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Décisions

Cass. 3e civ., 28 septembre 2023, n° 22-15.576

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Djikpa

Avocat général :

M. Burgaud

Avocats :

SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Leduc et Vigand

Grenoble, du 22 juin 2021

22 juin 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 juin 2021), par acte sous-seing privé des 7 et 14 juillet 2016, Mme [W] a promis de vendre à M. [I] et Mme [L] une parcelle en nature de taillis.

2. A la suite de la notification de l'intention de vendre qui lui avait été adressée par le notaire, M. [D], propriétaire d'une parcelle boisée contiguë a, par lettre recommandée du 31 août 2016, déclaré exercer son droit de préférence, en application de l'article L. 331-19 du code forestier.

3. Mme [W] ayant exprimé son refus de vendre son bien à M. [D] et n'ayant pas répondu à la sommation d'assister à la vente qui lui avait été délivrée, le notaire a dressé un procès-verbal de carence.

4. M. et Mme [D] l'ont assignée en vente forcée de la parcelle et paiement de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Mme [W] fait grief à l'arrêt de la condamner à régulariser la vente de sa parcelle au profit de M. [D], alors « que le seul questionnement du bénéficiaire du droit de préférence prévu pour la vente de parcelle en état de taillis ne vaut pas offre de vente, de sorte qu'en l'absence de promesse le vendeur est libre de renoncer à la vente initialement envisagée ; qu'en déclarant que, dès lors que ni la SAFER ni la commune n'avaient souhaité exercer leur droit de préemption, le droit de préférence du voisin avait produit plein et entier effet par la rencontre des consentements, dès la date du 31 août 2016 à laquelle l'intéressé avait exprimé son intention de s'en prévaloir, la venderesse ne pouvant dès lors se rétracter de son intention de vendre après l'exercice de ce droit, la cour d'appel a violé l'article L. 331-19 du code forestier dans sa rédaction applicable en la cause et l'article 1589 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 331-19 du code forestier, dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article 1589, alinéa 1, du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, en cas de vente d'une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts et d'une superficie totale inférieure à quatre hectares, les propriétaires d'une parcelle boisée contiguë bénéficient d'un droit de préférence. Le vendeur est tenu de leur notifier le prix et les conditions de la cession projetée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, lorsque le nombre de notifications est égal ou supérieur à dix, par voie d'affichage en mairie durant un mois et de publication d'un avis dans un journal d'annonces légales. Tout propriétaire d'une parcelle boisée contiguë dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification pour faire connaître au vendeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par remise contre récépissé, qu'il exerce son droit de préférence aux prix et conditions qui lui sont indiqués par le vendeur. Lorsque plusieurs propriétaires de parcelles contiguës exercent leur droit de préférence, le vendeur choisit librement celui auquel il souhaite céder son bien. Le droit de préférence n'est plus opposable au vendeur en l'absence de réalisation de la vente résultant d'une défaillance de l'acheteur dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la déclaration d'exercice de ce droit. Ce droit de préférence s'exerce sous réserve du droit de préemption, et de la rétrocession qui en découle, prévu au bénéfice de personnes morales chargées d'une mission de service public par le code rural et de la pêche maritime ou par le code de l'urbanisme.

7. Aux termes du second, la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.

8. À défaut de disposition législative le précisant, la notification ou l'affichage du prix et des conditions de la vente projetée ne vaut pas offre ferme de vente au profit du bénéficiaire du droit de préférence, de sorte que l'exercice de ce droit par le propriétaire d'une parcelle boisée contiguë ne prive pas le vendeur de la liberté de renoncer à la vente.

9. Pour condamner Mme [W] à régulariser, au profit de M. [D], la vente de sa parcelle boisée, l'arrêt retient que, dès lors que ni la SAFER ni la commune n'ont souhaité exercer leur droit de préemption, le droit de préférence de M. [D] a produit plein et entier effet par la rencontre des consentements, dès la date à laquelle il a exprimé son intention de s'en prévaloir, la venderesse ne pouvant, dès lors, se rétracter de son intention de vendre après l'exercice de ce droit et que, par conséquent, M. [D] est fondé à voir reconnaître plein et entier effet à la vente intervenue entre Mme [W] et lui-même par l'exercice de son droit de préférence.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme partiellement le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, condamne Mme [W] à régulariser par acte notarié au profit de M. [D] la vente de la parcelle, dans les conditions précisées dans la réquisition d'instrumenter en date des 7 juillet et 14 juillet 2016 valant accord entre Mme [W] et M. [I] et Mme [L] ainsi que dans le courrier de notification à M. [D] du notaire en date du 29 août 2016, dans le délai de quatre mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte, rejette toutes les autres demandes et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.