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Décisions

Cass. 1re civ., 30 novembre 2022, n° 21-11.507

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Dard

Avocat général :

Mme Caron-Déglise

Avocats :

SAS Hannotin Avocats, Me Balat, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Rennes, du 8 déc. 2020

8 décembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 2020), [W] [Y] est décédée le 20 février 2015, en laissant pour lui succéder ses enfants [F], [K] et [T].

2. Par acte authentique du 9 juin 1994, elle avait consenti à son fils une donation, par préciput et hors part, d'une certaine somme investie dans un apport au capital d'une société commerciale et dans l'acquisition de parts détenues par Mme [F] [L] dans trois sociétés civiles immobilières.

3. Par acte authentique du 11 juillet 2005, la donatrice et le donataire étaient convenus de la révocation de la donation et M. [K] [L] avait remboursé à sa mère la somme donnée.

4. Des difficultés sont survenues dans le règlement de la succession.

5. Mme [F] [L] a assigné ses cohéritiers en nullité de l'acte de révocation pour cause illicite.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, qui est irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. Mme [F] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer valable l'acte révocatoire du 11 juillet 2005 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que la cause du contrat, ou cause subjective, qui doit être licite, s'entend des mobiles ayant conduit les contractants à s'engager ; qu'au cas présent, Mme [F] [L], épouse [H], avait souligné dans ses conclusions d'appel (notes pp. 21-24) que la cause de l'acte révocatoire résidait dans la volonté de ses auteurs de faire échec aux règles de la réserve héréditaire à propos de la donation effectuée en 1994 ; qu'en considérant qu'il s'agissait-là de « mobiles » et que « les mobiles ayant présidé à la révocation litigieuse sont indifférents », dès l'instant où la révocation d'une donation est, en soi, un acte autorisé par la loi, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de cause du contrat, a violé les articles 1108, 1131 et 1133 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1131 et 1133, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ces textes qu'un contrat n'est valable que si les motifs ayant déterminé les parties à contracter sont licites.

9. Pour déclarer valable l'acte du 11 juillet 2005, l'arrêt retient que les mobiles ayant présidé à la révocation de la donation du 9 juin 1994 sont indifférents et ne peuvent se confondre avec la cause de la convention qui n'était pas illicite, la révocation conventionnelle d'une donation ne se heurtant à aucune interdiction légale et étant toujours possible sans que les parties n'aient à en justifier les raisons.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la cause de l'acte révocatoire ne résidait pas dans la volonté des parties de contourner les dispositions d'ordre public de l'article 922 du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare valable l'acte du 11 juillet 2005 et rejette les demandes de Mme [L] en inopposabilité de son effet rétroactif à l'égard des tiers, en réunion fictive de la donation du 9 juin 1994 en considération des remplois successifs de la somme donnée, d'application des sanctions du recel successoral à M. [K] [L] et d'expertise afin de déterminer le montant de la réunion fictive et de la réduction, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.