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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 27 octobre 2023, n° 21/11043

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Wshop (Sasu)

Défendeur :

Mod Design (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme L'Eleu de la Simone

Conseillers :

Mme Guillemain, Mme Marques

Avocats :

Me Guyonnet, Me Goguel-Nyegaard, Me Hugot

T. com. Paris, du 10 mai 2021, n° 201905…

10 mai 2021

FAITS ET PROCEDURE

La société Wshop anciennement dénommée Webpopulation exerce une activité de commercialisation et prestations de produits de communication sur internet.

Suivant contrat du 16 juin 2017, modifié par avenant du 31 janvier 2018, la société Mod Design, spécialisée dans le commerce d'articles de prêt-à-porter, et la société BLUE SHEPHERD, sa présidente et unique associée, ont confié à la société Webpopulation la création d'un nouveau site internet de commerce en ligne.

Conclu pour une durée de cinq ans, le contrat incluait diverses prestations de service relatives à la maintenance du site, ainsi qu'une assistance en matière de stratégie digitale et la mise en place d'un programme de fidélisation de la clientèle, à travers la concession d'une licence d'exploitation des logiciels Wshop et Wdata.

Le contrat prévoyait une rémunération sous forme de redevances fixées en proportion du chiffre d'affaires hors taxe générée par le site de commerce en ligne, avec un minimum garanti annuel de 30.000 € HT payable par mensualités de 2.500 € HT.

Par courrier du 9 avril 2019, la société Mod Design a notifié à la société Wshop sa volonté de résilier le contrat, avec un préavis d'un mois, au motif que son objectif financier n'avait pas été atteint.

Contestant les conditions de résiliation du contrat, par acte du 8 août 2019, la société Webpopulation a fait assigner la société Mod Design devant le tribunal de commerce de Paris à l'effet notamment d'obtenir sa condamnation à l'indemniser du manque à gagner causé par la rupture fautive du contrat, outre le paiement de plusieurs factures restées impayées.

Par jugement en date du 10 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la SASU Mod Design à payer à la SASU Wshop anciennement dénommée SASU Webpopulation la somme de 17.250 € au titre de dommages et intérêts, en réparation d'une rupture fautive et anticipée du contrat de prestation,

- Débouté la SASU Mod Design de sa demande de dédommagement au titre du manque à gagner,

- Condamné la SASU Wshop anciennement dénommée SASU Webpopulation à verser à la SASU Mod Design la somme de 4.500 € au titre de dommages et intérêts pour manquement contractuel,

- ordonné la compensation des dommages et intérêts respectifs des parties et dit que la SASU Mod Design devrait verser à la SASU Wshop anciennement dénommée SASU Webpopulation, après compensation, la somme de 12.750 €,

- débouté la SASU Mod Design de sa demande de nullité du contrat pour dol,

- condamné la SASU Mod Design à payer à la SASU Wsohp anciennement dénommée SASU Webpopulation la somme de 5.071,20 € TTC, au titre des factures impayées, n° FA1903020, FA1904067 et FA1905068, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019, date la délivrance de l'assignation,

- condamné la SASU Mod Design à payer à la SASU Wshop anciennement dénommée SASU Webpopulation la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SASU Mod Design aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.

La SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation a formé appel partiel du jugement par déclaration du 14 juin 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique, le 15 décembre 2021, la société Mod Design a interjeté un appel incident.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique, le 15 février 2023, la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation demande à la cour, au visa des articles 1103, 1193, 1231-1 et 1353 du code civil et de l'article 9 du code de procédure civile, de :

"' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné la Société Mod Design à ne payer à la Société Wshop que la somme de 17.250 euros au titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices causés par la rupture fautive et anticipée du contrat de prestation

- Condamné la Société Wshop à verser à la Société Mod Design une somme de 4.500 euros au titre de dommages et intérêts en réparation d'un prétendu manquement contractuel

- Condamné la Société Mod Design à ne payer à la Société Wshop que la somme de 5.071 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019, date de délivrance de l'assignation, en règlement des factures impayées n°FA1903020, FA1904067 et FA1905068

' Et, entrant en voie de réformation :

- Condamner la Société Mod Design à payer à la Société Wshop la somme de 108.100 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices causés par la rupture fautive et anticipée du contrat de prestation

- Dire et juger que la Société Wshop n'a commis aucune inexécution contractuelle propre à engager sa responsabilité envers la Société Mod Design

- Débouter la Société Mod Design de toutes ses demandes

- Condamner la Société Mod Design à payer à la Société Wshop la somme de 7.200 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019, date de délivrance de l'assignation, en règlement des factures impayées n°FA1903020, FA1904067 et FA1905068

' Confirmer le jugement entrepris pour le surplus

' Débouter la Société Mod Design de l'intégralité de ses demandes incidentes

' Et, en tout état de cause,

- Condamner la Société Mod Design à verser à la Société Wshop une somme 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à titre de remboursement des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

- Condamner la Société Mod Design aux entiers dépens de l'appel, dont distraction au profit de la SCM AFG représentée par Maître Arnaud Guyonnet, Avocat à la Cour de Paris.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique, le 21 mars 2023, la SASU Mod Design demande à la cour au visa des articles 1104, 1102, 1169, 1189, 1191, 1217, 1231-1,1352-8 et 1353 du code civil et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :

"' DECLARER MOD DESIGN recevable en son appel incident ;

A titre principal de :

' INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris rendu le 10 mai 2021 en ce qu'il a :

o « Dit que la SASU MOD DESIGN a rompu fautivement le contrat de prestation conclu le 23 mai 2017,

o Condamn[é] la SASU MOD DESIGN à payer à la SASU WSHOP anciennement dénommée SASU WEBPOPULATION, la somme de 17.250 € au titre de dommages et intérêts, en réparation d'une rupture fautive et anticipée du contrat de prestation ;

o Débout[é] la SASU MOD DESIGN de sa demande de dédommagement au titre du manque à gagner » résultant des manquements contractuels de WSHOP ;

' CONFIRMER le jugement en ce qu'il a jugé que WSHOP a commis des manquements contractuels qui ont causé un préjudice à MOD DESIGN mais INFIRMER le jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts pour manquement contractuel dus par WSHOP à MOD DESIGN à la somme de 4.500 euros ;

Ce faisant, et entrant notamment en réformation, à titre principal :

' DEBOUTER WSHOP de ses demandes de dommages et intérêts à hauteur de 108.100 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture du contrat de prestation, par MOD DESIGN, qu'elle considère fautive ;

' JUGER que la résiliation du contrat par la société MOD DESIGN est régulière et bien fondée ;

' CONDAMNER WSHOP à verser la somme de 70.000 euros à MOD DESIGN au titre du préjudice financier subi par cette dernière, en ce compris le manque à gagner subi, résultant des manquements contractuels de WSHOP ;

' JUGER que la société MOD DESIGN a exécuté le contrat de bonne foi et n'a pas entravé son exécution ;

' ORDONNER le remboursement, par WSHOP, des sommes versées par MOD DESIGN dans le cadre de l'exécution provisoire ;

Le cas échéant, à titre subsidiaire de :

' INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris rendu le 10 mai 2021 en ce qu'il a :

o « Dit que la SASU MOD DESIGN a rompu fautivement le contrat de prestation conclu le 23 mai 2017,

o Condamn[é] la SASU MOD DESIGN à payer à la SASU WSHOP anciennement dénommée SASU WEBPOPULATION, la somme de 17.250 € au titre de dommages et intérêts, en réparation d'une rupture fautive et anticipée du contrat de prestation ;

o Débout[é] la SASU MOD DESIGN de sa demande de dédommagement au titre du manque à gagner » résultant des manquements contractuels de WSHOP ;

Ce faisant, et entrant notamment en réformation, à titre subsidiaire :

' JUGER que les obligations de WSHOP constituaient une contrepartie dérisoire ;

' PRONONCER la nullité de l'avenant et, en conséquence, celle du contrat initial ;

' ORDONNER la restitution du prix minimum garanti de 30.000 euros par WSHOP à MOD DESIGN ;

' DEBOUTER WSHOP de ses demandes de dommages et intérêts à hauteur de 108.100 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture du contrat de prestation, par MOD DESIGN, qu'elle considère fautive ;

' ORDONNER le remboursement, par WSHOP, des sommes versées par MOD DESIGN dans le cadre de l'exécution provisoire ;

Le cas échéant, à titre infiniment subsidiaire de :

' CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

o « Condamn[é] la SASU MOD DESIGN à payer à la SASU WSHOP anciennement dénommée SASU WEBPOPULATION, la somme de 17.250 € au titre de dommages et intérêts, en réparation d'une rupture fautive et anticipée du contrat de prestation » ;

En tout état de cause :

' DEBOUTER WSHOP de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées dans le cadre de son appel ;

' CONFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris rendu le 10 mai 2021 en ce qu'il a condamné MOD DESIGN à payer à WSHOP anciennement dénommée SASU WEBPOPULATION la somme de 5.071,20 euros TTC, au titre des factures impayées, n°FA1903020, FA1904067 et FA1905068, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019, date la délivrance de l'assignation ;

' INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné MOD DESIGN à payer à WSHOP la somme de 3.000 euros titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, en conséquence ordonner la restitution au profit de MOD DESIGN,

' CONDAMNER la société WEBPOPULATION à payer à MOD DESIGN la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' CONDAMNER la société WEBPOPULATION aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Jean-Philippe HUGOT, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile."

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la résiliation anticipée du contrat par la société Mod Design

Enoncé des moyens

La société Wshop estime que la société Mod Design n'est pas fondée à se prévaloir de la résiliation anticipée du contrat, faute pour cette dernière de justifier que l'ensemble des conditions, cumulatives, prévues par l'article 11 du contrat sont remplies. Elle en déduit que la rupture du contrat est fautive au sens des dispositions de l'article 1231-1 du code civil, ce qui justifie qu'elle soit indemnisée de son manque à gagner. Elle prétend que celui-ci doit être évalué en tenant compte du taux de marge brute réalisée sur le minimum garanti des redevances pendant la durée du contrat, d'un montant de 94 %.

La société Mod Design explique qu'au terme de la première année d'exécution du contrat, le chiffre d'affaires généré par le site était situé en deçà de 176.000 €, autrement dit inférieur de 64.000 € à l'objectif permettant la résiliation anticipée du contrat prévue par l'article 11. Elle prétend que la non-réalisation des objectifs relatifs à la croissance du chiffre d'affaires était une condition essentielle qui ouvrait droit, à elle seule, à la mise en oeuvre de la résiliation anticipée, comme étant distincte des quatre conditions accessoires énumérées à l'alinéa 3 dudit article 11. Selon elle, ces conditions étaient, au demeurant, réunies. Subsidiairement, pour le cas où la cour estimerait que la ruputre du contrat est fautive, elle fait valoir que le montant des dommages et intérêts lui incombant ne saurait dépasser la somme de 17.250 €, l'attestation d'expert-comptable produite par la société Wshop n'établissant pas le taux de marge brute allégué par cette dernière.

Réponse de la cour

Selon l'article 1189, alinéa 1er, du code civil, toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

L'article 11 du contrat en date du 16 juin 2017 conclu entre les parties stipule :

" En cas de manquement de l'une des Parties à l'une quelconque de ses obligations au titre du Contrat, non réparé dans le délai de 30 (trente) jours à compter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le manquement en cause, le Contrat pourra être résilié de plein droit par l'autre Partie et ce, sans préjudice de ses autres droits. Cette résiliation sera effective à l'issue d'un délai de 30 (trente) jours suivant réception de sa notification par lettre recommandée avec accusé de réception.

Par dérogation à l'Article 3, le Client aura la possibilité de procéder à une résiliation anticipée du Contrat dans les conditions suivantes :

- A la fin de l'Année 1, si la croissance de Chiffre d'Affaire Hors Taxe n'atteint pas +20 % (par rapport à N = 200.000€ HT)

- A la fin de l'Année 2, si la croissance de Chiffre d'Affaire Hors Taxe n'atteint pas +40% (par rapport à N = 200.000€ HT)

Afin de procéder à une résiliation anticipée du Contrat dans les conditions sus mentionnées, le Client devra satisfaire les conditions suivantes :

- 90% du référentiel produit doit être disponible sur le site par saison, et le stock tampon à la taille/couleur doit être de 1 pièce minimum à tout moment ;

- Le montant des frais de port facturé doit être égal au moins à la moyenne des frais de port de la concurrence sur la période ;

- Le prix de vente des produits ne doit pas être supérieur au prix de vente moyen des produits en magasins ;

- La performance globale de l'entreprise (Monde) doit être en croissance.

Le Client informera WEBPOPULATION par courrier recommandé avec A/R".

L'article 3 auquel il est renvoyé, relatif à la durée du contrat, précise que "Le présent Contrat est conclu à compter du 16 Novembre 2016 pour une durée de 5 (cinq) ans (ci-après "Période Initiale"), étant entendu que le point de départ de la Période Initiale débutera à compter du jour où interviendra la première vente réelle à un tiers sur le Site du Client par l'intermédiaire de la solution WSHOP®, et se terminera 5 (cinq) ans après cette date" et que "A l'issue de la Période Initiale, le Contrat se poursuivra dans les mêmes conditions par tacite reconduction (...)". En son dernier alinéa, l'article 3 précise enfin que le non-renouvellement ou la résiliation du contrat ne pourra donner lieu à aucune indemnité de part et d'autre.

Il n'est pas contesté qu'au terme de la première année d'exécution du contrat, à l'issue de l'année 2018, le chiffre d'affaires de la société Mod Design généré par le site était inférieur à 176.000 €, autrement dit inférieur de 64.000 € à l'objectif correspondant à une progression de 20 %, soit un chiffre d'affaires minimal de 240.000 €, par rapport à celui de l'année 2017, ce qui lui permettait de procéder à une résiliation anticipée du contrat dans les conditions prévues à l'article 11.

Ce même article prévoit, cependant, expressément que, pour se prévaloir de la faculté de procéder à la résiliation anticipée du contrat du fait de l'absence de réalisation d'une croissance de chiffre d'affaires HT des ventes en ligne de + 20 %, le client doit satisfaire à quatre conditions, qu'il énumère, dans les termes susmentionnés.

Autrement dit, même si la condition tenant à la non-réalisation des objectifs relatifs à la croissance du chiffre d'affaires apparaît essentielle, il s'agit d'une condition préalable à la résiliation anticipée du contrat, laquelle ne peut être utilement invoquée qu'autant que quatre conditions cumulatives sont remplies.

En application de l'article 1353 du code civil, il incombe à la société Mod Design de rapporter la preuve que l'ensemble de ces conditions étaient satisfaites. A cet égard, l'intimée ne saurait utilement faire valoir, sauf à inverser la charge de la preuve, que la société Webpopulation, parce qu'elle avait accès au site internet, pouvait vérifier que ces conditions étaient remplies.

Or, pour justifier que la troisième condition était satisfaite, la société Mod Design produit uniquement des courriels échangés avec la société Webpopulation relatifs au signalement de dysfonctionnements techniques du site, qui n'établissent nullement, indépendamment de son intérêt prétendu à respecter cette exigence, que le prix de vente des produits en ligne n'était pas supérieur au prix moyen des produits vendus en magasin.

Faute de rapporter la preuve que cette troisième condition est remplie, l'examen des autres conditions, à caractère cumulatif, devient sans objet et il y a lieu de considérer que la société Mod Design a rompu fautivement le contrat et engagé consécutivement sa responsabilité.

L'article 1231-1 du code civil dispose : "Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure."

Pour justifier du manque à gagner que lui a causé la rupture anticipée du contrat, la société Wshop produit une attestation d'expert-comptable, datée du 13 septembre 2021, certifiant que la marge brute en lien avec l'activité redevances est de 94,04 % pour l'exercice social 2020. L'expert-comptable indique que le chiffre d'affaires HT Redevances de 3.073.124 € est, en effet, à mettre en relation avec les charges d'hébergement pour un montant de 183.056 €. Malgré ce que soutient la société Mod Design, cette attestation est suffisamment précise pour revêtir une valeur probante.

La valeur de 94 % de marge brute sera donc retenue pour estimer le préjudice de la société Wshop.

La durée de l'inexécution du contrat, soit 46 mois, pour la période du 9 mai 2019 au 18 mars 2023, retenue par le tribunal de commerce, n'est pas contestée.

Le préjudice sera ainsi calculé de la manière suivante :

46 mois X 2.500 € (montant des honoraires mensuels) X 94 % = 108.100 €

Par infirmation du jugement entrepris, la société Mod Design sera ainsi condamnée à payer à la société Wshop la somme de 108.100 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la rupture fautive du contrat.

Sur le règlement des factures impayées par la société Mod Design

Enoncé des moyens

La société Wshop sollicite le paiement des factures des 12 mars 2019, 30 avril 2019 et 31 mai 2019, d'un montant total de 7.200 €, qui étaient, selon elles, échues antérieurement à la rupture du contrat. Elle prétend que le montant de la facture du mois de mai 2019 est intégralement dû, dès lors que la résiliation anticipée du contrat ne reposait sur aucun fondement.

La société Mod Design fait valoir que, selon l'interprétation du tribunal, qui était en faveur de la société Wshop, la résiliation du contrat a pris effet à l'issue d'un préavis de trente jours. Elle estime que, par suite, la facture du 31 mai 2019 n'est due qu'au prorata des neuf premiers jours du mois de mai 2019, à hauteur de 871,20 €.

Réponse de la Cour

Il résulte des pièces versées aux débats que, par courrier du 9 avril 2019, la société Mod Design a, par l'intermédiaire de son conseil, notifié à la société Wshop sa volonté de résilier le contrat, avec un préavis d'un mois. En l'absence de stipulation plus précise relative à l'effectivité de la résiliation anticipée, celle-ci a donc pris effet à la date du 9 mai 2019, quand bien même elle présentait un caractère fautif.

Le montant de la facture du 31 mai 2019, correspondant à 3.000 € TTC, doit donc être réduit au prorata des neuf premiers jours du mois de mai 2019, soit 871,20 € restant à la charge de la société Mod Design.

Pour le reste, la société Mod Design ne conteste pas que les factures des 12 mars 2019 et 30 avril 2019, d'un montant respectif de 1.200 € TTC et 3.000 € TTC, sont restées impayées.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Mod Design à payer à la société Wshop la somme de 5.071,20 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019, date de l'assignation.

Sur la nullité du contrat alléguée par la société Mod Design

Enoncé des moyens

L'intimée prétend que le contrat encourt la nullité, en application de l'article 1169 du code civil, faute de contrepartie réelle et sérieuse, en l'absence de prestation substantielle fournie par la société Wshop. Elle fait valoir que les sommes dont elle s'est acquittée sont extrêmement élevées, et que le coût facturé est sans commune mesure avec le coût réel de la prestation, tout en soulignant que la société Wshop ne lui prodiguait aucun conseil en dépit de son engagement.

La société Wshop réplique que la notion de contrepartie dérisoire, visée par l'article 1169 du code civil, ne permet pas à une partie de remettre en cause l'adéquation du prix à une prestation réelle. Elle souligne qu'en tout état de cause, la nullité ne peut être encourue, sur le fondement ce texte, que dans l'hypothèse où la contrepartie s'avère illusoire ou dérisoire au moment de la formation du contrat. Elle se prévaut, pour sa part, de l'article 1136 prévoyant que l'erreur sur la valeur de la prestation n'est pas une cause de nullité et de l'article 1171, alinéa 2, du même code excluant que le juge puisse apprécier l'existence d'un hypothétique déséquilibre significatif en matière d'adéquation du prix à la prestation.

Réponse de la Cour

L'article 1169 du code civil prévoit : "Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire."

La contrepartie est réelle, au sens de ces dispositions, même si elle est inférieure en valeur à la prestation réciproque, ce qui signifie que le défaut de contrepartie ne doit pas être confondue avec le défaut d'équivalence des prestations. Or, dans le cas présent, la société Mod Design allègue uniquement que le prix des prestations proposées par la société Wshop était disproportionné par rapport à leur coût réel, autrement dit que le montant des prestations était excessif.

La société Mod Design n'est pas non plus fondée à se prévaloir du défaut d'exécution des prestations par la société Wshop, qui relève d'une inexécution fautive du contrat, pour prétendre que la contrepartie convenue à son profit n'était pas réelle (par ex. Com., 17 juin 2008, n° 07-15.477, inédit).

Pour le reste, l'intimée n'ayant repris aucun moyen afférent à la nullité du contrat pour dol, il n'y a pas lieu de répondre sur ce point.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Mod Design de sa demande subsidiaire en nullité du contrat et de son avenant, ainsi que de ses demandes subséquentes.

Sur les manquements de la société Wshop à ses obligations contractuelles

Enoncé des moyens

La société Mod Design fait valoir que la société Wshop n'exécutait pas correctement le contrat, du fait notamment de l'absence de mise en ligne des contenus requis et de nombreux dysfonctionnements du site, ce qui entraîné une baisse sensible de son chiffre d'affaires et lui a causé un manque à gagner de 40.000 €. Elle considère que le prix minimum garanti de 30.000 € correspondait à une pure perte, en sus de son manque à gagner, justifiant son remboursement.

La société Wshop prétend inversement qu'elle a rempli correctement ses obligations contractuelles, et que la société Mod Design n'apporte aucune preuve des fautes qu'elle lui reproche.

Réponse de la Cour

S'agissant du manque à gagner allégué par la société Mod Design, par rapport à la hausse escomptée de son chiffre d'affaires, l'article 4.4, a) stipule que le client reste le décisionnaire final et ainsi le responsable de ses choix d'exploitation commerciale sur son site, la société Webpopulation ne répondant en aucune manière des conséquences de l'exploitation commerciale de son client, ce dont il résulte que sa responsabilité ne saurait être engagée. La société Mod Design ne pourra ainsi qu'être déboutée de sa demande d'indemnisation de son manque à gagner. Le jugement sera confirmé sur ce point, par substitution de motif.

Pour condamner la société Wshop au paiement de dommages et intérêts, le tribunal retient, que la convention d'assistance n'a pas été pleinement exécutée, au vu des échanges des parties, notamment de deux mails du 3 juillet 2018 dans lesquels M. [F], président de la société Wshop, a répondu à la société Mod Design dans les termes suivants : "au vue (sic) de votre intimidation (...). Vous ne nous laissez malheureusement pas le choix de rendre impossible toute rencontre (...)." ; "il ne sera pas question d'organiser à l'avenir quelque réunion que ce soit si par ce type d'attitude tu persistes à tenter de rejeter trompeusement les fautes sur nous". La teneur du courrier adressé, quelques jours plus tard, le 16 juillet 2018 par la société Wshop à la société Mod Design révèle, néanmoins, que M. [F] a finalement nuancé son propos et pris le soin de répondre de façon circonstanciée aux remarques de sa cliente. Les échanges de mails révèlent, d'ailleurs, que la société Webshop a continué, par la suite, à répondre aux demandes d'interventions de la société Mod Design. Pris dans leur ensemble, ces échanges font apparaître tout au plus que le fonctionnement du site internet a été altéré par quelques "bugs", auxquels il a été globalement remédié par la société Wshop. La société Mod Design ne produit aucune autre pièce établissant la présence de dysfonctionnements graves et persistants. Le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il a condamné la société Wshop à payer des dommages et intérêts à la société Web Design et ordonné la compensation des sommes dues entre les parties.

Sur les autres demandes

Compte tenu du sens de la présente décision, la société Mod Design ne pourra être que déboutée de sa demande de remboursement des sommes qu'elle a versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.

La société Mod Design succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, la cour la condamnera aux dépens, dont distraction au profit de la SCM AFG représentée par Maître Arnaud Guyonnet, ainsi qu'à payer à la société Wshop une indemnité de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PARCESMOTIFS

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :

- condamné la SASU Mod Design à payer à la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation la somme de 17.250 € en réparation d'une rupture fautive du contrat,

- condamné la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation à verser à la SASU Mod Design la somme de 4.500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement contractuel,

- ordonné la compensation des dommages et intérêts respectifs et dit que la SASU Mod Design devrait verser à la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation la somme de 12.750 €,

STATUANT À NOUVEAU des chefs infirmés,

CONDAMNE la SASU Mod Design à payer à la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation la somme de 108.100 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture fautive du contrat,

REJETTE la demande de dommages et intérêts de la SASU Mod Design en réparation des manquements contractuels de la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation,

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de la SASU Mod Design d'annulation du contrat conclu avec la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation et de son avenant, ainsi que les demandes subséquentes de la SASU Mod Design,

REJETTE la demande de la SASU Mod Design en remboursement des sommes qu'elle a versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,

CONDAMNE la SASU Mod Design aux dépens, dont distraction au profit de la SCM AFG représentée par Maître Arnaud Guyonnet,

CONDAMNE la SASU Mod Design à payer à la SASU Wshop anciennement dénommée Webpopulation la somme de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.