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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 10, 1 février 2024, n° 21/00364

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Clinique du Scooter (SARL)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Papin

Conseillers :

Mme Morlet, Mme Zysman

Avocats :

Me Bitton Cohen, Me Bourgeois, Me Laurain Richard, Me Mendes Gil, Me Fajri

TJ Paris, du 5 nov. 2020, n° 19/02675

5 novembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 septembre 2014, Mme [N] [D] a acquis auprès de la société la Clinique du scooter, un scooter de marque Piaggio modèle MP3 500 IE SPORT immatriculé [Immatriculation 8] pour un prix de 9.700 euros. Cet achat a été financé par le versement d'espèces à hauteur de 1.000 euros et par un emprunt contracté par Mme [D], le 16 septembre 2014, auprès de la société BNP Paribas Personal Finance (enseigne Cetelem) à hauteur de 8.700 euros.

La société BNP Paribas ayant donné son accord sur le financement sollicité, la société

la Clinique du scooter a remis, le 17 septembre 2014, le véhicule à M. [O] [M] avec lequel Mme [D] avait entretenu une relation.

Soutenant avoir été victime d'une escroquerie, Mme [D] a exercé son droit de rétractation auprès de la société BNP Paribas Personal Finance et a déposé plainte le 24 septembre 2014 au commissariat de police du [Localité 2] contre M. [M] et la société La Clinique du scooter.

N'ayant jamais obtenu le paiement du prix, ni la restitution du scooter, la société La Clinique du scooter a déposé plainte le 6 octobre 2016 contre Mme [D] pour escroquerie. Cette plainte a été classée sans suite le 8 décembre 2017 pour «recherches infructueuses».

C'est dans ces circonstances que, par actes d'huissier en date du 18 février 2019, la société La Clinique du scooter a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris Mme [D] et la société BNP Paribas Personal Finance (ci-après BNP Paribas) aux fins d'obtenir le paiement du prix du scooter d'un montant de 8.700 euros outre des dommages et intérêts à hauteur de 4.000 euros.

Par jugement du 5 novembre 2020, le tribunal devenu tribunal judiciaire de Paris a :

- Dit que la société La Clinique du scooter a manqué à son obligation de délivrance,

- Prononcé la résolution du contrat de vente portant sur un scooter de marque Piaggio modèle MP3 500 IE SPORT immatriculé [Immatriculation 8] conclu entre la société La Clinique du scooter et Mme [N] [D] pour défaut de délivrance du scooter vendu,

- Dit que Mme [N] [D] a valablement exercé le 24 septembre 2017 (sic) sa faculté de rétractation du contrat de crédit conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance le 16 septembre 2017 (sic),

- Dit, en toute hypothèse, que la résolution du contrat de vente conclu entre Mme [N] [D] et la société la Clinique du scooter entraîne la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [N] [D] et la société BNP Paribas Personal Finance,

- Débouté, en conséquence, la société La Clinique du scooter de sa demande de condamnation solidaire de Mme [N] [D] et de la société BNP Paribas Personal Finance au paiement de la somme de 8.700 euros,

- Débouté la société La Clinique du scooter de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme [N] [D] et de la société BNP Paribas Personal Finance,

- Condamné la société la Clinique du scooter à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté Mme [N] [D] de sa demande de condamnation de la société La Clinique du scooter à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 39 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- Condamné la société La Clinique du scooter aux dépens de la présente instance qui pourront être directement recouvrés par la SELARL Coulon-Richard, représentée par Me Bérangère Laurain-Richard qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 décembre 2020, la société La Clinique du scooter a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2023, la société La Clinique du scooter demande à la cour de :

Vu notamment les dispositions des articles 1147 et 1382 anciens (correspondants aux articles 1240 d'une part, et 1104, 1217, 1231 et 1231-1 actuels) du code civil,

Vu les dispositions des articles 1589, 1650, 1651 du code civil,

Vu notamment les dispositions des articles L 311-1 et L 311-35 du code de la consommation (correspondants notamment aux articles L 312-52 et suivants du code de la consommation) ;

- Infirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en son intégralité, sauf en ce qu'il a retenu que Mme [D] était l'acquéreur,

Statuant à nouveau,

- Dire que la vente intervenue entre Mme [D] et la société La Clinique du scooter est parfaite,

- Dire que la société BNP Paribas Personal Finance Cetelem a donné son accord pour le financement du scooter à hauteur de 8.700 euros,

- Dire que la société la Clinique du scooter a satisfait à son obligation de livraison du scooter sans recevoir en contrepartie le prix de vente convenu,

- Dire que la société BNP Paribas Personal Finance Cetelem et Mme [D] sont solidairement redevables de la somme en principal de 8.700 euros correspondant au prix de la vente,

- Condamner solidairement la société BNP Paribas Personal Finance Cetelem et Mme [D] à payer à la société la Clinique du scooter la somme en principal de 8.700 euros majorée des intérêts au taux légal,

Vu le préjudice financier subi par la société la Clinique du scooter,

- Condamner solidairement la société BNP Paribas Personal Finance Cetelem et Mme [D] à payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société la Clinique du scooter,

- Condamner solidairement la société BNP Paribas Personal Finance Cetelem et Mme [D] à payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- Condamner solidairement la société BNP Paribas Personal Finance Cetelem et Mme [D] aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Chantal Bitton-Cohen en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2021, Mme [N] [D] demande à la cour de  :

Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1343-5, 1582, 1603 et 1604 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 138-1 du code de la consommation,

Vu les pièces versées au débat,

A titre principal,

- Confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente portant sur un scooter de marque Piaggio modèle MP3 500 IE SPORT immatriculé [Immatriculation 8] conclu entre la société La Clinique du scooter et Mme [N] [D] pour défaut de délivrance du scooter vendu,

- Confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a dit que Mme [N] [D] a valablement exercé le 24 septembre 2017 sa faculté de rétractation du contrat de crédit conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance le 16 septembre 2017,

- Confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a dit, en toute hypothèse, que la résolution du contrat de vente conclu entre Mme [N] [D] et la société La Clinique du scooter entraîne la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [N] [D] et la société BNP Paribas Personal Finance,

- Confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a débouté la société La Clinique du scooter de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de Mme [N] [D],

Subsidiairement,

- Reporter, ou à tout le moins échelonner, sur deux années le paiement des sommes dues par Mme [N] [D] en application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil,

En tout état de cause,

- Condamner la société La Clinique du scooter à payer à Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société La Clinique du scooter aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL Coulon-Richard, représentée par Me Bérangère Laurain-Richard, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 juin 2021, la société BNP Paribas Personal Finance, sous l'enseigne Cetelem, demande à la cour de :

Vu les articles L. 311-12, L. 311-13, L. 311-15 et L. 312-47 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date des contrats,

Vu les articles L. 311-31, L. 311-21, L. 311-35 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date des contrats,

Vu les articles 1146, 1184 et 1382 du code civil (version antérieure au 1er octobre 2016),

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 5 novembre 2021 dans toutes ses dispositions ;

- Débouter la société La Clinique du scooter de son appel, et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Statuant sur les demandes des parties :

- Constater que le contrat de crédit conclu entre la société BNP Paribas Personal Finance et Mme [N] [D] est nul ou caduque suite à l'usage par Mme [N] [D] du droit de rétractation, ce qui a entraîné la résolution du contrat de vente conclu entre Mme [N] [D] et la société La Clinique du scooter ; A tout le moins, prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre la société Mme [N] [D] et la société La Clinique du scooter, et par voie de conséquence la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [N] [D] et de la société BNP Paribas Personal Finance, du fait de la violation du formalisme afférent à la réduction du délai de rétractation,

- A défaut, prononcer judiciairement la résolution du contrat de vente conclu entre Mme [N] [D] et la société La Clinique du scooter en raison de la faute du vendeur dans la livraison ; prononcer par voie de conséquence judiciairement la résolution du contrat de crédit affecté,

- Subsidiairement, constater que la faute dans la livraison fait obstacle à tout déblocage de fonds ; constater, en outre, que Mme [N] [D] a résilié unilatéralement le contrat de crédit, ce qui fait obstacle à tout déblocage des fonds,

- En tout état de cause, débouter la société La Clinique du scooter de sa demande de condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance au paiement d'une somme de 8.700 euros avec intérêts au taux légal,

- En tout état de cause, débouter la société La Clinique du scooter de sa demande de condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance au paiement d'une somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Subsidiairement, dans le cas où la Cour estimerait que les contrats de vente et de crédit litigieux ne sont pas caduques, ni résolus, et que la société BNP Paribas Personal Finance doit débloquer les fonds prêtés, condamner Mme [N] [D] à rembourser les mensualités du crédit qui lui a été accordé selon les conditions prévues au contrat de crédit,

- Subsidiairement, en cas de condamnation prononcée à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance sur le fondement de la responsabilité,

- Condamner Mme [N] [D] à garantir la société BNP Paribas Personal Finance de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- Débouter la société La Clinique du scooter de toutes autres demandes, fins et conclusions,

- En tout état de cause, condamner la société La Clinique du scooter et subsidiairement Mme [N] [D], au paiement à la société BNP Paribas Personal Finance de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2023.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir «'constater'» ou «'dire et juger'» qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

La vente ayant été conclue le 16 septembre 2014, il sera fait référence aux articles du code civil selon leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci n'étant applicable qu'aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

Il sera également fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version en vigueur au jour de la conclusion des contrats, dont certaines ont été abrogées au 1er juillet 2016.

Les premiers juges ont prononcé la résolution de la vente du scooter pour manquement de la société La Clinique du scooter à son obligation de délivrance dès lors que le scooter n'avait pas été livré à l'acheteur mais à un tiers, la société La Clinique du scooter n'établissant pas avoir pu avoir une croyance légitime que M. [M] était le mandataire apparent de Mme [D]. Ils ont également retenu que Mme [D] avait valablement exercé sa faculté de rétractation du contrat de crédit le 24 septembre 2014 (et non pas 2017 comme indiqué par erreur dans le jugement) et que la résolution du contrat de vente principal entraînait de plein droit la résolution du contrat de crédit y afférent. Ils ont, en conséquence, débouté la société La Clinique du scooter de ses demandes en paiement du prix du scooter et de dommages et intérêts, relevant que les préjudices subis résultaient uniquement de sa propre négligence d'avoir remis le scooter à une personne qui n'était ni l'acheteur ni l'emprunteur sans procéder à aucune vérification.

La société La Clinique du scooter reproche aux premiers juges d'avoir ainsi statué et fait valoir en substance que la vente conclue avec Mme [D], qui est bien l'acquéreur et l'emprunteur, est parfaite et que M. [M] ayant pris livraison du scooter conformément aux dispositions des articles 1650 et 1651 du code civil, Mme [D] a l'obligation de payer le prix du scooter.

Elle affirme que Mme [D] a opté pour la réduction du délai de rétractation de 14 à 3 jours afin d'obtenir une livraison immédiate du bien ; que la signature de Mme [D] sur l'offre de prêt de la clause par laquelle le vendeur certifie que le matériel a été livré et que l'acquéreur a demandé la réduction du délai de rétractation de 14 jours à 3 jours crée une présomption de sa bonne foi qu'il appartient à Mme [D] de renverser, ce qu'elle ne fait pas. Elle ajoute que c'est en raison de l'attitude de Mme [D], qui reconnaît n'avoir rempli et signé les documents que pour « rendre service » à M. [M], qu'elle a valablement pu estimer que ce dernier bénéficiait d'un mandat apparent pour prendre livraison du scooter, objet de l'achat et du financement sollicité par Mme [D] à son bénéfice.

Elle soutient n'avoir commis aucune faute, eu égard aux circonstances de l'espèce, en remettant le scooter à M. [O] [M], désigné comme bénéficiaire de l'achat effectué par Mme [D]. Elle considère qu'il existe un faisceau d'indices, incluant la signature par Mme [D] de la clause valant reconnaissance de livraison, que cette dernière était présente lors de la livraison du scooter et a minima, qu'elle a volontairement permis à M. [M] d'en prendre ensuite possession comme il était convenu entre eux dès le départ.

Elle prétend par ailleurs que la rétractation est intervenue hors délai, relevant que Mme [D] a opté pour la réduction du délai de rétractation du contrat de crédit de 14 à 3 jours et que la société BNP Paribas Personal Finance ne démontre pas à quelle date cette dernière aurait fait usage de son droit de rétractation. Elle précise qu'à la lecture de la plainte de Mme [D], il est démontré que cette dernière a fait usage de son droit de rétractation après le 22 septembre 2014, soit au-delà du délai de trois jours dont elle disposait.

Elle sollicite en toute hypothèse l'indemnisation de son préjudice, rappelant que la société BNP Paribas n'a pas versé les fonds, que Mme [D] n'a pas remboursé le crédit et qu'elle a, pour sa part, remis un scooter à « l'ami » bénéficiaire de l'acquisition de Mme [D].

Elle fait valoir que le fait pour Mme [D] d'avoir fourni à un tiers des justificatifs nécessaires à l'achat d'un scooter tout en étant interdit bancaire démontrerait soit une intention frauduleuse, soit, à tout le moins, une négligence fautive, de nature à engager sa responsabilité délictuelle.

Elle reproche par ailleurs à la société BNP Paribas d'avoir annulé le financement litigieux sans l'en avertir, sans demander d'explication particulière à Mme [D] et sans vérifier que cette rétractation intervenait effectivement dans le délai légal réduit à trois jours, engageant ainsi sa responsabilité sur le fondement de la bonne foi contractuelle. Elle relève à cet égard que, dès lors que le tribunal a retenu la non-conformité de la mention de réduction du délai de rétractation à l'article L. 311-35 du code de la consommation au motif qu'il n'est pas manuscrit, et que cette clause a été rédigée par la société BNP Paribas Personal Finance, il ne pouvait, sans se contredire, écarter la responsabilité de cette dernière vis-à-vis du vendeur.

Mme [D] demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente et, par voie de conséquence, du contrat de crédit, la société La Clinique du scooter ayant manqué à son obligation essentielle de délivrance de la chose vendue en délivrant le scooter à un tiers. Elle soutient qu'elle n'a nullement, par une demande expresse rédigée et datée de sa main, sollicité la livraison immédiate du scooter litigieux et a valablement exercé, le 24 septembre 2014, son droit de rétractation dans le délai de 14 jours à compter de l'acceptation de l'offre de prêt. Elle en déduit que la société La Clinique du scooter, qui a d'autorité décidé de livrer à un tiers au contrat de vente le scooter litigieux avant l'expiration du délai de rétractation, doit en supporter toutes les conséquences financières qui en découlent. Elle sollicite à titre subsidiaire des délais de paiement conformément à l'article 1343-5 du code civil.

La société BNP Paribas conclut également à la confirmation du jugement en faisant valoir qu'il se déduit de l'interdépendance des contrats contractuellement prévue que la caducité/annulation du contrat de prêt par suite de l'exercice de la faculté de rétractation de l'emprunteur entraîne la résolution du contrat de vente. Elle relève qu'en l'espèce, il ressort d'un document intitulé « Appel de fonds » signé et tamponné par le représentant de la société La Clinique du scooter que le scooter litigieux a été livré le 16 septembre 2014, soit le jour même de l'acceptation de l'offre de crédit par Mme [N] [D], que cette dernière ayant pris l'initiative d'exercer son droit de rétractation, elle a fait droit à cette demande. Elle rappelle qu'en l'absence de reproduction manuscrite des mentions prévues à l'article R. 311-9 du code de la consommation, il doit être considéré que le délai de rétractation prévu à l'article L. 311-12 du même code n'a pu être valablement réduit ; qu'en outre, il revient au vendeur de rapporter la preuve que l'acheteur a régulièrement fait la demande de la livraison immédiate du bien objet du contrat avec réduction du délai de rétractation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le non-respect du formalisme et du délai de rétractation de l'article L. 311-35 du code de la consommation est sanctionné par la nullité du contrat de vente puisque le manquement à ces dispositions affecte la réalité même du consentement de l'acheteur, sans lequel le contrat de vente ne peut pas être valablement formé, cette nullité du contrat principal entraînant celle du contrat de crédit en application de l'article L. 311-21 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au moment de la conclusion du contrat. Elle ajoute qu'à supposer que le délai de rétractation ait été valablement réduit de 14 à 3 jours à la demande de l'emprunteur, ce dernier délai n'a pas été respecté puisque le scooter a été livré le jour de la signature du contrat. Elle en déduit que la livraison immédiate du scooter par le vendeur, intervenue en violation des dispositions de l'ancien article L. 311-35 du code de la consommation, doit être sanctionnée par la nullité du contrat de vente.

Elle soutient enfin que la société La Clinique du scooter a manqué à son obligation de délivrance conforme en livrant le scooter litigieux à M. [O] [M] qui n'a pas la qualité d'acheteur et d'emprunteur et ne peut se prévaloir de la théorie du mandat apparent, ce qui justifie la résolution du contrat de vente.

Sur ce

Sur la résolution de la vente

L'article 1134 ancien du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.

Aux termes des articles 1603 et 1604 du code civil, la première obligation du vendeur est la délivrance de la chose, entendue comme « le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

La délivrance consiste ainsi à remettre matériellement l'objet de la vente entre les mains de l'acheteur, dans les conditions déterminées par les parties au contrat.

Le défaut de respect de l'obligation de délivrance du vendeur, fondée sur l'article 1603 du code civil, trouve sa sanction dans les termes de l'article 1610 du même code qui dispose que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

Il appartient au vendeur de prouver qu'il a mis la chose vendue à la disposition de l'acheteur dans le délai convenu.

En l'espèce, il n'est pas discuté par les parties que Mme [D] est l'acquéreur du scooter et l'emprunteur, la facture datée du 17 septembre 2014 étant établie à son nom et celle-ci ayant signé l'offre de contrat de crédit affecté le 16 septembre 2014.

Il est par ailleurs établi, et non contesté par la société La Clinique du scooter, qu'après avoir obtenu l'accord de la société BNP Paribas Personal Finance (la date du fax n'est pas lisible), elle a remis le scooter, le 17 septembre 2014, à M. [O] [M] et non à Mme [D].

Pour tenter de justifier la remise du scooter à M. [M], qui n'est pas l'acquéreur ni l'emprunteur, la société La Clinique du scooter se prévaut de la théorie du mandat apparent selon laquelle le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

Or, comme l'ont justement relevé les premiers juges, la société La Clinique du scooter n'établit pas qu'elle a pu avoir une croyance légitime que M. [M] était le mandataire apparent de Mme [D]. Elle ne verse aucune pièce qui établirait que ces derniers étaient présents ensemble le 16 septembre 2014 alors que Mme [D] conteste s'être rendue dans les locaux de la société La Clinique du scooter et explique, tant dans ses écritures que dans son dépôt de plainte en date du 24 septembre 2014, dont il n'est pas justifié des suites qui y ont été données, que M. [M], à qui elle avait remis les documents et justificatifs nécessaires à la constitution du dossier de prêt, s'est rendu à son travail pour lui faire signer le formulaire de prêt. Dans ces conditions, la société La Clinique du scooter ne justifie d'aucun motif légitime de croire que M. [M] avait été chargé du mandat de prendre possession du scooter acheté.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du scooter pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance dès lors que le scooter n'a pas été livré à l'acheteur mais à un tiers.

Sur les conséquences de la résolution du contrat de vente sur le crédit affecté

L'article L .311-1 du code de la consommation définit le crédit affecté comme « le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique. Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés ».

L'article L. 311-32 du code de la consommation prévoit que le contrat de crédit est résolu de plein droit lorsque le contrat, en vue duquel le prêt avait été conclu, est lui-même résolu.

En application de ces dispositions, la résolution du contrat de vente conclu entre Mme [D] et la société La Clinique du scooter entraîne la résolution de plein droit du contrat de crédit conclu entre Mme [D] et la société BNP Paribas Personal Finance le 16 septembre 2017.

La société La Clinique du scooter doit en conséquence être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 8.700 euros correspondant au solde du prix de vente du scooter formée à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance et de Mme [D].

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de Mme [D] et de la société BNP Paribas Personnal Finance

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La société La Clinique du scooter ne rapporte la preuve d'aucune intention frauduleuse ou négligence fautive de Mme [D].

En outre, c'est à tort que la société La Clinique du scooter soutient que la rétractation est intervenue hors délai.

En effet, l'article L. 311-35 du code de la consommation précise que « tant que le prêteur ne l'a pas avisé de l'octroi du crédit, et tant que l'emprunteur peut exercer sa faculté de rétractation, le vendeur n'est pas tenu d'accomplir son obligation de livraison ou de fourniture. Toutefois, lorsque par une demande expresse rédigée, datée et signée de sa main même, l'acheteur sollicite la livraison ou la fourniture du bien ou de la prestation de service, le délai de rétractation ouvert à l'emprunteur par l'article L. 311-12 expire à la date de la livraison ou de la fourniture, sans pouvoir ni excéder 14 jours ni être inférieur à 3 jours. Toute livraison ou fourniture anticipée est à la charge du vendeur qui en supporte tous les frais et risques ».

L'article R. 311-9 du même code précise que « l'acheteur qui sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services en application de l'article L. 311-35 doit apposer sur le contrat de vente une demande rédigée de sa main dans les termes suivants :

Je demande à être livré (e) immédiatement (ou à bénéficier immédiatement de la prestation de services).

Le délai légal de rétractation de mon contrat de crédit arrive dès lors à échéance à la date de la livraison (ou de l'exécution de la prestation), sans pouvoir être inférieur à trois jours ni supérieur à quatorze jours suivant sa signature.

Je suis tenu (e) par mon contrat de vente principal dès le quatrième jour suivant sa signature. »

En l'espèce, comme l'ont justement relevé les premiers juges, l'offre de crédit ne contient aucune demande expresse de Mme [D], rédigée de sa main, afin de solliciter la livraison immédiate du bien au sens de l'article L. 311-35 précité.

La clause dont se prévaut la société La Clinique du scooter, qui figure en page 12/24 du contrat de crédit signé le 16 septembre 2014, est intitulée « Appels de fonds » et libellée comme suit :

« Nom et prénom du client.

Le vendeur ou le prestataire de service certifie sous sa responsabilité que le matériel conforme au bon de commande a été livré.

L'acheteur a demandé dans les termes prévus par la Loi, la réduction de 14 à 3 jours du délai de rétractation dont il dispose.

Le client demande à BNP Paribas Personal Finance d'adresser le financement de 8700 euros correspondant à cette opération au vendeur ou prestataire de services dans les conditions prévues au contrat et ce, en accord avec ce dernier. »

Cette mention est dactylographiée et comporte le tampon et la signature de la société La Clinique du scooter.

Dès lors, en l'absence de reproduction manuscrite des mentions prévues aux dispositions sus-visées, il doit être considéré que le délai de rétractation de 14 jours prévu à l'article L. 311-12 n'a pu être valablement réduit.

Dès lors, Mme [D] a valablement exercé son droit de rétractation le 24 septembre 2014, soit dans le délai de 14 jours à compter de l'acceptation de l'offre. Le jugement sera confirmé de ce chef, sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement en remplaçant « 24 septembre 2017 » par « 24 septembre 2014 » et « 16 septembre 2017 » par « 16 septembre 2014 ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Mme [D] et de la société BNP Paribas Personal Finance et que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté la société La Clinique du scooter de sa demande de dommages et intérêts formée à leur encontre en relevant que le préjudice subi résultait uniquement de sa propre négligence d'avoir remis un scooter de 9.700 euros à une personne qui n'était ni l'acheteur ni l'emprunteur.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à la confirmation des dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de la société La Clinique du scooter.

Ajoutant au jugement, il y a lieu de condamner la société La Clinique du scooter, qui succombe en son recours, aux dépens d'appel. Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit notamment de la SELARL Coulon-Richard, représentée par Me Bérangère Laurain-Richard.

Tenue aux dépens, la société La Clinique du scooter sera condamnée à payer à Mme [D] et à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2.500 euros chacune en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rectifie l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement en remplaçant « 24 septembre 2017 » par « 24 septembre 2014 » et « 16 septembre 2017 » par « 16 septembre 2014 »,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société La Clinique du scooter à payer à Mme [N] [D] et à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2.500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société La Clinique du scooter aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SELARL Coulon-Richard, représentée par Me Bérangère Laurain-Richard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.