemption de GCP sur OCS17, d’autre part.
7. Compte tenu notamment de ce qui a été exposé au paragraphe 4 ci-dessus, l’opération s’analyse comme la prise de contrôle exclusif par GCP, d’une part, de l’intégralité des activités de télévision et de services de VàDA, axés sur le cinéma et les séries du groupe Orange (opérées par ce dernier via OCS) et, d’autre part, d’Orange Studio. À l’issue de l’opération, OCS et Orange Studio seront toutes deux contrôlées exclusivement par GCP. Dès lors, l’opération entraîne un changement de contrôle et constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Bolloré : 20,7 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022) ; cibles : [≤ 150] millions d’euros, dont OCS : [≤ 150] millions d’euros et Orange Studio : [≤ 150] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Bolloré : [≥50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022 ; cibles : [≥ 50] millions d’euros, dont OCS : [≥ 50] millions d’euros, et Orange Studio : [≤ 50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2022). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Définition des marchés concernés
9. Les secteurs de la télévision payante et des services de médias audiovisuels à la demande (« SMAD ») français se composent de plusieurs activités réparties sur une chaîne de valeur. Les éditeurs définissent la thématique et la ligne éditoriale de leurs chaînes ou services et, sur cette base, produisent en interne leurs propres programmes ou acquièrent auprès de tiers des droits de diffusion sur les marchés amont. Les éditeurs proposent ensuite à la vente le droit de commercialiser leurs chaînes ou services aux différents distributeurs sur les marchés intermédiaires, ou bien commercialisent directement leurs offres auprès des consommateurs sur les marchés aval. Les distributeurs se chargent de constituer une offre de télévision et de services payants sous forme de bouquets, accessibles par abonnement ou « à la carte ». Le distributeur doit enfin assurer la commercialisation de son offre à l’aval et la gestion de la relation avec l’abonné.
10. Les cibles et GCP opèrent simultanément des activités d’édition de chaînes de télévision payante et de services de VàDA dont la thématique est axée sur le cinéma et les séries, tandis que GCP opère également des activités d’agrégateur et de distributeur pour le compte d’opérateurs tiers :
au niveau amont, GCP, qui bénéficie d’un accord en vigueur conclu avec les professionnels du cinéma lui permettant de diffuser des films récents dès six mois après leur sortie en salle, édite notamment la chaîne de télévision généraliste Canal+ et ses déclinaisons (dont notamment quatre chaînes consacrées au cinéma et aux séries18). Il édite également plusieurs chaînes thématiques, dont six chaînes Ciné+19 et une plateforme de VàDA dédiée aux séries20. Pour constituer ces offres, GCP produit en interne ses propres programmes, notamment des fictions originales sous son label Création Originale, ou acquiert auprès de tiers des droits de diffusion, tels que ceux des films français et américains récents qu’il préachète auprès de producteurs indépendants français ou achète dans le cadre d’accords-cadres (output deals) conclus avec tous les grands studio américains21. Ses activités de production et co-production sont réalisées via sa filiale StudioCanal22. Cette dernière opère également des activités de distribution de films récents23 et de vente de droits de diffusion pour les films de son catalogue24.
Pour sa part, OCS, a également conclu un accord avec les professionnels du cinéma lui permettant de diffuser des films récents dès six mois après leur sortie en salle. OCS édite aujourd’hui trois25 chaînes de télévision payante (OCS max ; OCS pulp ;
OCS géants) qui sont commercialisées de pair avec un service délinéarisé éponyme. Pour constituer son offre audiovisuelle, OCS produit en interne (ou coproduit avec Orange Studio) ses propres programmes, tels que des fictions sous les labels OCS Signature et OCS Originals notamment, et acquiert, auprès de tiers, des droits de diffusion sur les marchés amont, qui sont aujourd’hui principalement des préachats de droits de diffusion de films récents auprès de distributeurs français indépendants. OCS, ne dispose plus depuis fin 2022 d’output deals avec les studios américains Sony (auprès duquel elle achetait les droits de films américains récents) et HBO (auprès duquel elle achetait les droits de séries américaines récentes), ni de package deal depuis début 2023 et la fin de celui qui la liait avec Sony. Quant à Orange Studio, outre ses activités de co-production et d’acquisition, elle mène également des activités de distribution et de vente des films de son catalogue et de séries ;
aux niveaux intermédiaire et aval, GCP mène des activités de distribution d’offres audiovisuelles autoéditées, d’offres de bouquets comportant des chaînes et services d’éditeurs tiers en sus de ses offres autoéditées26 et d’offres tierces pour lesquelles il dispose d’un mandat de distribution exclusif (Disney+ notamment). Le réseau de distribution de GCP se constitue principalement de son site internet et de son application mobile (myCanal), de plateformes de diffusion (télévision numérique terrestre, satellite, ADSL/fibre, câble, OTT mobile et internet), de présence sur les box télévision des FAI, de présence dans les magasins physiques type grandes enseignes et magasins spécialisés, de centres d’appels et de présence sur les plateformes de distribution des FAI.
S’agissant d’OCS, qui ne propose pas de services de distribution aux éditeurs tiers à la différence de GCP, ses chaînes et services sont principalement distribués par l’intermédiaire de GCP, d’Orange et des autres FAI. De manière moins importante elle auto-distribue ses chaînes et services en OTT, via son site internet, sur le territoire métropolitain.
11. Il en ressort que les parties à l’opération opèrent simultanément plusieurs activités à l’amont, sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques et de séries27, de même que sur les marchés intermédiaires. GCP est également présent sur le marché aval de la distribution où il commercialise des offres pour ses chaînes et services payants ainsi que des bouquets agrégeant des chaînes et services d’éditeurs tiers. OCS, dont le modèle de commercialisation en gros s’adresse avant tout aux intermédiaires et n’est que peu tourné vers les consommateurs, n’opère à l’aval que faiblement (pour la commercialisation de ses offres en OTT, qui n’est pas très développée).
12. Il convient de revenir sur la définition des marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques et de séries (A), de l’édition et de la commercialisation de chaînes payantes et de services de vidéo à la demande (B) et de la distribution d’offres de télévision et de services de vidéo à la demande (C).
A. LES MARCHES AMONT DE L’ACQUISITION DES DROITS RELATIFS AUX OEUVRES CINEMATOGRAPHIQUES ET AUX SERIES
13. Après une brève présentation de la réglementation applicable (1), il convient de revenir sur la définition des marchés de produits concernés à l’amont (2) et sur leur délimitation géographique (3).
14. Les activités d’acquisition et de diffusion d’oeuvres cinématographiques28 et de contenus audiovisuels29 sont largement encadrées par des réglementations strictes tenant au calendrier de diffusion ou à l’origine de l’oeuvre (plusieurs obligations portent sur la présence d’oeuvres EOF ou d’oeuvres européennes). Celles-ci concernent principalement le régime de production et de diffusion des oeuvres cinématographiques (en particulier la chronologie des médias, qui n’est applicable qu’aux films sortis en salle), mais certaines d’entre elles (comme les quotas de diffusion) sont également applicables à l’ensemble des oeuvres de fiction, incluant les téléfilms et les séries.
15. Cette réglementation, qui a déjà fait l’objet d’une présentation détaillée dans la pratique décisionnelle nationale30, impose différentes contraintes : contributions obligatoires des diffuseurs dans la production cinématographique et audiovisuelle EOF, contingentement de fenêtres d’exploitation des films étanches et successives pour les films ayant fait l’objet d’une sortie en salles, quotas de diffusions minimaux pour les oeuvres EOF, aides ciblées réservées à la production cinématographique EOF, etc. La réglementation applicable ayant substantiellement évolué ces dernières années, une présentation des principaux aspects actuellement en vigueur et intéressant la présente analyse est menée ci-après. L’obligation de préfinancement de la production cinématographique et audiovisuelle par les diffuseurs
16. La réglementation française prévoit un système de contributions obligatoires, de la part des diffuseurs, afin de garantir un financement de la production indépendante européenne et EOF de films et de contenus audiovisuels. Celle-ci a été profondément refondue depuis 2021 avec, en particulier, une plus grande uniformisation des niveaux de contributions obligatoires auxquels sont soumises les chaînes de télévision payante de cinéma et les plateformes de VàDA (qui entrent dans la catégorie réglementaire des SMAD) .
17. En vertu de la réglementation française en vigueur31, tous les diffuseurs (à savoir les éditeurs de chaînes de télévision, qu’ils utilisent ou non des fréquences assignées par l'Arcom, et les éditeurs de SMAD) sont désormais soumis à des obligations de financement de la production cinématographique et audiovisuelle française et européenne. La part de financement de ces contributions financières diffère principalement en fonction du caractère payant ou gratuit et de la diffusion avancée, ou non, de films après leurs sorties en salles en France :
les chaînes de télévision payantes diffusant des films dans un délai inférieur ou égal à neuf mois après leurs sorties en salles doivent consacrer entre 22 % (aujourd’hui de Canal+ et de ses déclinaisons) et 24 % (dans le cas aujourd’hui de Ciné+ et d’OCS) de leurs chiffres d’affaires nets annuels à la production cinématographique et audiovisuelle européenne et EOF. Environ 70 % de cette contribution (soit entre 16 et 18 % du chiffre d’affaires annuel net) doit être consacrée à la production cinématographique (à hauteur d’environ 80 % à la seule production cinématographique EOF et à hauteur d’environ 80 % dans le cadre de préfinancements autrement dits « préachats » de films). Les 30 % restants (soit entre 6 et 8 % du chiffre d’affaires annuel net) doivent être consacrés à la production de contenus audiovisuels (à hauteur d’environ 85 - 90 % dans la production des seuls contenus audiovisuels EOF) ;
les chaînes gratuites doivent consacrer environ 18 % de leurs chiffres d’affaires nets annuels à la production cinématographique et audiovisuelle européenne et EOF.
Environ 18 % de cette contribution (soit 3,2 % du chiffre d’affaires net annuel) doit être consacrée à la production cinématographique (dont environ 80 % pour la seule production cinématographique EOF et à hauteur d’environ 90 % dans le cadre de préachats de films), environ 82 % de la contribution (soit 15 % du chiffre d’affaires net annuel) devant être dépensée dans la production de contenus audiovisuels (dont environ 85 – 90 % dans la production de contenus audiovisuels EOF) ;
les SMAD qui proposeraient annuellement des films dans un délai inférieur ou égal à 12 mois après leurs sorties en salles devraient consacrer 25 % de leurs chiffres d’affaires annuels à la production cinématographique et audiovisuelle. La répartition de cette contribution serait sensiblement la même que pour les chaînes de télévision payantes de cinéma ; aujourd’hui aucun SMAD n’entre dans cette catégorie ;
les autres SMAD (ne diffusant pas de films moins de 12 mois après leurs sorties en salles) doivent consacrer 20 % de leurs chiffres d’affaires annuels à la production cinématographique et audiovisuelle. 20 % de cette contribution (soit 4 % du chiffre d’affaires net annuel) doit être consacrée à la production cinématographique européenne et EOF 32 (dont 85 % pour la production cinématographique EOF et 60 % dans le cadre de préachats de films), les 80 % de la contribution étant destinés à la production de contenus audiovisuels (dont 85 % dans la production de contenus audiovisuels EOF).
18. Le tableau ci-dessous récapitule les obligations de contribution des diffuseurs dans la production cinématographique.
La chronologie des médias relative à la diffusion des oeuvres cinématographiques
19. La diffusion des films est strictement encadrée en France, afin de garantir un financement aux producteurs indépendants et aux auteurs de films français et européens en particulier, tout en préservant l’équilibre de la filière et les intérêts des autres acteurs (exploitants notamment). Ce dispositif prévoit plusieurs fenêtres exclusives de diffusion pour l’exploitation des films. L’ouverture de chaque fenêtre s’effectue successivement au fil de l’exploitation sur ces différents supports. En règle générale34, l’ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels entraîne la fermeture de la précédente.
20. La version en vigueur de la chronologie des médias découle de l’accord du 24 janvier 2022 pour le réaménagement de la chronologie des médias, rendu obligatoire par arrêté du 9 février 2022 par la ministre de la culture (ci-après la « chronologie des médias de 2022 ») et prévoit ainsi les délais aux termes desquels une oeuvre cinématographique peut être diffusée par les différents services audiovisuels. Son objectif a notamment été de faire converger les fenêtres de diffusion payante linéaires et non-linéaires en contrepartie des nouvelles obligations d’investissement dans la production audiovisuelle européenne et EOF des services non-linéaires. Elle est valable pour une durée de 3 ans à partir du 4 février 2022.
21. Les premières fenêtres d’exploitation sont consacrées à la distribution en salles de cinéma puis à la vente à l’acte du film récent :
i. la fenêtre d’exploitation en salle : l’oeuvre cinématographique est d’abord exploitée en salle de cinéma, la date de sortie nationale du film constituant le point de départ de la chronologie ;
ii. la fenêtre d’exploitation pour la vente ou la location sous la forme de vidéo à la demande à l’acte (VàD) ou physique : à partir de 4 mois après sa sortie en salles en France, le film est mis en vente ou en location physique (DVD, Blu-Ray) et en VàD à l’acte35. Cette fenêtre ne se referme pas au moment de l’ouverture des fenêtres suivantes (exploitation continue).
22. Ensuite, s’ouvre la phase d’exploitation en diffusion linéaire et non-linéaire sur les chaînes de télévision et les SMAD. Les différents diffuseurs peuvent exploiter leurs films dans le cadre de fenêtres de diffusion plus ou moins avancées, leur positionnement étant principalement déterminé en fonction de leur caractère gratuit ou payant et de l’existence (ou non) d’accords conclus avec les organisations professionnelles du cinéma (ci-après « accord interprofessionnel »), ou encore de la part du chiffre d’affaires consacré à la production cinématographique s’agissant des chaînes en clair. Ces fenêtres de diffusion sont les suivantes :
iii. la première fenêtre de diffusion payante : à partir de 6 mois après sa sortie en salle, le film peut être diffusé par certaines chaînes de télévision payante de cinéma (celles ayant conclu un accord interprofessionnel36), ainsi que certaines plateformes de VàDA (celles ayant conclu un accord interprofessionnel dit « premium »). La fermeture de cette fenêtre intervient à 15 ou 17 mois (lorsque l’oeuvre est préfinancée ou acquise par un diffuseur ultérieur, voir ci-après). Actuellement, seuls GCP (pour ses chaînes Canal+ et Ciné+) et OCS sont des diffuseurs de première fenêtre ;
iv. la deuxième fenêtre de diffusion payante : à partir de 15 mois après sa sortie en salle, le film peut être diffusé par certaines chaînes de télévision payante de cinéma (celles ayant conclu un accord interprofessionnel), ainsi que par les plateformes de VàDA ayant conclu un accord interprofessionnel. En l’absence d’accord interprofessionnel, l’ouverture de cette fenêtre ne se fait qu’à partir de 17 mois après la sortie en salle pour les chaînes de télévision payante de cinéma et les plateformes de VàDA. La fermeture de cette fenêtre intervient à 22 mois lorsque le film est préfinancé ou acquis par un diffuseur ultérieur (hors cas spécifiques). Actuellement, seuls GCP (pour ses chaînes Canal+ et Ciné+), OCS et Netflix sont des diffuseurs de deuxième fenêtre pouvant diffuser à partir de 15 mois. Les autres principales plateformes de VàDA (Disney+, Amazon Prime Video, etc.), en l’absence d’accords, ne peuvent exploiter de films dans le cadre de la deuxième fenêtre qu’à partir de 17 mois ;
v. la fenêtre de diffusion sur les chaînes en clair et les autres chaînes payantes : à partir de 22 mois après sa sortie en salle (19 mois en l’absence d’exploitation en deuxième fenêtre de diffusion payante), le film peut être diffusé par certaines chaînes gratuites et par les autres chaînes payantes, dès lors qu’elles consacrent au moins 3,2 % de leur chiffre d'affaires à la production cinématographique (les chaînes consacrant moins de 3,2 % de leur chiffre d’affaires à la production cinématographique ne peuvent exploiter de film dans le cadre de cette fenêtre qu’à partir de 30 mois). Cette fenêtre de diffusion s’étale jusqu’à 36 mois. Actuellement les chaînes en clair telles que TF1, France TV, M6 et Arte peuvent diffuser des films récents à partir de 22 mois ;
vi. la fenêtre de diffusion sur les services de vidéo à la demande gratuite : à partir de 36 mois après la sortie en salle en France les films peuvent être diffusés sur les SMAD gratuits (autrement appelés « Avod ») tel que Molotov par exemple.
23. L’illustration ci-après reprend les différentes étapes de la chronologie des médias applicable en France et les délais d’exploitation correspondant à chaque fenêtre :
24. Comme cela ressort des explications ci-avant, seuls trois diffuseurs payants ont aujourd’hui souscrits des accords interprofessionnels avec la profession du cinéma afin de bénéficier de fenêtres d’exploitation plus ou moins avancées dans la chronologie des médias, en échange d’un certain niveau d’investissement dans les oeuvres cinématographiques, à savoir :
GCP, qui a conclu avec les organisations professionnelles du cinéma un accord interprofessionnel38 fixant un montant annuel forfaitaire de 190 millions d’euros (170 millions pour la chaîne Canal+ et 20 millions pour la chaîne Ciné+) dont 85 % consacrés aux oeuvres EOF récentes. Cet investissement permet à GCP d’accéder à une première fenêtre de diffusion payante dès six mois ;
OCS, qui a conclu avec les organisations professionnelles du cinéma un accord interprofessionnel39 fixant un montant d’investissement de 20 millions d’euros annuels dont 85 % consacrés à la production EOF récentes et 75 % à la production indépendante. Cet investissement permet également à OCS d’accéder à une première fenêtre de diffusion payante dès six mois ;
Netflix, qui a conclu avec les organisations professionnelles du cinéma un accord interprofessionnel40 fixant le montant d’investissement de Netflix à 4 % de son chiffre d’affaires annuel net sur le territoire français, avec un minimum garanti à la production EOF de 85 % de son engagement financier (montant de 30 millions d’euros garantis annuel). Cet investissement permet à Netflix d’accéder à une deuxième fenêtre de diffusion payante dès 15 mois (au lieu de 17 mois).
25. Ces différents accords interprofessionnels ont été négociés de gré à gré et ont vocation à être renégociés en 2024. Les quotas applicables à la diffusion d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles
26. Les chaînes de télévision et les SMAD établis en France, publics comme privés, doivent, au même titre que les radios, respecter des quotas de diffusion fixées par la loi du 30 décembre 1986 modifiée et des textes pris en application de celle-ci. Ces quotas visent à assurer un niveau minimal d’exposition et de mise en valeur des oeuvres européennes (parts minimales de 60 %) et des oeuvres en langue française (oeuvres EOF) (parts minimales de 40 %)41. Les aides à la production cinématographique
27. Un dispositif d’aides directes ou indirectes est réservé aux films faisant l’objet d’une sortie en salle de cinéma. Ainsi les agréments de production et des investissements délivrés par le Centre national du cinéma et de l’image animée (« CNC ») permet aux oeuvres d'accéder non seulement aux aides directes du CNC42, mais également d'être éligibles au crédit d'impôt « cinéma »43 et au financement des SOFICA44.
28. L’agrément d’un film par le CNC est réservé aux seuls films de long métrage qui sont destinés à une projection en salle, sous certaines conditions. Il existe par ailleurs des aides spécifiques pour la production strictement audiovisuelle. Conclusion sur la réglementation applicable
29. Il ressort de ce qui précède que les différentes contraintes réglementaires et aides réservées au cinéma évoquées ci-avant rendent certains types de programmes peu substituables entre eux. Elles ont pour effet de structurer par ricochet les marchés amont de l’acquisition des contenus cinématographiques et audiovisuels, dans la mesure où ces contenus permettent aux diffuseurs de satisfaire à différentes obligations ou encore aux producteurs de bénéficier d’aides qui sont réservées à la production cinématographique ou à la production EOF.
30. Par ailleurs, l’évolution de la réglementation depuis 2021 avec, en particulier, l’entrée en vigueur du décret SMAD du 22 juin 2021 puis le réaménagement de la chronologie des médias du début de l’année 2022, a conduit d’une part à un alignement des fenêtres d’exploitation des films et, d’autre part, à une uniformisation des niveaux de contribution obligatoires dans la production cinématographique et audiovisuelle européenne et EOF pour les chaînes de télévision payante de cinéma et les plateformes de VàDA. Position de la partie notifiante
31. La partie notifiante souligne que l’opération s’inscrit dans un contexte de changement profond du secteur audiovisuel en raison de la convergence entre les contenus linéaires et non-linéaires et en particulier du développement des services de VàDA en France, entraînant une évolution des modes de consommation de ces contenus. Selon elle, ce changement profond du secteur justifierait une remise en cause de plusieurs paramètres de l’analyse concurrentielle, dont la délimitation de certains marchés. Une telle mise à jour permettrait de refléter le fait que les services de télévision payante de cinéma et les plateformes de VàDA seraient aujourd’hui rivaux pour l’acquisition de droits de diffusion de films récents. La partie notifiante avance donc que, d’une part, la distinction opérée entre les acquisitions portant sur des droits de diffusion en première fenêtre payante et en deuxième fenêtre payante et, d’autre part, la distinction opérée en fonction du mode de diffusion, linéaire ou non-linéaire, seraient obsolètes.
32. Partant du constat d’un alignement des fenêtres d’exploitation entre les chaînes payantes et les services de VàDA au regard de l’évolution de la réglementation applicable et de la chronologie des médias, la partie notifiante note que ces derniers ont désormais la possibilité d’exploiter des films récents en première fenêtre de diffusion payante. Plus encore, comme il sera développé plus bas, la partie notifiante souligne le fait que les plateformes de VàDA disposeraient d’une puissance financière sans équivalent qui leur permettrait de contourner la chronologie des médias (au moyen de deux mécanismes en particulier, qui seront exposés infra, dits du « direct to video » et du « gel de fenêtre »).
Analyse de l’Autorité
33. La pratique décisionnelle nationale retient, de façon constante, une première segmentation des marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion en fonction du type de contenus dont les droits sont acquis. Elle distingue ainsi les droits portant sur les oeuvres cinématographiques, les droits sportifs et les droits relatifs aux autres programmes audiovisuels45.
34. Au cas présent, les chaînes OCS ont une thématique axée sur le cinéma et les séries et l’essentiel des activités d’acquisition d’OCS sur les marchés amont se concentre ainsi sur l’acquisition de droits de diffusion de ce type de contenus. GCP acquiert également des droits pour ces mêmes contenus afin de garnir les grilles et catalogues de ses chaînes et services payants généralistes et thématisés cinéma et séries. L’opération est ainsi de nature à avoir des effets sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion portant sur ce type de contenus, à savoir les oeuvres cinématographiques et les autres programmes audiovisuels, en particulier les séries. Marchés de l’acquisition des droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques
35. À titre liminaire, il convient de rappeler que la notion d’oeuvre cinématographique désigne, dans la réglementation française, les films ayant fait l’objet d’une sortie en salle de cinéma en France. La diffusion des oeuvres cinématographiques est strictement soumise à la chronologie des médias de 2022 (voir, à cet égard, les paragraphes 19 et suivants ci-dessus). Cette version de la chronologie des médias est prévue pour une durée de trois ans et est amenée à faire l’objet d’une réévaluation à l’issue de chaque période de douze mois d’application.
i. Sur la distinction entre les contenus de type « direct to video » et les oeuvres cinématographiques
36. La partie notifiante soutient que les plateformes de VàDA exercent une pression concurrentielle sur les parties à l’opération, dans le cadre du marché amont de l’acquisition de droits de films récents, lorsqu’elles produisent elles-mêmes des « films » qui ne sont pas exploités en salle.
37. Ainsi, selon la partie notifiante, l’une des manifestations de la puissance financière des plateformes de VàDA, qui sont souvent intégrées à des grands studios américains de cinéma (les majors), consisterait en leur capacité à « attaquer le marché »46 en s’émancipant des contraintes de fenêtrage imposées par la chronologie des médias. Les plateformes de VàDA préféreraient ainsi produire des « films » ne faisant pas l’objet d’une sortie en salle en France (« direct to video »). Cette pression concurrentielle serait ainsi exercée par les plateformes de VàDA « non pas en achetant des contenus, mais en les produisant elles-mêmes en vue d’une diffusion en concurrence frontale avec les chaînes payantes et s’assurer ainsi des contenus premium en produisant des films qui ne sont pas exploités en salle et ne sont donc pas soumis aux différents cycles d’exploitation imposés par la chronologie des médias en France »47.
38. Cependant, un tel argument n’est pas pertinent aux fins de l’analyse de ces marchés, à deux principaux titres.
39. En premier lieu, ce type de contenus équivaut à des films non-agréés par le CNC. En cela, ils se distinguent fortement des oeuvres cinématographiques. Comme cela a été noté au paragraphe 29 ci-dessus, les différentes contraintes réglementaires, dont les contributions obligatoires à la production des diffuseurs et la chronologie des médias, et aides à la production cinématographique notamment ont pour effet de structurer par ricochet les marchés amont de l’acquisition.
40. En l’occurrence les films qui ne sont pas agréés par le CNC relèvent des oeuvres audiovisuelles (par opposition aux oeuvres cinématographiques) au sens de la réglementation. Leurs droits de diffusion se distinguent ainsi fortement de ceux des oeuvres cinématographiques.
41. Du point de vue de la demande (les diffuseurs) de tels droits portent sur des contenus dont la diffusion est libre mais qui ne peuvent pas faire l’objet d’une sortie en salles de cinéma en France (il ne peuvent donc pas bénéficier indirectement de l’exposition qui en découle) et pour lesquels les investissements et l’exposition ne sont pas décomptés de leurs contingents d’obligations visant spécifiquement les oeuvres cinématographiques (contributions, quotas). La partie notifiante a elle-même partagé ce constat au cours de l’instruction en indiquant qu’en ce qui concerne « le « direct to video » les oeuvres préfinancées par les plateformes de VàDA sont considérées par la réglementation comme des oeuvres audiovisuelles et non des oeuvres cinématographiques […]. Cela a pour conséquence que […] ces oeuvres échappent à la chronologie des médias (puisque non sorties en salles en France) […] les contenus « direct to video » s’apparentent éditorialement et qualitativement pour la perception des téléspectateurs à de vrais films de cinéma alors qu’ils n’en ont pas la qualification réglementaire et sont comptabilisés dans l’enveloppe « audiovisuel » »48.
42. Du point de vue de l’offre, la production de tels contenus n’ouvre pas droit aux aides relatives à la production cinématographique. En outre, ces contenus sortent exclusivement sur les plateformes qui les ont financés, celles-ci supportant seules le risque49. La principale caractéristique des oeuvres cinématographiques, par rapport aux oeuvres audiovisuelles, est que le modèle de financement du cinéma repose sur l’adjonction de financements divers et le partage des risques. Par exemple, la direction générale des médias et de l’industrie culturelle (« DGMIC ») note que de nombreux films ont besoin de l’apport de chaînes gratuites50, en plus des opérateurs payants en première et en deuxième fenêtres, afin de réussir à « boucler » leur financement. Plus généralement, la chronologie des médias repose sur un partage des risques par fenêtre. Or un film qui sort directement sur une plateforme sans sortie en salles est considéré au sens réglementaire comme une oeuvre audiovisuelle. Cela peut, selon la DGMIC, décourager une chaîne de le financer puisqu’elle a une obligation d’investir dans les oeuvres cinématographiques récentes51. Un tel contenu aura donc du mal à attirer des financements des autres diffuseurs. Le modèle de financement de ces contenus repose donc sur les seules plateformes. La production d’une oeuvre cinématographique apparaît comme étant éligible à des multi-financements de la part des exploitants successifs dans le cadre de la chronologie des médias (distributeurs en salle et à l’acte, ainsi que différents diffuseurs du fait du fenêtrage et du fait que chacun d’entre eux pourra ainsi remplir ses obligations spécifiques cinéma en investissements et en exposition). À l’inverse, les films non-agréés par le CNC ne sont pas comptabilisés comme des oeuvres cinématographiques et ne se prêtent donc pas aux mêmes schémas de multi-financements. À cet égard, la partie notifiante indique elle-même que les contenus direct to video ne s’intègrent pas dans « l’écosystème du cinéma en France ».52 Une organisation représentative des professionnels du cinéma indiquait à cet égard que concernant « les unitaires (les « téléfilms »), pour un unitaire (qui n’est pas soumis à la [chronologie des médias] en l’absence de sortie en salle) le nombre de financeurs est plus réduit par rapport à un film. Il est difficile de rester maître de son oeuvre quand on fait de l’audiovisuel car justement il n’y a qu’un seul financeur qui peut imposer ses vues sur l’aspect artistique. La logique du cinéma est une logique d’offre (de prototype) et l’audiovisuel c’est une logique de demande ».
43. Une importante plateforme de VàDA déclarait quant à elle lors de l’instruction qu’un « film qui n’est pas agréé CNC est considéré comme de l’audiovisuel en vertu de la réglementation. Sur la base de ce modèle, [notre plateforme] accompagne les producteurs de contenus audiovisuels en assumant entièrement la prise de risque financière (sauf crédits d’impôts, etc.). [Notre plateforme] va offrir un confort à ces producteurs via ce financement. Au contraire, le modèle du cinéma est très différent : le financement des projets est dans les faits un multi-financement par des diffuseurs positionnés sur différentes fenêtres » .
44. Le modèle de la sortie en salle des films semble conserver sa vigueur en France. Une organisation professionnelle du cinéma notait à cet égard que « Disney a expérimenté des sorties directement sur sa plateforme, mais s’est ensuite rendu compte que le film gagnait de la valeur via la salle. La fréquentation des salles a retrouvé des couleurs en France. Nous sommes donc rassurés de notre côté sur l’avenir des films de cinéma, qui prennent de la valeur après la sortie en salle et sont attractifs pour les plateformes. Elles ont donc intérêt à entrer dans le système de préfinancement des films de cinéma. » Un marché de l’acquisition des droits de diffusion circonscrit aux films de cinéma conserve donc toute sa pertinence.
45. En second lieu, il est observé à titre surabondant que le phénomène tel qu’il est décrit par la partie notifiante semble avoir trait à des flux économiques intragroupes, dans la mesure où la description qui en est faite vise des contenus qui, précisément, ne sont pas mis à la vente sur les marchés amont. Ainsi, sauf à démontrer au cas par cas que leurs droits de diffusion ont été ou auraient pu faire l’objet de transactions entre des opérateurs indépendants sur les marchés amont, les droits de diffusion de ces contenus autoproduits n’ont pas vocation à être pris en compte dans l’analyse de marchés amont. À cet égard, il est d’ailleurs souligné que la pratique décisionnelle nationale distingue de façon constante entre, d’une part, les contenus dont les droits ont été acquis sur les marchés amont et, d’autre part, ceux qui sont produits en interne53.
46. En conséquence, le phénomène du direct to video évoqué par la partie notifiante n’est pas de nature à animer la concurrence sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques récents, mais bien sur ceux des autres programmes audiovisuels.
ii. Sur la distinction en fonction de l’origine des oeuvres cinématographiques
47. L’Autorité de la concurrence a relevé dans sa pratique décisionnelle l’existence de différences majeures entre les oeuvres EOF et les oeuvres américaines, en termes de prix, d’attractivité, d’identité, de capacité de négociation des offreurs, de négociation commerciale et, enfin, au regard des obligations spécifiques pesant sur les demandeurs en matière d’investissements dans le cinéma français54. Elle a donc considéré qu’il y avait lieu de distinguer le marché de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques EOF d’une part, et américaines d’autre part.
48. Au cas d’espèce, aucun élément recueilli dans le cadre de l’instruction n’est venu remettre en cause cette segmentation en fonction de l’origine de l’oeuvre. Cette distinction sera donc prise en compte dans le cadre de la présente analyse.
49. L’Autorité a également envisagé l’existence d’un marché spécifique des « contenus européens », compte tenu de leur attractivité et de l’existence de quotas de diffusion spécifiques55. La question de l’existence de ce dernier marché spécifique peut toutefois être laissée ouverte au cas d’espèce, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées si un tel marché devait être envisagé.
iii. Sur la persistance de la chronologie des médias comme facteur structurant
50. Selon la pratique décisionnelle constante de l’Autorité, la chronologie des médias est structurante pour les définitions des marchés de l’acquisition de droits relatifs à des oeuvres cinématographiques. Sur la base de l’instruction menée, l’Autorité considère que les principaux constats demeurent pertinents dans le cadre de la présente analyse, même si la chronologie des médias a connu des évolutions significatives.
La distinction entre films récents et films de catalogue
51. Alors que les conditions d’acquisition et de diffusion des oeuvres cinématographiques inédites/récentes sont contraintes par la chronologie des médias, ce n’est pas le cas des films de catalogue. Ainsi, la chronologie des médias induit une différenciation entre oeuvres cinématographiques inédites/récentes et films de catalogue.
52. En effet, les conditions d’acquisition des droits relatifs à ces films varient sensiblement. En particulier, en matière de films de catalogue, l’acheteur de droits de diffusion connaît le succès d’un film, alors que, dans le cadre des oeuvres cinématographiques inédites/récentes, en cas de préachat, il fonde son choix principalement sur le scénario, la distribution et le devis pour estimer son potentiel d’audience télévisuelle. Compte tenu des différences entre les oeuvres cinématographiques inédites/récentes et les oeuvres de catalogue, l’Autorité de concurrence considère qu’elles relèvent de deux marchés distincts.
53. En ce qui concerne plus particulièrement les films EOF, l’instruction confirme que l’acquisition de films récents s’exerce majoritairement dans le cadre de « préachats » c’est-à-dire de l’achat par les chaînes des droits de diffusion auprès du producteur du film, au moment de l’élaboration de son plan de financement et avant la délivrance de l’agrément des investissements ou d’une autorisation de production par le président du CNC. Ces investissements sont comptabilisés au titre des obligations des chaînes en matière de financement de la production cinématographique française. En revanche, les acquisitions de films de catalogue concernent l’achat de droits de diffusion de films ayant déjà fait l’objet d’un premier cycle d’exploitation. Il s’agit donc de films de rediffusion pouvant être acquis par des chaînes en clair comme par des chaînes payantes ou des SMAD.56
54. En ce qui concerne les films américains, l’Autorité relève, comme cela est confirmé par les résultats de l’enquête, que les droits les plus attractifs sont généralement commercialisés par un nombre restreint de studios (dits majors) par l’intermédiaire d’accords-cadres pluriannuels (ou output deals) qui garantissent à l’acheteur le premier choix ou l’exclusivité sur la production d’un studio57. Les principaux majors américains sont Paramount, Universal, Warner Bros, Disney58 et Sony (Sony Pictures et Columbia Pictures), ainsi que l’ensemble de leurs filiales. Ces output deals incluent à la fois des films récents, des films de catalogue et des séries.
La chronologie des médias continue d’organiser différentes fenêtres d’exploitation
55. La chronologie des médias a conduit l’Autorité de la concurrence à identifier, parmi les oeuvres cinématographiques récentes, des marchés pertinents distincts calqués sur le séquençage des fenêtres d’exploitation prévues par la chronologie des médias59. S’agissant spécifiquement des oeuvres cinématographiques inédites/récentes EOF, l’Autorité a relevé qu’il existait une demande spécifique pour les préachats des fenêtres de diffusion en clair, permettant notamment aux chaînes en clair de remplir leurs obligations d’investissement dans la production cinématographique, tout en diffusant des films susceptibles d’attirer une audience significative. À ce jour, le fonctionnement de ce mécanisme demeure pertinent.
56. En effet, la chronologie des médias de 2022 conserve le principe d’étanchéité des fenêtres (sous réserve de certaines possibilités limitées de co-exploitation). Par rapport à sa précédente version, la chronologie des médias en vigueur conduit principalement à modifier l’ordre d’ouverture des fenêtres des différents supports, voire, pour les fenêtres payantes, à aligner la situation des chaînes de télévision et des SMAD.
57. La chronologie des médias applicable continue donc d’organiser l’ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels (exploitation en salle, en vidéo physique et à la demande à l’acte, en télévision payante, en vidéo à la demande par abonnement, en télévision en clair, etc.), qui entraîne généralement la fermeture de la fenêtre précédente, consacrant un principe d’« étanchéité » de la plupart des fenêtres de diffusion. Ainsi, une fenêtre donnée correspond à un marché pertinent, dès lors que les droits relatifs aux oeuvres cinématographiques sont négociés, au sein de chacune de ces fenêtres, de manière relativement homogène. En revanche, d’une fenêtre à l’autre, il existe de fortes différences en termes de demande, de réglementation applicable ou encore de prix. Les opérateurs exploitant une oeuvre cinématographique sur chacune des différentes fenêtres étanches ne sont ainsi pas en concurrence entre eux.
58. Néanmoins, ce constat doit être nuancé s’agissant spécifiquement des fenêtres respectives des chaînes de télévision payante de cinéma et des plateformes de VàDA, compte tenu du fait que la chronologie des médias de 2022 ainsi que le décret SMAD notamment ont conduit à un alignement de leurs régimes de diffusion et de contributions obligatoires.
59. Il convient ainsi de déterminer dans quelle mesure les dernières évolutions réglementaires, et en particulier celle de la chronologie des médias qui a provoqué un alignement des fenêtres de diffusion pour les différents services payants, qu’il s’agisse de chaînes de télévision payantes de cinéma ou de plateformes de VàDA, sont de nature à modifier les segmentations opérées en fonction des modes de diffusion et des fenêtres d’exploitation des chaînes de télévision payante et des services de VàDA.
iv. Sur les conséquences de l’alignement des fenêtres respectives des chaînes de télévision payante de cinéma et des plateformes de VàDA
L’obsolescence de la segmentation en fonction du mode de diffusion
60. Pour les oeuvres cinématographiques de catalogue, l’Autorité a relevé que les chaînes de télévision et les plateformes de VàDA se trouvaient dans une situation de concurrence, indiquant qu’il ne pouvait être exclu qu’il existe un seul marché de l’acquisition de droits de diffusion pour une diffusion linéaire ou non linéaire, tout en laissant ouverte la question60. La présente instruction a permis de confirmer que les chaînes de télévision et les plateformes de VàDA entrent effectivement en concurrence pour l’acquisition de ce type de contenus. Il convient donc d’analyser l’impact de l’opération sur un marché des oeuvres de catalogue incluant ces deux types d’opérateurs.
61. Pour les oeuvres cinématographiques inédites/récentes, en revanche, l’Autorité a considéré que ces marchés n’incluaient pas simultanément les acquisitions de droits de diffusion linéaires et non linéaires, du fait notamment de la chronologie des médias alors en vigueur61.
62. Par ailleurs, dans la pratique décisionnelle récente62, l’Autorité a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’isoler un marché distinct de l’achat de droits destinés à une diffusion sur télévision de rattrapage des marchés de télévision linéaire, notamment dans la mesure où ces droits étaient commercialisés de manière indissociée des droits relatifs à la télévision linéaire.
63. La partie notifiante soutient qu’il n’y a plus lieu de définir des marchés distincts pour les acquisitions de droits de films selon que la diffusion est linéaire ou non-linéaire.
64. Comme précédemment indiqué, l’Autorité a déjà relevé que les chaînes de télévision et les services de VàDA se trouvent dans une situation de concurrence pour l’acquisition des droits des films « de catalogue », dont la diffusion est libre. L’instruction de la présente opération a confirmé ce constat, les opérateurs ayants-droit de films de catalogue interrogés ayant indiqué que les droits de diffusion des films de catalogue sont vendus tant aux chaînes de télévision qu’aux services de VàDA. Dès lors, il convient d’inclure ces deux types d’opérateurs dans le marché de la vente de droits de diffusion de films de catalogue.
65. En ce qui concerne les droits de films récents, pour lesquels les diffusions doivent en premier lieu faire l’objet d’un premier cycle d’exploitation dans le cadre de la chronologie des médias, l’Autorité a jusqu’à présent constaté que les chaînes de télévision et les services de VàDA ne se trouvaient pas en situation de concurrence, leurs fenêtres d’exploitation respectives n’étant pas alignées63. Ainsi l’Autorité considérait que les marchés n’incluaient pas simultanément les acquisitions de droits de diffusion linéaires et non linéaires.
66. Comme cela a été exposé supra (voir, en particulier, les paragraphes 22, 23 et 30 ci-dessus), l’évolution de la réglementation depuis 2021 avec, en particulier, l’entrée en vigueur du décret SMAD de 2021 puis le réaménagement de la chronologie des médias du début de l’année 2022, même si elle a maintenu le principe de fenêtre étanches structurant la demande (voir infra), a conduit d’une part à un alignement des fenêtres d’exploitation des films sur les différents supports (chaînes de télévision payantes de cinéma et plateformes de VàDA) et, d’autre part, à une uniformisation des niveaux de contribution obligatoires dans la production cinématographique et audiovisuelle européenne et EOF pour les chaînes de télévision payante de cinéma et les plateformes de VàDA.
67. En effet, alors que ces dernières ne pouvaient pas auparavant diffuser de films avant 36 mois après la sortie en salles de cinéma, les plateformes de VàDA sont aujourd’hui des diffuseurs de deuxième fenêtre payante (à 15 ou 17 mois après la sortie en salles de cinéma) et peuvent potentiellement accéder au statut de diffuseur de première fenêtre (à 6 mois après la sortie en salles de cinéma) à condition d’atteindre les niveaux d’investissements requis pour cela. Cette avancée des plateformes de VàDA dans la chronologie des médias résulte des obligations de contribution à la production cinématographique EOF auxquelles sont désormais soumis ces opérateurs, à des niveaux similaires à ceux des chaînes de télévision (compte tenu de l’importance relative que représente l’offre de cinéma dans l’offre totale du service considéré).
68. Ainsi, par contraste avec la situation qui prévalait encore, par exemple, en 2017 au moment de l’adoption de la décision n° 17-DCC-92 précitée (voir notamment le para. 136 « les opérateurs linéaires (télévision payante et gratuite) et non-linéaires (VàD et VàDA) ne se trouvent pas en situation de concurrence pour l’acquisition des droits portant sur les films récents américains et français, en raison de la temporalité des droits d’acquisition relatifs aux films « récents », différente selon ces services »), les chaînes de télévision payante de cinéma et les plateformes de VàDA sont aujourd’hui susceptibles d’acquérir des droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques récentes dans le cadre de mêmes temporalités.
69. La consultation du marché qui a été menée au cours de l’instruction a permis de confirmer ce point, la majorité des répondants considérant que la distinction selon le mode de diffusion n’était plus pertinente.
70. Par conséquent, l’Autorité considère qu’il n’y a pas lieu, pour les besoins de la présente espèce, de distinguer les marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques selon le mode de diffusion.
Sur la segmentation entre les première et deuxième fenêtres de diffusion payante
71. La partie notifiante conteste la pertinence d’une segmentation entre la première et la deuxième fenêtre de diffusion payante. Selon elle, alors qu’auparavant la première fenêtre de diffusion pour les services de télévision payante s’ouvrait à 8 mois après la diffusion en salle, quand celle des opérateurs de services de VàDA ne s’ouvrait qu’à 36 mois (ou à 17 ou 30 mois en cas d’accord avec les organisations du cinéma), désormais, le nouvel accord sur la chronologie des médias entraînerait un décloisonnement des fenêtres d’exploitation. Les services de VàDA pourraient se positionner sur la première fenêtre d’exploitation, dès 6 mois après la sortie en salle, en cas d’accord avec les organisations professionnelles du cinéma, au même titre que les chaînes de télévision payante de cinéma. La partie notifiante considère encore que certaines plateformes de VàDA concurrenceraient actuellement les diffuseurs de première fenêtre de diffusion payante lorsqu’elles pratiquent des acquisitions de droits de diffusion en deuxième fenêtre payante qui sont assorties d’une exclusivité de la première diffusion, en contrepartie de compensations financières (pratique dite du « gel de fenêtre »). De la sorte, selon la partie notifiante, ces plateformes de VàDA concurrenceraient les acquisitions des chaînes de télévision payante de cinéma en procédant à l’acquisition simultanée de droits de diffusion de première et de deuxième fenêtre payante, quand bien même elles ne peuvent pas les exploiter en première fenêtre de diffusion payante. La partie notifiante souligne que cette pratique du gel de fenêtre aurait été mise en oeuvre pour près de 90 % des films préachetés par Netflix en 2022 (lui permettant de bénéficier de la première diffusion payante exclusive 17 mois après la sortie du film en salle).
72. La pratique décisionnelle nationale effectue de façon constante une segmentation en fonction des fenêtres de diffusion, telles que définies par la chronologie des médias64. À cet égard, l’Autorité a noté que le système de fenêtrage organisé par la chronologie des médias conduisait à organiser différentes demandes non-substituables. Ainsi, avant l’entrée en vigueur de la chronologie des médias de 2022, alors que les fenêtres de diffusion accessibles aux chaînes de télévision et aux services SMAD ne correspondaient pas entre elles (contrairement à aujourd’hui), l’Autorité indiquait à l’occasion de son examen du projet de création de la plateforme Salto que :
« Conformément à l’accord du 6 septembre 2018 pour le réaménagement de la chronologie des médias et à son avenant du 21 décembre 2018 [nb. ancienne version de la chronologie des médias, qui était alors en vigueur] […] la diffusion des oeuvres cinématographiques est soumise à une stricte chronologie (dite « chronologie des médias »), qui fixe des délais aux termes desquels une oeuvre cinématographique peut être diffusée par les différents services audiovisuels. Dans ce cadre, l’ouverture de chaque fenêtre de diffusion pour les différents supports télévisuels (exploitation en salle, en vidéo, en vidéo à la demande à l’acte, en télévision payante, en télévision en clair, en vidéo à la demande par abonnement, etc.) entraîne généralement la fermeture de la précédente. La pratique décisionnelle constante des autorités de concurrence distingue donc les acquisitions de droits pour chacun de ces modes de diffusion comme constituant autant de marchés pertinents, ceux-ci présentant en effet de fortes différences en termes de demande, de réglementation applicable ou encore de prix. »65
73. Dans ce contexte, lorsqu’elle analysait le « marché distinct pour les acquisitions de droits relatifs à des oeuvres cinématographiques pour une diffusion sur la télévision payante », l’Autorité rappelait avoir déjà identifié l’existence d’un tel marché distinct tout en laissant ouverte la question d’une segmentation spécifique du marché de l’achat de droits cinématographiques relatifs à une diffusion sur la télévision payante en fonction de la fenêtre de diffusion (première et deuxième fenêtres)66.
74. Dans une décision récente, l’Autorité opérait le constat que la chronologie des médias de 2022, tout en maintenant le système du fenêtrage, avait aligné les fenêtres des services payants entre chaînes de télévision et services de vidéos à la demande : « […] la nouvelle chronologie des médias […] conserve ce principe d’étanchéité des fenêtres (sous réserve de certaines possibilités, limitées, de coexploitation). La nouvelle chronologie des médias conduit principalement à modifier l’ordre d’ouverture des fenêtres des différents supports, voire, pour les fenêtres payantes, à aligner la situation des chaînes de télévision et des services de vidéos à la demande. Or, l’ordre d’ouverture des fenêtres de la chronologie des médias n’a pas d’influence sur les relations concurrentielles entre les acteurs susceptibles d’acheter les droits au sein de chaque fenêtre »67.
75. Au cas présent, il n’y a pas lieu de remettre en cause ce constat, qui reste justifié, tel que cela ressort de la présentation du cadre applicable supra (voir à cet égard les paragraphes 14 et suivants ci-dessus).
76. Tout d’abord, en rupture avec le cadre réglementaire antérieur, le cadre réglementaire actuel organise effectivement un alignement (temporel) et une convergence (dans leurs régimes) entre les fenêtres de diffusion respectives des chaînes de télévision payante de cinéma et des plateformes de VàDA. Selon les accords qu’elles concluent, ces dernières sont désormais susceptibles de diffuser des films récents en première fenêtre de diffusion payante, dès 6 mois après la sortie en salle (en cas d’accord avec les professions du cinéma dit « premium », à l’instar de ceux existant aujourd’hui pour les chaînes et services de GCP et d’OCS). Elles peuvent également diffuser ces films en deuxième fenêtre de diffusion payante, dès 15 mois (pour celles ayant signé un accord non-premium à l’instar de Netflix) ou 17 mois (pour celles n’ayant pas d’accord signé, telles que Amazon Prime Video, Disney+, Paramount+, Apple TV+, Universal+, etc.), à l’instar des chaînes de télévision payantes de cinéma. En outre, au-delà du simple aspect temporel, les plateformes de VàDA ont également été soumises à des obligations de contribution à la production cinématographique européenne et EOF similaires à celles des chaînes de télévision (voir à cet égard le paragraphe 17 ci-dessus).
77. Ensuite, dans la continuité des versions antérieures, la chronologie des médias de 2022 continue d’organiser un principe d’étanchéité entre les différentes fenêtres : l’ouverture de chaque fenêtre de diffusion continue d’entraîner en règle générale la fermeture de la précédente. En particulier, il apparaît que les première et deuxième fenêtres de diffusion payante demeurent exclusives l’une vis-à-vis de l’autre. Le cadre réglementaire continue ainsi de garantir des fenêtres de diffusion qui sont en règle générale étanches les unes par rapport aux autres et, par voie de conséquence, de structurer de fortes différences en termes de demande, de réglementation applicable ou encore de prix.
78. À titre d’illustration, la partie notifiante a indiqué que « la place dans la chronologie des médias et la durée exclusive des fenêtres de diffusion sont […] directement corrélées aux montants investis par les diffuseurs dans la production cinématographique : c’est le principe cardinal de la chronologie des médias. GCP considère qu’une fenêtre de diffusion à 6 mois et surtout une durée d’exploitation exclusive de 9 mois sont des conditions minimums, au regard des contreparties financières significatives consenties, pour valoriser une offre de télévision payante notamment à travers de la récence et de l’exclusivité des films proposés et au regard des contributions relatives des autres acteurs »68. À cet égard, la valeur financière attribuée, dans le cadre des préachats des opérateurs payants, à la fenêtre payante de diffusion à 6 mois est toujours largement supérieure à celle d’une diffusion payante à 17 mois. À titre d’illustration, s’agissant des droits de diffusion acquis par GCP en 2022, le montant moyen de ses acquisitions pour une diffusion payante en première fenêtre était d’environ [800 000-900 000] euros69, contre seulement environ [80 000-90 000] euros70 pour une diffusion en deuxième fenêtre.
79. Néanmoins, la partie notifiante a soulevé un argument qui vise à remettre en cause ce principe d’étanchéité entre les deux fenêtres de diffusion payante : celui relatif au phénomène du « gel de fenêtre » (cf. supra). En effet, dès lors que les plateformes de VàDA acquerraient de manière simultanée les droits de première et de deuxième fenêtres payantes pour les films récents EOF, la première fenêtre deviendrait perméable à une pression concurrentielle exprimée par des opérateurs aujourd’hui positionnés en deuxième fenêtre.
80. Au cas présent, l’Autorité considère toutefois que ce phénomène, bien qu’il induise une certaine perméabilité dans des proportions limitées, n’apparaît pas comme étant suffisamment important pour remettre en cause au cas présent l’identification de marchés distincts entre les deux fenêtres payantes pour différentes raisons.
81. Premièrement, ce phénomène ne semble concerner que des préachats de films EOF et non de films américains.
82. Deuxièmement, les caractéristiques des droits de diffusion en première et en deuxième fenêtres payantes demeurent très différentes. En particulier, la première fenêtre de diffusion s’ouvrant 6 mois seulement après la sortie en salle bénéficie encore grandement de l’exposition des films en salles de cinéma. Un tel privilège de diffusion constitue à l’évidence un facteur d’attractivité fort à l’égard des téléspectateurs. Ainsi, même à considérer que l’exclusivité de la première diffusion, qui est en règle générale réservée à la diffusion en première fenêtre, puisse dans des cas limités être reportée à la deuxième fenêtre payante dans le cadre d’un gel de fenêtre, il n’en demeure pas moins qu’une telle diffusion restera soumise à un délai de 15 mois après la sortie en salle. À cet égard, Netflix a relevé au cours de son audition le fait qu’une « accessibilité à 15 mois après la sortie en salle rend probablement beaucoup plus difficile la mise en valeur d’un film sur la plateforme par rapport à une diffusion à six mois. Cette perception n’est pas encore très claire pour Netflix [nb. qui n’a pas encore diffusé ses premiers films préachetés en 2022] mais il s’agit d’une position de bon sens »71.
83. En outre, à considérer la question de la substituabilité du point de vue de l’offre, il apparaît encore que la non-exploitation de l’oeuvre pendant neuf à onze mois (pendant la durée de la première fenêtre qui est gelée) est de nature à réduire son exposition globale et indirectement à limiter les bénéfices de la diffusion. À cet égard, Netflix notait elle-même lors de son audition le fait que l’« objectif des producteurs est de voir leurs oeuvres exposées le plus possible. Or, avec la [chronologie des médias] actuelle, une fois le film sorti en salles, l’accessibilité sur des plateformes […] n’est pas avant 15 mois. Cela est préjudiciable pour la circulation des oeuvres. Une oeuvre qui ne circule pas ne peut pas générer de plus-value, de recettes supplémentaires, de promotion indirecte des savoir-faire »72.
84. Troisièmement, il a été établi au cours de l’instruction que ce phénomène n’est pas massif. En effet, une seule plateforme de VàDA, en l’occurrence Netflix, pratiquait effectivement le gel de fenêtre73, sur une base non-systématique74. Deux autres plateformes majeures de VàDA, liées à des majors (à savoir Disney+ et Paramount+), semblent avoir opéré des choix inverses. En effet, les studios auxquels elles sont rattachées ont conclu des accords-cadres avec GCP portant sur des diffusions en première fenêtre (et pour partie en deuxième fenêtre en ce qui concerne Disney). S’agissant de leurs acquisitions de droits de diffusion en deuxième fenêtre de films récents, américains ou EOF, ces plateformes ne pratiquent pas le gel de fenêtre. De plus elles sont notamment distribuées par GCP (via son offre MyCanal75). Une organisation professionnelle du cinéma notait, lors de son audition, au sujet de Disney+ que : « Disney a choisi de ne pas « geler la première fenêtre ». En effet, désormais les films Disney qui sortent en salles et sont soumis à la [chronologie des médias] vont tout d’abord être diffusés en première fenêtre sur la chaîne Canal+, à 6 mois, puis ils seront ensuite disponibles sur Disney+ à +17 mois, cette plateforme étant elle-même distribuée par GCP car agrégée sur MyCanal. Il s’agit d’un accord entre GCP et Disney : GCP a ouvert sa base de 5 millions d’abonnés à Disney+, et Disney (comme major) lui a en contrepartie octroyé la première fenêtre de diffusion pour ses films soumis à la [chronologie des médias]. Cet accord est gagnant-gagnant pour les deux opérateurs ».
85. Cette même organisation professionnelle du cinéma notait lors de son audition que « Netflix n’investit que dans un nombre limité de films (une dizaine), donc il n’exerce pas une pression concurrentielle massive sur Canal+ (qui finance 120 films par an en moyenne) ». Aucun élément recueilli au cours de l’instruction n’indique par ailleurs que cette situation pourrait sensiblement changer à l’avenir. À l’inverse, il ressort de l’instruction que, d’une part, les politiques de préachats en films EOF respectives des chaînes de télévision payante de cinéma comme des plateformes de VàDA consistent à s’acquitter de leurs obligations contributives, sans aller au-delà et que, d’autre part, il apparaît peu vraisemblable que Netflix, à l’instar des autres grandes plateformes de VàDA, change son modèle actuel qui est centré sur l’audiovisuel (et les séries) au profit d’un modèle centré sur le cinéma.
86. En outre, seul un certain type de films, ceux à fort budget, semble concerné par cette pratique de Netflix. Ainsi la partie notifiante a indiqué, au sujet du degré de pression concurrentielle exercé par ces acquisitions de droits de diffusion avec gel de fenêtre (acquisitions avec exclusivité de la première diffusion en deuxième fenêtre payante) sur les acquisitions de droits de diffusion en première fenêtre payante, que « [cette] pression concurrentielle est d’autant plus intense qu’elle s’exerce sur les quelques films dont les devis sont les plus élevés et qui permettent aux éditeurs de renforcer la visibilité de leur offre cinéma. Par exemple, en 2022, le devis de 75% des oeuvres cinématographiques de fiction était inférieur à 6,3 millions d’euros, un montant inférieur au devis moyen des films préachetés par Netflix. Ces films feront certainement l’objet, quand ils arriveront sur les plateformes, d’une importante mise en avant par les éditeurs et donc d’une grande visibilité […] »76.
87. Or, l’Autorité relève que cette pression concurrentielle de Netflix ne s’exercerait que sur un nombre limité de films.
88. Dans cette mesure, même à considérer de façon hypothétique qu’elle serait substituable à la demande en droits de diffusion en première fenêtre payante, la demande en droits de diffusion en deuxième fenêtre payante avec pratique du gel de fenêtre apparaît aujourd’hui comme étant insusceptible de concerner la majeure partie du marché.
89. Enfin, la consultation du marché qui a été menée au cours de l’instruction a conforté cette analyse. Ainsi, une large majorité des vendeurs de droits de diffusion de films récents ont confirmé la pertinence de la distinction entre les acquisitions de droits pour des diffusions en première ou en deuxième fenêtre payante, même dans le contexte de l’existence de certaines pratiques de gel de fenêtre. S’agissant des acheteurs de ces droits qui ont été consultés, seule une petite minorité d’entre eux considérait qu’une telle distinction n’était plus pertinente.
90. Par conséquent, la demande en droits de diffusion payante pour des films récents, en deuxième fenêtre mais avec exclusivité de la première diffusion (« gel de fenêtre »), apparaît comme n’étant qu’insuffisamment substituable pour justifier une suppression de la distinction matérielle entre les première et deuxième fenêtres. L’analyse sera ainsi menée de façon distincte, selon que les droits des films récents en question font l’objet d’acquisitions pour une diffusion payante en première ou en deuxième fenêtre77. Marchés de l’acquisition des droits de diffusion des autres contenus audiovisuels
91. La pratique décisionnelle78 a identifié des marchés de l’acquisition de droits de diffusion relatifs aux autres contenus audiovisuels, au sein desquels elle a, notamment, opéré une distinction entre le marché des programmes dits « de stock »79 et ceux dits « de flux »80. Sur ces marchés, elle a également envisagé une segmentation selon que les programmes sont inédits ou de catalogue, et selon le mode de diffusion des contenus (linéaire ou non linéaire).
La pratique décisionnelle a également envisagé, au sein des programmes de stock, les marchés spécifiques de l’acquisition de droits relatifs aux séries américaines récentes et à la fiction EOF. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente décision.
92. De plus, de la même manière que pour les oeuvres cinématographiques, la pratique décisionnelle a envisagé l’existence d’un marché spécifique des contenus européens81. La question de l’existence d’une telle segmentation s’agissant des oeuvres audiovisuelles peut toutefois, en l’espèce, être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.
93. Au cas présent, compte tenu du fait que les acquisitions des parties portent sur des droits de diffusion de séries EOF et américaines, il convient de mener l’analyse sur les marchés des programmes de stock et les marchés distincts des fictions EOF et des séries américaines récentes.
94. S’agissant du marché distinct des séries américaines récentes, l’Autorité considère au regard de l’évolution de l’attractivité de ces contenus qu’ils revêtent « un caractère de contenu attractif autonome »82. Elle a souligné que, compte tenu de l’absence d’encadrement normatif des fenêtres de diffusion, la concurrence pour l’achat de séries récentes était simultanément animée par les opérateurs de télévision payante et les opérateurs de télévision en clair, ainsi que par les opérateurs de VàDA, y compris pour l’achat de la première diffusion.
95. L’Autorité a précisé, tout en laissant la question ouverte, que les séries « récentes » au sens du marché pertinent avaient été diffusées pour la première fois moins de deux ans auparavant aux États-Unis.
96. En l’espèce, la question de la délimitation exacte du marché des programmes de stock peut toutefois être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
97. L’Autorité a également envisagé de segmenter les droits de diffusion des programmes audiovisuels entre les droits destinés à des services de télévision linéaire et ceux destinés à des services de télévision non linéaire (tels que la VàD et la VàDA)83, tout en constatant, dans ses décisions et avis les plus récents, une forte convergence entre ces deux types d’acquisitions de droits, pour les contenus non soumis à la chronologie des médias.
98. À cet égard elle a considéré dans une décision récente que « [plusieurs] éléments sont de nature à remettre en cause l’existence d’une telle segmentation » dont, en particulier, le fait que la diffusion de ces programmes n’est pas soumise à la chronologie des médias et que les différents opérateurs, de services linéaires et non-linéaires, se retrouvent en concurrence pour l’acquisition de mêmes droits de diffusion, notamment parce que les plateformes de VàDA développent des stratégies d’achats « tous droits » (VàDA comme droits télévision) et multi territoires84.
99. A fortiori la distinction serait d’autant plus obsolète au regard des séries américaines récentes. En effet, ce type de contenu, qui n’est ni particulièrement protégé ni spécifiquement soutenu par la réglementation (qu’il s’agisse de quotas de diffusion ou de contributions obligatoires par exemple, par contraste avec les oeuvres cinématographiques et avec les oeuvres européennes et EOF), jouit d’une attractivité « autonome » en ce que la demande n’est que peu influencée par la réglementation.
100. L’instruction a permis de confirmer ces constatations dans la mesure où, d’une part, elle a permis d’établir que les opérateurs de services linéaires et non-linéaires se trouvent en concurrence pour l’acquisition d’oeuvres cinématographiques et de séries (voir à cet égard les paragraphes 63 et suivants infra) et que, d’autre part, la majorité des vendeurs et des acheteurs de droits interrogés considère cette distinction obsolète.
101. Par conséquent, il a été considéré aux fins de la présente analyse qu’il n’y avait pas lieu d’opérer une segmentation des marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’autres contenus pertinents en fonction du mode de diffusion. Conclusion sur la délimitation matérielle des marchés amont
102. Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de remettre en cause la segmentation initiale des marchés amont qui est opérée en fonction du type de contenu et, en particulier, de remettre en cause l’acception classiquement retenue pour les oeuvres cinématographiques. En ce qui concerne les marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques spécifiquement, il n’y a pas lieu de remettre en cause les segmentations opérées en fonction de l’origine et du caractère récent ou « de catalogue » des films. En outre, même si la chronologie des médias a connu des évolutions importantes au cours des dernières années, ces modifications ne justifient pas la remise en cause d’une segmentation des marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion des films récents en fonction des fenêtres de diffusion. Par son effet cumulé avec les autres contraintes réglementaires pesant sur les diffuseurs (contributions et quotas obligatoires notamment), le principe du fenêtrage continue d’organiser des demandes distinctes en droits de diffusion de films récents.
103. S’agissant en revanche de la distinction qui était habituellement retenue selon le mode de diffusion, celle-ci n’apparaît plus justifiée compte tenu des dernières évolutions réglementaires. Celles-ci ont conduit à aligner les fenêtres des chaînes de télévision payante de cinéma et celles des plateformes de VàDA et à uniformiser les contraintes réglementaires incombant à ces différents services.
104. En ce qui concerne les marchés de l’acquisition de droits de diffusion d’autres programmes audiovisuels, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la pertinence d’une segmentation en fonction de l’origine EOF des contenus. Enfin, il n’y a pas lieu non plus de se prononcer sur la délimitation exacte du marché de l’acquisition des droits de diffusion de séries américaines récentes dans le cadre de la présente décision. En revanche, l’Autorité considère que la distinction en fonction du mode de diffusion, linéaire ou non-linéaire, est obsolète.
105. La partie notifiante allègue que la dimension serait supranationale, compte tenu en particulier de l’existence de stratégies d’acquisition de droits de diffusion multi-territoires de la part des plateformes VàDA.
106. La pratique décisionnelle considère que l’ensemble des marchés de l’acquisition de droits de diffusion de contenus audiovisuels sont de dimension nationale, dans la mesure où ces droits sont acquis uniquement pour le territoire national ou, tout au plus, pour une même zone linguistique85.
107. À cet égard, il ressort de ce qui a déjà été exposé supra (voir à cet égard les paragraphes 14 et suivants supra) que les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles sont particulièrement encadrés par une réglementation de portée nationale, compte tenu notamment de la réglementation française qui est spécifique. En outre, les diffuseurs sont incités financièrement, en vertu du cadre réglementaire applicable, à ne pas acquérir des droits sur une base monde. À titre d’illustration, une importante plateforme de VàDA indiquait ainsi au cours de l’instruction que selon le « décret SMAD, il est prévu une décote dès lors que [notre plateforme] acquiert les droits monde d’un film récent, ce qui est une forte désincitation à prendre de tels droits. C’est donc possible en théorie mais cela n’est pas rationnel d’un point de vue économique ».
108. En conséquence, l’analyse sera menée au niveau national.
B. LES MARCHES INTERMEDIAIRES DE L’EDITION ET DE LA COMMERCIALISATION DE CHAINES DE TELEVISION ET DE SERVICES DE VIDEO A LA DEMANDE
109. En aval des marchés d’acquisition de droits de diffusion, les opérateurs éditent les chaînes qu’ils constituent à partir des programmes produits en interne ou acquis sur le marché amont des droits de diffusion qu’ils mettent ensuite à disposition des distributeurs qui composent les offres de télévision. Ces chaînes s’accompagnent aujourd’hui de services et fonctionnalités associés, notamment la télévision de rattrapage, dont le périmètre varie selon les chaînes et les contenus concernés. Ces services et fonctionnalités associés sont commercialisés par les éditeurs concomitamment à leurs flux linéaires. Les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision intègrent donc, dans leur périmètre, les chaînes et leurs services et fonctionnalités associés.
110. Selon le modèle économique des chaînes concernées, ces opérateurs sont rémunérés par les ressources publicitaires, les redevances versées par les distributeurs ou les abonnements.
111. En l’espèce, les parties sont présentes sur les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision, la partie notifiante ayant notamment, du côté de l’offre, une activité d’édition de chaînes de télévision payantes, gratuites, un service de VàD (Canal VOD) et de VàDA (Canal+ Séries). Du côté de la demande, GCP exerce une activité d’agrégation d’offres de télévision et de services de VàDA de tiers à titre non exclusif tels que Netflix, OCS, Disney+ ou Apple TV+. La cible est présente sur ces marchés uniquement du côté de l’offre, OCS éditant en particulier trois chaînes de télévision payantes, axées sur des contenus cinéma et séries, et un service de VàDA « OCS ».
Sur la distinction entre les chaînes payantes et gratuites
112. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence opère une distinction entre les chaînes payantes et leurs services et fonctionnalités associés, et les chaînes en clair et leurs services et fonctionnalités associés86.
113. La partie notifiante ne remet pas en cause la pratique décisionnelle, même si elle souligne que les offres de télévision gratuites exercent une pression concurrentielle croissante sur les offres de télévision payantes des parties. Par ailleurs, la majorité des opérateurs interrogés lors des tests de marché confirme la pertinence de la distinction entre les chaînes payantes et gratuites sur le marché intermédiaire.
114. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente décision. Sur la distinction en fonction de la technologie
115. La pratique décisionnelle considère également qu’il n’est pas pertinent de distinguer différents marchés en fonction des réseaux de communications électroniques (ADSL, fibre, câble, satellite, TNT) permettant l’acheminement du signal. Il n’y a pas lieu de remettre en cause l’absence de segmentation en fonction des réseaux de communications électroniques à l’occasion de la présente décision.
116. L’Autorité s’est également interrogée sur l’existence des marchés distincts de l’édition et de la commercialisation de chaînes à destination des réseaux mobiles d’une part et fibrés d’autre part87.
117. GCP considère qu’une telle segmentation n’est pas pertinente car il n’édite aucune chaîne ou service destiné à n’être diffusé que sur terminaux mobiles et ne propose aucune offre, en tant que distributeur de chaînes et services, destinée à un marché dédié des terminaux mobiles.
118. En tout état de cause, au regard des activités des parties et notamment celles de GCP, la question peut être laissée ouverte. Sur la segmentation entre linéaire et non-linéaire
119. La pratique décisionnelle opère une distinction entre les services de télévision linéaires et non-linéaires, tout en précisant que l’édition de service de télévision de rattrapage associé à une chaîne ne constitue pas, en soi, un marché distinct88. Dans l’avis n° 19-A-04 du 21 février 2019 relatif à une demande d’avis de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale dans le secteur de l’audiovisuel, l’Autorité avait néanmoins constaté que les opérateurs de la télévision payante faisaient face à la pression concurrentielle croissante des offres proposées par les services de VàDA89.
120. Selon la partie notifiante, la distinction opérée par la pratique décisionnelle entre le linéaire et le non-linéaire n’a plus lieu d’être.
121. En premier lieu, elle indique que, du point de vue de l’offre, les chaînes de télévision payantes (notamment celles des parties) éditent des services de VàDA tandis que certains services de VàDA proposent des chaînes linéaires en propre ou de tiers sur leur plateforme. Ces opérateurs proposent des offres différenciées de contenus en fonction des préférences des consommateurs, en choisissant les services qui leur sont accessibles, comme peuvent le faire les éditeurs de chaînes payantes linéaires90.
122. En second lieu, elle indique que du point de vue de la demande, les services de VàDA commercialisent leurs services directement auprès des consommateurs mais également auprès de distributeurs tels que les fournisseurs d’accès à internet (« FAI »), comme le font les chaînes linéaires, alors qu’ils étaient initialement largement auto-distribués. Les distributeurs intègrent ces services de VàDA, au même titre que les chaînes linéaires pour constituer leurs bouquets. Ces services de VàDA sont donc en concurrence avec les chaînes linéaires payantes pour la distribution de leurs contenus par des intermédiaires. Ainsi, les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation d’offres payantes devraient inclure les services proposés par les plateformes de VàDA qui présentent une forte substituabilité du point de vue de l’offre et de la demande avec les services de télévision linéaires.
123. Les résultats de l’instruction confirment que la distinction entre télévision payante linéaire et non linéaire sur les marchés intermédiaires n’est plus justifiée.
124. À cet égard, les services d’instruction relèvent le mouvement de convergence entre le linéaire et le non-linéaire précédemment décrit. L’existence de ce mouvement est largement soulignée par l’ensemble des opérateurs du marché, qu’il s’agisse d’opérateurs de télévision linéaire ou d’opérateurs de VàDA91. Ainsi, les chaînes de télévision payante linéaires proposent désormais également des services non-linéaires et, de la même manière, certaines plateformes non-linéaires proposent parmi leurs services l’accès à des contenus diffusés en linéaire. Concernant les chaînes de télévision payante linéaires, les parties à l’opération disposent de plateformes avec du contenu en accès délinéarisé, à la demande par abonnement. C’est notamment le cas des parties elles-mêmes, GCP proposant depuis 2019 un service VàDA (CANAL+ Séries) incluant l’offre diversifiée et premium des contenus séries de Canal+. De son côté OCS propose des services audiovisuels à la demande sous la marque OCS.
125. Ce constat est très largement corroboré par les réponses aux tests de marché menés dans le cadre de la présente instruction, puisque les opérateurs actifs sur ce marché ayant répondu considèrent dans leur grande majorité qu’une telle distinction n’est, à ce jour, plus justifiée. Des éditeurs indiquent à titre d’exemple qu’il existe une « concurrence frontale entre les services de VàDA (…) sur les opérateurs linéaires » et que « les acteurs linéaires et non linéaires sont en concurrence, car ils veulent offrir les mêmes produits aux mêmes consommateurs ».
126. L’absence de distinction est également confirmée du côté de la demande, et il ressort des réponses au test de marché que les distributeurs arbitrent entre les chaînes linéaires payantes et les services non-linéaires payants lorsqu’ils constituent leurs offres à destination des consommateurs.
127. Ainsi, il ressort de l’instruction que, pour les besoins de la présente espèce, il convient de ne plus de distinguer les chaînes payantes linéaires et les services payants non-linéaires. Sur les chaînes payantes premium et thématiques Rappel de la pratique décisionnelle
128. En matière d’édition et de commercialisation de chaînes de télévision payante, la pratique décisionnelle considère qu’il n’est pas pertinent de distinguer différents marchés en fonction des plateformes de distribution92. La pratique décisionnelle retient en revanche une segmentation des marchés intermédiaires en fonction des thématiques des chaînes, considérant que les chaînes cinéma, sport, jeunesse et information constituent autant de marchés pertinents (les autres thématiques sont regroupées ensemble dans un marché distinct). En effet, la pratique décisionnelle a relevé que certaines chaînes disposent d’un contenu spécifique et facilement identifiable qui permet de les distinguer des autres chaînes et surtout ces thématiques, considérées isolément, jouissent d’une attractivité particulièrement importante vis-à-vis des téléspectateurs93.
129. La pratique décisionnelle de l’Autorité a également envisagé un marché distinct des chaînes premium mixtes proposant une offre à la fois sur des contenus cinématographiques et sportifs. La Commission européenne a déterminé que les contenus premium sont constitués des événements sportifs d’importance majeure ainsi que des films produits par les studios américains94. Selon la pratique décisionnelle nationale, ces chaînes premium constituent le principal moteur d’abonnement aux offres payantes les plus valorisables et sont jugées indispensables pour tout distributeur souhaitant proposer un bouquet attractif. Leurs contenus ont une attractivité particulièrement forte car ils sont en grande majorité de « première diffusion » et en exclusivité. De plus, leur coût de constitution important les distingue également des autres chaînes95.
130. Parmi les chaînes thématiques, la pratique décisionnelle, tant nationale qu’européenne, distingue également les chaînes premium mono-contenu96. Ainsi, dans la décision n° 12-DCC-100, l’Autorité a relevé l’existence de chaînes spécialisées dans une thématique particulière dans laquelle elles diffusent des contenus qualifiés de premium. Il s’agissait notamment des chaînes OCS pour le cinéma97 et des chaînes BeIN Sport 1 et BeIN sport 2 pour le sport. À l’occasion de cette décision, l’Autorité avait noté que ces chaînes échappaient aux segmentations adoptées par la pratique décisionnelle qui distingue les chaînes premium et les chaînes thématiques98. Elle a donc envisagé, tout en le laissant ouvert, un marché des chaînes premium mono-contenu distinct, en considérant que ces chaînes exerçaient une pression concurrentielle partielle sur les offres premium de GCP99, en relevant que « les chaînes OCS sont plus attractives que Ciné+ et moins attractives que Canal+ »100.
131. Enfin, s’agissant des séries, l’Autorité101 s’est interrogée dans la décision n° 12-DCC-100 sur le périmètre du marché intermédiaire s’agissant des chaînes premium, notamment sur la possibilité d’identifier des séries premium. Sur la base des réponses aux tests de marché réalisés dans le cadre de cette précédente notification, ces potentielles séries premium concernaient en particulier des séries américaines proposées en « première fenêtre » en France ou en quasi-simultané avec la diffusion aux États-Unis (telles que « House of Cards » ou « Game of Thrones »), ou des créations originales de Canal+. L’Autorité avait finalement laissé ouverte la question du caractère premium de certaines séries, dans la mesure où « les chaînes diffusant des séries susceptibles d’être considérées comme premium sont également les chaînes diffusant des contenus cinématographiques premium »102.
132. En l’espèce la partie notifiante soutient qu’il convient de remettre en cause certaines de ces délimitations de marché. Position de GCP et analyse des services d’instruction
133. En premier lieu, la partie notifiante indique que les chaînes d’OCS ont perdu une partie importante des contenus qui fondaient leur caractère premium, et que « la perte d’attractivité significative d’OCS et la trajectoire en déclin de ses investissements dans des films EOF conduisent à remettre en cause dans une large mesure le caractère premium des chaînes d’OCS ».
134. À cet égard, les services d’instruction relèvent que l’attractivité des chaînes d’OCS telle qu’analysée par l’Autorité dans ses précédents, et donc leur caractère premium qui justifiait d’envisager l’existence de marchés propres aux thématiques cinéma et séries, était directement liée à la signature avec le studio Sony en 2013 d’un contrat-cadre (« output deal ») courant jusqu’à 2021 et d’un partenariat de diffusion avec HBO en 2017, faisant d’OCS l’unique diffuseur de ses programmes en France103. Le fait qu’OCS puisse proposer de tels contenus, incluant des films et des séries, avait conduit les services d’instruction à conclure que cet opérateur disposait de contenus premium mono-contenu sur le cinéma.
135. Or il ressort de l’instruction qu’OCS a vu son investissement dans le cinéma récent diminuer et ses contrats de diffusion de films américains et de séries prendre fin, ce qui conduit à s’interroger sur la qualification de ces chaînes comme chaînes premium mono-contenu. En effet, le package deal conclu par OCS avec Sony, portant sur 6 à 10 films américains par an, a expiré à la fin de l’année 2022 et n’a pas été renouvelé. Concernant les préachats de films EOF récents, si OCS constitue une possibilité de guichet alternatif à GCP, le montant des investissements dans ces oeuvres cinématographiques récentes a également diminué (voir supra). En ce qui concerne les séries, le contrat entre OCS et HBO, conclu en 2008, est arrivé à échéance le 31 décembre 2022, entraînant dès l’année 2023 la perte de [70-80 ] % de l’ensemble des séries américaines qui étaient jusque-là disponibles sur la plateforme d’OCS (« Game of Thrones », « Les Soprano », « True Blood »)104. Le reste du catalogue d’HBO, encore présent sur OCS en 2023, n’est plus disponible chez OCS à partir de 2024. En outre, OCS diffuse, mais de manière beaucoup plus marginale, des séries américaines d’autres studios (AMC par exemple), sans que celles-ci ne puissent être considérées comme bénéficiant, de manière générale, du même degré d’attractivité que les séries de HBO.
136. Dès lors, même si les résultats de l’instruction menée dans le cadre de la présente opération indiquent que de nombreux opérateurs identifient encore OCS comme un opérateur proposant des contenus premium, notamment en raison de sa position dans la chronologie des médias, les services d’instruction relèvent que son positionnement premium s’est significativement affaibli. Les chaînes d’OCS ne disposent désormais que d’un nombre limité de contenus de première diffusion et exclusives, à savoir certains films EOF récents ainsi que certaines séries américaines récentes et ses séries originales. À cet égard, les services d’instruction notent que plusieurs distributeurs estiment que les concurrents d’OCS sont Ciné+ et les plateformes de VàDA mais pas Canal+, ce qui est significatif d’une pression concurrentielle d’OCS amoindrie vis-à-vis de Canal+.
137. Ainsi, il apparaît qu’OCS ne propose plus de contenus premium constitués de cinéma américain et de séries américaines avec la fin de ses contrats avec Sony et avec HBO et que cette situation devrait perdurer en 2024. En outre, le montant des préachats de films EOF récents d’OCS connaît une diminution significative qui ne devrait pas s’inverser dans un avenir proche. Au regard de ces éléments, il peut être considéré en l’espèce qu’OCS n’est plus un opérateur disposant de chaînes premium mono-contenu.
138. En deuxième lieu, la partie notifiante estime que la thématique « cinéma » identifiée par la pratique décisionnelle, composée des films de seconde fenêtre ou de catalogue105, devrait être étendue aux séries car, du point de vue de l’offre et de la demande, cinéma et série représenteraient une seule et même catégorie. Plus précisément, les opérateurs de VàDA, concurrents des parties, commercialiseraient de manière indissociable les deux types de contenus à l’attention des distributeurs.
139. Selon les résultats des tests de marché, si certains éditeurs estiment qu’à ce jour il n’est plus pertinent de faire une distinction selon une thématique, la majorité indique que les thématiques identifiées par la pratique décisionnelle conservent leur pertinence. Certains éditeurs estiment qu’il conviendrait de distinguer une thématique propre aux séries ou s’interrogeant en particulier sur la pertinence d’associer la thématique séries à celle du cinéma, car les deux thématiques, sans être substituables, peuvent être regroupées.
140. Il ressort également de l’instruction que les séries sont des contenus moteurs de l’abonnement, comme le confirment les réponses des opérateurs aux tests de marché : ceux-ci mettent en avant l’augmentation des contenus disponibles, en particulier les séries, avec le développement des plateformes de VàDA. Un distributeur indique ainsi que « [l]es offres à destination des consommateurs se sont considérablement enrichies (le meilleur exemple est celui des séries) avec l’arrivée des plateformes de VàDA ». L’Arcom notait dans un avis récent que les séries représentants plus de 75 % du temps de consommation global de la VàDA106. Ces éléments tendent à indiquer que les distributeurs ne peuvent constituer un bouquet attractif sans proposer des séries.
141. L’attractivité des séries est appuyée par une étude interne d’OCS de 2021, selon laquelle la présence de séries seules (sans considérer le cinéma) représente une motivation d’abonnement très importante des abonnés à OCS en OTT107. Plus généralement, cette étude indique que la principale motivation d’abonnements à OCS, quel que soit son mode d’accès aux chaînes (via un abonnement à Orange, à Canal+ ou en OTT) résulte de la présence cumulée de cinéma et de séries108. Par ailleurs, sur les contenus de cinéma, plusieurs plateformes sont détenues par des studios américains (intégration verticale), lesquels proposent des films américains de leur production sur leurs plateformes, outre des séries (Paramount dispose de la plateforme Paramount+ et Warner a lancé un service de VàDA « Max », fusion de HBO Max et Discovery+, qui devrait arriver prochainement en France). Ainsi, ces opérateurs proposent à la fois des séries et du cinéma, tout comme les parties à l’opération.
142. Ainsi, les services d’instruction relèvent que les séries connaissent une attractivité importante, comparable au cinéma pour de nombreux spectateurs.
143. En troisième lieu, en ce qui concerne une éventuelle thématique distincte relative aux séries premium envisagée dans la pratique décisionnelle, l’Autorité avait constaté qu’au sein du catalogue HBO certaines séries avaient été qualifiées de premium par des opérateurs109. Il ressort également de l’instruction que plusieurs opérateurs estiment que des éditeurs disposent de séries pouvant être qualifiées de premium, notamment les services de VàDA ou encore GCP. Les réponses portant sur le caractère premium des séries diffusées par OCS sont plus nuancées. Si certains relèvent que certaines séries diffusées par OCS conservent un caractère premium, d’autres soulignent la perte d’attractivité avec la fin du contrat entre OCS et HBO. Par exemple, un distributeur précise que parmi les éditeurs qui commercialisent les séries « premium » se trouvent : « [l]e Groupe Canal+, Amazon Prime Video, Disney+, Netflix et OCS, avant la perte du catalogue HBO »
144. En l’espèce, les services d’instruction considèrent qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’existence de séries premium pour les besoins de la présente analyse.
145. Dans la mesure où les services de VàDA exercent bien une pression concurrentielle sur les thématiques cinéma et séries des parties, la question de l’existence d’un marché regroupant les thématiques cinéma et séries, ou les deux thématiques séparées, ou encore de l’existence d’une segmentation spécifique aux séries premium, peut être laissée ouverte, dans la mesure où l’analyse concurrentielle demeure inchangée quelle que soit la segmentation retenue au cas d’espèce.
146. Concernant la définition géographique, la pratique décisionnelle considère que ces marchés intermédiaires doivent être appréhendés de façon différente pour le territoire métropolitain et les DROM, en raison de conditions de concurrence spécifiques qui peuvent être relevées dans les DROM, du point de vue des distributeurs, avec une distinction supplémentaire entre l’Océan Indien et les Antilles110.
147. La partie notifiante partage l’analyse de l’Autorité quant à la définition des marchés géographiques, tout comme la majorité des opérateurs interrogés à l’occasion de tests de marché.
148. Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente décision.
149. En conclusion, un marché de l’édition et de la commercialisation de chaînes et de services audiovisuels relatif au cinéma et aux séries sera retenu pour l’analyse concurrentielle, s’agissant du territoire métropolitain. S’agissant des marchés de l’Océan indien et des Antilles, la même définition de marché sera retenue au cas d’espèce.
C. LES MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION DE SERVICES DE DIFFUSION
150. GCP est présent sur ce marché et distribue ses offres par le biais d’abonnements spécifiques sur l’ensemble des plateformes de distribution (TNT, satellite, ADSL, fibre, câble, OTT), sur mobile et sur Internet. En plus de la France métropolitaine, il est présent dans les DROM via sa filiale C+I.
151. OCS distribue une offre unique composée de ses trois chaînes, un service de replay, et des contenus non-linéaires en OTT à destination des particuliers en France métropolitaine et n’est présent dans les DROM que par l’intermédiaires de distributeurs.
152. En aval, la pratique décisionnelle a constaté une différence entre la télévision gratuite et la télévision payante, compte tenu du mode de financement différent de ces deux types de services. Alors que la télévision payante établit une relation commerciale entre le distributeur de télévision et le téléspectateur, la télévision gratuite n’établit une telle relation qu’entre l’éditeur de services de télévision et les annonceurs publicitaires111. Ces deux offres ne sont donc pas substituables aux yeux des consommateurs. Selon la pratique décisionnelle, il n’existe donc pas de marché aval de la distribution de services de télévision en clair, à la différence des services de télévision payante.
153. L’Autorité a identifié un marché de la distribution de services de télévision payante à destination des professionnels, distinct des services de télévision payante à destination des particuliers. En l’espèce les parties ne sont pas présentes sur la distribution de services de télévision payante à destination des professionnels.
154. La pratique décisionnelle considère en outre qu’il n’est pas pertinent de segmenter le marché de la distribution de la télévision payante en fonction de la plateforme de distribution des chaînes (satellite, câble, ADSL, fibre)112. En l’espèce, GCP ne remet pas en cause cette absence de segmentation.
155. L’Autorité a identifié un marché de la distribution de services de télévision payante sur terminaux mobiles distinct113. Dans une précédente décision, l’Autorité avait cependant noté que cette distinction n’était pas pertinente car il n’existait pas d’offre de télévision payante spécifique à ces terminaux et que la réception sur terminaux mobiles correspond à la logique des offres « multi-écrans » des opérateurs114. En l’espèce, GCP estime que cette segmentation n’est plus pertinente car les contenus visionnés sur les terminaux mobiles sont désormais identiques à ceux proposés sur le téléviseur et, par ailleurs, il n’existe plus d’offres de télévision payante spécifiques aux terminaux mobiles.
156. L’Autorité a également distingué les offres de télévision payante selon le niveau de service (premier ou second niveau). Les offres de premier niveau de services, sont disponibles sans coût supplémentaire pour les abonnés ayant souscrit un abonnement « triple play » ou « quadruple play » auprès d’un fournisseur d’accès à internet (« FAI »). Les offres de second niveau sont disponibles en contrepartie du paiement d’un abonnement supplémentaire pour les abonnés qui souhaitent profiter de chaînes ou de bouquets spécifiques115.
157. Dans ses décisions antérieures, l’Autorité a considéré que seules les offres de second niveau des FAI étaient de nature à exercer une pression concurrentielle sur les offres de GCP sur le marché aval. La définition précise du marché pertinent de la distribution de télévision payante a toutefois été laissée ouverte.
158. En l’espèce, selon le GCP, les offres de premier niveau des FAI doivent être incluses dans le marché aval, notamment en raison de la porosité entre les offres de premier et second niveau de service qui résulte de l’enrichissement des offres de premier niveau.
159. La pratique décisionnelle distingue également la distribution de services non linéaires de la distribution de services de télévision payante linéaire116. Si l’Autorité a constaté un mouvement de convergence croissante entre la distribution de télévision linéaire et non linéaire, elle n’a, à ce jour, pas remis en cause la distinction entre ces deux types de services de télévision117.
160. Au sein des services non linéaires, l’Autorité a, en outre, considéré qu’il était pertinent de distinguer la distribution de services de VàD de la distribution de services de VàDA. La partie notifiante ne remet pas en cause la distinction entre la distribution de services de VàD de la distribution de services de VàDA. En l’espèce si GCP édite des services de VàD payants à l’acte, ce n’est pas le cas d’OCS. Les parties éditent toutes les deux des services de VàDA en plus de leurs services linéaires.
161. En l’espèce, la partie notifiante estime en revanche, que les distinctions de la pratique ne sont plus pertinentes s’agissant du linéaire et du non-linéaire.
162. Dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle sont inchangées quelle que soit la délimitation retenue, la question du maintien ou non des différentes segmentations peut, en l’espèce, être laissée ouverte.
163. La pratique décisionnelle considère que les marchés de la distribution de services de télévision payante doivent être appréhendés de façon distincte concernant d’une part, la métropole et, d’autre part, les DROM en raison de la nécessité de s’adapter au contexte local et du coût d’acheminement de signaux118.
164. La partie notifiante partage l’analyse de l’Autorité quant à la définition des marchés géographiques, tout comme la majorité des opérateurs interrogés à l’occasion de tests de marché.
165. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente décision.
III. Analyse concurrentielle
166. Avant de procéder à l’analyse des effets concurrentiels de la présente opération, il convient tout d’abord d’analyser les incidences éventuelles sur l’analyse de l’argument de la partie notifiante relatif au fait qu’OCS disparaîtrait en l’absence d’opération (A). Seront ensuite analysés les effets horizontaux (B), les effets verticaux (C) et, enfin, les effets congloméraux (D) de l’opération.
A. SUR L’EVENTUALITE D’UNE FERMETURE D’OCS EN L’ABSENCE D’OPERATION
167. Selon la partie notifiante, les « pertes structurelles d’OCS depuis sa création auraient conduit à une fermeture d’OCS à court terme en l’absence de reprise par GCP »119. De telles affirmations sont susceptibles d’impliquer des conséquences majeures pour l’analyse de l’opération à deux niveaux. Le premier niveau (pré-analyse concurrentielle) a trait à la détermination du scénario de référence, s’agissant de la situation économique d’OCS, à partir duquel doivent être appréciés les effets de l’opération, c’est-à-dire l’analyse du scénario contrefactuel pertinent. Le second niveau (post-analyse concurrentielle) pose la question d’une éventuelle remise en cause du lien de causalité entre une éventuelle dégradation concurrentielle et l’opération de concentration (analyse de l’argument tiré d’une exception de l’entreprise défaillante120).
168. La partie notifiante ne conteste pas le fait qu’au moment de la notification OCS était bien en situation d’activité sur les marchés et commercialisait ses offres121. En revanche, elle affirme à la fois que « la situation antérieure à l’[opération] n’est pas dénuée de pertinence pour présumer des effets probables de l’[opération], en ce sens qu’elle permet d’analyser la trajectoire d’OCS depuis quelques années jusqu’à aujourd’hui ainsi que sa capacité à animer la concurrence » et que, de manière réitérée, « l’alternative à l’opération est la fermeture d’OCS » et qu’« il ne fait pas de doute qu’Orange fermerait OCS car il ne souhaite plus financer cette activité qui n’a pas réussi à trouver son modèle économique »122. La partie notifiante a produit principalement au soutien de son affirmation un procès-verbal du conseil d’administration du vendeur, Orange, dans lequel un scénario alternatif de fermeture d’OCS est évoqué en l’absence de vente à GCP123. Interrogée spécifiquement sur le point de savoir pourquoi elle n’envisage pas plutôt une simple vente à un tiers comme alternative à l’opération, la partie notifiante s’est bornée à rappeler le contexte qu’elle juge dégradé et à affirmer que « le constat selon lequel en l’absence d’Opération OCS sera fermé ne repose pas sur une prévision ou extrapolation de GCP mais sur les déclarations d’Orange »124.
169. La partie notifiante soutient en outre, en substance, que les trois critères d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante seraient satisfaits en l’espèce. En particulier, les difficultés d’OCS seraient telles que cette société disparaîtrait rapidement du marché en l’absence d’opération dès lors qu’OCS ferait face à des difficultés financières insurmontables qui, en l’absence de reprise par GCP, entraîneraient sa disparition rapide. S’agissant d’OS, la dégradation de sa situation, son appartenance à l’activité « contenus » d’Orange, au même titre qu’OCS, et son lien indissociable avec OCS lui rendrait également applicable le premier critère relatif à la disparition rapide. Elle affirme encore que les deux autres critères d’applicabilité seraient également remplis dès lors que, d’une part, il n’existerait pas d’offre alternative à l’offre déposée par GCP et que, d’autre part, la disparition des activités des cibles aurait un effet plus dommageable pour le consommateur que l’opération notifiée sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur de l’audiovisuel.
170. OCS étant l’une des sociétés cibles reprises dans le cadre de l’opération, l’argument relatif à son éventuelle disparition rapide a, en tout premier lieu, vocation à n’être analysé que dans le cadre de l’analyse relative à l’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante. En effet, cette analyse permet à l’Autorité de déterminer si elle peut envisager d’autoriser l’opération, dans le cas particulier de la reprise par un concurrent d’une entreprise qui disparaîtrait à brève échéance si l’opération n’était pas réalisée, même si elle porte atteinte à la concurrence125. Ce n’est qu’en second lieu, en l’absence d’applicabilité d’une telle exception, que l’Autorité pourrait prendre en compte au titre du scénario contrefactuel servant de base à l’analyse des effets concurrentiels de l’opération les évolutions envisageables résultant des éventuelles difficultés financières d’OCS qui seraient de nature à modifier sa situation de son activité économique par rapport à la situation antérieure au contrôle, à la condition que celles-ci présentent un degré de certitude suffisant126. Analyse en tant qu’argument tiré d’une exception de l’entreprise défaillante
171. Dans des cas exceptionnels, une opération qui porte atteinte à la concurrence et dont la contribution au progrès économique n’est pas suffisante pour compenser cette atteinte, peut tout de même être autorisée sans condition si l’exception dite « de l’entreprise défaillante » est retenue127.
172. En droit français, les conditions dans lesquelles l’exception de l’entreprise défaillante peut trouver à s’appliquer ont été précisées par le Conseil d’État dans sa décision du 6 février 2004 relative à la concentration Seb/Moulinex128, aux termes de laquelle : « s'agissant de la reprise, par un concurrent, d'une société en difficulté, [l’autorité nationale en charge du contrôle des concentrations] doit autoriser l'opération sans l'assortir de prescriptions lorsqu'il apparaît au terme de ce bilan que les effets de cette opération sur la concurrence ne seraient pas plus défavorables que ceux qui résulteraient de la disparition de l'entreprise en difficulté. »
173. Au cas présent, la partie notifiante considère que l’exception de l’entreprise défaillante devrait s’appliquer, de sorte que l’opération projetée devrait être autorisée sans condition.
174. Après avoir rappelé quelles sont les règles encadrant l’appréciation de cette exception par l’Autorité, l’Autorité appréciera leur application au cas d’espèce, après avoir exposé les arguments de la partie notifiante. Rappel des règles encadrant l’appréciation de l’exception de l’entreprise défaillante
175. Les règles encadrant l’appréciation de l’exception de l’entreprise défaillante par l’Autorité, dont en particulier ses trois critères cumulatifs d’applicabilité129, ont été présentés dans le détail dans la pratique décisionnelle nationale récente130. En outre, la charge de la preuve de ces trois conditions cumulatives repose sur la partie notifiante131 et, par ailleurs, la réunion de ces trois conditions est appréciée strictement132.
176. Par ailleurs, il peut encore être précisé que, compte tenu de ces caractéristiques, de tels arguments sont en règle générale analysés dans le cadre dans le cadre d’examens approfondis, dans les conditions prévues à l'article L. 430-6 du code de commerce, où « l'Autorité de la concurrence examine si [l’opération de concentration] est de nature à porter atteinte à la concurrence » dans le cadre d’une procédure contradictoire.
177. Au cas présent, l’examen de la présente opération s’est réalisé dans les conditions prévues à l’article L. 430-5 du code de commerce (cadre dit de « phase 1 »), aux termes duquel l’Autorité peut notamment « engager un examen approfondi » si elle « estime qu'il subsiste un doute sérieux d'atteinte à la concurrence ». L’aboutissement d’un tel examen ne consiste donc pas tant à caractériser une atteinte éventuelle à la concurrence, mais bien à déterminer si à son terme il subsiste de simples « doutes sérieux » quant à l’éventualité de la survenance d’une telle atteinte. Dans cette mesure le standard d’analyse d’un examen mené dans le cadre de l’article L. 430-5 susvisé apparaît relativement plus élevé que celui de l’article L. 430-6 susvisé.
178. La partie notifiante a cependant confirmé au cours de l’instruction dite de « phase 1 » se prévaloir d’un argument tiré d’une exception de l’entreprise défaillante et a produit un argumentaire allant en ce sens133. Analyse de l’Autorité
179. Compte tenu de ce qui a été énoncé aux paragraphes 176 et 177 ci-dessus, l’analyse de cet argument ayant été menée dans le cadre d’un examen dans les conditions de l’article L. 430-5, c’est ce même standard d’analyse de la question de la subsistance de doutes sérieux qui a été appliqué.
180. À cet égard, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer au préalable sur la question des effets de l’opération, il convient d’écarter l’argument en l’espèce. Il apparaît en effet, de façon manifeste, que les critères d’applicabilité d’une exception de l’entreprise défaillante ne sont pas réunis au cas présent.
181. En effet, la partie notifiante n’a pas démontré à suffisance que les trois critères d’applicabilité seraient satisfaits en l’espèce. À l’inverse, l’instruction a permis d’identifier des éléments, ressortant notamment du pacte d’associés d’OCS et de différents documents internes des parties à l’opération, qui tendent à l’inverse à indiquer que les trois critères cumulatifs d’applicabilité de l’exception de l’entreprise défaillante sont susceptibles de ne pas être satisfaits en l’espèce.
i. Sur le risque de disparition rapide des sociétés cibles en l’absence de l’opération (critère n° 1)
182. Le premier critère exige d’établir que la société en difficulté n’était pas en mesure de poursuivre son activité en l’absence de reprise par un tiers. Or, il convient de rappeler qu’OCS est réputée être une entreprise commune qui n’est pas de plein exercice (voir à cet égard le paragraphe 4 ci-dessus). Ainsi, même s’il est fait référence dans le cadre de la présente décision, par raccourci de langage, à la « situation économique d’OCS », celle-ci n’en reste pas moins une entité qui n’est pas fonctionnellement autonome. À proprement parler, l’activité économique concernée par la reprise dans le cadre de la présente opération est opérée par le groupe Orange (via OCS : voir à cet égard les paragraphes 4 et 7 ci-dessus). Or le groupe Orange n’est manifestement pas dans une situation de difficulté financière de nature à emporter un risque de disparition rapide de la société en l’absence de reprise. Un même constat peut être établi s’agissant d’OS, dont le capital est intégralement détenu par le groupe Orange.
183. En outre, en toute hypothèse, l’Autorité relève que la partie notifiante n’a aucunement démontré pourquoi OS ne serait pas en mesure de poursuivre son activité en l’absence de reprise par GCP. En outre, le scénario d’une fermeture à brève échéance d’OCS n’a pas été démontré par la partie notifiante à suffisance de moyens, à plusieurs titres.
184. Premièrement, l’Autorité relève que le seul constat d’une situation financière dégradée d’OCS n’est pas nécessairement pertinent au cas présent afin de déterminer dans quelle mesure OCS pourrait, ou non, continuer son activité en l’absence de reprise.
185. En effet, l’Autorité note que la société OCS n’est qu’une filiale, non fonctionnellement autonome, du groupe Orange sur laquelle, par ailleurs, GCP détient une participation minoritaire et exerce une influence déterminante (sur l’absence du caractère de plein exercice d’OCS : voir le paragraphe 4 ci-dessus). Dans ce contexte, il ne peut être exclu que la stratégie d’Orange et de GCP ait eu pour résultat de faire remonter la marge dégagée par OCS vers ses maisons mères pour rémunérer, par exemple, l’actionnariat ou la distribution. Or, une telle hypothèse ne peut pas être écartée en l’état des éléments figurant au dossier. Notamment, il en ressort qu’au vu de ses états financiers, la dégradation de la situation financière d’OCS semble en premier lieu se caractériser par un manque de recettes, ces dernières émanant en majeure partie de ses sociétés mères. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la partie notifiante a indiqué au cours de l’instruction que les « [confidentiel] », GCP distribuant OCS à hauteur de [70-80] % du parc total des abonnés d’OCS.
186. Deuxièmement, l’Autorité relève que les difficultés financières alléguées durent depuis plusieurs années134, sans qu’aucun élément notable particulièrement aggravant ne soit survenu dans l’année passée. Le seul élément nouveau semble être la décision stratégique du groupe Orange d’abandonner ses activités d’édition de télévision et service payants et de cinéma135.
187. Troisièmement, l’activité commerciale d’OCS semble, à ce jour, pérenne. Bien qu’OCS ait perdu son contrat d’approvisionnement avec la chaîne américaine HBO début 2023, selon les données les plus récentes transmises par la partie notifiante, OCS disposait encore d’un total de [2,5-3] millions d’abonnés en septembre 2023 (contre [2,5-3] millions d’abonnés un an plus tôt, en septembre 2022). OCS continue de commercialiser ses offres (trois chaînes de télévision payante et un service délinéarisé), bénéficie de nombreux contrats de distribution (GCP, FAI, OTT, etc.) et continue de sortir des contenus inédits et récents (film « les Trois Mousquetaires », séries « The Winter King » et « LT-21 », etc.). En d’autres termes, du point de vue du consommateur final représenté par le nombre d’abonnés, l’activité d’OCS ne semble pas particulièrement affectée par ses mauvais résultats financiers accumulés.
Figure 2 - Graphique montrant l'évolution du nombre d'abonnés OCS (les pics observés aux printemps 2019 et 2020 correspondant vraisemblablement à la diffusion de la dernière saison de la série « Game of Thrones » et au premier confinement, respectivement) (source : partie notifiante)
[confidentiel]
ii. Sur l’absence d’offre alternative moins dommageable (critère n° 2)
188. En ce qui concerne le deuxième critère de l’exception de l’entreprise défaillante qui vise à établir qu’aucune autre offre moins dommageable pour la concurrence ne permettrait d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise cible, sa démonstration requiert notamment d’établir que le processus de cession garantit une publicité suffisante, afin qu’il puisse être présumé que la totalité des offres alternatives pertinentes ont été effectivement identifiées136. En outre, pour être considérée comme une offre alternative crédible, une offre ne doit pas nécessairement avoir le même degré d’aboutissement que l’offre présentée par les parties137.
189. En l’espèce, il ressort des documents transmis par la partie notifiante que plusieurs autres entreprises que GCP ont fait part d’un intérêt, au moins potentiel, pour l’acquisition d’OCS (notamment [confidentiel]). Il ressort encore de documents internes d’Orange que certains d’entre eux sont susceptibles de ne pas avoir remis d’offre ferme soit parce qu’ils se sont heurtés au risque de non-reconduction du contrat de distribution d’OCS par GCP138 ([confidentiel])139, soit au calendrier du processus de vente ([confidentiel]). En outre, GCP bénéficie, en vertu du pacte d’associés d’OCS et indépendamment de l’opération, d’un droit de préemption et de droits lui conférant une influence déterminante sur la société OCS. À cet égard, il ressort de documents internes, du groupe Orange (« [s’agissant] des autres investisseurs qui ont présenté des marques d'intérêt, la Direction générale précise que l'équipe M&A travaille sur ce dossier depuis plus d’un an. Canal+ est coactionnaire d’OCS et dispose d’un droit de veto important sur les options. Ces investisseurs potentiels ont bien vu ce point »140) et d’OCS (« [M. L. Maillot, administrateur d’OCS,] indique enfin qu’il n’y a pas non plus de solution alternative de reprise de la Société puisque le Groupe Canal + a toujours exprimé son souhait d’exercer son droit de préemption au titre du pacte d’actionnaires et reste incontournable sur le marché de la distribution »141) qu’il ne peut pas être présumé, en l’espèce, que le processus de cession qui a été mené a permis d’identifier la totalité des offres alternatives pertinentes.
iii. Sur le caractère moins dommageable de l’opération par rapport à un scénario de disparition de l’activité cible (critère n° 3)
190. Le troisième critère, doit être examiné dans l’hypothèse où les deux premiers critères sont remplis. Il poursuit l’analyse du lien de causalité entre l’opération et la dégradation de la situation concurrentielle sur le marché en comparant les effets concurrentiels de l’opération notifiée et ceux des différents scénarios envisageables dans le cas où celle-ci n’aurait pas lieu. S’agissant des différents scénarios de dynamique spontanée devant être envisagés dans le cas où le projet d’opération n’aurait pas lieu, le Conseil d’État142 précise que des scénarios de reprise d’une partie des actifs de la société cible doivent être pris en compte. Il n’est considéré comme rempli que dans l’hypothèse où les scénarios alternatifs (par exemple rachats séparés d’actifs, etc.) auraient les mêmes effets pour la concurrence que l’opération notifiée. En l’espèce, l’argumentaire relatif à l’analyse du troisième critère qui a été produit par la partie notifiante143 était incomplet dans la mesure où il n’envisageait pas différents scénarios contrefactuels d’acquisitions séparées des différents actifs d’OCS (ni d’Orange Studio).
iv. Conclusion
191. En conséquence, compte tenu de l’existence des éléments susvisés, la partie notifiante n’a pas établi que les critères d’applicabilité d’une exception de l’entreprise défaillante seraient cumulativement satisfaits et, en tout état de cause, n’est pas parvenue à lever tout doute sérieux à cet égard. Cet argument doit ainsi être écarté.
Analyse en tant qu’argument du scénario de référence devant être retenu s’agissant de la situation d’OCS aux fins de l’analyse concurrentielle
192. En règle générale, l’analyse qui est menée par l’Autorité pour apprécier les effets d’une concentration est prospective. Elle tient compte de l’ensemble de données pertinentes et se fondant sur un scénario économique plausible. En effet, seule la situation antérieure à l’opération est observable et les effets probables de la concentration doivent être présumés.144 Lorsqu’elle détermine le scénario économique plausible qu’elle utilise pour apprécier les effets d’une opération de concentration, l’Autorité intègre dans son analyse les évolutions anticipées de la structure du marché, lorsque celles-ci revêtent un caractère suffisamment certain. Ainsi, lorsque les éléments disponibles attestent, de façon crédible, de l’entrée, du développement ou de la sortie d’un opérateur du marché, l’Autorité en tient compte dans son analyse concurrentielle. Son appréciation du scénario contrefactuel crédible prend notamment en compte les capacités financières de l’entreprise considérée ou sa présence sur des marchés proches.145
193. La partie notifiante remet en cause le fait que la situation qui est aujourd’hui observable puisse constituer un scénario de référence adéquat s’agissant de la situation économique d’OCS.
194. Comme elle l’a rappelé très récemment, l’Autorité, pour apprécier les effets sur la concurrence d’une opération de concentration, compare les conditions de concurrence qui résultent de la transaction avec celles qui auraient prévalu en l’absence de l’opération (« contrefactuel »). À cet égard, elle tient compte « des conditions de concurrence existant au moment de la concentration », mais aussi « des évolutions envisageables plausibles de ces conditions de concurrence »146, en présence d’évolutions anticipées de la structure du marché lorsque celles-ci revêtent un caractère certain. Au cas présent, le fait qu’OCS se trouvait en situation d’activité économique au moment de la notification n’est pas contesté par la partie notifiante. Dès lors il s’agit de déterminer quelle aurait été son évolution envisageable la plus plausible en l’absence d’opération.
195. Un tel examen revient, en l’espèce, à déterminer avec un degré de certitude suffisant dans quelle mesure, en l’absence d’opération, l’activité économique d’OCS disparaîtrait à brève échéance. Or, à cet égard, pour les raisons identiques à celles exposées aux paragraphes 183 et suivants ci-avant, il ne peut être exclu qu’Orange n’aurait pas continué d’opérer ses activités de télévision payante de cinéma via OCS en l’absence d’opération.
196. De plus, compte tenu notamment des éléments exposés aux paragraphes 188 et suivants ci-avant, la partie notifiante n’a pas démontré en quoi, en l’absence d’opération, le scénario économique alternatif le plus plausible ne serait pas plutôt une vente plutôt qu’une fermeture d’OCS. Le scénario d’une vente d’OCS à un autre acquéreur que GCP est notamment rendu plausible par le fait que plusieurs marques d’intérêt ont été manifestées dans le cadre du processus de cession. Interrogée spécifiquement sur ce point, la partie notifiante a notamment indiqué : « […] Orange a engagé fin 2020 un processus de vente OCS en incluant OS dans le périmètre de cession de façon à maximiser les marques d’intérêt et a contacté un large panel d’investisseurs potentiels. Au terme d’un long processus, seules deux marques d’intérêt ont été recueillies de la part de [confidentiel] et GCP. [confidentiel] a ensuite décidé de ne pas poursuivre le processus de sélection et n’a donc pas remis d’offre engageante […]. GCP, qui n’avait pas remis d’offre à l’issue du processus de due diligence, a finalement remis une offre, grâce notamment à l’action de la mandataire. Orange est entré en négociation exclusive avec GCP pour parvenir à la conclusion, le 6 janvier 2023, d’un protocole d’accord en vue de l’acquisition par GCP de la totalité des titres qu’Orange détient dans OCS et dans OS. Ainsi, il ne peut pas être considéré que GCP aurait « fait usage de son droit de préemption dans le cadre du processus de vente de la présente Opération ». Du point de vue d’Orange, il n’apparaît donc pas plus vraisemblable de considérer qu’OCS aurait été ou serait vendue à un tiers plutôt que fermée en l’absence de reprise par GCP »147. Cependant, comme déjà évoqué supra, il ressort de documents internes d’Orange que des tiers étaient intéressés et que ces derniers sont susceptibles de ne pas avoir remis d’offre ferme soit parce qu’ils se sont heurtés au risque de non-reconduction du contrat de distribution d’OCS par GCP ([confidentiel]), soit au calendrier du processus de vente ([confidentiel]). Il n’est ainsi pas démontré qu’en l’absence d’opération, le scénario économique le plus plausible ne soit pas une reprise d’OCS par un autre acquéreur que GCP et qu’elle continue ainsi d’opérer ses activités économiques sur les marchés.
197. Au vu de ce qui a déjà été exposé ci-avant, il y a donc lieu de considérer que le scénario de référence, s’agissant de la situation économique d’OCS, correspond à sa situation observable. En conséquence, pour analyser les effets de la présente opération sur les différents marchés concernés, il y a lieu de se référer à la situation dans laquelle OCS est effectivement économiquement active.
B. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
198. Il convient de remarquer d’emblée que les parties sont simultanément actives sur certains marchés amont pour lesquels l’opération n’est pas de nature à emporter d’effets en termes d’analyse concurrentielle. Ainsi, au vu de l’instruction menée et des éléments du dossier, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion suivants :
les marchés (côté offre) de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF récents pour une distribution en salle de cinéma et pour une distribution en vidéo à l’acte (VàD et vente physique) ;
l’éventuel marché de l’acquisition de droits de diffusion de films européens récents pour une diffusion en deuxième fenêtre payante ;
marchés de l’acquisition de droits de diffusion de programmes de stock, de fictions EOF et des séries américaines récentes ;
marchés de l’acquisition de droits de diffusion de films américains et européens de catalogue.
199. Seront par conséquent analysés ci-dessous les effets horizontaux de l’opération sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF récents, de films américains récents et de films EOF de catalogue. Les effets de l’opération seront également analysés en considération d’un éventuel marché de l’acquisition de droits de diffusion de films européens récents pour une diffusion en première fenêtre payante. Films EOF récents
200. Selon la partie notifiante, l’opération n’est pas susceptible de produire des effets horizontaux sur un hypothétique marché global de « l’acquisition de droits de diffusion de films EOF récents pour une diffusion en télévision payante/VàDA ». Elle souligne en particulier le fait qu’OCS ne serait pas une force concurrentielle importante et n’exercerait ainsi pas de pression concurrentielle significative sur GCP, ainsi que le fait que les plateformes de VàDA exercent une pression concurrentielle importante depuis l’entrée en vigueur le 1er juillet 2021 des obligations d’investissement leur incombant en vertu du décret SMAD du 22 juin 2021, cela en dépit de leur positionnement en deuxième fenêtre payante. Les ayants droit disposeraient quant à eux d’un contrepouvoir « certain » notamment car ils ne seraient pas « captifs » des parties à l’opération.
201. Au cas présent, compte tenu des raisons qui ont été exposées supra, l’analyse doit être menée à deux niveaux distincts, en considération respectivement de l’acquisition de droits pour une diffusion payante en première fenêtre, d’une part, et de l’acquisition de droits pour une diffusion payante en deuxième fenêtre, d’autre part. Droits de diffusion en première fenêtre payante
i. Parts de marché
202. Le marché de l’acquisition de droits de films EOF récents en première fenêtre de diffusion payante est un marché où la demande est strictement encadrée. En effet, compte tenu du cadre réglementaire applicable, seul un nombre limité de diffuseurs, à savoir ceux contribuant dans la mesure la plus significative à la production cinématographique EOF et ayant, le cas échéant, conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma, sont habilités à diffuser les films récents en première fenêtre payante (à savoir dès six mois ou neuf mois après la sortie en salle, pendant une durée exclusive de neuf à onze mois – voir à cet égard les paragraphes 14 et suivants ci-dessus).
203. Actuellement, seuls GCP et OCS, qui disposent tous deux d’accords avec les organisations professionnelles du cinéma, sont des diffuseurs de première fenêtre payante :
l’accord interprofessionnel conclu par GCP le 2 décembre 2021, qui est actuellement en vigueur, prévoit une contribution obligatoire de sa part à la production de films EOF et européens de 190 millions d’euros par an, répartis entre Canal+ (170 millions d’euros) et Ciné+ (20 millions d’euros), dont au moins 85 % doivent concerner des films EOF. La majeure partie de ces investissements doit encore être consacrée à des préachats de films EOF récents (72,25 % de la contribution totale pour Canal+, soit 122,8 millions d’euros, et 51 % de la contribution totale pour Ciné+, soit 10,2 millions d’euros) et une part minimale doit être réservée aux films dits « de la diversité »148 (à hauteur d’environ 14,45 % de la contribution totale pour Canal+ et d’environ 24,14 % de la contribution totale pour Ciné+) ;
s’agissant de l’accord interprofessionnel d’OCS en vigueur, celui-ci a été renégocié à la baisse le 9 février 2022. Il prévoit une contribution obligatoire à la production cinématographique européenne et EOF (réduite de moitié par rapport à son niveau antérieur) de 20 millions d’euros par an, dont 85 % doit être consacré à des films EOF et 75 % à la production indépendante. Là aussi la majeure partie de cette contribution doit être consacrée à des préachats (à hauteur de 72,25 % de la contribution totale, soit 14,45 millions d’euros) et une part minimale doit être fléchée vers des films « de la diversité »149 (à hauteur de 14,45 % de la contribution totale, soit près de 2,9 millions d’euros).
204. Ainsi à elles deux, les parties à l’opération représentent l’intégralité de la demande en droits pour une diffusion dans cette fenêtre. Au terme de l’opération, la nouvelle entité se retrouvera en position de monopsone, les parties à l’opération étant les deux seuls diffuseurs de première fenêtre payante en France.
205. Au vu des montants prévus par les accords, la part détenue par OCS sur le marché représente environ un dixième du marché total :
206. La partie notifiante a fourni des estimations de l’activité réelle des préachats de films EOF parties à l’opération au cours de l’année 2022 ([…] millions d’euros pour GCP et […] millions d’euros pour OCS) qui conduisent à des résultats légèrement différents, la part de marché d’OCS apparaissant plus faible de [0-5] points :
207. Ces mêmes estimations fournies par la partie notifiante indiquent par ailleurs que l’activité réelle en préachats de films EOF d’OCS s’est considérablement contractée en l’espace d’un an. En effet, au regard de l’année 2021, la valeur cumulée de ses achats représentait encore le triple et sa part de marché le double par rapport aux estimations pour 2022 :
208. Compte tenu de la faculté désormais existante pour les plateformes de VàDA de se positionner en première fenêtre payante, il convient de déterminer dans quelle mesure ces dernières peuvent représenter une source de concurrence potentielle sur le marché.
209. À cet égard, il ressort de l’instruction que plusieurs éléments conduisent à considérer comme peu plausible l’hypothèse d’une entrée, certaine et à court terme, de plateformes de VàDA sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre payante.
210. Tout d’abord, les modèles économiques des principales plateformes de VàDA reposent essentiellement sur la constitution d’offres de contenus non cinématographiques (en particulier des séries) et non-centrées sur une origine EOF car devant être susceptibles d’intéresser une audience globale (au-delà des seuls téléspectateurs français ou francophones).
211. Conformément au décret SMAD du 22 juin 2021, les plateformes doivent répartir leurs investissements de manière à ce que ni l'audiovisuel ni le cinéma ne représentent plus de 80 % de l'obligation. Or, comme cela a été constaté dans un rapport du Sénat récent (« Concrètement, et compte tenu de l'appétence pour les séries, l'investissement dans le cinéma se trouve de facto de 20 % de l'obligation, soit entre 4 % et 5 % de leur chiffre d'affaires »)150, les principales plateformes de VàDA font aujourd’hui le choix d’une offre centrée sur l’audiovisuel, au détriment des oeuvres cinématographiques.
212. À ce jour, Netflix est la seule plateforme de VàDA ayant conclu un accord (non premium)151 avec les représentants des professions du cinéma. Malgré le caractère singulier de sa démarche, celle-ci ne semble pas nécessairement indiquer une volonté de sa part de donner plus de poids au cinéma dans son modèle économique. En effet, la contribution cinématographique de Netflix demeure au niveau minimum fixé (4 % de son chiffre d’affaires). De plus, il est intéressant de constater que Netflix n’achète pas non plus de films récents américains, ce qui semble indiquer qu’elle n’envisage pas de constituer une offre complète et attractive en films récents (EOF et américains) à court terme.
213. D’autres plateformes telles que Disney+ et Paramount+, en dépit du fait qu’elles sont liées à des studios américains (majors), semblent quant à elles avoir développé un modèle économique en France n’impliquant pas de remonter dans la chronologie des médias. En effet, elles se contentent aujourd’hui de diffuser des films récents en deuxième fenêtre payante (17 mois après la sortie en salle), tandis que leurs maisons mères approvisionnent GCP en film américains récents dans le cadre d’accords-cadres. Ces plateformes sont par ailleurs distribuées par GCP (à l’instar de Netflix et d’AppleTV+).
214. Les éléments qui précèdent démontrent que ces opérateurs ne sont pas aujourd’hui incités à augmenter significativement leurs investissements dans le cinéma récent français, compte tenu de leur modèle économique qui reste largement tourné vers les oeuvres audiovisuelles telles que les séries ou les programmes unitaires (qui ne répondent pas à la définition réglementaire d’oeuvres cinématographiques).
215. Ensuite, l’Autorité considère que l’incitation des plateformes de VàDA à investir dans les préachats de films EOF récents en première fenêtre dans un avenir proche n’est pas démontrée. Le fait pour une plateforme de VàDA de remonter dans la chronologie des médias impliquerait d’importantes contraintes financières. En effet, non seulement cela nécessiterait de conclure un accord dit « premium » avec les organisations professionnelles du cinéma (c’est-à-dire de consentir à une augmentation substantielle de leur contribution à la production cinématographique européenne et EOF), mais elles verraient en sus le niveau global de leur niveau de contribution à la production européenne et EOF passer de 20 % à 25 % de leur chiffre d’affaires152.
216. Enfin, plusieurs opérateurs interrogés au cours de l’instruction ont en substance confirmé ne pas considérer les plateformes de VàDA comme une source de concurrence potentielle sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF récents en première fenêtre. Par exemple, une chaîne de télévision en clair a déclaré que les « SMAD n’ont pas d’intérêt économique à investir de manière importante dans le cinéma français. En France, ils ont investi plus qu’ailleurs dans le cinéma en raison des obligations réglementaires qui pèsent sur eux », tout en notant anticiper un « reflux des offres de VàDA dans les années à venir, avec la disparition probable de plusieurs opérateurs. […] Les seuls qui semblent avoir une situation financière solide sont Amazon et Apple, car ils s’appuient sur de grands groupes congloméraux ».
217. Interrogée au cours de l’instruction, une plateforme de VàDA a expressément confirmé n’avoir « ni pour objectif ni pour vocation d’investir dans des films EOF récents à un niveau tel qu’il le placerait en fenêtre de diffusion à six mois », notant en substance que cela ne serait ni en adéquation avec son modèle économique (axé sur l’audiovisuel), ni « rationnel d’un point de vue économique » compte tenu de l’augmentation du niveau global de ses contributions à la production européenne et EOF (qu’elle tient comme constitutive d’une « barrière rédhibitoire ») que cela induirait en sus.
218. Une organisation représentante des professionnels du cinéma notait encore, au sujet de Netflix en particulier, avoir « le sentiment que Netflix veut continuer à investir, mais pour le moment cela reste limité à leur obligation d’investissement ».
219. En conséquence, il apparaît qu’il n’existe pas d’alternative crédible à la nouvelle entité sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion payante en première fenêtre de films récents EOF.
iii. Les caractéristiques des fournisseurs
220. L’offre sur le marché est constituée de producteurs. Si certains d’entre eux sont adossés à des réseaux d’exploitation de salles de cinéma importants (UGC, Gaumont-Pathé, GCR), ils sont dans leur grande majorité des indépendants. Ainsi l’offre sur les marchés de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF se caractérise par son caractère atomisé et n’apparaît pas, en particulier, comme étant de nature à discipliner le comportement des acheteurs sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion en première fenêtre payante.
iv. Estimation du pouvoir disciplinant susceptible d’être exercé par les achats avec gel de fenêtre de Netflix sur la nouvelle entité
221. Comme cela a déjà été exposé plus haut, la demande exercée par Netflix, lorsqu’elle acquiert des droits de diffusion en deuxième fenêtre payante mais avec exclusivité de la première diffusion (pratique du gel de fenêtre), est considérée comme étant insuffisamment substituable avec la demande en droits de diffusion payante en première fenêtre constituée de GCP et OCS pour être intégrée à ce marché (voir les paragraphes 71 et suivants ci-dessus).
222. Il est néanmoins intéressant de déterminer, aux fins de l’analyse concurrentielle, dans quelle mesure la demande spécifique qui est représentée par le gel de fenêtre de Netflix pourrait représenter une alternative en cas de défaillance de la demande incarnée par les diffuseurs de première fenêtre payante sur le marché.
223. Par exemple : dans un scénario hypothétique où la nouvelle entité adopterait des stratégies anticoncurrentielles qui contraindraient une partie de l’offre à sortir du marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre payante, les ayants droits pourraient chercher à s’adresser alternativement à Netflix qui incarnerait ainsi, à travers sa pratique d’acquisition de films récents EOF en deuxième fenêtre payante avec gel de fenêtre, la demande relativement la plus proche, bien que hors marché.
224. À cet égard, Netflix est un diffuseur de deuxième fenêtre payante qui a également conclu un accord interprofessionnel dit « non-premium » lui permettant de diffuser des films récents dès 15 mois après leur sortie en salles. Cet accord du 22 février 2022 prévoit une contribution totale annuelle à la production cinématographique européenne et EOF correspondant à 4 % de son chiffre d’affaires annuel réalisé sur le territoire français (environ 40 millions d’euros en 2022), dont 85 % ou au minimum 30 millions d’euros doivent être consacrés à des films EOF. Une part substantielle de la contribution totale doit être consacrée à des préachats (au moins 60 % de la contribution annuelle totale, soit environ 24 millions d’euros en 2022).
225. Il convient de noter que Netflix n’acquiert pas de façon systématique les droits de diffusion des films récents EOF avec gel de fenêtre (voir, à cet égard, les paragraphes 84 et suivants ci-dessus).
226. Ainsi, la demande – déjà imparfaite – incarnée par Netflix, même à considérer qu’elle se ferait intégralement selon des modalités incluant le gel de fenêtre, ne permettrait de couvrir tout au plus qu’entre environ 16,27 % (selon la méthode 1 présentée infra) et 18,73 % (selon la méthode 2 présentée infra) du marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre.
227. En cela, ce constat converge avec celui qui a été effectué par une organisation professionnelle du cinéma, qui déclarait au cours de l’instruction que « Netflix n’investit que dans un nombre limité de films (une dizaine), donc il n’exerce pas une pression concurrentielle massive sur Canal+ (qui préfinance 120 films par an en moyenne) ».
228. Dès lors, même à considérer un scénario dans lequel l’offre de préachats de films EOF récents en première fenêtre payante s’adresserait à Netflix, ce dernier ne constituerait, en tout état de cause, qu’une alternative limitée à l’ensemble de la demande représentée par les parties à l’opération.
229. Il résulte de ce qui précède que la pression concurrentielle indirecte (force de rappel) qui est susceptible d’être exercée par Netflix sur la nouvelle entité apparaît comme étant relativement limitée.
v. Caractérisation des deux principaux effets de l’opération sur ce marché
230. L’opération a pour principale conséquence de conduire à la création d’un monopsone sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre payante.
231. Dès lors la nouvelle entité réunira l’intégralité de la demande émanant de la première fenêtre de diffusion payante en films EOF récents, cette fenêtre étant la source de financement la plus importante en comparaison avec les autres fenêtres prévues dans la chronologie des médias. Ainsi, il apparaît que les préachats liés à la première fenêtre de diffusion sont essentiels dans le montant total des préachats consentis par les opérateurs payants et gratuits (représentant entre 40 et 50 % de l’ensemble des préachats)153. Il ressort de l’instruction que pour les porteurs de projets de films EOF, les préfinancements pouvant être obtenus de la part des diffuseurs de première fenêtre payante sont relativement les plus importants, là où les préfinancements pouvant être obtenus par les exploitants et les diffuseurs positionnés sur les autres fenêtres de la chronologie des médias apparaissent comme étant relativement plus faibles et complémentaires. À cet égard, une organisation professionnelle du cinéma indiquait au cours de l’instruction qu’aujourd’hui « les vendeurs de droits s’adressent à Canal+, et quasiment toujours aux chaînes gratuites en même temps. Si Canal+ refuse le projet, ils s’adressent à OCS. Les vendeurs de droits peuvent faire parfois face au refus de Canal+, ou alors OCS peut intervenir pour financer le projet. ».
232. Le premier effet de ce monopsone concerne les conditions de vente. En règle générale, les structurations de la demande en monopsone ou en quasi-monopsone sur les marchés confèrent aux acheteurs un pouvoir de négociation très important pour exercer leur activité, les vendeurs pouvant de ce fait se retrouver à concéder des conditions (tarifaires, commerciales) avantageuses154.
233. Au cas présent, il convient de relever que l’effet apparaît néanmoins circonscrit dans son ampleur puisque, préalablement à l’opération, la structure de la concurrence était déjà celle d’un quasi-monopsone au profit de GCP155. Dès lors l’opération conduit à transformer une situation de quasi-monopsone en une situation de monopsone.
234. Le second effet concerne la diversité éditoriale. En effet, l’opération conduit à la disparition de l’unique guichet alternatif à GCP, auquel pouvaient auparavant s’adresser les producteurs porteurs de projets de films EOF et en quête de préfinancements de la part des diffuseurs de la première fenêtre payante. Dans cette mesure, préalablement à l’opération, OCS incarnait, du point de vue des producteurs de cinéma, l’unique guichet substituable à celui de GCP et l’opération conduira à sa disparition.
235. L’analyse qui sera développée ci-après vise donc à déterminer dans quelle mesure chacun de ces deux effets horizontaux majeurs de l’opération est de nature à emporter des risques d’atteinte à la concurrence.
vi. Sur les risques concernant les conditions d’achat pouvant découler de la constitution d’un monopsone sur le marché
236. Le fonctionnement des marchés de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF récents est atypique dans la mesure où ces marchés sont très majoritairement animés par des préachats, dans des proportions établies sur des bases pluriannuelles et publiques. En effet, les proportions des flux d’acquisitions correspondent aux différentes contributions obligatoires (à savoir les obligations réglementaires prévues par les décrets TNT et SMAD précités en particulier, d’une part, et les obligations conventionnelles souscrites dans le cadre des accords interprofessionnels de GCP, OCS et Netflix, d’autre part).
237. Dans cette mesure, la taille totale des marchés de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première et en deuxième fenêtres payantes est largement tributaire des montants négociés dans le cadre des accords interprofessionnels ainsi que des niveaux de contributions obligatoires, s’agissant des diffuseurs n’ayant pas conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma.
238. Il convient donc d’évaluer dans quelle mesure la constitution d’un monopsone sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre payante serait de nature à conduire à renforcer le pouvoir de négociation de GCP dans le cadre des négociations interprofessionnelles.
239. En l’espèce, il convient tout d’abord d’écarter le risque de réduction du niveau global du financement de la production cinématographique EOF, qui résulterait de la constitution du monopsone entraînant un renforcement du pouvoir de négociation de GCP dans le cadre interprofessionnel.
240. En effet, comme cela a déjà été exposé plus haut, OCS a diminué drastiquement ses investissements dans la filière cinématographique, les faisant passer de 40 à 20 millions par an à partir de 2022. En parallèle, les investissements globaux des plateformes de VàDA se sont considérablement accrus à la suite de l’entrée en vigueur du décret SMAD prévoyant une contribution obligatoire. Ainsi les plateformes de VàDA voient, malgré leurs faibles incitations, le montant de leurs préachats largement dépasser les investissements d’OCS. À titre d’illustration, à elle seule Netflix, en termes de poids dans le financement global de la production cinématographique EOF, représente désormais le double d’OCS. Il ne peut en outre être exclu que ces investissements de la part des plateformes de VàDA continuent à s’amplifier à l’avenir, à mesure de l’évolution du chiffre d’affaires français des services de VàDA et de l’entrée de nouveaux acteurs. Ils ne devraient, en tout état de cause, pas diminuer de manière significative compte tenu de la réglementation applicable.
241. Au vu de ce qui précède, l’importance d’OCS dans le financement global de la production cinématographique s’est donc considérablement réduite, en part absolue comme en part relative.
242. En outre, il apparaît encore que GCP est, avant l’opération, en position de quasi-monopsone sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre payante. GCP dispose ainsi d’ores-et-déjà d’un pouvoir de négociation important dans le contexte des négociations interprofessionnelles. À cet égard la partie notifiante faisait le même constat lorsqu’elle écrivait à l’Autorité, au sujet d’un éventuel risque de couplages, qu’ « avant l’Opération, GCP dispose déjà d’une position très significative sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF récents pour une diffusion en première fenêtre payante, lui conférant la capacité d’exercer l’effet de levier identifié par les [services d’instruction] » et que, dès lors, « […] [quel] que soit l’incrément lié à l’Opération, ce n’est pas celui-ci qui créerait ou renforcerait une position dominante susceptible de créer un doute sérieux d’atteinte à la concurrence sur le marché amont »156.
243. De façon concordante, la DGMIC a indiqué ne pas estimer que l’opération change substantiellement les équilibres dans le cadre de la négociation de la chronologie des médias à venir, dans la mesure où GCP est déjà le principal financeur du cinéma français. 157
244. Il en résulte que l’opération n’est pas de nature à emporter un risque sur le financement global de la production cinématographique EOF car, d’une part, l’importance relative d’OCS s’est réduite et, d’autre part, l’opération n’apparaît pas de nature à véritablement renforcer, d’un point de vue structurel, le pouvoir de négociation de GCP.
vii. Sur les risques pour la diversité éditoriale pouvant découler de la disparition de l’unique guichet de préfinancement des projets de films EOF substituable à celui de GCP
245. OCS représente aujourd’hui le seul guichet de financement alternatif à GCP pour la production cinématographique EOF. À cet égard, le fait que l’opération conduise à sa disparition et à placer GCP dans une situation de monopsone soulève des risques d’atteinte à la concurrence, en particulier pour ce qui concerne la qualité et la diversité de l’offre de préachats proposée par les parties.
246. En effet, l’offre en préfinancement de films EOF incarnée par OCS présente de fortes caractéristiques.
247. Tout d’abord, OCS constitue aujourd’hui un guichet doté de spécificités uniques du point de vue des producteurs et autres ayants droit. En particulier, OCS suit une ligne éditoriale spécifique, qui a souvent été décrite au cours de l’instruction comme étant attachée au préfinancement d’un certain type de films EOF (grandes comédies populaires, films de genre et films à petits budgets dits « de la diversité »).
248. Une organisation professionnelle du cinéma a déclaré à cet égard qu’« OCS a fait preuve d’une grande diversité dans sa ligne éditoriale. De manière générale, les films de la diversité sont un des éléments d’attention. Il y a la même clause de diversité pour OCS et GCP (17 % du montant dédié aux EOF consacré aux préachats EOF pour les films de moins de 4 millions d’euros) ». Une autre organisation professionnelle du cinéma notait encore qu’aujourd’hui « OCS et GCP se distinguent car ils ont des choix éditoriaux différenciés. Parfois OCS va sur des films de genre ou des comédies populaires où GCP va moins ».
249. La DGMIC a apporté des éléments de précision sur le type de films EOF préfinancés par OCS. Elle indique ainsi qu’outre le fait qu’un quart des films préachetés par OCS sont des films de 1ère ou 2e réalisation, le devis moyen des films financés par OCS se situe autour de 6 millions d’euros, ce qui correspondrait aux films dits « du milieu » – et OCS financerait en moyenne 10 % à 15 % du budget de ces films.
250. Ensuite, comme cela a déjà été mentionné, OCS constitue aujourd’hui le seul guichet pouvant être considéré comme substituable à celui de GCP, bien que son volume de financements soit considérablement plus réduit.
251. En effet, les préfinancements provenant des diffuseurs des autres fenêtres de la chronologie des médias n’apparaissent pas comme étant de nature à compenser une disparition du guichet alternatif que constitue OCS, principalement en raison du fait que de tels préfinancements sont complémentaires, et non substituables, à ceux réalisés par les diffuseurs de première fenêtre158. En outre, s’agissant en particulier des préfinancements provenant des principales plateformes de VàDA, il apparaît que ceux-ci ne cibleraient pas le même type de films que ceux préfinancés par OCS. Ainsi l’Arcom a indiqué que « la capacité d’un producteur qui a aujourd’hui recours à OCS pour financer ses oeuvres à se reporter vers un service VàDA dans le cas d’un refus de financement de GCP une fois l’opération réalisée paraît aujourd’hui incertaine. On peut relever à cet égard que Netflix privilégie des investissements dans des films présentant un budget moyen un peu plus élevé que ceux d’OCS […] En ne tenant pas compte des financements de films couverts par ces obligations contractuelles [de diversité prévues dans leurs accords respectifs avec les organisations du cinéma], les budgets des films financés par Netflix sont donc particulièrement plus élevés que ceux d’OCS »159. En outre, l’Arcom a souligné que, même à supposer que les services de VàDA investiraient davantage dans une typologie de films similaire à celle OCS, le consommateur final devrait, pour avoir accès à ce contenu financé par un service de VàDA à la place d’OCS, attendre soit 15 ou 17 mois contre 6 mois actuellement via OCS.
252. Ainsi l’opération aboutirait à ce que certains projets de films, qui n’intéresseraient pas GCP mais qui auraient été susceptibles d’intéresser OCS, perdraient la faculté d’être préfinancés par un guichet alternatif à GCP, au terme de l’opération. Ce risque a été identifié par un très grand nombre d’acteurs du marché, de toutes natures (opérateurs du cinéma et institutionnels).
253. Selon les données transmises par la partie notifiante, il apparaît au regard des données historiques des films EOF qui ont été préachetés en première fenêtre par OCS, en 2022, que [5-10] films (sur un total de [10-20] films EOF préachetés en première fenêtre par OCS) n’avaient fait l’objet que d’un faible intérêt ou d’aucun intérêt de la part de GCP. Au regard des données pour l’année 2021, OCS avait notamment préacheté en première fenêtre [5-10] films EOF pour lesquels GCP n’avait pas d’intérêt et [10-20] films EOF pour lesquels GCP n’avait pas fait d’offre – sans que le motif soit précisé – (soit [20-30] films, sur un total de [20-30] films EOF préachetés en première fenêtre par OCS cette année-là).
254. Or de tels préfinancements, de la part de diffuseurs de première fenêtre payante, sont souvent essentiels pour les projets de films. Une organisation professionnelle du cinéma notait à cet égard qu’un « film peut se financer sans les acteurs des premières fenêtres payantes, mais c’est un cas assez rare », indiquant encore que « [pour] avoir un financement solide pour un film avec un certain budget, il faut obtenir des préfinancements sur les deux premières fenêtres et de manière générale une pluralité des préfinancements. Dans les usages les films français avec un certain budget sont presque tous préfinancés par GCP ou OCS ». Ce constat est largement partagé par les différents opérateurs du marché qui ont été interrogés et est par ailleurs conforté par les explications apportées par la DGMIC au cours de l’instruction. Cette dernière a en effet confirmé que certains films n’auraient pas été financés sans le concours d’OCS160.
255. Dans cette mesure, il apparaît qu’un nombre substantiel de projets de films récents EOF ne peuvent chaque année obtenir un préfinancement de la part d’un diffuseur en première fenêtre payante, essentiel pour leur devenir, que grâce à l’existence d’OCS. L’importance de ce guichet alternatif est d’ailleurs illustrée par cette déclaration d’une organisation professionnelle du cinéma qui indique n’avoir accepté en 2022 une réduction de moitié de la contribution d’OCS à la production cinématographique EOF que pour pouvoir préserver une alternative à GCP : « OCS, il y a […] une intervention forfaitaire. Dans les précédents accords, un montant de 40 millions d'euros était fixé. Cependant il a été réduit à 20 millions d'euros à la demande d'OCS car Orange a fait part de difficultés extrêmes relatives à la rentabilité de l'actif. Nous avons dû entendre cette demande car soit on acceptait une diminution de cette obligation, soit il était entendu que l'activité ne pourrait pas continuer dans ces conditions […]. Certes on a consenti une baisse de l’obligation de 20 millions d'euros à OCS dans la logique de conserver une alternative, mais cela n'était pas contradictoire avec la [chronologie des médias] et le fait qu'OCS conserve sa 1ère fenêtre à 6 mois ».
256. Une chaîne de la télévision en clair, quant à elle, résumait la situation en audition de la manière suivante : « l’opération conduirait à des problèmes de bouclage des financements de films qui ne seraient pas retenus [par] GCP. D’une manière générale, le seul fait qu’il n’y ait qu’une seule ligne éditoriale sur la première fenêtre a des conséquences néfastes sur la diversité éditoriale (variété et choix des films produits) existante non seulement en première fenêtre de diffusion et dans les fenêtres suivantes. Le simple fait que supprimer un guichet a un effet négatif sur la diversité des films et la richesse des lignes éditoriales des diffuseurs de films, qui s’en trouveraient appauvries. Cela aurait des conséquences sur la diversité du cinéma français. Certains films français pourraient ne plus se faire dans quelques années ».
257. Compte tenu de la position essentielle qui sera détenue par la nouvelle entité, dont le guichet sera en position de monopsone sur la fenêtre de diffusion dont les préfinancements sont les plus importants, il ressort de ce qui précède que l’opération comporte un risque de perte de la diversité dans la production cinématographique EOF et, par voie de conséquence, un risque d’appauvrissement de l’offre en films EOF récents à laquelle auront accès les consommateurs.
viii. Conclusion
258. Il ressort de ce qui précède que la concentration des parties à l’opération sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre payante emporte un risque d’atteinte à la concurrence lié à la disparition de l’unique guichet alternatif à GCP pour le préfinancement. Toutefois, GCP a présenté des engagements, analysés en section IV de la présente décision, de nature à écarter ce risque. Droits de diffusion en deuxième fenêtre payante
259. Sur le marché de l’acquisition de droits de films EOF récents pour une diffusion payante en deuxième fenêtre, la nouvelle entité se retrouvera en concurrence avec les principales plateformes de VàDA.
260. La part de marché détenue par la nouvelle entité sur ce marché est d’environ [30-40] %. L’addition des parts de marché des parties à l’opération (incrément) est très limitée, OCS ne détenant qu’une part de marché de [0-5] %. Dès lors, la structure de la concurrence ne sera pas substantiellement modifiée par l’opération. En outre, la nouvelle entité sera confrontée à la présence de puissants concurrents, opérateurs de VàDA, sur le marché, au premier titre Netflix.
261. Il ressort encore de l’analyse développée ci-avant relative au marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents EOF en première fenêtre payante que l’opération n’est a fortiori pas de nature à susciter de risques d’atteintes à la concurrence du fait de la concentration sur la deuxième fenêtre payante, sur laquelle les positions de marchés des parties à l’opération sont considérablement plus modestes et qui par ailleurs apparaît comme étant une fenêtre de diffusion relativement moins essentielle pour la production cinématographique EOF.
262. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à soulever de risques concurrentiels sur ce marché. Films américains récents
263. Selon les informations transmises par la partie notifiante, GCP dispose actuellement d’accords-cadres de fourniture de films américains récents (output deals), pour des diffusions en première ou en première et deuxièmes fenêtres payantes, avec tous les principaux majors, à savoir Universal161, Disney162, Warner163, Paramount164 et Sony165 (studios Sony Pictures et Columbia Pictures). S’agissant d’OCS, elle ne bénéficie plus d’aucun output deal depuis que celui dont il disposait avec Sony a été converti en un simple achat d’un paquet de [5-10] films, qui a expiré en février 2023. La partie notifiante indique par ailleurs qu’ « au cours des trois dernières années, OCS n’a pas engagé de discussions avec d’autres studios américains s’agissant de l’acquisition de films américains récents (1ère et 2ème fenêtre en télévision payante/VàDA) »166. Droits de diffusion en première fenêtre payante
264. Compte tenu de la chronologie des médias applicable en France, il apparaît que la nouvelle entité se retrouvera en position de monopsone, sur ce marché, dès lors qu’elle regroupera les deux seuls diffuseurs de première fenêtre payante, GCP et OCS. Par ailleurs, pour les mêmes raisons que celles évoquées aux paragraphes 208 et suivants ci-dessus, il apparaît que les plateformes de VàDA ne représentent pas une source crédible de concurrence potentielle sur ce marché.
265. Au cas présent, il apparaît toutefois que l’opération n’est pas de nature à susciter des problèmes de concurrence sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents américains en première fenêtre payante, pour différentes raisons.
266. Tout d’abord, l’Autorité relève que l’activité d’acquisition d’OCS en droits de ce type a considérablement décliné, jusqu’à devenir nulle depuis le début de l’année 2023. Certes, OCS continue d’engager des investissements importants dans la production cinématographique européenne et EOF afin de pouvoir se maintenir comme un diffuseur de première fenêtre (20 millions d’euros annuels), cela étant de nature à lui procurer une incitation forte à diffuser de nouveau des contenus aussi attractifs pour les téléspectateurs que des films récents américains dans le cadre de sa première fenêtre, en suivant une logique de maximisation de l’attractivité de son offre cinématographique et d’optimisation de la rentabilité de son investissement initial. Toutefois, les informations fournies par la partie notifiante démontrent qu’OCS n’a eu depuis trois ans aucune velléité sérieuse de conclure de nouveaux output deals. Elle ne semble pas non plus vouloir le faire dans un avenir proche, dès lors qu’elle n’a pas engagé de discussion en ce sens avec les majors. Ainsi, la situation présente contraste grandement avec celle qui prévalait en 2017, au sujet de laquelle l’Autorité notait que l’« absence d’ingérence de GCP dans le processus décisionnel d’OCS a permis à ce dernier de poursuivre sa stratégie d’acquisition de contenus américains attractifs. Ainsi, OCS a signé en 2013 un output deal avec le studio Sony, qui sera en vigueur jusqu’au début de l’année 2021 » et que la « pression concurrentielle exercée par OCS sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films américains récents est donc, du fait de ces évolutions, supérieure à celle constatée en 2012 »167. De fait OCS semble aujourd’hui ne plus être en mesure de concurrencer GCP sur ce marché.
267. Ensuite, il apparaît que, par contraste avec les producteurs de films récents EOF, les studios américains ne sont pas dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de GCP et dans leur majorité les majors (Disney, Paramount, Universal et Warner) sont intégrés verticalement notamment via leurs propres plateformes (respectivement Disney+, Paramount+, Universal+ et HBO Max – dont le lancement en France est annoncé dans le courant de l’année 2024). Ils disposent des capacités de contrer d’éventuels effets anticoncurrentiels résultant de la constitution du monopsone dès lors qu’ils seront en situation de contacts multi-marché avec la nouvelle entité (car présents côté vente sur les marchés amont, côté demande sur les marchés amont en deuxième fenêtre de diffusion et côté offre sur les marchés intermédiaires et avals) et disposeraient toujours, en toutes hypothèses, de la faculté de priver leurs films d’une sortie en salles en France et de les diffuser directement sur leurs plateformes de VàDA en France (direct-to-video) en guise de représailles.
268. Enfin, l’opération apparaît comme étant insusceptible d’altérer la diversité de la production de films américains récents, en particulier compte tenu du fait que la demande émanant des diffuseurs de la première fenêtre payante en France ne revêt pas une grande importance dans le financement de la production cinématographique américaine telle que des projets de films risqueraient de ne pas se faire en l’absence d’output deal avec la nouvelle entité en l’occurrence (contrairement avec la situation pour la production cinématographique EOF).
269. En conséquence, tout risque d’atteinte à la concurrence lié à l’opération peut ainsi être écarté sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents américains en première fenêtre payante. Droits de diffusion en deuxième fenêtre payante
270. Compte tenu de l’analyse qui a été développée ci-avant relativement à l’absence de risques sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films américains récents en première fenêtre payante, il convient de relever que l’opération est, a fortiori, insusceptible de soulever des risques d’atteinte à la concurrence sur le marché de l’acquisition de ce type de contenus en deuxième fenêtre où elle est soumise à la concurrence des principales plateformes de VàDA.
271. En conséquence, tout risque d’atteinte à la concurrence lié à l’opération peut ainsi être écarté sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents américains en deuxième fenêtre payante.
Films européens récents, pour une diffusion en première fenêtre payante
272. Compte tenu de la chronologie des médias applicable en France, il apparaît que la nouvelle entité se retrouverait en position de monopsone, sur cet éventuel marché, dès lors qu’elle regroupera les deux seuls diffuseurs de première fenêtre payante, GCP et OCS. Par ailleurs, pour les mêmes raisons que celles évoquées aux paragraphes 208 et suivants ci-dessus, il apparaît que les plateformes de VàDA ne représentent pas une source crédible de concurrence potentielle sur ce marché.
273. Au cas présent, il apparaît toutefois que l’opération n’est pas de nature à susciter des problèmes de concurrence sur un éventuel marché de l’acquisition de droits de diffusion de films récents européens en première fenêtre payante, pour différentes raisons.
274. Tout d’abord, contrairement au marché de l’acquisition de films EOF récents pour une diffusion en première fenêtre payante où un second effet était également identifié, l’opération conduisant à la disparition de l’unique guichet alternatif à GCP auquel peuvent s’adresser les producteurs porteurs de projets de films EOF et en quête de préfinancements de la part des diffuseurs de la première fenêtre payante, il n’y a pas lieu de considérer que l’opération serait de nature à provoquer un effet similaire au regard du présent éventuel marché. En effet, l’importance relative du ou des guichets constitués par les diffuseurs de la première fenêtre payante en France est nécessairement moindre pour la production cinématographique européenne que pour la production cinématographique EOF. À cet égard, selon un rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel168 publié en 2020, les financements via les préachats des films de fiction provenant des principaux pays d’origine des films représentent 88 % du total des financements via des préachats. De plus, toujours selon le même rapport, les investissements émanant des diffuseurs nationaux représentent 98 % du total des investissements provenant de diffuseurs, les 2 % restant provenant de diffuseurs basés à l’étranger.
275. Ensuite, de façon similaire à ce qui a été constaté pour l’acquisition de droits de films EOF récents, il apparaît que l’effet principal de l’opération sur cet éventuel marché serait qu’elle conduirait à structurer la demande sur ce marché en monopsone. Or, comme indiqué supra, en règle générale, les structurations de la demande en monopsone ou en quasi-monopsone sur les marchés confèrent aux acheteurs un pouvoir de négociation très important pour exercer leur activité, les vendeurs pouvant de ce fait se retrouver à concéder des conditions (tarifaires, commerciales) avantageuses. Il est encore remarqué que, au cas présent, cet effet apparaît ici circonscrit dans son ampleur puisque, préalablement à l’opération, la structure de la concurrence était déjà celle d’un quasi-monopsone au profit de GCP. Dès lors l’opération conduit à transformer une situation de quasi-monopsone en une situation de monopsone.
276.En l’espèce, il convient d’écarter un risque lié à une réduction du niveau global du financement de la production cinématographique européenne, qui résulterait de la constitution du monopsone en première fenêtre de diffusion payante en France.277.En effet, tout d’abord, de manière analogue à ce qui a précédemment été exposé aux paragraphes 239 et suivants ci-dessus relativement à un risque éventuel pour le financement de la production cinématographique EOF, il apparaît que l’importance d’OCS dans le financement global de la production cinématographique s’est considérablement réduite, en part absolue (compte tenu de la réduction de 40 à 20 millions d’euros par an, à partir de 2022, de ses investissements dans la filière cinématographique) comme en part relative (les investissements globaux des plateformes de VàDA s’étant considérablement accrus à la suite de l’entrée en vigueur du décret SMAD prévoyant une contribution obligatoire). En 2022, OCS a ainsi préacheté [20-30] films européens pour un montant total de […] euros, selon les informations transmises par la partie notifiante169. Ensuite, en considérant la production cinématographique européenne spécifiquement, il apparaît que l’importance relative d’OCS est d’autant plus réduite que de nombreux diffuseurs extranationaux ont par ailleurs également vocation à financer les projets de films européens.278.En conséquence, tout risque d’atteinte à la concurrence lié à l’opération peut ainsi être écarté sur un éventuel marché de l’acquisition de droits de diffusion de films européens récents en première fenêtre payante. Films EOF de catalogue
279.Les parties vendent et achètent des films de catalogue EOF et sont présentes du côté de lademande concernant les films américains de catalogue. Concernant l’achat de films decatalogue EOF et américains, l’opération n’entraîne pas un renforcement significatif dupouvoir de marché au profit de la nouvelle entité dans la mesure où ses parts de marché sontinférieures à 15 %170 sur l’achat, en valeur. Dès lors, l’analyse concurrentielle seradéveloppée uniquement sur la vente de films de catalogue EOF.
280.Les parties sont présentes sur les marchés de la vente de films de catalogue EOF via lesactivités de leurs filiales respectives, StudioCanal et Orange Studio.
281.StudioCanal commercialise des droits de diffusion de films EOF de catalogue auprès deservices de VàD, des chaînes de télévision en clair, des chaînes de télévision payantes et desservices de VàDA. StudioCanal dispose d’un mandat de vente en télévision en France pour[3000-4000] titres dont [1000-2000] films EOF en 2021. Le catalogue d’Orange Studio estcomposé de [2000-3000] titres environ171, toutes nationalités confondues, et Orange Studiocommercialise également les droits de diffusion des films de catalogue EOF auprès del’ensemble des acteurs du marché. La partie notifiante précise par ailleurs que, s’agissant ducatalogue détenu par Orange Studio, seule une partie de ces films est activement commercialisée, soit moins de [300-400] sur la période allant de 2018 à 2020. Sur les titres commercialisés au cours de cette période, autour de [70-80] % étaient des films EOF172.
282. Dans la mesure où elle ne connaît pas la valeur du marché de la vente de films EOF de catalogue, la partie notifiante a estimé les parts de marché des parties et de leurs concurrents, pris dans leur globalité, selon quatre approches méthodologiques différentes173. Les résultats obtenus sont très variables selon l’approche retenue, puisque ses estimations indiquent une part de marché de la nouvelle entité comprise entre [20-30] % et [30-40] % pour l’année 2021174.
283. Selon la partie notifiante, l’opération n’entraîne pas la création d’une position dominante sur les marchés de la vente de droits de diffusion de films EOF de catalogue. Elle indique qu’Orange Studio dispose d’une part de marché relativement faible pour la vente de ces droits et que la nouvelle entité fera face à la concurrence de nombreux opérateurs.
284. Comme il sera expliqué plus en détail dans l’analyse des effets verticaux relative aux films EOF de catalogue, l’Autorité a interrogé un grand nombre de vendeurs de droits de diffusion de ce type de contenu. Cela lui a permis d’établir ses propres estimations des parts de marché des parties pour les années 2021 et 2022. Il en ressort que la part de marché cumulée des parties serait d’environ [40-50] % pour ces deux années, avec un incrément limité – et d’ailleurs en diminution – résultant d’OCS. La faiblesse de l’incrément constatée par l’Autorité est, en ce sens, cohérente avec l’estimation de la partie notifiante en ce qui concerne la part de marché des parties en valeur.
285. S’agissant des concurrents en présence sur ce marché, plusieurs opérateurs disposent de catalogues fournis, tels que Gaumont, Pathé, les groupes TF1 ou M6, dont les droits sont commercialisés. D’autres opérateurs du marché vendent également des droits de diffusion de films EOF de catalogue comme Bac Films, MK2, Metropolitan, ou Wildbunch.
286. Ainsi, au regard du faible incrément résultant de l’opération, manifestant une modification très limitée de la structure de la concurrence, et de la présence de nombreux concurrents, l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des effets anticoncurrentiels de nature horizontale sur la vente de droits de films EOF de catalogue.
287. Les effets de la concentration en aval des marchés de l’acquisition des droits de diffusion concernent les marchés de l’édition et de la commercialisation de chaînes payantes et de services de vidéo à la demande qui diffusent ces droits.
288. Les parties sont toutes les deux offreuses sur les marchés intermédiaires. GCP est actif du côté de l’offre par le biais de l’édition de la chaîne généraliste Canal + et de ses déclinaisons, de chaînes thématiques et de chaînes en clair de la TNT. GCP édite également un service de VàDA, Canal+ Séries. GCP est également actif du côté de la demande en raison de son activité de distributeur. OCS est présent uniquement du côté de l’offre et édite trois chaînes payantes OCS Max, OCS Pulp et OCS Géants sur lesquelles sont diffusés des films de cinéma récents et de catalogue, ainsi que des séries produites par OCS. OCS édite également un service de VàDA sous la marque OCS.
289. Les parties sont également présentes du côté de l’offre, et commercialisent leurs chaînes et leurs services, dans les territoires ultra-marins. GCP édite et commercialise des chaînes de télévision payantes distribuées par C+I et les filiales Canal+ Antilles et Canal+ Guyane pour la zone Caraïbes et sa filiale Canal+ Réunion. OCS édite et commercialise dans les territoires ultra-marins une offre identique à celle proposée en France métropolitaine, distribuée par des tiers175.
290. En l’espèce les activités des parties se chevauchent sur les marchés de l’édition et de la commercialisation de chaînes payantes et de services audiovisuels en métropole et dans les territoires ultra-marins.
Sur le marché intermédiaire de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision et de services de vidéo à la demande en France métropolitaine
291. En 2022, sur un marché intermédiaire de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision et de services de vidéo à la demande incluant les chaînes portant sur les thématiques cinéma et séries et les services audiovisuels non-linéaires, la partie notifiante estime que la part de la nouvelle entité sera en valeur de [30-40] % dont [0-5] % pour OCS176.
292. Selon GCP, l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des effets anticoncurrentiels sur les marchés intermédiaires en métropole car OCS n’est pas une force concurrentielle importante en raison notamment de la perte de ses contrats qui pèse sur l’attractivité de ses contenus. Elle indique également que GCP et OCS ne sont pas des concurrents proches au regard des contenus qu’ils éditent : GCP édite des chaînes premium alors qu’OCS a perdu les principaux contenus premium de ses chaînes. De plus, les parties sont concurrencées par les plateformes de VàDA qui ont pris une grande importance dans le paysage audiovisuel et dans les arbitrages des distributeurs.
293. L’Autorité considère que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés intermédiaires en France métropolitaine.
294. En premier lieu, l’évolution des positions des parties, permet de constater une diminution importante de leurs parts de marché depuis 2019, notamment celle de GCP. De son côté, OCS a vu sa part de marché diminuer d’environ un quart sur cette même période. Il représente, en tout état de cause, un incrément de part de marché modéré sur la période considérée, celle-ci demeurant inférieure à 5 %.
295. Au total, la nouvelle entité représente en 2022 un peu plus de [30-40]% du marché, contre plus de [60-70] % en 2019, ce qui démontre la montée en puissance rapide d’opérateurs concurrents, notamment les services audiovisuels non-linéaires. Selon les estimations fournies par la partie notifiante, la nouvelle entité fera face à la concurrence de nombreux acteurs, en particulier les services de VàDA qui éditent également des séries et du cinéma comme Amazon Prime Video. Selon la partie notifiante, en 2022 les parts de marché de ces plateformes de VàDA sont de [30-40] % pour Netflix, [10-20] % pour Amazon Prime Video et de [5-10] % pour Disney+. Les autres concurrents identifiés, tels que Mediawan, Altice ou Apple, disposent de parts de marché estimées par la partie notifiante inférieures à 2 %.
296. En deuxième lieu, outre la diminution de sa part de marché, l’Autorité relève la perte d’attractivité récente et significative d’OCS sur le marché. En ce qui concerne les séries, comme développé supra, OCS a vu le contrat qui le liait au studio américain Warner propriétaire d’HBO expirer à la fin de l’année 2022, sans être renouvelé (au profit d’Amazon). Par conséquent, en 2023, plusieurs séries à succès disponibles sur les chaînes d’OCS ne font plus partie du catalogue d’OCS. OCS n’a conservé les droits de diffusion que de quelques séries (« House of the Dragon », « Westworld ») jusqu’à la fin de l’année 2023. Or, il ressort des éléments recueillis au cours de l’instruction que les séries HBO constituaient un élément d’attractivité très important pour OCS. Par exemple, en 2022, les séries HBO ont représenté près de […] % de la consommation à la demande d’OCS sur MyCanal177. L’importance de ces contenus avait déjà été relevée par l’Autorité, laquelle avait déjà analysé que la perte de certaines séries, telles que « Game of Thrones », risquait d’affecter le modèle d’OCS et sa pérennité178. Concernant les contenus de cinéma, le package deal conclu entre OCS et Sony et qui portait sur 6 à 10 films américains, a expiré à la fin de l’année 2022 sans être renouvelé. Dès lors, OCS ne dispose plus d’aucun accord de ce type avec un studio américain important. OCS a ainsi perdu de nombreux contenus qui faisaient son attractivité et qui étaient déterminants pour définir le caractère premium de ses chaînes. En ce qui concerne les films EOF récents, le montant des préachats d’OCS connaît, comme indiqué supra, une diminution significative qui ne devrait pas s’inverser dans un avenir proche.
297. Cette perte d’attractivité d’OCS est d’ailleurs confirmée par les résultats des tests de marché. Plusieurs distributeurs ont indiqué dans les retours aux tests de marché que la perte de ces contenus séries et cinéma aura pour conséquence une baisse de la rémunération perçue par OCS au titre de sa distribution au moment de la renégociation de son contrat de distribution. À titre d’exemple, GCP a indiqué que le contrat conclu entre OCS et Molotov [confidentiel].
298. En troisième lieu, l’absence d’effets anticoncurrentiels résultant de l’opération sur le marché intermédiaire de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision et de services de vidéo à la demande est largement confirmée par les résultats des tests de marché. Il ressort des tests de marché menés auprès des distributeurs que plusieurs d’entre eux n’identifient a priori pas de risque quant à l’opération sur les marchés intermédiaires en métropole, dans la mesure où les chaînes thématiques apparaissent moins attractives et essentielles à la constitution d’un bouquet que d’autres contenus. L’un d’entre eux indique, par exemple, que les chaînes thématiques subissent la concurrence des plateformes de VàDA et que les chaînes OCS ne sont pas incontournables pour la constitution d’un bouquet attractif, contrairement aux chaînes de GCP ou des plateformes de VàDA. Un autre distributeur estime que ces chaînes thématiques ont perdu en intérêt et en moyens. Certains soulignent également un contrepouvoir conséquent des distributeurs, dans la mesure où chaînes thématiques telles que celles éditées par les parties ont besoin des distributeurs, en particulier des FAI, afin d’obtenir une visibilité au sein des offres proposées.
299. Il ressort de ces éléments que l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des effets anticoncurrentiels unilatéraux sur les marchés intermédiaires en métropole. Sur le marché intermédiaire de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision et de services de vidéo à la demande dans les DROM
300. En 2022, dans les territoires ultra-marins, les parts de marché de la nouvelle entité en valeur seront de [30-40] % dans l’Océan Indien (dont [5-10] % pour OCS) et de [30-40] % dans les Antilles (dont [5-10] % pour OCS). La taille du marché retenue par la partie notifiante inclut les opérateurs linéaires et non-linéaires tels que les services de VàDA.
301. La partie notifiante a fourni des estimations de parts de marché en valeur sur les marchés de l’édition et la commercialisation d’offres payantes thématiques « cinéma-séries » pour les années 2021 et 2022.
302. Selon GCP, l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des effets anticoncurrentiels de type unilatéral sur les marchés intermédiaires dans les territoires ultramarins, tout comme en métropole. Au regard de ses difficultés financières et de la perte de ses contrats l’attractivité d’OCS a diminué et, en outre, OCS n’est pas un concurrent proche de GCP en raison de ses contenus et de l’aspect premium des chaînes édités par GCP.
303. L’Autorité considère que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés intermédiaires dans les territoires ultramarins. À cet égard, les éléments d’analyse sont comparables à ceux appréciés supra pour la France métropolitaine.
304. En premier lieu, même si la part de marché d’OCS n’est pas aussi modérée dans les territoires ultra-marins qu’en métropole, elle pourrait, à l’instar de ce qui a été développé ci-dessus pour la métropole, diminuer avec la perte de contenus attractifs (contrats avec HBO et Sony) et la perte de revenus qui s’en suivrait du fait d’une capacité de valorisation de l’offre de contenus d’OCS amoindrie.
305. En second lieu, s’agissant de la concurrence qui s’exerce sur les parties, au regard des parts de marché fournies par la partie notifiante, dans la zone Océan Indien, la nouvelle entité fera face à la concurrence de nombreux concurrents, notamment les services de VàDA qui éditent également des séries et du cinéma. Selon la partie notifiante, en 2022 leurs parts de marché sont de [50-60] % pour Netflix, [5-10] % pour Amazon Prime Video et de [0-5] % pour Disney+. Concernant la zone Caraïbes, elle fera également face à la concurrence de des services de VàDA. En 2022 leurs parts de marché sont de [40-50] % pour Netflix, [5-10] % pour Amazon Prime Video et de [0-5] % pour Disney+.
306. Plusieurs éléments sont néanmoins de nature à soulever des interrogations sur la capacité dont disposeront certains distributeurs à trouver des alternatives aux chaînes d’OCS après l’opération. Cette analyse sera développée infra au titre de l’analyse des effets verticaux de l’opération sur les marchés intermédiaires dans les territoires ultramarins.
307. Il ressort de ces éléments que l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des effets anticoncurrentiels unilatéraux sur les marchés intermédiaires dans l’Océan Indien et dans les Antilles. En revanche, elle est susceptible de conduire à des risques de verrouillage par les intrants entre les marchés intermédiaires et les marchés aval de la distribution de services de télévision, comme cela sera démontré infra.
308. GCP est un distributeur actif en métropole et en Outre-Mer, depuis ses filiales aux Caraïbes (Guadeloupe, Martinique, Guyane), dans l’Océan Indien (Réunion et Mayotte) et dans le Pacifique (Wallis et Futuna). OCS n’est pas présent en tant que distributeur dans les territoires ultra-marins car dans ces territoires il est distribué par des tiers et ne propose pas directement ses offres. Activité des parties
309. Sur les marchés aval de la distribution, GCP est présent en tant que distributeur, essentiellement de ses chaînes et services de VàDA selon le modèle de l’autodistribution soit par des intermédiaires, en particulier des FAI et des agrégateurs (fabricants de télévisions ou d’objets connectés). Dans le modèle de l’autodistribution, GCP a une relation directe avec les abonnés et le FAI est rémunéré par une commission pour l’apport de cet abonné à GCP. Dans le modèle de la distribution par un intermédiaire, l’abonné de GCP a accès à l’environnement de GCP (« univers ») via les canaux de distribution des FAI (box, interface de télévision).
310. OCS est actif sur les marchés aval de la distribution de services de télévision payante en métropole en étant distribué par des tiers, majoritairement GCP et Orange. En métropole, la distribution par OCS de ses offres concerne […] abonnés, soit [5-10] % de son parc, ce qui représente [10-20] % de son CA. Parts de marché
311. En métropole quelle que soit la segmentation de marché envisagée sur le linéaire et le non-linéaire, la part de marché de la cible reste inférieure à deux points, ce qui écarte tout risque d’atteinte à la concurrence. Sur les marchés aval de la distribution de services de télévision dans les territoires ultra-marins, l’opération n’entraîne pas d’addition de parts de marché, OCS étant distribué par l’intermédiaire d’opérateurs, tels que GCP, Orange ou des FAI.
312. Il ressort de ces éléments que l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des effets anticoncurrentiels unilatéraux sur les marchés aval de la distribution de services de télévision en métropole et dans les territoires ultramarins.
C. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
313. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’effet vertical peut être écarté dès lors que la part de marché de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
314. Outre la part de marché détenue, le pouvoir de marché peut être renforcé par les caractéristiques du produit concerné. En particulier, lorsqu’il s’agit d’un verrouillage par les intrants, il est nécessaire que l’intrant concerné par le verrouillage soit important pour les entreprises situées en aval ; tel pourra être le cas, par exemple, pour un élément critique rentrant dans la composition des produits ou services des acteurs en aval. Ainsi, dans l’affaire Canal Plus/Direct 8-Direct Star, l’Autorité a considéré que les contenus cinématographiques, qui représentent entre 30 % et 60 % des 100 meilleures audiences réalisées par les chaînes de la TNT en 2011, pouvaient être considérés comme des intrants dont le verrouillage était susceptible d’avoir un impact significatif sur le fonctionnement des marchés.
315. En l’espèce, l’opération donnera lieu à un renforcement vertical du nouvel ensemble en raison de la présence de GCP à la fois en tant qu’offreur sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion et sur le marché intermédiaire de l’édition et de la commercialisation de chaînes et, en aval, en tant que distributeur de services de télévisions via son activité distributeur.
rectification d’erreur matérielle
316. Comme indiqué supra, aux termes du décret n° 2001-1330 du 28 décembre 2001 modifiant le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990, les éditeurs de services de télévision doivent réserver 60 % des diffusions à des oeuvres européennes, et 40 % à des oeuvres EOF. Comme indiqué plus haut, cette obligation a été étendue aux SMAD (décret SMAD, article 28).
317. En conséquence, les oeuvres cinématographiques européennes et EOF constituent un contenu essentiel pour les opérateurs de télévision en clair et les opérateurs de VàDA. Dans sa pratique décisionnelle antérieure relative à GCP, l’Autorité avait relevé que ces droits étaient particulièrement importants pour les chaînes de la TNT non adossées à un groupe historique (à savoir notamment NRJ12, Numéro 23 et Chérie 25), qui diffusent très peu de films inédits et essentiellement des films de catalogue.
318. La faisabilité et l’intérêt pour la nouvelle entité d’une stratégie visant à restreindre l’accès de ses concurrents aux droits de diffusion des films de catalogue qu’elle détiendra dépendent en premier lieu de sa maîtrise de l’accès à ces droits179. Il convient donc, au cas d’espèce, d’analyser dans quelle mesure l’opération renforce la position de GCP sur les marchés des droits des films de catalogue à l’amont, du côté de l’offre de droits (a.). Il conviendra également d’analyser si la nouvelle entité sera incitée à mettre en oeuvre une telle stratégie de verrouillage (b.) et quel serait son impact sur les opérateurs concurrents (c.).
319. Il convient de préciser que la présente analyse se concentrera sur un éventuel verrouillage des films EOF de catalogue de la part de la nouvelle entité vis-à-vis de ses concurrents acheteurs de ce type de contenus, dans la mesure où les marchés de la vente de droits de diffusion de films de catalogue américains et européens ne sont pas affectés par l’opération. De plus, l’opération n’est pas de nature à conduire à un risque de verrouillage par la clientèle sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films de catalogue (quelle que soit l’origine considérée), en l’absence d’affectation des marchés d’achats concernés. En outre, l’Autorité relève que les remarques des tiers interrogés dans le cadre des tests de marché en ce qui concerne les droits de diffusion des films de catalogue vendus par la nouvelle entité ont très principalement concerné les films EOF.
a) Capacité de la nouvelle entité à mettre en oeuvre une stratégie de verrouillage par les intrants Évaluation des parts de marché de la nouvelle entité et de ses concurrents
320. StudioCanal et Orange Studio fournissent des films de catalogue EOF à l’ensemble des typologies d’acteurs présents à l’aval, à savoir les services de vidéo à la demande, les chaînes de télévision en clair, les chaînes de télévision payantes et les opérateurs de VàDA.
321. Afin d’apprécier le pouvoir de marché de la nouvelle entité en tant qu’offreuse de films de catalogue EOF, il est possible d’évaluer la position concurrentielle de cette dernière par rapport à ses concurrents à la fois en tenant compte de l’étendue de son catalogue (nombre de films EOF qui compose son catalogue) et en prenant en compte le chiffre d’affaires réalisé par les ventes de droits de diffusion de films de catalogue EOF auprès des acheteurs tiers.
i. Position des parties et de leurs concurrents sur la base du stock de films disponibles
322. Dans le cadre d’une approche par nombre de films dans le portefeuille de la nouvelle entité, le catalogue de films de StudioCanal se compose d’environ [3000-4000] films de catalogue, toutes origines confondues alors que le catalogue d’Orange Studio comprend environ [2000-3000] films de catalogue, toutes origines confondues, outre [200-300] films en coproduction180.
323. Le catalogue de StudioCanal est composé d’environ [40-50] % de films EOF, soit [1000-2000] oeuvres cinématographiques181. Le catalogue d’Orange Studio est davantage orienté vers les films EOF, lesquels représentent environ [70-80] % des oeuvres cinématographiques qui le composent, soit environ [1000-2000] oeuvres cinématographiques. Au total, la nouvelle entité disposerait donc d’un catalogue potentiel de plus de [3000-4000] oeuvres cinématographiques EOF.
324. Il ressort des informations fournies par la partie notifiante que le catalogue de films EOF de la nouvelle entité est très supérieur en volume à celui de ses principaux concurrents. Le principal concurrent de la nouvelle entité, Gaumont, dispose d’un catalogue de films de 1 300 titres, suivi de Pathé, le groupe TF1, le groupe M6 (environ 1 000 titres chacun) et EuropaCorp (environ 150 titres), et ce toutes origines confondues. La partie notifiante précise toutefois que la majorité des films de catalogue de ses concurrents concerne des oeuvres EOF.
325. Sans que l’enquête de marché ait permis de reconstruire l’ensemble des volumes de titres EOF de catalogue détenus par les concurrents de la nouvelle entité, il ressort des éléments recueillis au cours de l’instruction, notamment la part que représentent les films EOF dans l’ensemble des ventes de droits de diffusion de films de catalogue des principaux opérateurs concurrents au cours des dernières années, que les films EOF de catalogue représentent bien la majeure partie du portefeuille total des films de catalogue des concurrents mentionnés ci-dessus182. Ainsi, pris dans sa globalité, le catalogue de films EOF des cinq principaux concurrents mentionnés infra apparaît comparable, en volume, à celui de la nouvelle entité. En outre, d’autres vendeurs de droits sont actifs sur le marché des droits des films de catalogue EOF, dans une proportion toutefois largement inférieure aux opérateurs précités et qui n’est pas de nature à remettre significativement en cause cette estimation183.
ii. Position des parties et de leurs concurrents sur la base du chiffre d’affaires annuel réalisé sur le marché
326. Une évaluation de la position concurrentielle de la nouvelle entité en valeur, c’est-à-dire sur la base des ventes réalisées par les parties au cours des dernières années, conduit à une part de marché de la nouvelle entité inférieure à celle estimée en volume.
327. À cet égard, dans la mesure où elle ne connaît pas la valeur du marché de la vente de films EOF de catalogue, la partie notifiante, comme rappelé ci-avant, a estimé les parts de marché des parties et de leurs concurrents, pris dans leur globalité, selon quatre approches différentes184. Les résultats obtenus sont très variables selon l’approche retenue, puisque ses estimations indiquent une part de marché de la nouvelle entité comprise entre [20-30] % et [30-40] % pour l’année 2021185.
328. Dans le cadre de son instruction, l’Autorité a interrogé un grand nombre de vendeurs de droits de diffusion de films de catalogue EOF, représentant la très grande majorité des vendeurs de droits, afin notamment de recueillir le montant de leurs ventes aux diffuseurs tiers aux cours des années 2021 et 2022186. Sur la base des réponses obtenues et du chiffre d’affaires réalisé par les parties au cours de ces mêmes années, il apparaît que la part de marché de la nouvelle entité se situerait autour de [40-50] %187. Plus précisément, la part de marché de la nouvelle entité est estimée à [40-50] % en 2021 ([30-40] % pour GCP et [5-10] % pour OCS) et à [30-40] % en 2022 ([30-40] % pour GCP et [5-10] % pour OCS).
329. Cette estimation, si elle correspond à l’évaluation la plus élevée de la partie notifiante parmi les quatre approches proposées, est aussi significativement inférieure – d’environ dix points – à la part de marché estimée sur la base du volume du catalogue des opérateurs188.
330. Il est particulièrement notable que l’estimation des parts de marché des parties en valeur des ventes de droits de diffusion démontre un incrément résultant d’Orange Studio significativement inférieur à celui évalué en volume du catalogue. Si le catalogue de films EOF d’Orange Studio se compose d’environ [1000-2000] films, c’est-à-dire un chiffre proche de celui de GCP, la part de marché de la cible en valeur est beaucoup plus limitée, c’est-à-dire environ [5-10] % en 2022189.
331. Or, l’Autorité considère que l’évaluation des parts de marché en valeur est probablement plus proche de la réalité des rapports de force concurrentiels qui prévalent sur le marché des droits de films de catalogue EOF que celles estimées sur la base du volume du catalogue des parties. En ce qu’elles transcrivent les ventes effectives réalisées sur le marché, les parts de marché en valeur traduisent en effet l’attractivité des catalogues des opérateurs.
332. Dans ce cadre, il apparaît que la modification de la structure de la concurrence résultant de l’opération est limitée. Ce constat est d’ailleurs confirmé par les montants des acquisitions en droits de diffusion de films EOF de catalogue d’Orange Studio communiqués par les répondants au test de marché. Il ressort en effet de ces données que les acquisitions des acheteurs de droits auprès d’Orange Studio au cours des années 2021 et 2022 sont souvent d’un montant limité par rapport à l’ensemble du marché considéré, quelle que soit la typologie d’acheteurs envisagée. Évaluation du pouvoir de marché de la nouvelle entité en fonction de la typologie d’acheteur
333. Dans le cadre de décisions précédentes relatives notamment au marché des droits de diffusion de films de catalogue EOF, l’Autorité a distingué l’appréciation du pouvoir de marché de GCP, en tant que détenteur du principal catalogue de films EOF, en fonction de la catégorie d’acheteurs. Plus précisément, l’Autorité a distingué son analyse selon que l’acheteur est adossé ou non à un grand groupe audiovisuel, compte tenu des différences importantes dans les mécanismes de négociation et du degré de dépendance variés de ces deux types d’opérateurs aux films de catalogue.
334. Au cas d’espèce, il ressort de l’instruction qu’Orange Studio représentait, avant l’opération un apport limité en films EOF de catalogue pour l’ensemble des acheteurs.
335. En ce qui concerne les chaînes de télévision en clair adossées à un grand groupe audiovisuel, la partie notifiante indique que la nouvelle entité représente un apport limité en films EOF de catalogue puisque si la part de StudioCanal parmi les films de catalogue diffusés sur les chaînes gratuites des groupes TF1, M6 et FTV est de [20-30] % en 2021, celle d’Orange Studio est d’environ [0-5] %190, les autres vendeurs de droits de films EOF de catalogue représentant ainsi la majeure partie de l’approvisionnement de ces groupes.
336. Ces estimations sont cohérentes avec les données recueillies par l’Autorité au cours de l’instruction auprès des acheteurs de droits de diffusion de films de catalogue EOF adossés à un grand groupe audiovisuel. Dès lors, si StudioCanal représente un fournisseur conséquent en films EOF de catalogue pour ce type d’opérateurs, Orange Studio constitue une part limitée de leur approvisionnement.
337. En outre, ainsi que l’a relevé l’Autorité dans de précédentes décisions191, les chaînes en clair appartenant à un groupe historique de télévision gratuite peuvent négocier des clauses de préemption ou de priorité lorsqu’elles préfinancent des films. Les résultats de l’enquête de marché menée auprès des opérateurs de télévision en clair adossées à un grand groupe audiovisuel confirment la persistance de ce type de clauses négociées par ces opérateurs dans le cadre des préachats de films auxquels ils participent192. Or, ces grands groupes opérateurs de télévision en clair représentent la grande majorité de l’investissement des chaînes en clair dans la production cinématographique. Sur les 208 films d’initiative française produits en 2022, 84 films (soit 40 %) ont été préachetés par une ou plusieurs chaînes en clair (TF1, France 2, France 3, M6, C8, W9, TMC et CStar), dont la quasi-totalité se compose de chaînes historiques ou de chaînes de la TNT adossées à ces groupes historiques193. Dès lors, ces clauses de préemption représentent, au terme de l’exploitation du film en cause par les opérateurs de télévision payante ou de vidéo à la demande par abonnement dans le cadre de la chronologie des médias, une opportunité d’approvisionnement supplémentaire pour les chaînes concernées en films de catalogue, notamment français.
338. À titre d’illustration, la partie notifiante précise que ces clauses de préemption concernent une part significative des droits de films EOF de catalogue détenus par les parties, puisque près de [40-50] % des films de StudioCanal ayant fait l’objet d’une vente en 2022 et [30-40] % de ceux d’Orange Studio ont fait l’objet de clauses de priorité ou de préemption négociées par les grands groupes audiovisuels lors de leurs préachats. Elle précise que plus de [500-600] films du catalogue de StudioCanal sont soumis à un droit de priorité ou de préemption, ainsi qu’environ 30 à 40 % des films EOF ayant fait l’objet d’une vente par StudioCanal au cours des 10 dernières années194.
339. Dès lors, si StudioCanal représente un fournisseur significatif en films de catalogue EOF pour les chaînes en clair adossées à un grand groupe audiovisuel avant l’opération, le catalogue d’Orange Studio revêt une importance limitée pour ce type d’acheteurs. Ces derniers s’approvisionnent pour une large part auprès de détenteurs de droits concurrents de ceux des parties et ont, en outre, la possibilité de préempter les droits de diffusion d’un nombre significatif de films de catalogue EOF chaque année. L’opération ne conduit donc pas à un renforcement de la capacité de GCP à verrouiller l’accès des chaînes de télévision adossées à un grand groupe audiovisuel en films de catalogue EOF.
340. En ce qui concerne les chaînes qui ne sont pas adossées à un grand groupe audiovisuel, l’Autorité a considéré dans sa décision de 2014 que GCP était en mesure de mettre en oeuvre une stratégie de verrouillage des films de catalogue EOF vis-à-vis des chaînes indépendantes de la TNT, les privant ainsi de ressources publicitaires dans une mesure importante195. Cette analyse a été renouvelée en 2017, justifiant le maintien partiel des engagements de GCP relatifs à l’acquisition par ses chaînes gratuites de droits de diffusion de films français de catalogue196. Ces engagements ont pris fin le 31 décembre 2019.
341. Dans la présente affaire, l’Autorité considère que l’acquisition d’Orange Studio par GCP n’est pas de nature à renforcer la capacité de l’acquéreur à mettre en place une stratégie de verrouillage vis-à-vis des chaînes indépendantes de la TNT.
342. À titre liminaire, il convient de préciser que la typologie de chaînes non adossées un grand groupe audiovisuel représente aujourd’hui un nombre limité de chaînes. Il s’agit principalement des chaînes du groupe NRJ, composée de NRJ12 et Chérie 25, ainsi que des chaînes du groupe Altice Media, composé de BFMTV, RMC Story et RMC Découverte197. L’opération est sans impact pour ce dernier groupe, dans la mesure où il concentre ses acquisitions en programmes audiovisuels de type documentaires ou docu-réalité198. Dès lors, l’analyse se concentrera sur l’impact de l’opération pour le groupe NRJ.
343. À la différence des chaînes adossées à un grand groupe audiovisuel, le groupe NRJ ne participe pas, depuis plusieurs années, au préfinancement des films EOF récents199. Les chaînes de ce groupe ne peuvent en conséquence pas jouir de droits de préemption qui pourraient lui assurer un canal d’approvisionnement en films de catalogue EOF. Or le groupe NRJ diffuse chaque année un nombre relativement conséquent de films EOF, soit 55 en 2022 et 80 en 2021200. Dès lors, le groupe NRJ est particulièrement dépendant des offreurs de films de catalogue EOF pour nourrir ses grilles de ce type de programme.
344. À cet égard, il ressort des informations recueillies dans le cadre de l’instruction que le niveau d’approvisionnement du groupe NRJ en films EOF de catalogue auprès de Studio Canal est relativement modéré par rapport à l’ensemble des droits de diffusion de ce type de films acquis par ce groupe (moins de [10-20] au cours des années 2021 et 2022). Cela démontre la possibilité pour le groupe NRJ de s’approvisionner auprès de détenteurs de droits concurrents. Surtout, l’approvisionnement du groupe NRJ en films EOF du catalogue d’Orange Studio est particulièrement limité, celui-ci s’élevant quelques unités en 2021 et aucun film en 2022. L’addition du catalogue d’Orange Studio à celui de Studio Canal serait donc sans conséquence significative sur la capacité de la nouvelle entité à mettre en place une stratégie de verrouillage.
345. Dès lors, l’opération n’est pas de nature à renforcer la capacité de la nouvelle entité à mettre en place une stratégie de verrouillage des films de catalogue EOF auprès des chaînes qui ne sont pas adossées à un grand groupe audiovisuel.
346. En ce qui concerne les opérateurs de VàDA, il ressort des informations publiques du CNC que l’offre en oeuvres cinématographiques sur les plateformes de VàDA est significative, avec 11 633 films disponibles au cours de l’année 2022, dont plus de 40 % d’origine française.
347. À cet égard, la partie notifiante communique la part que représentent les films EOF de catalogue sur l’ensemble des films de ce type disponibles sur les plateformes de VàDA. Selon ces estimations, cette part serait d’environ 40 %201.
348. Toutefois, de la même manière que pour les chaînes de télévision analysées ci-dessus, il ressort des informations recueillies au cours de l’instruction que les opérateurs de VàDA tendent à diversifier leurs approvisionnements en films de catalogue EOF auprès de plusieurs détenteurs de droits. Surtout, parmi ces vendeurs, Orange Studio représente une part très limitée des opérateurs fournissant ce type de contenus.
349. En outre, il convient de rappeler qu’en vertu du décret SMAD, les éditeurs de services de VàDA établis à l’étranger et disponibles sur le territoire français sont désormais soumis à des obligations de contribution à la production d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles : au moins 20 % du chiffre d’affaires net réalisé en France au cours de l’année précédente doit être consacré à des dépenses contribuant au développement des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes ou EOF, et au moins 85 % de ces dépenses doivent être consacrées à des oeuvres EOF. Certes, le nombre d’oeuvres cinématographiques EOF concernées à l’avenir demeure imprécis, compte tenu (i) du caractère récent de cette obligation et (ii) du modèle d’affaires de la plupart de ces opérateurs privilégiant davantage les contenus audiovisuels aux oeuvres cinématographiques. Il n’en demeure pas moins que cette obligation devrait conduire au fil des années à la constitution progressive de catalogues EOF de films pour ces opérateurs, ces films récents pouvant, à terme, devenir un canal d’approvisionnement complémentaires via les mécanismes de préemption et de priorité relevés infra pour les chaînes adossées à un grand groupe audiovisuel.
350. En ce qui concerne les opérateurs de VàD, les informations communiquées par la partie notifiante indiquent également qu’Orange Studio représente un nombre limité de films EOF de catalogue acquis par ces opérateurs.
351. Dès lors, l’opération n’est pas de nature à renforcer la capacité de la nouvelle entité à mettre en place une stratégie de verrouillage des films de catalogue EOF auprès des opérateurs de VàDA et de VàD.
b) Incitation de la nouvelle entité à mettre en oeuvre une stratégie de verrouillage par les intrants
352. Bien qu’elle considère que la nouvelle entité n’aura pas la capacité de mettre en place une stratégie de verrouillage par les intrants, l’Autorité procède également, à titre surabondant, à l’analyse des incitations de la nouvelle entité à mettre en place une telle stratégie.
353. Un verrouillage de l’accès aux droits de films EOF de catalogue de la nouvelle entité pourrait permettre à cette dernière d’augmenter l’attractivité relative de ses chaînes en clair et payante en appauvrissant la programmation cinématographique des opérateurs concurrente ou en détériorant les conditions d’accès à ces contenus. Compte tenu des quotas obligatoires de diffusion de films européens et EOF imposés par la réglementation, les opérateurs concurrents ne pourraient pas reporter leurs achats vers des films américains (ou autres) pour maintenir l’attractivité de leur chaîne en cas de verrouillage.
354. Toutefois, l’Autorité relève qu’en verrouillant l’accès à ses droits de films de catalogue EOF, la nouvelle entité se priverait d’une part substantielle des revenus de StudioCanal et d’Orange Studio. En effet, [60-70] % de la valeur des ventes de droits de diffusion de films EOF de catalogue de StudioCanal a été réalisée auprès d’entités autres que GCP et OCS en 2021, cette part s’élevant même à [90-100] % pour Orange Studio202.
355. Parmi ces ventes de droits de diffusion de films EOF de catalogue auprès des tiers, les ventes auprès des chaînes en clair concurrentes ont représenté [90-100] % des ventes du catalogue de StudioCanal et [60-70] % de celui d’Orange Studio en 2021203. Or, comme analysé infra, les opérateurs en clair sont susceptibles de reporter leurs achats vers d’autres détenteurs de catalogue et sont en mesure, pour celles adossées à un grand groupe audiovisuel, de négocier des clauses de préemption ou de priorité lorsqu’ils préfinancent des films. Dès lors, quand bien même une telle stratégie permettrait d’augmenter les recettes publicitaires de ses chaînes en clair ou l’attractivité du portefeuille de films EOF de catalogue disponibles dans ses offres payantes, il est peu probable que la nouvelle entité soit incitée à mettre en place un verrouillage total ou partiel pour l’accès à ses films EOF de catalogue, compte tenu du débouché financier significatif que représentent les chaînes en clair concurrentes.
356. Certes, les incitations à adopter une stratégie de verrouillage par la nouvelle entité pourraient être plus grandes vis-à-vis des chaînes de télévision en clair non adossées à un grand groupe audiovisuel et des opérateurs de VàDA et de VàD. Dans la mesure où ces opérateurs représentent un débouché financier moindre que les groupes audiovisuels historiques, une éventuelle stratégie de verrouillage par la nouvelle entité lui permettrait d’assumer des pertes limitées. De plus, les chaînes en clair non adossées à un grand groupe audiovisuel204 n’investissent pas dans le préachat des films, et les investissements de ce type par les opérateurs de VàDA demeurent modestes par rapport à l’ensemble des préachats et en particulier ceux de la nouvelle entité. En ce sens, ces types d’opérateurs peuvent être considérés, à ce jour, comme plus dépendants de l’approvisionnement de films de catalogue EOF auprès de tiers, incluant les parties, que les chaînes de télévision adossées à un grand groupe audiovisuel. Toutefois, les éléments analysés relatifs à la possibilité pour les opérateurs de s’approvisionner auprès de détenteurs de droits tiers et, en particulier, la faible importance pour eux d’Orange Studio en tant que fournisseur sur le marché de l’acquisition des droits de diffusion de films de catalogue EOF, ne sont pas de nature à démontrer un renforcement de l’incitation de la nouvelle entité à mettre en place une telle stratégie vis-à-vis de ces opérateurs.
357. En conclusion, l’opération n’est pas de nature à renforcer l’incitation de la nouvelle entité à mettre en place une stratégie de verrouillage des films de catalogue EOF.
c) Absence d’impact résultant de la mise en place d’une stratégie de verrouillage par les intrants
358. Compte tenu des éléments analysés infra, liés en particulier à la possibilité pour les acheteurs de droits de diffusion de films de catalogue EOF de s’approvisionner pour une large part auprès de détenteurs de droits concurrents à la nouvelle entité, l’Autorité relève que l’impact d’une stratégie de verrouillage par les intrants aurait probablement un impact limité sur la concurrence.
359. En tout état de cause, compte tenu de l’incrément limité résultant de l’opération sur le marché, la force concurrentielle de la nouvelle entité sur le marché en cause repose très largement sur les ventes de StudioCanal et non d’Orange Studio, c’est-à-dire que les conditions de concurrence ne sont pas significativement modifiées par l’opération. Dans ce cadre, il ne peut pas être considéré qu’un effet anticoncurrentiel résultant d’une éventuelle stratégie de verrouillage serait significativement supérieur à ce qui aurait prévalu avant l’opération. Ainsi, l’opération ne modifierait pas de manière substantielle l’impact d’une telle stratégie.
360. En conclusion, l’opération n’est pas de nature à renforcer significativement l’impact d’une éventuelle stratégie de verrouillage par les intrants sur le marché des droits de diffusion des oeuvres cinématographiques de catalogue EOF.
d) L’accès aux droits de télévision de rattrapage du catalogue d’Orange Studio
361. Malgré l’absence de verrouillage à l’accès des films EOF de catalogue de la nouvelle entité, l’Autorité a toutefois identifié un effet lié à l’opération pouvant restreindre dans une certaine mesure l’accessibilité de ces contenus sur les services de télévision de rattrapage des chaînes en clair.
362. Certains opérateurs du marché ont fait remonter un risque de verrouillage quant à l’accès aux droits de télévision de rattrapage des films de catalogue d’Orange Studio après l’opération. Alors qu’Orange Studio accepte de vendre des droits de rattrapage non linéaires avec les droits linéaires de ses films, en particulier à destination des chaînes en clair, la politique de vente de ces droits s’avère plus restrictive chez StudioCanal, qui ne cèdent pas ou alors de manière plus marginale de tels droits.
363. Un opérateur a notamment indiqué que « [t]ous les grands ayants droit du cinéma français tels que Gaumont, Pathé, etc. cèdent les droits de rattrapage de leurs films de pair avec les droits linéaires et sans surcoût. GCP est le seul groupe qui ne vend pas le replay lors de la cession des droits des films de catalogue.(…) si GCP limite ses droits replay en France, il les cède auprès des diffuseurs étrangers comme la BBC. Le risque est que le catalogue d'Orange Studio suive le même chemin (…) »
364. Avant l’opération, GCP a déjà la capacité de refuser la vente de droits de télévision de rattrapage, en particulier vis-à-vis de chaînes de télévision en clair. Après l’opération, le catalogue d’Orange Studio sera sous son contrôle, ce qui constitue une incitation à étendre ses pratiques à ce nouveau périmètre. Un tel verrouillage de la vente de droits de télévision de rattrapage au moment de la vente de droits linéaires privera les chaînes en clair de contenus qui alimentaient précédemment à l’opération leur plateforme en droits non linéaires. Par conséquence, le consommateur, qui avant l’opération avait accès à ces droits de rattrapage pour les films de catalogue d’Orange Studio acheté par les chaînes en clair, s’en trouverait privé.
365. Il ressort de ce qui précède que la concentration des parties à l’opération sur le marché de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF de catalogue emporte un risque d’atteinte à la concurrence. Toutefois, GCP a présenté des engagements, analysés en section IV de la présente décision, de nature à écarter ce risque.
366. Au regard des activités exercées par les parties, l’opération est susceptible d’entraîner des effets verticaux entre les marchés intermédiaires de l’édition et commercialisation de chaînes de télévision payante et de services de vidéo à la demande, en métropole, dans les Antilles et dans l’Océan Indien et les marchés aval de la distribution de services de diffusion. La nouvelle entité pourrait mettre les chaînes d’OCS à la seule disposition des offres distribuées par GCP après l’opération, alors qu’elles sont actuellement également distribuées par d’autres opérateurs, notamment certains distributeurs implantés localement dans les territoires ultramarins. L’intégration de ces chaînes à une nouvelle offre pourrait renforcer son attractivité.
367. Ce risque est également identifié par l’Arcom205 qui mentionnant le projet de GCP de fusionner les bouquets cinéma OCS et Ciné+ (« OCS+ »), note qu’actuellement tout ou partie des chaînes du bouquet Ciné+ sont distribuées dans les offres propriétaires des FAI mais qu’il n’est « pas exclu que GCP, lors du lancement de la nouvelle offre OCS+, décide de distribuer ce bouquet cinéma séries en exclusivité dans ses offres auto distribuées ». Ainsi, cette offre ne pourrait pas être répliquée par certains distributeurs concurrents de GCP qui seraient privés de contenus cinéma et séries.
368. La probabilité que l’opération fausse le jeu de la concurrence par des effets verticaux dépend à la fois de la capacité (a) et de l’incitation (b) de GCP à restreindre l’accès de ses concurrents aux chaînes où bouquets qu’il édite. Il convient également de s’assurer qu’une telle stratégie aura un impact significatif sur les marchés concernés (c). Dans les développements qui suivent, l’Autorité analyse ces critères en distinguant les DROM et la France métropolitaine.
369. À titre liminaire, il convient de définir le périmètre sur lequel pourraient intervenir les effets verticaux résultant de l’opération à travers une éventuelle stratégie de verrouillage par les intrants de GCP, tant en France métropolitaine que dans les DROM.
370. À cet égard, l’Autorité considère que la présente opération ne vient pas modifier la possibilité qu’a GCP de mettre en oeuvre une telle stratégie pour les actifs qu’il contrôle avant l’opération (chaînes Canal+ et Ciné+), cette possibilité résultant de l’intégration verticale de GCP. En revanche, la présente opération pourrait comporter le risque d’étendre une telle stratégie aux actifs concernés par l’opération, à savoir OCS.
371. Dans le cadre de l’analyse d’une précédente opération concernant les DROM, l’Autorité avait constaté que la prise de contrôle exclusif de Mediaserv, Martinique Numérique, Guyane Numérique et La Réunion Numérique par GCP (via Canal Plus Overseas - COS) présentait un risque de restriction de l’accès des FAI aux offres de COS (devenu Canal+ International). Elle a également relevé que GCP aurait pu enrichir les bouquets de télévision commercialisés par Mediaserv dans le cadre d’offres triple play, grâce à des chaînes inaccessibles aux autres FAI206. C’est pourquoi GCP avait souscrit à plusieurs engagements, dont ceux de donner aux FAI qui en feraient la demande la possibilité de distribuer les offres de COS (Canal+ et CanalSat) en autodistribution dans des conditions techniques et tarifaires transparentes, objectives et non-discriminatoires, ou encore de garantir l’accès à des chaînes payantes de cinéma aux distributeurs concurrents, en mettant à disposition ses chaînes Ciné+ à tout distributeur qui en ferait la demande207.
372. Pour les raisons qui seront indiquées ci-dessous, l’Autorité considère qu’un tel risque n’est pas constitué pour ce qui concerne la France métropolitaine contrairement aux DROM.
Sur la capacité de GCP à restreindre l’accès des FAI concurrents à ses chaînes et bouquets
373. Selon la partie notifiante, la nouvelle entité ne disposera d’aucune capacité de verrouillage des intrants en raison de sa part de marché dont la majeure partie est constituée des chaînes Canal+ mises à disposition des distributeurs en autodistribution. De plus, les chaînes OCS ne constituent pas un intrant particulièrement attractif en raison de sa perte d’attractivité avec la fin de plusieurs contrats (HBO et Sony).
374. En France métropolitaine, comme développé supra au titre des effets horizontaux, la part de marché d’OCS est relativement faible et celle de GCP tend à diminuer ces dernières années. La récente perte d’attractivité d’OCS pourrait également conduire à voir la part de marché de la cible diminuer encore davantage, en l’absence d’accord de type output deal ou package deal portant sur des contenus cinéma ou séries américaines. De plus, les parties font face depuis plusieurs années à la concurrence de nouveaux opérateurs de services de VàDA, qui sont distribués notamment par des intermédiaires tels que les FAI. Ceux-ci les prennent en effet en considération dans leurs arbitrages au moment de composer leurs bouquets, notamment vis-à-vis des chaînes thématiques. Compte tenu de ces éléments, l’Autorité considère que l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux sur le marché de l’édition et de la commercialisation d’offres payantes et de la distribution de services de diffusion de contenus payants en France métropolitaine.
375. L’Autorité, en revanche, ne partage pas l’analyse de la partie notifiante pour ce qui concerne les marchés des DROM.
376. Les chaînes OCS sont aujourd’hui, sur la base du fonctionnement normal des conditions de marché, mises à la disposition des FAI ultramarins. La part de marché d’OCS dans les DROM est généralement plus élevée que celle en métropole, comme rappelé précédemment. Même si la part de marché de la nouvelle entité demeure inférieure à 40 % sur les marchés ultramarins concernés, celle-ci ne reflète pas parfaitement l’importance qu’elles revêtent pour les distributeurs locaux à l’aval et la capacité de la nouvelle entité à procéder à une stratégie de verrouillage, compte tenu notamment d’alternatives à OCS beaucoup moins importantes dans les DROM.
377. En effet, pour les distributeurs implantés localement, l’accès à des services de VàDA comme alternative aux contenus cinéma et séries des chaînes OCS n’apparaît pas à ce jour comme une option. Ainsi, l’accès aux chaînes d’OCS permet aux distributeurs ultramarins actifs sur les marchés aval qui n’ont pas accès aux services de VàDA de proposer au sein de leurs bouquets des contenus avec du cinéma et des séries. .
378. Plus précisément, parmi les distributeurs de chaînes de télévision payante présents dans les DROM, tous n’ont pas le même périmètre d’implantation. Certains sont adossés à des groupes et sont ainsi actifs à la fois en métropole et dans les territoires ultra-marins par le biais de leurs filiales, tels qu’Orange (Orange Caraïbes, Orange Réunion), GCP (Canal+ Réunion et Canal+ Antilles) ou Altice (SFR Caraïbes, SRR). D’autres distributeurs sont implantés uniquement au niveau de certains territoires ultramarins, tels que Zeop (Réunion) et Parabole Réunion. Or, il ressort des réponses aux tests de marché que plusieurs de ces distributeurs, non présents sur le territoire métropolitain, s’ils peuvent disposer d’accords de distribution relatifs aux chaînes des parties (OCS ou Ciné+) n’ont pas, à ce jour, conclu d’accords de distribution avec les plateformes de VàDA, contrairement aux distributeurs présents à la fois en métropole et dans les territoires ultra-marins. Ainsi, comme l’indique un distributeur dans sa réponse au test de marché, « la taille du marché reste un obstacle majeur à l’édition de contenus susceptibles d’être des moteurs d’abonnement ». Ce même distributeur précise que « les coûts de développement pour intégrer ces plateformes à nos propres offres ne sont pas supportables financièrement pour des structures de notre taille. Certaines plateformes ne discutent qu’à partir d’un certain volume d’abonnés difficilement atteignable compte tenu de la taille du marché sur lequel nous opérons. Nous pouvons ainsi demander l’accès à leur contenu mais sans espoir de concrétisation ». Ainsi, les services de VàDA ne constituent pas aujourd’hui une alternative aux offres d’OCS pour ces opérateurs qui pourraient être privés de contenus cinéma et séries après l’opération.
379. La nouvelle entité aurait donc la capacité de procéder à un verrouillage de l’accès aux chaînes OCS vis-à-vis de certains distributeurs implantés localement.
Sur l’incitation de GCP à procéder à un verrouillage par les intrants
380. Selon la partie notifiante, la nouvelle entité n’est pas incitée à procéder à un verrouillage par les intrants car le modèle économique d’OCS repose très largement sur la distribution par des tiers. Ainsi, OCS est largement dépendant des FAI pour sa distribution, ceux-ci lui garantissant des revenus de distribution qu’une stratégie de verrouillage ne permettrait pas de compenser. En outre, les incitations quant à un verrouillage ne seront pas renforcées après l’opération, car une rupture des relations commerciales existant actuellement entre OCS et les distributeurs conduirait à la perte des redevances versées par ces derniers à la nouvelle entité.
381. Concernant tout d’abord l’incitation à procéder à un tel verrouillage dans la France métropolitaine, l’Autorité relève que l’addition de part de marché relative à OCS est limitée et que sa part de marché devrait continuer à décroître. Il ressort en outre de l’instruction que les revenus liés à la distribution d’OCS en 2022 proviennent en large partie des tiers. Ainsi, si l’autodistribution de ses chaînes par OCS et par GCP représente environ [10-20] % et [30-40] % environ de ses revenus respectivement, le reste émane de la distribution réalisée par d’autres distributeurs. En effet, OCS est également distribué par Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free et également Amazon, qui lui assurent [50-60] % de ses revenus de distribution. Par conséquent, la mise en oeuvre d’une stratégie de verrouillage reviendrait pour la nouvelle entité à se priver d’une part substantielle des revenus d’OCS. De même, une éventuelle stratégie de verrouillage partiel, à travers une dégradation des conditions d’accès à OCS pour les tiers, serait vraisemblablement également vouée à l’échec compte tenu des alternatives dont disposent ces distributeurs en France métropolitaine. En outre, une stratégie de verrouillage est d’autant moins crédible que la perte de contenus attractifs par OCS pourrait avoir des conséquences négatives quant à sa capacité de recrutement de nouveaux abonnés et donc à compenser les pertes de revenus générées par le verrouillage. Dès lors, la nouvelle entité n’a pas d’incitation à cesser de proposer la distribution d’OCS à des distributeurs.
382. L’analyse de l’Autorité conduit toutefois à une conclusion différente pour ce qui concerne les marchés des DROM.
383. En effet, il ressort des éléments transmis par la partie notifiante qu’une partie importante du parc d’abonnés d’OCS dans les DROM provient de sa distribution par GCP, à savoir plus de [70-80] % de son parc d’abonnés dans la zone Océan Indien et plus de [50-60] % de son parc d’abonnés dans la zone Antilles. Dans cette mesure, la majorité des revenus de la nouvelle entité serait préservée en cas de verrouillage des intrants208.
384. S’agissant plus précisément du parc d’abonnés à OCS dans les DROM, celui-ci se compose d’environ […] personnes en décembre 2022 (soit moins de [10-20]% du total des abonnés d’OCS à la même période)209. Autour de [10-20] % de ces abonnements seulement sont réalisés avec des distributeurs locaux (non adossés à un groupe présent dans la France hexagonale). Plus précisément, si l’on considère la zone des Antilles, les distributeurs présents sont C+ Antilles, Orange Antilles et Altice. Pour la zone Océan Indien, les distributeurs sont notamment Orange C+ Réunion, Parabole Réunion, Zeop et Altice et autour de [10-20] % des abonnés proviennent des distributeurs Zeop et Parabole Réunion.
385. En proposant en exclusivité une nouvelle offre de télévision payante regroupant du cinéma et des séries, tout en en privant les distributeurs concurrents, la nouvelle entité pourrait ainsi améliorer l’attractivité de son offre auprès des consommateurs au détriment de ses concurrents, tout en limitant les pertes d’abonnés et de revenus. En outre, une stratégie de verrouillage partiel, à travers par exemple une augmentation des coûts d’accès d’OCS pour les distributeurs locaux, contribuerait également à dégrader la qualité de l’offre de ces derniers, qui ne disposent pas de fournisseurs alternatifs suffisants.
386. La nouvelle entité serait donc incitée à procéder à un verrouillage partiel ou total des chaînes OCS dans les DROM, en particulier dans la zone Océan Indien. Sur l’impact significatif sur les marchés concernés
387. Selon la partie notifiante, les distributeurs tiers ne dépendent pas des chaînes d’OCS pour offrir des bouquets et services attractifs. Ainsi, les plateformes de VàDA ont développé leur activité de distribution sans avoir accès aux chaînes d’OCS et avant l’opération le premier distributeur d’OCS est GCP. Enfin, les chaînes d’OCS ne contribuent pas significativement à la compétitivité des distributeurs et il existe des chaînes et services de VàDA alternatifs à la disposition des distributeurs pour constituer des bouquets attractifs.
388. L’Autorité partage l’analyse de la partie notifiante pour ce qui concerne les distributeurs d’OCS en France métropolitaine, ces derniers disposant, comme indiqué supra, d’alternatives importantes et crédibles. Ce constat a d’ailleurs largement été confirmé par le test de marché mené auprès des opérateurs concernés.
389. L’analyse de l’Autorité est en revanche différente pour ce qui concerne les marchés des DROM.
390. Même s’il a été établi dans le cadre de la présente décision que les chaînes OCS ont récemment perdu en attractivité, le test de marché mené auprès d’opérateurs ultra-marins concernés a montré qu’elles conservent une importance commerciale significative pour certains d’entre eux dans le cadre des offres à leurs abonnés, notamment dans un contexte d’alternatives limitées résultant de l’absence des plateformes de VàDA dans leurs offres.
391. Dès lors, si les distributeurs n’avaient plus accès aux contenus OCS, ou y avaient accès dans des conditions commerciales dégradées, l’offre de télévision avec du cinéma et des séries qu’ils seraient en mesure de proposer aux consommateurs se trouverait moins compétitive vis-à-vis des offres de GCP sur le marché aval. Ils ne pourraient pas remplacer ces contenus par l’accès à des plateformes de VàDA, à la différence des distributeurs présents également en France métropolitaine. Du point de vue des consommateurs, sur le marché aval de la distribution de services de télévision payante, ces derniers perdraient l’accès à ces contenus et seraient obligés de souscrire à la nouvelle offre OCS+ pour conserver l’accès à ces chaînes, aux conditions établies par GCP seul, notamment si cette offre n’est pas auto-distribuée après l’opération dans les DROM.
392. En conclusion, l’Autorité considère que la nouvelle entité disposera de la capacité et de l’incitation à mettre en oeuvre une stratégie de verrouillage des chaînes OCS dans les DROM, une telle stratégie étant susceptible d’avoir un effet néfaste sur la concurrence dans ces territoires. Ce constat n’est en revanche pas vérifié pour la France métropolitaine.
393. Il ressort de ce qui précède que la concentration verticale des parties à l’opération sur les marchés de l’édition et de la commercialisation d’offres payantes et de la distribution de services de diffusion de contenus payants emporte un risque d’atteinte à la concurrence. Toutefois, GCP a présenté des engagements, analysés en section IV de la présente décision, de nature à écarter ce risque.
D. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX
394. Une concentration est susceptible d’emporter des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d’autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. Certaines concentrations conglomérales peuvent en effet produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu’elles permettent de lier techniquement ou commercialement, les ventes des produits de la nouvelle entité de façon à verrouiller le marché et à évincer les concurrents.
395. L’Autorité de la concurrence considère qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché connexe. Si ce seuil est franchi, elle examine si l’entité fusionnée aurait (i) la capacité de verrouiller ce marché connexe, (ii) l’incitation à adopter une telle stratégie et (iii) si cette dernière est susceptible de porter atteinte de manière significative à la concurrence sur les marchés concernés par des ventes couplées.
396. Plusieurs marchés concernés par l’opération présentent des liens de connexité qui doivent faire l’objet d’une analyse concurrentielle conglomérale au regard du pouvoir de marché de la nouvelle entité, en particulier sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion, et du renforcement de sa position avec l’acquisition d’OCS.
397. GCP et OCS exercent des activités sur plusieurs marchés connexes. La pratique décisionnelle a déjà identifié, dans de précédentes décisions, des effets congloméraux sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion portant en particulier sur les oeuvres cinématographiques EOF et américaines, à travers la possibilité pour GCP de mettre en oeuvre des stratégies de couplage de plusieurs droits. En l’espèce, la nouvelle entité, forte de sa position en première fenêtre payante, sur les marchés amont de l’acquisition de d’oeuvres cinématographiques récentes EOF et américaines, pourrait mettre en oeuvre plusieurs stratégies de couplages qui sont analysées ci-après.
398. En premier lieu, certains opérateurs du marché identifient un risque découlant de l’opération, sur la fenêtre d’exploitation pour la vente sous la forme de VàD à l’acte ou de vente physique au regard du pouvoir de marché de GCP.
399. En deuxième lieu, la nouvelle entité pourrait utiliser le renforcement de sa présence en première fenêtre payante, sur les oeuvres cinématographiques EOF et américaines, pour chercher à favoriser ses propres chaînes en clair, en privant ainsi les autres chaînes en clair concurrentes de la possibilité de préacheter certains projets de films et de les diffuser. En 2017210, l’Autorité avait déjà identifié un tel effet de levier pour ce qui concerne GCP. Par ailleurs, la nouvelle entité pourrait également favoriser ses activités de diffusion sur la deuxième fenêtre payante au détriment des services de VàDA, en liant l’obtention des deux premières fenêtres payantes, par le biais de couplages dans l’achat des droits de diffusion des films récents EOF et américains.
400. En troisième lieu, la nouvelle entité pourrait réaliser des couplages entre l’achat de films récents américains et les séries américaines. Ce couplage a également déjà été identifié par la pratique décisionnelle pour ce qui concerne GCP211.
401. En quatrième lieu la nouvelle entité pourrait réaliser des couplages entre l’achat de films EOF récents et les fictions EOF et entre les films EOF récents et les films de catalogue EOF.
402. Certains opérateurs ont identifié un risque sur la fenêtre relative à la vente de droits de films en VàD à l’acte en raison du pouvoir de marché de GCP. Cette fenêtre d’exploitation s’ouvre à partir de 4 mois après la sortie d’un film en salles en France, celui-ci étant alors mis en vente physique (DVD, Blu-Ray) et en VàD à l’acte. Les parties distribuent toutes les deux des films en VàD à l’acte via leurs sociétés StudioCanal et Orange Studio212.
403. Il ressort de l’instruction que le risque de verrouillage de cette fenêtre peut être écarté, notamment en raison de la réglementation.
404. En effet, l’accord sur la chronologie des médias autorise l’exploitation en VàD pendant toute la durée de l’exploitation successive des oeuvres, c’est-à-dire que cette fenêtre ne se referme pas au moment de l’ouverture des fenêtres suivantes. L’arrêté du 4 février 2022 portant extension de l'accord pour le réaménagement de la chronologie des médias du 24 janvier 2022 indique qu’« [u]ne oeuvre cinématographique peut faire l'objet d'une exploitation par un service de médias audiovisuels à la demande payant à l'acte selon un régime identique à celui des vidéogrammes destinés à la vente ou à la location (…). Afin de garantir l'accès le plus large aux oeuvres pour le public, l'exploitation d'une oeuvre par un service de télévision ou par une autre catégorie de services de médias audiovisuels à la demande ne peut faire obstacle à son exploitation par un service de médias audiovisuels à la demande payant à l'acte ». Par ailleurs, un opérateur interrogé par le test de marché a indiqué concernant le fonctionnement de cette fenêtre qu’à ce jour, « cette exploitation se fait aujourd’hui à titre non exclusif. Cette non exclusivité permet un accès aux oeuvres EOF au plus grand nombre ».
405. En tout état de cause, l’acquisition d’OCS par GCP ne modifie pas de manière substantielle le pouvoir de marché de la nouvelle entité concernant la vente de films en VàD à l’acte.
406. Au regard de ces éléments le risque de verrouillage peut être écarté.
407. L’opération conduit à renforcer la position de GCP sur les marchés de l’acquisition de films EOF récents, où il sera en situation de monopsone, et dispose à ce jour d’output deal avec les principaux studios américains pour les films américains récents. Toutefois, l’Autorité rappelle que GCP disposait déjà, avant l’opération, d’un pouvoir de marché très important sur le marché de l’acquisition des droits de diffusion en première fenêtre payante. Dans ce contexte, la présente analyse se concentrera sur une possible extension d’une telle stratégie appliquée aux activités de la cible.
408. L’Autorité considère que le risque de verrouillage de l’accès à des films récents par le couplage à l’achat peut cependant être écarté pour les raisons qui sont développées ci-dessous.
409. De manière générale, en ce qui concerne la mise en oeuvre d’éventuels couplages des achats des films récents à destination (i) de ses services de deuxième fenêtre payante de diffusion (où son actifs les opérateurs de VàDA) et (ii) de ses chaînes en clair, l’Autorité rappelle que la position de la nouvelle entité ne sera pas significativement renforcée après l’opération, notamment pour l’achat de films américains récents, en raison de la faible part de marché d’OCS. En effet, comme exposé supra OCS ne bénéficie plus d’aucun output deal, celui dont il disposait avec Sony ayant été converti en package deal portant sur seulement dix films et ayant expiré en février 2023. Selon la partie notifiante, le montant des achats de droits auprès de Sony représentait environ [60-70] % du montant total des achats d’OCS en droits de diffusion de films américains en 2021. S’agissant des films EOF récents, les investissements d’OCS dans les préachats ont sensiblement diminué mais OCS reste néanmoins le seul guichet alternatif à GCP pour la première fenêtre payante de télévision. Sur le couplage entre les deux fenêtres payantes
410. Concernant un possible couplage entre la première fenêtre payante à six mois et la deuxième fenêtre payante à 15 mois sur les droits de films récents (américains et EOF), la nouvelle entité ne sera pas incitée à mettre en oeuvre une stratégie de couplage de ses achats, au détriment des services de VàDA.
411. En premier lieu, pour les films américains récents, comme indiqué précédemment, l’addition de part de marché en 2022 avec OCS est faible. De plus, de nombreux services de VàDA américains sont adossés aux studios qui vendent les droits de diffusion des films américains récents. D’autres services de VàDA (comme Netflix) bénéficient de ressources financières importantes du fait notamment de leur activité à dimension mondiale. Ils disposent en tout état de cause d’une puissance d’achat importante et sont en mesure d’exercer une concurrence forte et croissante sur l’achat de ces films.
412. En deuxième lieu, pour les films EOF récents, la mise en oeuvre d’une éventuelle stratégie de couplage d’achat ne concernerait qu’un nombre limité de films. En effet, le nombre de films pour lesquels OCS a acquis les droits pour une diffusion en première fenêtre payante et un service de VàDA une deuxième fenêtre payante est d’environ 6 films en 2022213, les opérateurs en deuxième fenêtre payante étant Amazon et Disney+. Ainsi, la mise en oeuvre d’une stratégie de couplage ne concernerait qu’une portion relativement faible de films EOF récents. Par ailleurs, certains services de VàDA ne seraient pas concernés par une telle stratégie au regard de leur propre stratégie d’achat de films EOF récents en particulier. Netflix, comme cela a été développé supra, procède souvent au préachat combiné de la première fenêtre payante et de la deuxième fenêtre payante afin de diffuser en première exclusivité les films récents EOF achetés. À ce jour Netflix ne serait donc pas concerné par un tel couplage, lui-même groupant ses achats de fenêtres payantes. L’Autorité relève que ce contournement d’une éventuelle stratégie de couplage de la part de la nouvelle entité pourrait également être mis en oeuvre par les autres services de VàDA. Il n’existe en effet à ce jour aucun obstacle de nature réglementaire qui empêcherait les services de VàDA tels qu’Amazon Prime Video et Disney+ à procéder à l’achat d’une première fenêtre payante afin de conserver la première exclusivité de diffusion sur leurs services à 17 mois, au même titre que Netflix.
413. À titre subsidiaire, même si la pratique est moins répandue du côté de GCP, l’Autorité relève que des préachats combinant des services de VàDA en deuxième fenêtre payante et GCP en première fenêtre payante sont intervenus au cours des dernières années (exemple pour le film « L’Amour Ouf »), témoignant du fait que GCP ne mettait pas nécessairement en oeuvre une telle stratégie de couplage, même avant l’opération. Sur le couplage entre la première fenêtre payante et la fenêtre en clair
414. À titre liminaire, l’opération ne renforce pas l’intégration de la nouvelle entité sur le marché de l’acquisition des droits de diffusion sur la fenêtre d’exploitation des chaînes en clair car OCS ne dispose que de chaînes payantes et d’un service de VàDA. Dès lors, la modification de la structure de la concurrence sur les marchés concernés par un éventuel couplage de la sorte apparaît limitée.
415. En premier lieu, si l’Autorité a considéré en 2017214 qu’un tel effet de levier pouvait être envisagé entre les activités de télévision payante et gratuite de GCP, l’Autorité relève que la fin de ses engagements au 1er janvier 2020 n’a pas modifié le comportement de GCP, qui n’a pas augmenté le nombre de préachats d’un même film en télévision payante et en clair. Selon les données du CNC fournies par GCP, en 2018 et 2019, ce dernier a acquis les droits de diffusion en clair de seulement 13 et 6 films d’initiative française215 (« FIF ») respectivement (sur un total de 132 et 130 films préachetés respectivement). En 2020 et 2021, GCP ayant acquis les droits de diffusion en clair de 11 et 8 films d’initiative française respectivement (sur un total de 99 et 184 films préachetés). L’année 2022 n’a pas marqué de changement, puisque seuls quatre « FIF » préachetés par GCP ont fait l’objet d’une diffusion sur une chaîne en clair du groupe (sur un total de 114 films préachetés).
416. En deuxième lieu, GCP indique que ses chaînes en clair ne disposent pas de budgets d’acquisition permettant de rivaliser avec les groupes historiques tels que TF1, M6 ou France Télévisions. En effet, les chaînes en clair de GCP (C8, CStar) diffusent très peu d’oeuvres cinématographiques récentes, en raison des coûts d’acquisition des droits de diffusion de ces contenus, qui sont incompatibles avec les budgets dont elles disposent. Il ressort d’ailleurs de l’instruction, comme indiqué supra, que parmi les chaînes en clair non adossées à un groupe audiovisuel, certaines comme NRJ ne sont pas en mesure de préacheter des films EOF récents, au contraire des chaînes adossées à de tels groupes. Dès lors, un éventuel couplage ne modifierait pas la situation préexistante les concernant spécifiquement.
417. En troisième lieu, pour les films américains récents, comme développé supra, l’incrément de part de marché est marginal et OCS ne dispose plus à ce jour d’output deal avec les studios américains. En outre, les studios américains ont tout intérêt à accorder des droits de diffusion à des chaînes adossées à un grand groupe audiovisuel, en raison de leur capacité financière, celles-ci étant par ailleurs davantage en mesure que les chaînes en clair de GCP de valoriser les films qu’elles diffusent de par leur audience plus conséquente et des revenus publicitaires qu’elles en retirent.
418. Compte tenu de ces éléments, la nouvelle entité ne sera pas en mesure de mettre en oeuvre des stratégies de couplage des préachats, à partir de la première fenêtre payante, sur (i) ses services de deuxième fenêtre payante de diffusion et (ii) ses chaînes en clair. En tout état de cause, Groupe Canal Plus s’est engagé à maintenir une équipe d’acquisition OCS/Ciné+, dédiée au préachat de films français de première fenêtre payante auprès de producteurs français, distincte de celle de Canal+ avec des garanties d’indépendance.
419. La pratique décisionnelle216 a identifié de possibles effets congloméraux entre l’achat de droits de diffusion de films américains et de séries américaines récentes. Il convient en l’espèce d’analyser la situation de la nouvelle entité au regard des évolutions du marché.
420. En premier lieu, comme développé supra, en ce qui concerne les films américains récents, la part de marché d’OCS est limitée et devrait encore diminuer en 2023 avec la fin des contrats de type output deal avec les studios américains. De même, OCS a perdu le contrat qui lui permettait de disposer de séries HBO et participait à son attractivité et donc à son pouvoir de marché. Dès lors, l’impact de l’opération sur la structure de la concurrence en ce qui concerne l’achat de ces deux types de contenus apparaît particulièrement limité.
421. En deuxième lieu, les films américains récents et les séries américaines récentes sont des contenus dont les droits sont essentiellement proposés à la vente par des studios américains. L’Autorité a identifié que les studios américains disposaient bien d’un pouvoir de marché en raison d’« un pouvoir de négociation suffisant pour organiser la vente de leurs droits selon les modèles économiques qui leur sont favorables »217. L’Autorité a également relevé que GCP était néanmoins pour les studios américains « un unique acheteur pour la vente en France des droits de première fenêtre de télévision payante linéaire »218, lui permettant de disposer de leviers de négociation. Ce pouvoir de négociation a été considéré comme amoindri219 pendant un temps en raison de la concurrence exercée par d’autres opérateurs linéaires, Altice et OCS.
422. Or, à ce jour, les studios américains ont continué à développer leurs activités de vente de droits de diffusion de films et de séries et ils exploitent souvent ces droits sur un territoire plus large que le simple territoire national. Ils sont également, pour la plupart, verticalement intégrés en disposant d’une plateforme proposant des services de VàDA. Les studios américains sont en mesure de procéder à des arbitrages en décidant s’ils souhaitent vendre de droits à des opérateurs tiers ou les conserver pour les proposés aux abonnés à leur plateforme. Ainsi, ces studios américains, qui détiennent la majorité des droits des films américains récents et des séries américaines, jouissent toujours d’un pouvoir de négociation significatif. Les services de VàDA peuvent aussi investir fortement dans la production de contenus propres, acheter à des prix élevés certains droits, acheter ou produire pour ensuite diffuser des séries en exclusivité, celles-ci étant des moteurs d’abonnements. Les plateformes tendent ainsi à développer leurs propres séries (« Rings of Power » sur Amazon Prime Video, « Stranger Things » sur Netflix), ce qui leur permet, dans une certaine mesure, de contourner les éditeurs de chaînes traditionnels en développant leur propre activité d’édition. GCP indique par exemple que 36 % du catalogue de Netflix en 2022 se compose de productions originales.
423. En troisième lieu, les modalités pratiques de conclusion des contrats limitent de fait la capacité de la nouvelle entité à coupler l’achat des droits de films et séries américains. Tandis que l’achat de séries américaines récentes est souvent réalisé au moyen de lots de titres (par exemple, la série « Landscapers » a été achetée à Universal dans le cadre d’un package deal avec notamment « Girl 5 Eva » ou « Pretty hard cases » par GCP) ou de préachats (exemple, « Tokyo Vice »), les films américains sont encore achetés via des output deals.
424. Il ressort de ce qui précède que la nouvelle entité fera face à la concurrence d’opérateurs internationaux de VàDA pour lesquels elle n’est pas mesure de lier l’acquisition de droits pour les films américains récents et les séries américaines récentes. Compte tenu de ces éléments, la nouvelle entité n’est pas incitée à adopter une stratégie de verrouillage.
425. Il convient d’analyser la possibilité pour la nouvelle entité de procéder à un verrouillage en couplant l’achat de droits de films EOF récents et de fictions EOF.
426. À titre liminaire, la part de marché d’OCS concernant l’achat de fictions EOF est particulièrement faible, avec une addition de part de marché inférieure à deux points en 2021.
427. En premier lieu, en raison du décret SMAD et des obligations de financement des contenus audiovisuels qui pèsent notamment sur les services de VàDA, ceux-ci sont concurrents des parties pour l’acquisition de ces droits de diffusion. Ils constituent donc des alternatives pour les producteurs de fictions EOF. L’Arcom a ainsi indiqué, que « [l]es éditeurs de services de VàDA ont en effet largement développé leurs investissements dans les programmes audiovisuels ces dernières années et sont devenus des clients à part entière des sociétés de production audiovisuelle françaises. (…) Ces investissements sont par ailleurs appelés à progresser en parallèle de la croissance de la pénétration de ces services. Les investissements des services de VàDA devraient continuer à progresser sous l’effet de la mise en oeuvre des dispositions du décret du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande qui achève de transposer la directive dite « Services de médias audiovisuels », mais aussi dans un contexte de renforcement de la concurrence sur le marché d’acquisition des droits attractifs »220. Il en résulte que les plateformes de VàDA pourraient utiliser leurs moyens financiers plus conséquents que ceux des parties pour acheter les droits concernés à des tarifs plus élevés et contourner une stratégie de verrouillage.
428. En deuxième lieu, les films et les fictions EOF sont généralement produits par des opérateurs différents, GCP indique à cet effet qu’entre 2020 et 2021, ses acquisitions d’oeuvres audiovisuelles EOF ont été réalisées auprès de […] producteurs différents. Seulement […] d’entre eux ont fourni à GCP à la fois des films EOF et des oeuvres audiovisuelles (soit moins de 5 % des producteurs). Dès lors, la capacité de verrouillage de la nouvelle entité serait compromise.
429. En troisième lieu, les négociations avec les producteurs pour les films et fictions EOF ne suivent pas la même temporalité. L’acquisition de droits de diffusion pour ce type de contenus (films et fictions) se fait généralement de manière individuelle pour chaque projet. Ainsi, les films EOF récents et les fictions EOF sont acquis au sein de contrats distincts. De plus, les films EOF récents étant soumis à chronologie des médias, leur durée d’acquisition est liée aux fenêtres concernées. À l’inverse, la durée des droits pour les fictions EOF peut être fixée en lien avec des dispositions réglementaires et conventionnelles en matière de contribution à la production audiovisuelle indépendante ou bien négociée de gré à gré sur la base d’un accord interprofessionnel.
430. Enfin, concernant plus précisément un couplage entre les droits de films EOF récents et les droits de catalogue EOF, grâce à la position de marché acquise à l’issue de l’opération, il ressort des informations fournies par la partie notifiante que les films EOF de catalogue ne sont pas un intrant important pour les chaînes payantes de cinéma, au regard de leur ligne éditoriale qui privilégie les contenus inédits et récents. Selon GCP, les films de catalogue EOF représentent respectivement [10-20] % et [10-20] % du total du coût des grilles des chaînes C8 et CStar en 2022. De plus, comme indiqué supra, les chaînes en clair appartenant à un groupe historique de télévision gratuite, peuvent disposer de droits de préemption sur les films de catalogue EOF lors du préachat de films EOF récent, ces clauses empêchant un verrouillage de l’accès aux films de catalogue cofinancés par une chaîne de la télévision gratuite.
431. Compte tenu de ces éléments, la nouvelle entité n’est pas incitée à adopter une stratégie de couplage entre films EOF récents, les fictions EOF et les films de catalogue EOF.
432. Ainsi, il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’opération n’est pas susceptible d’entraîner des effets congloméraux par le biais de couplage d’achats de droits. En revanche, des risques d’atteinte à la concurrence demeurent à l’issue de l’opération, en raison d’effets horizontaux sur les marchés amont de l’acquisition de droits de films EOF récents en première fenêtre payante et d’effets verticaux relatifs au marché de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF de catalogue pour l’accès aux droits de télévision de rattrapage du catalogue d’Orange Studio et aux marchés de l’édition et de la commercialisation d’offres payantes et de la distribution de services de diffusion de contenus payants dans les DROM. Ceux-ci ont conduit GCP à déposer des engagements, présentés infra, visant à écarter les risques identifiés.
IV. Les engagements
433. Afin de remédier aux risques d’effets anticoncurrentiels identifiés ci-dessus, GCP a présenté le 28 novembre 2023, une proposition d’engagements qui a été soumise à un test de marché afin de permettre à l’Autorité de recueillir les observations des tiers sur ces remèdes. À la suite de ce test de marché, une nouvelle proposition d’engagements a été formulée par les parties le 18 décembre 2023. Une ultime version des engagements a finalement été proposée par les parties à l’Autorité le 20 décembre. Les engagements, dans leur version du 20 décembre 2023, permettent de remédier aux risques d’atteintes à la concurrence identifiés par l’Autorité.
434. Les engagements du 20 décembre 2023 sont donc ceux présentés dans les développements qui suivent. Leur texte, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.
A. LES PRINCIPES D’APPRECIATION ET LE CADRE LEGAL
435. Les mesures destinées à remédier aux atteintes à la concurrence résultant de l’opération notifiée doivent être conformes aux critères généraux définis par la pratique décisionnelle et la jurisprudence, afin d’être jugées aptes à assurer une concurrence suffisante.
436. L’Autorité recherche en priorité des mesures structurelles pour remédier aux risques d’atteinte à la concurrence. Toutefois, dans la mesure où un remède de nature comportementale apparaît au cas d’espèce plus approprié pour prévenir les risques d’atteintes à la concurrence résultant de l’opération, il convient de définir un tel remède de manière à assurer son efficacité et sa contrôlabilité.
437. Par ailleurs, ces remèdes doivent être nécessaires et efficaces (c’est-à-dire qu’ils permettent effectivement de remédier aux atteintes à la concurrence identifiées et que l’efficacité des engagements n’est pas dépendante de la diligence de la partie notifiante) et être proportionnés (en particulier ils n’ont pas vocation à accroître le degré de concurrence existant sur un marché avant l’opération de concentration). Leur mise en oeuvre ne doit pas soulever de doute (ce qui implique qu’ils soient rédigés de manière précise, sans ambiguïté et que les modalités opérationnelles pour les réaliser soient suffisamment détaillées) et être rapide (la concurrence n’étant pas préservée tant qu’ils ne sont pas réalisés). Enfin, ils doivent être contrôlables (la partie notifiante devant prévoir un dispositif de contrôle, le cas échéant en proposant la nomination d’un mandataire indépendant, permettant à l’Autorité de s’assurer de leur réalisation effective).
438. L’Autorité note que la présente opération se traduit par le renforcement de la position dominante de la partie notifiante à travers principalement la création d’un monopsone sur le marché de l’acquisition des droits de diffusion première fenêtre payante via l’acquisition du seul opérateur concurrent, de dimension largement inférieure. L’ampleur de l’effet anticoncurrentiel identifié, lequel est susceptible de remettre en cause une partie de la diversité – donc de la qualité – du cinéma français, concerne ainsi principalement une extension à certaines activités d’OCS de la possibilité pour GCP de se départir de la concurrence adverse. Dans ce contexte particulier, et bien que l’Autorité privilégie généralement des remèdes structurels, l’engagement E.2.1 proposé, qui est de nature comportementale, apparaît approprié et proportionné pour prévenir l’effet identifié supra. Ce constat est également valable pour les autres engagements comportementaux proposés (E.2.2 et E.2.3), lesquels sont également à même de lever les risques identifiés par l’Autorité concernant l’accessibilité des films EOF de catalogue et des contenus d’OCS dans les DROM.
B. LES ENGAGEMENTS PROPOSES ET LEUR APPRECIATION L’engagement proposé
439. GCP s’engage à maintenir une équipe dédiée de préachats de droits de diffusion de films EOF récents auprès de producteurs français pour la première fenêtre payante.
440. À cette fin, GCP s’engage à maintenir une équipe d’acquisition « OCS/Ciné+ » qui préachètera des films EOF de première fenêtre payante distincte de l’équipe d’acquisition de films EOF de première fenêtre payante de Canal+. La nouvelle entité envisage en effet de commercialiser une offre à partir des chaînes et des services de Ciné+ et OCS à la suite de l’opération221.
441. L’indépendance de cette équipe dans la prise de décisions relatives au préachat de films EOF de première fenêtre payante auprès des producteurs et pendant les négociations avec ceux-ci vis-à-vis de l’équipe d’acquisition de films EOF de première fenêtre payante de Canal+ sera notamment assurée par le maintien d’un budget dédié. Celui-ci correspondra au budget annuel garanti par OCS dans le cadre de son accord interprofessionnel avec les organisations professionnelles du cinéma du 9 février 2022. Outre ce budget dédié, GCP s’engage à attribuer à OCS/Ciné+ des moyens propres en personnel pour lui permettre de réaliser des préachats en première fenêtre payante reflétant la diversité de la production de films EOF (budgets de production, diversité des talents, des cinéastes, des types de films financés).
442. De plus si certaines fonctions supports seront communes à l’équipe d’acquisition OCS/Ciné+ et à Canal+, la comptabilité analytique permettra de séparer clairement les coûts et les revenus de cette équipe vis-à-vis de celle de Canal+.
443. Enfin, le guichet OCS/Ciné+ pourra faire des propositions de préachats pour des films EOF récents qui auront été refusés pour une diffusion en première fenêtre payante par GCP. Ainsi, un minimum de quatre projets de films EOF par an (avec une moyenne de cinq projets par an pour la durée des engagements), refusés par Canal+ seront concernés, dont un film par an pour lequel le devis du projet est inférieur à quatre millions d’euros L’appréciation des engagements proposés
444. L’Autorité considère que l’engagement E.2.1 proposé permet de prévenir efficacement le risque identifié de monopsone par la détention du seul guichet disponible sur les marchés amont de l’acquisition de droits de diffusion de films EOF récents, de la part de la nouvelle entité. Par son objet visant au maintien d’une équipe d’acquisition distincte de celle de Canal+, l’engagement permet le maintien d’un guichet alternatif à même de mener une politique d’investissement alternative à celle de GCP.
445. L’effectivité de cet engagement est assurée par plusieurs mesures.
446. D’abord, l’équipe dédiée bénéficiera d’un budget correspondant à celui négocié par OCS dans le cadre de son accord interprofessionnel avec les organisations professionnelles du cinéma du 9 février 2022, assurant une continuité dans le niveau d’investissement de la cible qui prévalait avant l’opération. Cette garantie de budget correspond à une demande qui ressortait notamment des tests de marché sur la version précédente des engagements qui avait été soumise au marché.
447. En outre, la partie notifiante s’engage à séparer clairement deux équipes d’achats de films EOF récents de première fenêtre payante, de manière à ce que leur indépendance soit « stricte et effective ». Si, pour des raisons pratiques, la nouvelle entité mettra en commun certaines fonctions support entre les équipes OCS/Ciné+ et Canal+, il convient de souligner que l’indépendance de l’équipe dédiée est renforcée par la mise en place d’une comptabilité analytique propre, assurant un suivi des investissements réalisés par cette équipe.
448. Si l’indépendance de l’équipe dédiée permet déjà, en soi, le maintien d’un degré de diversité parmi les investissements dans le cinéma français, la pluralité des investissements dans le cinéma français est en outre renforcée par la possibilité de faire des propositions de préachats pour des films EOF récents qui auront été refusés pour une diffusion en première fenêtre payante par GCP, dont un film par an pour lequel le devis du projet est inférieur à quatre millions d’euros. Sur la durée totale des engagements de cinq ans, ce seront au minimum 25 projets de films refusés par l’équipe d’acquisition de Canal+ qui pourront ainsi faire l’objet d’une proposition de préachats par OCS/Ciné +.
449. Ainsi, en tenant compte tant du budget garanti que du nombre minimum et de la typologie de films dans lequel l’équipe dédiée pourra investir, l’Autorité considère que l’engagement E.2.1 permet le maintien d’un guichet alternatif effectif à l’issue de l’opération.
450. Par ailleurs, l’engagement E.2.1. est proportionné car il vise à remédier aux risques spécifiquement identifiés comme étant soulevés par l’opération. De plus, il prévoit des modalités opérationnelles encadrant sa mise en oeuvre et un dispositif de contrôle adéquat. L’engagement proposé
451. GCP s’engage à ne pas s’opposer à une demande du titulaire du mandat de distribution visant à céder aux diffuseurs en clair, qui en feraient la demande, les droits de télévision de rattrapage liés aux droits de diffusion linéaire des films EOF de catalogue pour lesquels Orange Studio, avant l’opération, est coproducteur, sans détenir un mandat de distribution. L’appréciation des engagements proposés
452. Cet engagement permet de garantir aux diffuseurs en clair l’accès aux droits de télévision de rattrapage pour une partie prépondérante des films de catalogue détenus par Orange Studio avant l’opération.
453. Concernant les conditions entourant la mise à disposition des films concernés, GCP a indiqué à l’Autorité que si Orange Studio n’est pas coproducteur de l’intégralité des titres composant son catalogue, l’engagement concerné « ne peut être pris que pour les films dont OS [Orange Studio] est coproducteur car c’est seulement dans ce cas de figure que les détenteurs tiers des mandats de distribution/vente devront demander une autorisation à GCP pour la vente des droits de télévision de rattrapage liés aux droits de diffusion linéaire en clair ». GCP précise en outre que « Dans tous les cas où OS ne détient pas les mandats de distribution/vente et n’est pas coproducteur, les détenteurs tiers des mandats de distribution/vente resteront parfaitement libres de céder ou non les droits de télévision de rattrapage aux diffuseurs en clair sans avoir à demander une autorisation à GCP. »222.
454. Concernant la condition selon laquelle Orange Studio ne détient pas le mandat de distribution des films concernés, la part des films du catalogue d’OS qui seraient exclus de l’engagement est limitée, dans la mesure où Orange Studio ne détient les mandats de distribution que d’environ [200-300] titres, dont [100-200] sont des films EOF223, sur un total de près de [2 000-3 000] films composant son catalogue.
455. L’Autorité considère que l’engagement E.2.2 permet de répondre au risque d’atteinte à la concurrence ayant identifié que la politique de vente de droits de rattrapage attachés à des droits linéaires à des diffuseurs en clair par Orange Studio est, avant l’opération, plus favorable que celle pratiquée par StudioCanal qui ne vend pas systématiquement ses droits de télévision de rattrape avec les droits linéaire (voir les développements à partir du paragraphe 361 ci-dessus). L’engagement proposé
456. GCP s’engage à proposer à tous les distributeurs qui en feraient la demande dans les territoires des DROM le service issu du regroupement des chaînes Ciné+ et OCS, ou de tout service qui s’y substituerait, sur une base non exclusive, dans des conditions tarifaires objectives, transparentes et non discriminatoires, garantissant que les conditions consenties à ces distributeurs ne soient pas moins favorables que celles qui seront consenties aux entités de distribution de GCP dans les DROM. L’appréciation de l’engagement proposé
457. Cet engagement permet de répondre au risque de verrouillage vertical identifié entre les marchés intermédiaires de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision et de services de vidéo à la demande et les marchés aval de la distribution de services de télévision et de services de vidéo à la demande dans les territoires ultra-marins.
458. La majorité des opérateurs qui se sont exprimés sur l’efficacité de cet engagement, dont la rédaction n’a pas été modifiée entre celle du 28 novembre et celle du 20 décembre, ont indiqué qu’il permettrait de résoudre les risques identifiés.
459. Cet engagement permet de garantir aux distributeurs dans les DROM qu’ils ne seront pas privés de la nouvelle proposition éditoriale qui sera développée par GCP après l’opération.
460. L’ensemble des engagements proposés sont d’une durée de cinq ans. Cette durée correspond à la durée habituellement retenue pour des engagements comportementaux224 et est cohérente avec les résultats du test de marché mené par l’Autorité auprès des opérateurs tiers, dont certains soulignent notamment l’évolution rapide du secteur.
461. L’évolution possible des conditions de concurrence pourra faire l’objet, si nécessaire, d’un réexamen par l’Autorité tenant compte de possibles nouveaux paramètres concurrentiels. À cet égard, il sera tenu compte de possibles évolutions de circonstances de droit ou de fait susceptibles de justifier un allègement voire une levée de l’engagement. L’Autorité intègrera par exemple dans son analyse une modification de l’accord relatif à la chronologie des médias qui entraînerait l’impossibilité pour le service issu du regroupement des chaînes Ciné+ et OCS ou tout service qui s’y substituerait de diffuser des films EOF en première ou deuxième fenêtre payante ou la modification de la place d’une plateforme de VàDA dans la chronologie des médias par rapport à sa place à la date actuelle qui remettrait en cause l’analyse concurrentielle. L’Autorité réexaminera en conséquence l’engagement E.2.1 en présence de l’une ou l’autre des circonstances visées ci-dessus.
224 Voir les lignes directrices du contrôle des concentrations, para. 413 : « [l]es mesures correctives comportementales sont toujours prévues pour une durée déterminée. Sauf circonstances exceptionnelles, une durée minimale de cinq ans, éventuellement renouvelable à l’issue d’une nouvelle analyse concurrentielle, est généralement jugée nécessaire pour compenser les effets sur la structure des marchés d’une opération de concentration ».
DÉCISION
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 23-023 est autorisée sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 439 à 461 ci-dessus et annexés à la présente décision.
NOTES DE BAS DE PAGES :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Groupe Canal Plus, Prisma Média.
3 Havas.
4 Hachette.
5 Gameloft.
6 Dailymotion.
7 Vivendi Village, See Ticket.
8 Il édite la chaîne généraliste Canal+ et ses déclinaisons, ainsi qu’une vingtaine de chaînes relatives aux thématiques suivantes : cinéma (Ciné+), sport, documentaire, séries et divertissement, musique et jeunesse.
9 CNews, C8 et CStar.
10 Notamment via son service de distribution de contenus « MyCanal ».
11 Via StudioCanal.
12 Via Canal+ Brand Solutions.
13 OCS éditait quatre chaînes de télévision payante jusqu’à fin 2022 : OCS Max, OCS City, OCS Choc et OCS Géants. Depuis 2023, elle n’édite plus que trois chaînes de télévision payante : OCS Max, OCS Géants et OCS Pulp.
14 Elle a été analysée comme telle par la Commission européenne au moment de la prise de participation minoritaire par GCP dans OCS 2012 (voir la lettre de la Commission européenne du 9 février 2012 adressée aux conseils de GCP et de France Télécom-Orange : « sur la base des diverses informations […] communiquées, nous considérons que la [nouvelle entreprise Orange Cinéma Séries] fera l’objet d’un contrôle conjoint de ses deux sociétés mères. Toutefois, au vu du fait que celle-ci ne devrait pas assumer toutes les fonctions d’une entité économique autonome, l’opération envisagée ne semble donc pas constituer une concentration au sens de l’article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 sur le contrôle des concentrations »). Par ailleurs, la partie notifiante n’a pas fait état d’un changement de nature à infirmer cette analyse à date.
15 Conformément au pacte d’associés Orange Cinéma Séries Multithématiques du 12 avril 2012 fourni en Annexe 9 de la notification, qui stipule la clause de non-concurrence suivante : « [confidentiel] »
16 [confidentiel].
17 En vertu de la clause 8 du pacte d’associés Orange Cinéma Séries Multithématiques en date du 12 avril 2012. La partie notifiante a précisé que : « [confidentiel]» (para. 44 de la réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023.
18 Canal+ Box Office, Canal+ Grand écran, Canal+ Cinema(s) et Canal+ Séries.
19 Ciné+ Premier, Ciné+ Frisson, Ciné+ Émotion, Ciné+ Famiz, Ciné+ Club, Ciné+ Classic.
20 À savoir le service de vidéo à la demande par abonnement Canal+ Séries.
21 Voir, à cet égard, le site internet institutionnel de GCP : « Premier financeur du cinéma français, CANAL+ propose une offre riche en diffusant les plus grands films français et américains grâce à des partenariats avec les plus grandes majors (Warner Bros, Universal Studios, Sony, Disney, Paramount, Fox), et cela seulement 6 mois après leur sortie en salle. CANAL+ France se démarque également par la qualité de ses fictions originales, acclamées par la critique et plébiscitées par les abonnés sous le label " Création Originale " : Le Bureau des Légendes, B.R.I., La Flamme, Validé… » « Le Groupe CANAL+ est le premier partenaire de la création cinématographique en France. Un accord historique signé avec le cinéma français pour un montant de près de 200M€ par an lui permet de diffuser tous les fleurons du cinéma français seulement 6 mois après leur sortie en salles. Et ces 6 mois valent aussi pour le cinéma américain, grâce à des partenariats noués avec les 6 majors américaines que sont FOX, DISNEY, WARNER, PARAMOUNT, SONY et UNIVERSAL. Le Groupe CANAL+ propose ainsi aujourd’hui l’offre de cinéma la plus riche de son histoire. Cette offre s’accompagne d’émissions cinéma et des grandes célébrations cinématographiques dont CANAL+ est partenaire (César, Oscars, Golden Globes, BAFTA, Mostra de Venise). » (source : page https://www.canalplusgroup.com/fr/group/canal-plus-en-francev consultée le 1er décembre 2023).
22 « Filiale du Groupe CANAL+, STUDIOCANAL est le studio leader en Europe dans la production, la distribution, l’acquisition de droits et les ventes internationales de films et séries TV. […] Chaque année, STUDIOCANAL investit près de 300 millions d’euros dans la production et la distribution de films. STUDIOCANAL finance et produit environ 80 films par an, en s'associant à des talents pour réaliser des films dans plusieurs langues […].STUDIOCANAL est aussi l'un des producteurs et distributeurs majeurs de séries en Europe […] » (source : page https://www.canalplusgroup.com/fr/group/studiocanal consultée le 1er décembre 2023).
23 « […] environ 80 films distribués chaque année en France et à l’international, dans les salles de cinéma et sur les plateformes, témoignant de la capacité de STUDIOCANAL à travailler avec tous les plus grands acteurs du secteur » (source : page internet https://www.canalplusgroup.com/fr/group/studiocanal consultée le 1er décembre 2023).
24 « STUDIOCANAL possède le plus grand catalogue d’Europe et l’un des plus grands prestigieux au monde, avec plus de 8 000 titres provenant de plus de 60 pays et couvrant plus de 100 ans d’histoire du cinéma » (source : page internet https://www.canalplusgroup.com/fr/group/studiocanal consultée le 1er décembre 2023).
25 Quatre jusqu’à début 2023.
26 Sur l’activité d’agrégateur de GCP : « CANAL+ agrège également les meilleurs contenus du marché et permet ainsi à ses abonnés de profiter des plateformes mondiales de streaming (Netflix, Disney+, Paramount+, Apple TV+, DAZN) et des chaînes les plus premium (beIN, OCS…) » (source : page internet https://www.canalplusgroup.com/fr/group/canal-plus-en-francev consultée le 1er décembre 2023). Comme indiqué par la partie notifiante, ces activités consistent à associer et à rassembler des chaînes et services édités par GCP et par des tiers au sein de packs thématiques permettant de constituer des offres de télévision premium et multi-chaînes. Sont ainsi proposées quatre offres : Canal+, Canal+ Ciné Séries et Canal+ Friends & Family en particulier. GCP propose également l’accès à des plateformes comme Disney+, Netflix, Paramount+, Apple TV+ (à partir du 20 avril 2023) et OCS, inclus dans ses formules d’abonnement Canal+ Ciné Séries et Canal+ Friends & Family.
27 La partie notifiante a également indiqué que les parties à l’opération opèrent simultanément ou seulement pour l’une d’entre elle, les activités suivantes pour lesquelles leur présence est très marginale : activité très marginale de GCP, via StudioCanal, de production de contenus audiovisuels (non captifs) tels que des films (1 film produit en 2022 en qualité de producteur délégué) et d’autres contenus (1 fiction EOF produite en qualité de producteur délégué en 2022) ; activités très marginales de GCP via StudioCanal d’offre de droits de diffusion, payante et gratuite, de films EOF récents (en sa qualité de producteur ou co-producteur délégué de 4 films entre 2020 et 2022), de séries américaines récentes (GCP a revendu les droits d’une série américaine en 2021), et de programmes de stock et de fictions EOF (StudioCanal est intervenu de manière résiduelle dans la production de deux fictions EOF en qualité de producteur délégué en 2022).
28 Selon la définition retenue par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (« Arcom ») est qualifiée de cinématographique « une oeuvre ayant fait l'objet d'une exploitation commerciale en salles de cinéma dans son pays d'origine ou en France, à l'exception des oeuvres documentaires qui ont fait l'objet d'une première diffusion à la télévision en France et des oeuvres mentionnées à l'article R. 211-45 du code du cinéma et de l'image animée » (source : page internet du site de l’Arcom : https://www.Arcom.fr/nous-connaitre-nos-missions/promouvoir-et-proteger-la-creation/creation-et-production-audiovisuelle-cinematographique-et-musicale). Dans la présente décision, les termes « film », « oeuvre cinématographique » ou encore « contenus cinématographiques » sont utilisés de manière interchangeable et font tous référence aux seuls films de cinéma, à savoir les films de long métrage ayant reçu un agrément du Centre national du cinéma et ayant fait l’objet d’une sortie en salles de cinéma en France.
29 Toujours selon la définition retenue par l’Arcom constituent des oeuvres audiovisuelles « Les oeuvres audiovisuelles patrimoniales englobent les oeuvres de fiction, d’animation, les documentaires de création (y compris ceux qui sont insérés au sein d'une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement), les captations et recréations de spectacles vivants et les clips vidéo » (source : site internet de l’Arcom https://www.arcom.fr/nous-connaitre-nos-missions/promouvoir-et-proteger-la-creation/creation-et-production-audiovisuelle-cinematographique-et-musicale). Dans la présente décision, la référence aux seules « oeuvres audiovisuelles » ou encore aux « contenus audiovisuels » vise toutes les oeuvres audiovisuelles qui n’entrent pas dans la définition réglementaire des « oeuvres cinématographiques »
30 Voir, en particulier, la décision de l’Autorité de la concurrence n° 17-DCC-92 du 22 juin 2017 portant réexamen des injonctions de la décision n° 12-DCC-100 du 23 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de TPS et CanalSatellite par Vivendi SA et Groupe Canal Plus.
31 Voir les décrets n° 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (ci-après « le décret SMAD de 2021 »), n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre (« le décret TNT de 2021 ») et n° 2021-1924 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (« le décret Câble-Satellite de 2021 »).
32 Dans l’hypothèse d’une répartition cinéma/audiovisuel des SMAD de 20 % - 80 %, comme c’est le cas actuellement pour les principales plateformes de VàDA.
33 Rapport d'information n° 630 (2022-2023), déposé le 24 mai 2023, Le cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de l'avenir.
34 Comme précisé ci-dessous, la fenêtre d’exploitation pour la vente sous la forme de vidéo à la demande à l’acte (VàD) ou de vente physique ne se referme pas au moment de l’ouverture des fenêtres suivantes.
35 Il existe une dérogation qui réduit cette durée à 3 mois si le film a réalisé moins de 100 000 entrées en salle après ses 4 premières semaines d’exploitation.
36 Les autres chaînes de télévision payantes de cinéma qui n’ont pas conclu d’accords interprofessionnels ne peuvent quant à elles exploiter le film en première fenêtre payante que 9 mois après sa sortie en salle.
37 https://www.producteurscinema.fr/accords/chronologie-des-medias-accord/.
38 Signé le 2 décembre 2021 et valable jusqu’au 1er janvier 2024.
39 Signé le 1er juin 2022 et valable jusqu’au 31 janvier 2024.
40 Signé le 22 février 2022 et valable jusqu'au 31 janvier 2024 (effet rétroactif en 24 janvier 2022, date de l’accord sur la nouvelle chronologie des médias.
41 En vertu des articles 7 et 13 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision, les éditeurs de services de télévision réservent, « dans le nombre total annuel de diffusions et de rediffusions d'oeuvres cinématographiques de longue durée [à heures de grandes écoutes], au moins : 1° 60 % à la diffusion d'oeuvres européennes ; 2° 40 % à la diffusion d'oeuvres d'expression originale française » et « dans le total du temps annuellement consacré à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles, au moins : 1° 60 % à la diffusion d'oeuvres européennes ; 2° 40 % à la diffusion d'oeuvres d'expression originale française. ». S’agissant des SMAD, l’article 28 du décrét SMAD précité dispose « Les éditeurs de services réservent dans le nombre total d'oeuvres cinématographiques de longue durée d'une part et d'oeuvres audiovisuelles d'autre part mises à disposition du public une part au moins égale à : 1° 60 % pour les oeuvres européennes ; 2° 40 % pour les oeuvres d'expression originale française. »
42 En particulier l’agrément CNC ouvre droit aux aides financières automatiques à la production, ainsi qu’aux aides sélectives à la création (notamment les aides sélectives à la production telles que l’avance sur recettes). Voir, à cet égard, Rapport d'information du Sénat n° 630 (2022-2023), déposé le 24 mai 2023, Le cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de l'avenir.
43 Le cinéma français bénéficie d’un crédit d’impôt dédié, le crédit d'impôt cinéma (CIC), créé par la loi de finances pour 2004, permettant à une société de production, sous certaines conditions, de déduire de son imposition certaines dépenses de production cinématographique.
44 Les Sociétés pour le Financement de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle ont été créées par la loi du 11 juillet 1985 ainsi que le décret du 2 mai 1995, sous forme de sociétés anonymes constituées par appel public à l'épargne. Elles forment un mécanisme de défiscalisation afin d'orienter l'épargne des particuliers vers le cinéma.
45 Voir notamment la décision de l’Autorité n° 19-DCC-157 du 12 août 2019 relative à relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés France Télévisions, TF1 et Métropole Télévision.
46 Formulaire de notification, para. 294.
47 Formulaire de notification, para. 294.
48 Para. 136 de la réponse consolidée de la partie notifiante du 7 novembre 2023.
49 Compte-rendu de la réunion avec la DGMIC, p. 6.
50 Les chaînes en clair sont soumises à une obligation de 3,2 % de leur chiffre d’affaires.
51 Compte-rendu de la réunion avec la DGMIC, p. 6.
52 Para. 152 de la réponse consolidée de la partie notifiante du 7 novembre 2023 : « du point de vue des producteurs, ceux-ci ont alternativement le choix de céder les droits de diffusion (i) de manière exclusive aux plateformes de VàDA, sans que le film ne fasse l’objet d’une sortie en salle de cinéma ou (ii) aux services payants, en ce compris les plateformes de VàDA, dans le cadre de la chronologie des médias. Le choix de commercialisation des droits de diffusion selon l’une ou l’autre de ces modalités est fonction du prix proposé par les diffuseurs, étant rappelé que les plateformes disposent de moyens considérables leur permettant de mettre hors-jeu les diffuseurs payants sur certains projets » tout en soulignant que « L’ensemble de l’écosystème du cinéma en France, en ce compris les pouvoirs publics en charge de ces questions, restent attachés à un modèle d’exploitation des films en salles. »
53 Voir par exemple le para. 28 de la décision n°12-DCC-100 précitée : « au stade intermédiaire, les éditeurs commercialisent les chaînes qu’ils ont constituées à partir de programmes produits en interne ou acquis sur le marché amont des droits de diffusion. La rémunération des éditeurs provient de la publicité, des redevances versées par les distributeurs et des abonnements » (soulignement ajouté).
54 Voir les décisions n° 12-DCC-100 précitée, n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus, et n° 19-DCC-157 précitées, sur la question des obligations en matière d’investissements dans le cinéma français. Voir également l’avis n° 19-A-04 du 21 février 2019 relatif à une demande d’avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale dans le secteur de l’audiovisuel, n° 19-D-10 du 27 mai 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de l’acquisition de droits relatifs aux oeuvres cinématographiques d’expression originale française dites « de catalogue » et la décision n° 22-DCC-126 du 15 août 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés TFX et M6 Génération par le groupe Altice.
55 Voir la décision n° 19-DCC-157 précitée, para. 26.
56 Voir notamment le para. 107 de la décision n° 17-DCC-92 précitée.
57 Voir notamment le para. 108 de la décision n° 17-DCC-92 précitée.
58 La 20th Century Fox a été acquise par le groupe Disney en 2019.
59 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2006-02 précitée et les décisions de l’Autorité n° 10-DCC-11, n° 12-DCC-100, n° 14-DCC-50, n° 19-DCC-157 et n° 22-DCC-126 précitées.
60 Voir, notamment la décision n° 22-DCC-126 précitée, para 29.
61 Voir la décision n° 17-DCC-92 précitée.
62 Voir les décisions n° 19-DCC-157, para. 38 et suivants, et n° 22-DCC-126, para. 28, précitées.
63 Voir, à cet égard, la présentation qui était faite de la précédente chronologie des médias dans la décision n° 19-DCC-92 précitée, para. 93 et suiv., dont il ressort notamment que les premières fenêtres de diffusion étaient réservées aux chaînes de télévision et que l’exploitation d’un film récent par les VàDA n’était permise qu’après un délai de 36 mois après la sortie en salles du film concerné.
64 Voir notamment à cet égard les décisions n° 17-DCC-92 para.101 et n° 19-DCC-157 para. 27.
65 Para. 24 de la décision n° 19-DCC-157 précitée.
66 Voir, en particulier, les décisions n° 19-DCC-157, para. 36, 17-DCC-92, para. 104, et n° 19-DCC-157, para. 36, précitées.
67 Voir la décision n° 22-DCC-126 du 15 juillet 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés TFX et M6 Génération par le groupe Altice, para. 24.
68 Réponse au questionnaire du 19 septembre 2023, para. 14 et 15.
69 En 2022, selon les informations de la partie notifiante, en 2022, GCP a acquis des droits de diffusion de [100-200] films EOF récents pour une diffusion en première fenêtre, pour un montant total de […] millions d’euros.
70 En 2022, selon les informations de la partie notifiante, en 2022, GCP a acquis des droits de diffusion de [100-200] films EOF récents pour une diffusion en deuxième fenêtre, pour un montant total de […] millions d’euros.
71 Procès-verbal de l’audition de Netflix, p. 5.
72 Procès-verbal de l’audition de Netflix, p. 7.
73 En 2022 Netflix a préacheté 19 films EOF récents en se réservant l’exclusivité de la première diffusion.
74 La partie notifiante a indiqué au cours de l’instruction que « Netflix a également réalisé quelques investissements en seconde fenêtre après CANAL+ positionné en 1ère fenêtre (a priori le film « Les Hennedrick ») ou derrière OCS (le film « Avant que les flammes ne s’éteignent ») » (réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023, para. 166).
75 Au début du mois de décembre 2023, il a ainsi été constaté que l’offre « Canal+ Ciné Séries » commercialisée sur MyCanal incluait outre les chaînes et services Canal+ et Ciné+ ceux d’AppleTV+, Disney+, Netflix, OCS, Paramount+. La plateforme Universal+ (qui est rattachée au major Universal avec lequel GCP dispose également d’un output deal lui permettant de diffuser ses films américains récents), un temps disponible également via cette offre, ne l’est plus aujourd’hui.
76 Réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023, para. 174.
77 Étant précisé, à cet égard, qu’une telle approche ne fait pas obstacle à la prise en compte, au stade de l’analyse concurrentielle des effets de l’opération sur les marchés de l’acquisition des droits de films récents pour une diffusion en première fenêtre payante, de la pression concurrentielle exercée par la demande en droits de films récents pour une diffusion en deuxième fenêtre payante avec gel de la première fenêtre sur la demande en droits de films récents pour une diffusion en première fenêtre.
78 Voir notamment les décisions n° 16-DCC-10, 17-DCC-29, 18-DCC-106, 19-DCC-94, 19-DCC-157 et 22-DCC-126 précitées.
79 Les programmes de « stock » comprennent un ensemble de droits portant sur des produits tels que des fictions de type séries – à l’exclusion des séries américaines, téléfilms, mini séries).
80 Le marché des programmes de flux comprend quant à lui des programmes d’information, des magazines, des jeux, des émissions de variété ou encore des émissions de plateau. L’Autorité a également envisagé l’existence d’un marché de l’acquisition de droits, portant, au sein des programmes de flux, sur les images d’actualité. Voir la lettre du ministre de l’économie C2006-83 du 26 octobre 2006 aux conseils des sociétés France Télévisions et TF1 relative à une concentration dans le secteur des chaînes thématiques, les décisions n° 16-DCC-10, 19-DCC-94,19-DCC-157 et 22-DCC-126 précitées.
81 Compte tenu de leur attractivité grandissante, renforcée par les quotas de diffusion d’oeuvres européennes prévus par la directive SMA précitée.
82 Voir notamment le para. 71 de la décision n° 19-DCC-157 précitée.
83 Voir les décisions n° 10-DCC-11, 16-DCC-10, 17-DCC-29, 18-DCC-106, 19-DCC-94, 19-DCC-157 et 22-DCC-126 précitées.
84 Voir notamment les para. 67 à 69 de la décision n° 19-DCC-157 précitée.
85 Voir la lettre du ministre de l’économie C2006-02 précitée, et notamment les décisions n° 10-DCC-11, n° 12-DCC-100, n° 14-DCC-50 précitées, la décision, n° 17-DCC-93 du 22 juin 2017 portant réexamen des engagements de la décision n° 14-DCC-50 du 2 avril 2014 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Direct 8, Direct Star, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi SA et Groupe Canal Plus et les décisions n° 19-DCC-157 et n° 22-DCC-126 précitées.
86 Voir notamment les décisions n° 19-DCC-157 para. 80 et suivants et n° 22-DCC-126 para. 68 à 70 précitées.
87 Voir les décisions n° 12-DCC-100 para. 99 et suivants et n° 14-DCC-15 du 10 février 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de Mediaserv, Martinique Numérique, Guyane Numérique et La Réunion Numérique par Canal Plus Overseas para. 81.
88 Voir notamment la lettre n° C2006-02 précitée, p. 26. Le ministre de l’économie avait considéré que le non-linéaire correspondait à la vidéo à la demande (ci-après « VàD ») et au sein de celle-ci à la VàDA et à la télévision à la carte (pay-per-view ou « PPV »). Voir également les décisions précitées n° 22-DCC-126 para. 65, n° 14-DCC-15 para. 80.
89 Voir l’avis n° 19-A-04 précité, para.115 et suivants.
90 Voir la notification para. 371.
91 Les opérateurs nuancent leur réponse pour les contenus sportifs car ceux-ci sont regardés essentiellement en direct, soit en linéaire.
92 Voir notamment la décision n° 22-DCC-126 précitée, para. 62.
93 Voir la lettre du ministre de l’économie C2006-02 précitée, p. 24.
94 Voir la décision de la Commission européenne M.2050 Vivendi / Canal+ / Seagram du 13 octobre 2000, para. 18 : “ the market investigation has shown that besides major sporting events premium films are one of the most important drivers in attracting subscribers to a pay-TV channel. Within premium films, it is necessary to distinguish between films that are produced by the US Hollywood studios (Universal, MGM, Paramount, Sony (Columbia), Disney (Buena Vista, Touchstone, Miramax), Twentieth Century Fox, and Warner) and those produced by other studios. This is because most of the premium films are produced by the majors US studios”.
95 Voir la lettre du ministre de l’économie C2006-02 précitée, p. 25 et la décision n° 12-DCC-100 précitée, para. 80.
96 Voir la décision n° 17-DCC-76 précitée, para. 222 et suivants.
97 Voir la décision n° 12-DCC-100 précitée, para. 238.
98 Ibid, para. 87 et 88.
99 Voir les décisions n° 12-DCC-100, para. 89 et 90 et n° 17-DCC-92, para. 355 précitées.
100 Voir la décision n° 17-DCC-92 précitée, para.369.
101 Ibid para. 219 et suivants.
102 Ibid.
103 Ibid.
104 Voir le point 629 de la notification.
105 Voir la décision n° 12-DCC-100 précitée, para.88.
106 Voir l’avis de l’Arcom à l’Autorité de la concurrence sur le projet de prise de contrôle du groupe Métropole Télévision par le groupe Bouygues, p. 57.
107 Cette proportion est toutefois inférieure pour les abonnés d’OCS via Orange et Canal+.
108 Voir l’étude interne réalisée par OCS « Baromètre cinéma séries 2021 ».
109 Voir la décision n° 17-DCC-92 précitée. En l’espèce plusieurs opérateurs identifient également les contenus HBO comme premium (Molotov).
110 Voir la lettre du ministre de l’économie C2006-02 précitée et les décisions n° 12-DCC-100, n° 17-DCC-92, n° 19-DCC-157 et n° 22-DCC-126 précitées.
111 Voir notamment les décisions n° 19-DCC-157, para. 105 et suivants et n° 22-DCC-126 para. 89 et suivants précitées.
112 Voir notamment la décision n° 22-DCC-126 précitée, para.100 et suivants.
113 Voir notamment les décisions n° 19-DCC-157 para. 109 et n° 22-DCC-126, para. 96 précitées.
114 Voir la décision, n° 17-DCC-92 précitée, para. 256 et suivants.
115 Voir notamment les décisions n° 17-DCC-92, n° 19-DCC-157 et n° 22-DCC-126 para. 92 et suivants précitées.
116 Voir notamment la décision n° 14-DCC-15 précitée, para.93 et suivants.
117 Voir la décision n° 22-DCC-126 précitée, para. 98.
118 Voir les décisions n° 19-DCC-157 para. 119, n° 20-DCC-191 para.81 et n° 22-DCC-124 para. 122 précitées.
119 Para. 58 du formulaire de notification.
120 L’exception de l’entreprise défaillante n’a vocation à être utilisée qu’en l’absence de lien de causalité entre la concentration et la détérioration de la structure concurrentielle. Voir, à cet égard, l’arrêt de la Cour de la cour de justice des communautés européennes du 31 mars 1998, République française et Société commerciale des potasses et de l'azote (SCPA) et Entreprise minière et chimique (EMC) contre Commission des Communautés européennes, dans les affaires jointes C-68/94 et C-30/95, dit « Kali + Salz », para. 112 : « En effet, seule la circonstance que les conditions fixées par la Commission ne seraient pas de nature à exclure qu’une concentration soit la cause de la détérioration de la structure concurrentielle du marché pourrait constituer un motif d’invalidité de la décision litigieuse ».
121 Para. 29 de sa réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023.
122 Para. 30, 32 et 34 de sa réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023.
123 Voir l’Annexe 3 de la notification, extrait du PV du conseil d'administration Orange 7 décembre 2022.
124 Para. 37 de sa réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023.
125 Voir les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations de 2020, para. 785. Voir également, a contrario, le para. 789 des lignes directrices susvisées : « […] L’exception de l’entreprise défaillante ne s’applique qu’à l’entreprise reprise et ne peut être appliquée à l’acquéreur. En revanche, l’Autorité peut prendre en compte le risque de disparition de l’acquéreur, s’il présente un degré de certitude suffisant, au titre du scénario contrefactuel servant de base à l’analyse des effets concurrentiels de l’opération. »
126 Voir les lignes directrices, para. 503 et suiv.
127 Voir les lignes directrices, para. 785.
128 Conseil d'État, Section du contentieux, du 6 février 2004, 249267, publié au recueil Lebon.
129 En synthèse, dans sa décision du 6 février 2004 relative à la concentration Seb/Moulinex précitée, le Conseil d’État a rappelé les trois critères cumulatifs définis par la Cour de justice dans l’arrêt du 31 mars 1998 CJCE, Kali & Salz du 31 mars 1998, C-68/94 pour l’application de l’exception de l’entreprise défaillante : « en premier lieu, […] [les difficultés] [auxquelles l’entreprise est confrontée] entraîneraient la disparition rapide de la société en l'absence de reprise » (critère n° 1) ; « en deuxième lieu, […] il n'existe pas d'autre offre de reprise moins dommageable pour la concurrence, portant sur la totalité ou une partie substantielle de l'entreprise » (critère n° 2) ; « en troisième lieu, […] la disparition de la société en difficulté ne serait pas moins dommageable pour les consommateurs que la reprise projetée » (critère n° 3). En substance, le premier critère exige d’établir que la société en difficulté n’était pas en mesure de poursuivre son activité en l’absence de reprise, le deuxième critère permet d’établir qu’aucune autre offre moins dommageable pour la concurrence n’aurait permis d’assurer la continuité de l’activité de l’entreprise cible (il s’agit d’identifier d’éventuelles offres alternatives et, le cas échéant, de les apprécier) et le troisième critère doit être examiné dans l’hypothèse où les deux premiers critères sont remplis. Il poursuit l’analyse du lien de causalité entre l’opération et la dégradation de la situation concurrentielle sur le marché, en comparant les effets sur la concurrence de l’opération notifiée et ceux des différents scénarios envisageables dans le cas où celle-ci n’aurait pas lieu. ce critère permet de comparer les effets propres de l’opération à la dynamique spontanée du marché, dans un cadre plus large que l’analyse du deuxième critère, comme il ressort de l’arrêt Kali & Salz de la CJCE, précité : « En fait, l’introduction de ce critère vise à assurer que l’existence d’un lien de causalité entre la concentration et la détérioration de la structure concurrentielle du marché ne peut être exclue qu’au cas où la détérioration de la structure concurrentielle, faisant suite à l’opération de concentration, se produirait pareillement même en l’absence de cette opération » (voir, à cet égard, les para. 344, 345 et 355 de la décision n° 22-DCC-78 du 28 avril 2022 relative à l’acquisition du contrôle exclusif des actifs de Conforama France par le groupe Mobilux, para. 336 et suiv.).
130 Voir la décision n° 22-DCC-78 précitée, para. 336 et suiv.
131 Voir les lignes directrices, para. 787. Voir également la décision de la Commission européenne du 26 juin 1997, IV/M.890 – Blokker/Toys « R » Us et para. 91 des Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (2004/C31/03).
132 Voir les lignes directrices, para. 787.
133 En annexe Q3.3 de sa réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023.
134 Comme indiqué par la directrice générale d’Orange lors du conseil d’administration du 24 octobre 2022 : les activités d’OCS « ont généré des pertes et en génèrent toujours, soit plus de [600-700] millions d'euros de pertes cumulées depuis 2008 pour OCS et plus de [200-300] millions d’euros de pertes cumulées pour Orange Studio ».
135 Voir, à cet égard, le communiqué de presse du 16 février 2023 du groupe Orange intitulé « Orange Lead the future : Orange présente son nouveau plan stratégique », dans lequel la directrice générale du groupe annonce notamment que « L’ambition de notre plan est de valoriser et développer ces forces pour positionner Orange comme le groupe qui bâtit l’avenir des Télécoms et des solutions digitales. Nous visons de croître durablement en particulier dans nos activités de cybersécurité et en Afrique et au Moyen-Orient. Nous avons déjà posé les jalons du plan : vente d’OCS […] ».
136 Voir la décision n° 22-DCC-78 précitée, para. 346.
137 Décision n° 18-DCC-95 du 14 juin 2018 relative à la prise de contrôle exclusif d'une partie du pôle plats cuisinés ambiants du groupe Agripole par la société Financière Cofigeo.
138 GCP distribue OCS auprès de la grande majorité des abonnés d’OCS. Ainsi, en septembre 2023, sur les [2,5-3] millions d’abonnés d’OCS, [1,5-2] millions avaient GCP comme distributeur (soit [70-80%] % de la base totale des abonnés d’OCS). Le contrat de distribution d’OCS par GCP a été renouvelé en 2022 [confidentiel], jusqu’au 31 décembre 2023.
139 Un procès-verbal du conseil d’administration d’Orange du 22 juin 2022 (fourni en Annexe RFI Q3.3 de la réponse au questionnaire du 7 avril 2023) indique ainsi que [confidentiel] » (soulignement ajouté).
140 Procès-verbal du conseil d’administration d’Orange du 24 octobre 2022, fourni en Annexe RFI Q3.4 de la réponse au questionnaire du 7 avril 2023.
141 Procès-verbal montrant des échanges s’étant tenus en conseil d’OCS 16 décembre 2022 entre les représentants de GCP et les autres administrateurs d’OCS, fournis en Annexe 6.2 de la réponse à la lettre d’incomplétude, pp. 3 et 4.
142 Voir la décision du Conseil d’État du 6 février 2004 précitée.
143 Voir les para. 57 et suiv. de l’annexe Q3.3 – Analyse de l’application de l’exception de l’entreprise défaillante à la réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023.
144 Voir les lignes directrices, para. 503.
145 Voir les lignes directrices, para. 504.
146 Voir la décision n° 23-DCC-165 du 03 août 2023 relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice entre les sociétés Select Service Partner et Aéroports de Paris, para. 72.
147 Para. 43 de la réponse consolidée au questionnaire du 27 septembre 2023.
148 À savoir ceux dont le devis est inférieur ou égal à 4 millions d’euros pour Canal+ ou à 5,35 millions d’euros pour Ciné+.
149 À savoir ceux dont le devis est égal ou inférieur à 4 millions d’euros, s’agissant d’OCS.
150 Voir le rapport du Sénat du 24 mai 2023 précité.
151 Voir l’accord sur la chronologie des médias, article 1.5., III. Dans le cadre d’un accord dit « premium », l’opérateur de VàDA doit avoir conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma comparable aux accords déjà conclus par des services de premières diffusions, comprenant notamment un certain nombre d’engagements.
152 Conformément au 1° du I de l’article 14 du décret SMAD du 22 juin 2021 précité.
153 La DGMIC estime que les investissements dans les films français (préachats et coproduction) de l’ensemble des opérateurs de télévision payante et gratuite tourne autour de 360 millions d’euros par an.
154 Voir, par exemple, la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 14 mai 2007, C2007-22, aux conseils de la société COLAS, relative à une concentration dans le secteur de la pose et de la maintenance de voies ferrées, p. 15 « Par voie de conséquence, les entreprises présentes sur ce marché sont face à un acheteur en situation de quasi-monopsone, qui dispose de fait d’un pouvoir de négociation très important : pour exercer leur activité, les entreprises doivent accepter les conditions posées par la RATP, qui parvient à obtenir des conditions tarifaires avantageuses de la part des entreprises qui répondent aux appels d’offres ».
155 Voir à cet égard la décision n° 17-DCC-92 précitée dans laquelle « S’agissant de l’acquisition de droits relatifs aux films d’expression originale française (EOF) récents en vue d’une diffusion en télévision payante, l’Autorité a constaté que GCP reste dans une situation de quasi-monopsone ».
156 Courrier de la partie notifiante en date du 24 nombre 2023 « Aff. 23-023 – Mémorandum sur le risque n° 2 », para. 6 et 8.
157 Compte rendu de la réunion avec la direction générale des Médias et des Industries culturelles, p. 4.
158 Conformément à la définition des marchés développée supra. Une organisation professionnelle du cinéma indiquait en ce sens que : « Ce qui est important c’est la pluralité de l’offre pour les vendeurs de droit, avec plusieurs chaînes, dont des chaînes thématiques qui proposent des offres éditoriales différentes, comme c’est actuellement le cas entre OCS, Canal+, Ciné+ » « Pour nous, la disparition d’OCS peut être compensée en partie par d’autres acteurs comme Netflix pour répondre au sujet de la diversité et de la ligne éditoriale. Il sera toujours plus vertueux d’avoir plusieurs lignes éditoriales distinctes qu’une seule. À ce titre, aujourd’hui, les 10 premières respectives de Ciné+ et d’OCS sont essentielles ».
159 Note d’observation de l’Arcom du 27 octobre 2023, p. 4.
160 Compte rendu de la réunion avec la direction générale des Médias et des Industries culturelles, p. 3.
161 Selon les informations de la partie notifiante, l’output deal avec Universal, qui a été conclu le [confidentiel] et finit le [confidentiel], prévoit la diffusion en première fenêtre pour [20-30] films concernés en 2022 et une part des films concernés dans le total de la production du studio disponible en France de [80-90] %.
162 L’output deal avec Disney, selon la partie notifiante, a été conclu le [confidentiel] et finit le [confidentiel] prévoit la diffusion en première fenêtre et pour partie en deuxième fenêtre (avec possibilité de co-diffusion avec Disney+) pour [10-20] films concernés en 2022 et une part des films concernés dans le total de la production du studio disponible en France de [70-80] %.
163 Selon la partie notifiante, l’output deal avec Warner, qui a été conclu le [confidentiel] pour la première fenêtre et le [confidentiel] pour la deuxième fenêtre et finit le [confidentiel] pour la première fenêtre et le [confidentiel] pour la deuxième fenêtre, prévoit la diffusion en première et deuxième fenêtres pour [5-10] films concernés en 2022 et une part des films concernés dans le total de la production du studio disponible en France de [90-100]%.
164 L’output deal avec Paramount, selon les informations de la partie notifiante, a été conclu le [confidentiel] et finit le [confidentiel]. Il prévoit la diffusion en première fenêtre pour [5-10] films concernés en 2022 et une part des films concernés dans le total de la production du studio disponible en France de [90-100]%. Le renouvellement de cet output deal à partir de [confidentiel] (s’agissant de la première fenêtre) et jusqu’à fin [confidentiel] pour une diffusion en premières et deuxième fenêtres est d’ores et déjà prévu.
165 S’agissant de l’output deal avec Sony, qui a été conclu le [confidentiel] et finit le [confidentiel], prévoit la diffusion en première fenêtre pour [5-10] films concernés en 2022 et une part des films concernés dans le total de la production du studio disponible en France de [90-100] %.
166 Formulaire de notification, para. 535.
167 Voir la décision n° 17-DCC-92 précitée, para. 310 et 312.
168 Rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, Fiction film financing in Europe: A sample analysis of films released in 2020, Strasbourg, 2020, pp. 75 et 87: « The data analysis clearly shows that only national broadcaster investments, i.e. investments from broadcasters based in the main country of origin, really matter as a financing source of theatrical fiction films: investments from national broadcasters accounted for 98% of total broadcaster investments with only 2% coming from broadcasters based in minority-financing countries » […] « The data analysis suggests that pre-sales financing is, for the most part, raised only in the national market, i.e. pre-sales for the main country of origin, which accounted for 88% of the total sample pre-sales financing volume. Only 16% of sample films had a pre-sale outside the main country of origin, with the latter category representing only 3% of total pre-sales financing »
169 En comparaison, le montant total investit par GCP en 2022, pour [100-200] préachats de films européens, s’élevait à […] millions d’euros.
170 La nouvelle entité aura une part de marché maximale de [10-20] % en valeur (données 2021) sur l’achat de films EOF de catalogue, dont [0-5] % pour OCS, et de [10-20] % en valeur (données 2021) sur l’achat de films américains de catalogue, dont [0-5]% pour OCS.
171 Voir la brochure d’Orange « Orange Content Communication & Partenariats, octobre 2022 » qui précise qu’Orange Studio a fait l’acquisition de nombreux catalogues réunissant ainsi plus de 850 films et 770 oeuvres audiovisuelles, p. 12.
172 Voir la réponse consolidée au questionnaire du 12 octobre 2023, p. 16.
173 La première approche consiste à inférer la taille de marché à partir des ventes de droits de catalogue de diffusion aux chaînes de télévision française de Gaumont, au prorata de la part des films produits par Gaumont en termes de coûts au sein de la production des Films d'Initative Française (FIF) sur la période 2011-2021. La seconde approche consiste à prendre la moyenne des tailles inférées sur 2020-2022 selon la première approche, afin de lisser les estimations de cette dernière. La troisième approche consiste à estimer la taille de marché à partir du nombre de films EOF de catalogue diffusés par les chaînes de télévision et les plateformes de VàDA. La part de marché des parties est ensuite déduite de leur nombre de ventes de droits par rapport cette taille de marché ainsi estimée. La quatrième approche consiste à estimer la taille de marché en valorisant l’offre globale de films de catalogue des principales plateformes de VàDA et chaînes de télévision.
174 Notification, para. 585 et annexe 18 de la notification et mises à jour des données pour OCS dans la réponse au questionnaire 2, question 8.a.
175 Tous les abonnés d’OCS dans les territoires ultra-marins proviennent de la distribution par des tiers.
176 La partie notifiante a indiqué que la ventilation des chiffres d’affaire entre ces segments (le cinéma et les séries) n’est pas possible en raison de l’absence de clé d’allocation pour réaliser de manière robuste cette répartition. En tout état de cause, l’Autorité considère que les éléments d’analyse de la présente section sont valables pour ces deux types de contenus, qu’ils soient étudiés ensemble ou de manière distincte.
177 Document interne de GCP.
178 Voir l’avis n° 19-A-04 précité, para. 293
179 Pour rappel, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère comme très peu probable le risque que le renforcement vertical causé par une opération de concentration entraîne un effet de verrouillage lorsque la part de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 % (lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, para. 384).
180 Réponse à la demande d’information 3 en date du 27 octobre 2023, question 8.d.
181 Notification, para. 579.
182 Réponses des opérateurs au test de marché « Vendeurs de droits », question 3.
183 Notification, para. 593 et réponses des opérateurs au test de marché « Vendeurs de droits ».
184 La première approche consiste à inférer la taille de marché à partir des ventes de droits de catalogue de diffusion aux chaînes de télévision française de Gaumont, au prorata de la part des films produits par Gaumont en termes de coûts au sein de la production des Films d'Initative Française (FIF) sur la période 2011-2021. La seconde approche consiste à prendre la moyenne des tailles inférées sur 2020-2022 selon la première approche, afin de lisser les estimations de cette dernière. La troisième approche consiste à estimer la taille de marché à partir du nombre de films EOF de catalogue diffusés par les chaînes de télévision et les plateformes de VàDA. La part de marché des parties est ensuite déduite de leur nombre de ventes de droits par rapport cette taille de marché ainsi estimée. La quatrième approche consiste à estimer la taille de marché en valorisant l’offre globale de films de catalogue des principales plateformes de VàDA et chaînes de télévision.
185 Notification, para. 585 et annexe 18 de la notification et mises à jour des données pour OCS dans la réponse au questionnaire 2, question 8.a.
186 Réponses des opérateurs au test de marché « Vendeurs de droits », question 3.
187 [40-50] % en 2021 et [30-40] % en 2022.
188 L’instruction n’a pas permis de calculer la part de marché de la nouvelle entité et de ses concurrents en volume de films vendus en 2021 et 2022, certaines réponses des opérateurs importants étant manquantes à cet égard.
189 Environ [5-10] % en 2021.
190 Notification, para. 767.
191 Voir les décisions n° 14-DCC-50 et n° 17-DCC-93 para 279 précitées.
192 Réponses des opérateurs au test de marché « Acheteurs de droits / Télévision en clair », question 38.
193 Bilan du CNC 2022.
194 Notification, para. 770 et 771.
195 Voir la décision n° 14-DCC-50 précitée, para. 346.
196 L’Autorité a considéré qu’il était justifié de rehausser les plafonds d’acquisition que C8 et CStar peuvent réaliser auprès de Studiocanal à 50 % en volume et en valeur des acquisitions de films français de catalogue réalisées annuellement par chacune de ces chaînes. En outre, l’Autorité a relevé qu’une durée de cession des droits de films de catalogue de StudioCanal de 12 mois pour ses chaînes en clair était conforme à la pratique du marché. En revanche, l’obligation de ne pas accorder des conditions discriminatoires et préférentielles à C8 et CStar pour l’acquisition de films français de catalogue détenus par StudioCanal a été maintenue inchangée par l’Autorité (décision n° 17-DCC-93 précitée).
197 En outre, les chaînes LCP-AN et l’Equipe diffusent un nombre très limité de films chaque année (entre 5 et 15 pour LCP-AN et entre 17 et 36 pour l’Equipe au cours des années 2020 à 2022).
198 Réponse d’Altice France au questionnaire « Acheteurs de droits / Télévision en clair », question 4. Il convient de préciser également qu’Arte n’est pas considérée comme une chaîne de la TNT.
199 Bilans du CNC pour les années 2020 à 2022.
200 Bilans du CNC pour les années 2022 et 2021.
201 Notification, paragraphe 609.
202 Notification, para. 777.
203 Notification, para. 778.
204 Qui n’incluent pas les chaînes en clair de GCP.
205 Note d’observation de l’Arcom du 27 octobre 2023.
206 Voir la décision n° 14-DCC-15 du 10 février 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de Mediaserv, Martinique Numérique, Guyane Numérique et La Réunion Numérique par Canal Plus Overseas.
207 Ces engagements sont en vigueur jusqu’au 10 février 2024.
208 Le chiffre d’affaires d’OCS est réparti entre les Antilles à […] % et l’Océan Indien à […] %.
209 Ces données exclues les abonnées d’OCS présents en Polynésie, en Nouvelle Calédonie et dans l’île Maurice.
210 Voir la décision n° 17-DCC-93 précitée.
211 Voir la décision n° 12-DCC-100 précitée.
212 Sur ce marché, la part de marché des parties est inférieure à 5 % en valeur en 2022 avec une addition de part de marché inférieure à 1 point pour la cible. StudioCanal acquiert des mandats de distribution ou de vente auprès du producteur ou co-producteur délégué de films et ces mandats lui permettent de vendre les droits de diffusion des films concernés aux services de VàD à l’acte/vidéo physique. OCS, contrairement à Orange Studio, ne propose pas de VàD à l’acte.
213 Données internes de GCP.
214 Voir la décision n° 17-DCC-93 précitée.
215 Films 100 % français ou coproductions majoritairement françaises.
216 Voir les décisions n° 12-DCC-100 et n° 17-DCC-92 précitées.
217 Ibid.
218 Voir la décision n° 12-DCC-100 précitée, para.183.
219 Voir la décision n° 17-DCC-92 précitée, para. 326 et suivants
220 Voir l’avis de l’Arcom à l’Autorité de la concurrence sur le projet de prise de contrôle du groupe Métropole Télévision par le groupe Bouygues Telecom, publié en avril 2022.
221 Voir la définition donnée au « Service issu du regroupement des chaînes Ciné+ et OCS », p. 2 de la proposition d’engagements.
222 Voir le courriel de GCP en date du 21 décembre 2023 en réponse à la demande d’information des services d’instruction en date du 20 décembre 2023.
223 Selon GCP, « la répartition par âge de ces [100-200] films est la suivante : - Plus de 15 ans : […] films - De 5 à 15 ans : […] films -Moins de 5 ans : […] films. Enfin, le catalogue d’OS ne contient pas de films EOF particulièrement remarquables en terme de caractère « patrimonial » ou de popularité (…) ; il existe des titres « commercialement attractifs » à la fois dans la catégorie des films dont OS détient les mandats de vente (« Babysitting ») et celle des films sans détention de mandat de vente (« Valérian »), étant précisé que cette valeur commerciale peut évoluer de manière significative dans le temps en fonction de nombreux critères ».