Cass. crim., 8 mars 2023, n° 21-86.859
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Wyon
Avocat général :
M. Valat
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 10 septembre 2020, M. [F] [B] a porté plainte et s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction contre M. [G] [L] pour escroquerie au jugement.
3. Il expose avoir été mis en cause, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la société [1], dirigée par M. [L], et avoir produit au juge d'instruction, pour les besoins de sa défense, un document intitulé « annexe et convention d'intérêts supplémentaire ».
4. Il reproche à M. [L] d'avoir adressé au juge d'instruction, par l'intermédiaire de son avocat, une lettre dans laquelle il affirmait ne jamais avoir signé ce document, ce qui a conduit le magistrat instructeur à rejeter une demande de non-lieu présentée par M. [B], par une ordonnance du 31 janvier 2018.
5. Par ordonnance du 11 mai 2021, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à informer sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [B].
6. M. [B] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'informer sur la plainte avec constitution de partie civile de M. [B], alors :
« 1°/ que la juridiction d'instruction, régulièrement saisie d'une plainte avec constitution de partie civile, a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public, cette obligation ne cessant que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; que la production en justice, par une partie, d'un document mensonger suffit à caractériser l'élément matériel du délit d'escroquerie au jugement ; qu'en refusant d'informer, sans rechercher si, ainsi que le dénonçait la plainte, le fait pour M. [L] d'avoir, en sa qualité dirigeant de la société [1], adressé par l'intermédiaire de son conseil au juge d'instruction en charge d'une information ouverte contre M. [B] sur plainte avec constitution de partie civile de cette société, une lettre dans laquelle il indiquait mensongèrement qu'il n'avait jamais signé le document intitulé « annexe et convention d'intérêts supplémentaire » que M. [B] avait remis au magistrat instructeur pour sa défense, ce qui avait conduit ce dernier à rejeter sa demande de non-lieu n'était pas susceptible de caractériser une manoeuvre constitutive du délit escroquerie au jugement, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 313-1 du code pénal, 85, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la production en justice, par une partie, d'un document mensonger est de nature à causer à la partie adverse un préjudice personnel et direct ; qu'en retenant, pour refuser d'informer, que M. [B] ne justifiait d'aucun préjudice, quand la déclaration mensongère contenue dans la lettre adressée par M. [L] au juge d'instruction avait conduit ce dernier à rejeter par ordonnance la demande de non-lieu formée par M. [B], décision préjudiciable à ses intérêts, la chambre de l'instruction a de nouveau méconnu les articles 313-1 du code pénal, 2, 85, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce, notamment, qu'un simple mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre caractéristique du délit d'escroquerie, qui nécessite au surplus la démonstration d'un préjudice.
9. Les juges ajoutent qu'il est constant que M. [B] est l'auteur de la remise au magistrat instructeur de la copie du document intitulé « annexe et convention d'intérêts supplémentaire », sur lequel, après découverte de l'original, il appuie aujourd'hui sa plainte avec constitution de partie civile contre M. [L], qui, à la lecture de l'ordonnance de rejet de demande de non-lieu du 31 janvier 2018, s'est contenté, par l'intermédiaire de son avocat, dans un courrier du 8 janvier 2018, de contester avoir signé ce document le qualifiant de faux.
10. La cour d'appel relève qu'au surplus M. [B] ne justifie d'aucun préjudice, se contentant de soutenir qu'il « risque d'être renvoyé en correctionnelle » ou qu'il « aurait pu bénéficier de la fin des poursuites et ne plus risquer d'être condamné lors d'un éventuel renvoi devant le tribunal correctionnel qui pourrait prononcer des condamnations portant atteinte à sa fortune personnelle », l'emploi du conditionnel par son avocat caractérisant cette absence de démonstration d'un quelconque préjudice, étant rappelé qu'aucun jugement de condamnation n'est intervenu à ce jour.
11. C'est à tort que les juges retiennent qu'un simple mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre caractéristique du délit d'escroquerie au jugement, la production d'un document simplement mensonger étant susceptible de caractériser l'élément matériel de ce délit.
12. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que, d'une part, un simple courrier adressé à un juge d'instruction par l'avocat d'une partie pour contester la valeur d'une charge ne peut s'assimiler à la production en justice d'un document mensonger destiné à tromper la religion du juge, d'autre part, la décision du juge d'instruction de rejeter une demande de non-lieu en cours d'information judiciaire n'est pas un acte susceptible d'opérer obligation ou décharge au sens de l'article 313-1 du code pénal, et par là même de causer un préjudice au mis en examen.
13. Dès lors, le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.