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Décisions

Cass. 2e civ., 7 juillet 2022, n° 21-10.558

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Guého

Avocat général :

M. Grignon Dumoulin

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Ohl et Vexliard

Rennes, du 3 déc. 2020

3 décembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 décembre 2020), le 12 août 2008, la société Coopérative de réalisations industrielles et agricoles (la société Coria), spécialisée dans le chauffage des serres, a établi pour le compte de la société EARL Prigent (la société Prigent), spécialisée dans la production agricole sous serres, un devis pour la mise en place d'une pompe à chaleur fabriquée par la société Airwell France (la société Airwell), cette dernière ayant été successivement assurée auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva), puis, à compter du 1er juin 2011, de la société Axa corporate solutions (la société Axa), aux droits de laquelle vient la société XL insurance company SE (la société XL insurance).

2. L'installation a été mise en service par la société Tech'map.

3. Des dysfonctionnements sont apparus, auxquels les sociétés Airwell et Tech'map ont vainement tenté de remédier.

4. Après avoir obtenu en référé, le 23 janvier 2012, une expertise tendant à l'évaluation de ses préjudices, la société Prigent a assigné les sociétés Coria et Tech'map, M. [W] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Airwell, ainsi que la société Axa en indemnisation de ses préjudices. La société Coria a appelé en la cause la société Aviva.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et le second moyen, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La société XL insurance fait grief à l'arrêt de condamner la société Axa à garantir « la liquidation judiciaire » de la société Airwell et la société Coria des condamnations prononcées à leur encontre, alors :

« 1°/ que lorsque la garantie est déclenchée par la réclamation, l'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable, entendu comme la cause du dommage, à la date de la souscription de la garantie ; que, par ailleurs, le vendeur professionnel est présumé connaître le vice affectant la chose vendue ; que pour condamner la compagnie Axa à garantir la société Airwell, la cour d'appel a énoncé qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier que celle-ci connaissait l'existence du vice de fabrication avant la conclusion du contrat d'assurance ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle relevait que « le défaut de fabrication mis en évidence par l'expertise constitue un vice caché » ce dont il résultait que la société Airwell, fabricant-vendeur des pompes à chaleur défectueuses, était réputée connaître le vice dont ces dernières étaient affectées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article L. 124-5 du code des assurances ;

3°/ que le contrat d'assurance étant un contrat aléatoire, la garantie n'est pas due lorsque l'assuré savait, au moment de la souscription du contrat, qu'un sinistre de nature à engager sa responsabilité était survenu ; qu'au cas d'espèce, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 124-5 du code des assurances la cour d'appel qui a condamné la compagnie Axa à garantir la société Airwell après avoir elle-même constaté « qu'à la date de la souscription de la police d'assurance, la société Airwell était parfaitement informée des dysfonctionnements [affectant les pompes à chaleur] », ce dont il se déduisait que la société Airwell savait, à la date de la souscription du contrat, qu'un sinistre susceptible de lui être imputé était survenu. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen, pris en sa première branche

7. La société ML Conseils, prise en la personne de M. [W] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Airwell, et la société Prigent contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait.

8. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

9. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

10. Selon l'article L. 124-5 du code des assurances, lorsque la garantie est déclenchée par la réclamation, l'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

11. Selon l'article L. 124-1-1 du même code, le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage.

12. La jurisprudence a déduit de l'article 1645 du code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, afin que l'acquéreur obtienne réparation de l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence (1re Civ., 22 mai 2019, pourvoi n° 17-31.248 ; Com., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-18.230).

13. Cependant, dans l'hypothèse où la cause génératrice d'un dommage consiste dans la livraison d'une chose affectée d'un vice, seule la connaissance réelle, par le vendeur, du fait dommageable à la date de souscription du contrat, caractérise l'inexistence de l'aléa induisant l'absence de couverture du risque par l'assureur.

14. Dès lors, la présomption mentionnée précédemment ne peut être appliquée pour considérer que le vendeur a nécessairement connaissance du fait dommageable, au sens de l'article L. 124-5 du code des assurances.

15. L'arrêt attaqué énonce que le fait dommageable résulte non pas des dysfonctionnements de la pompe à chaleur mais de la détermination de leur cause qui permet de retenir la responsabilité sur le fondement de l'article 1641 du code civil soit en l'espèce, la fabrication de la pompe à chaleur défectueuse. Il ajoute qu'à la date de la souscription du contrat, la société Airwell était parfaitement informée des dysfonctionnements mais qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle connaissait l'existence du vice de fabrication, lequel a été mis en évidence par le rapport d'expertise après les analyses du laboratoire HRS.

16. En l'état de ces constatations et énonciations, et dès lors que l'existence de dysfonctionnements n'impliquait pas, de manière certaine, la mise en cause de la responsabilité de l'assuré, la cour d'appel a exactement retenu que la garantie de la société Axa était due.

17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.