Cass. 1re civ., 29 juin 2022, n° 21-15.082
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
Mme Kloda
Avocats :
SCP Zribi et Texier, SCP Doumic-Seiller
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 février 2021), le 16 juillet 2009, la société CIC Ouest (la banque) a consenti à M. [B] [M], pour les besoins de son activité professionnelle d'architecte, un prêt de 180 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux de 5,44 % l'an. [E] [M], son épouse, est intervenue en qualité de co-emprunteur.
2. A la suite de plusieurs échéances impayées, après mises en demeure et déchéance du terme, la banque a assigné en paiement [E] [M].
3. [E] [M] est décédée le [Date décès 6] 2014 en laissant pour lui succéder son époux et ses enfants, [C], [Z], [R], [D] et [L] (les consorts [M]), qui ont repris l'instance en leur qualité d'héritiers.
4. M. [M] a été placé en liquidation judiciaire et M. [G] est intervenu volontairement à l'instance en qualité de liquidateur judiciaire.
5. En appel, la banque a demandé à ce que sa créance soit fixée à hauteur d'une certaine somme à la liquidation judiciaire de M. [B] [M].
6. Les consorts [M] et M. [G], ès qualités, ont formé une demande reconventionnelle contre la banque.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Les consorts [M] et M. [G] ès qualités font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque les sommes de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû et de 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011, et de fixer la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de M. [B] [M] à ces sommes, alors « que le prêt consenti par un professionnel du crédit n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat ; qu'après avoir constaté que [E] [M] était un tiers à l'entreprise de son époux, dont elle était séparée de biens, et que les fonds avaient une destination purement professionnelle, la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, retenir que l'obligation de restitution de [E] [M] trouve sa cause dans la remise des fonds, qu'en sa qualité de co-emprunteur, elle a sollicitée avec son époux. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
8. Il ressort de ce texte que, le prêt consenti par un professionnel du crédit n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, dont l'existence, comme l'exactitude, doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat.
9. Pour rejeter la demande tendant à l'annulation du prêt à l'égard de [E] [M] pour absence de cause, l'arrêt retient que le fait que celle-ci soit un tiers à l'entreprise de son époux et que les fonds aient une destination professionnelle importent peu dès lors que son obligation de restitution trouve sa cause dans la remise des fonds, qu'en sa qualité de co-emprunteur, elle a sollicitée avec son époux, et qui constitue la raison immédiate les ayant conduit à souscrire le prêt.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de fixer la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de M. [B] [M], la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiqués par ce moyen.
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui condamnent les consorts [M] à payer à la banque les sommes de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû et de 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011 entraîne la cassation du chef de dispositif qui condamne cette dernière à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la déchéance partielle du droit aux intérêts, qui s'y rattache par un lien d'indivisibilité.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe la créance de la société Banque CIC Ouest au passif de la liquidation judiciaire de M. [B] [M] à la somme de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû, outre celle de 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011, condamne la société Banque CIC Ouest à payer à M. [G], ès qualités, la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts et ordonne la compensation réciproque des sommes dues, l'arrêt rendu le 12 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.