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Décisions

Cass. soc., 15 mars 2023, n° 21-16.810

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monge

Rapporteur :

Mme Cavrois

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Fort-de-France, du 17 janv. 2020

17 janvier 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 17 janvier 2020), M. [D] a été engagé en qualité de responsable de point de vente à compter du 6 mai 2014 par la société Microtraitement sous enseigne Microforce.

2. Licencié le 12 février 2015, il a saisi la juridiction prud'homale, le 24 avril 2015, de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat.

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappels de prime contractuelle de motivation, alors :

« 1°/ que lorsque le droit à rémunération variable résulte du contrat de travail, lequel renvoie à un accord entre l'employeur et le salarié sur son montant, et il incombe au juge, à défaut de conclusion d'un accord sur ce point, de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat, des accords conclus les années précédentes, ou encore des données de la cause ; qu'en l'espèce, pour refuser de faire droit au paiement de la prime de motivation, la cour d'appel a considéré que les objectifs conditionnant le versement de la prime devaient être fixés au mois de janvier de chaque année et n'avaient pas à être déterminés en cours d'année ; qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de fixation des objectifs, il lui appartenait de fixer le montant de la rémunération variable pour l'exercice 2014 en fonction des critères visés au contrat de travail et des données de la cause, la cour d'appel a violé les textes l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et l'article L. 1222-1 du code du travail ;

2°/ qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir dans ses écritures qu'il avait réussi à réaliser un chiffre d'affaires mensuel d'un minimum de 220 000 euros et produisait un ensemble de pièces qui établissaient les chiffres d'affaires mensuels réalisés par le salarié au courant de l'exécution de la relation contractuelle, ce dont il résultait que la cour d'appel était en mesure, en l'absence de fixation des objectifs, de fixer le montant de la rémunération en fonction des données de la cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans fixer le montant de la rémunération, la cour d'appel a violé les textes l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et l'article L. 1222-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt que le salarié sollicitait des dommages-intérêts pour violation du contrat et non-versement de la prime de motivation.

6. En déboutant le salarié de l'intégralité de ses demandes, la cour d'appel n'a pas rejeté une demande en versement d'une prime de motivation dont elle n'était pas saisie.

7. En conséquence, le moyen, qui critique les motifs et non un chef de dispositif de l'arrêt, est irrecevable.

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, alors « que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en retenant en l'espèce qu'il apparaissait des fiches de paye la mention du paiement d'heures supplémentaires, lesquelles n'avaient pas été déduites de sa demande, quand il appartenait au juge, au vu des éléments fournis par les parties, de former sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier le rejet de la totalité des rappels d'heures supplémentaires, violant en conséquence l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

9. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

10. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

11. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

12. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt constate que le salarié fournit un décompte de ses heures supplémentaires. Il relève cependant qu'en contradiction avec son contrat de travail, l'intéressé ne les a pas soumises préalablement au service comptable. Il ajoute que ses fiches de salaire portent mention du paiement d'heures supplémentaires, lesquelles n'ont pas été déduites de sa demande, laquelle sera en conséquence rejetée.

13. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

14. Le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de le débouter de sa demande d'indemnité au titre de la clause de non-concurrence, alors « que méconnaît la liberté fondamentale du salarié d'exercer une activité professionnelle et, comme telle, est nulle la clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d'une contrepartie pécuniaire qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié ; qu'en retenant qu'en application de l'article 12 du contrat de travail, il apparaissait que l'indemnité au titre de la clause de non concurrence devait être versée uniquement en cas de rupture à l'initiative du salarié, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité au titre de la clause de non concurrence, la cour d'appel a violé la liberté fondamentale du salarié d'exercer une activité professionnelle, ensemble de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article L. 1221-1 du code du travail :

15. Aux termes de ce texte, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

16. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme en contrepartie pécuniaire au titre de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient qu'en application de l'article 12 du contrat de travail, l'indemnité à ce titre doit être versée en cas de rupture à l'initiative du salarié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, celui-ci faisant l'objet d'un licenciement.

17. En statuant ainsi, alors que méconnaît la liberté fondamentale du salarié d'exercer une activité professionnelle et, comme telle, est nulle la clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d'une contrepartie pécuniaire qu'en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit le licenciement de M. [D] par la société Microtraitement bien-fondé sur une faute grave et déboute M. [D] de ses demandes de dommages-intérêts pour violation du contrat, de sommes au titre de la mise à pied conservatoire et au titre de la rupture, l'arrêt rendu le 17 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre.