Cass. 3e civ., 28 septembre 2022, n° 21-19.829
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. Jariel
Avocat général :
Mme Guilguet-Pauthe
Avocats :
SCP Zribi et Texier, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2021), en 2016, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] (le syndicat) a chargé la société A l'Abri de réaliser divers travaux.
2. Le 26 mai 2020, cette société l'a, en référé, assigné en paiement d'une provision correspondant à des factures impayées.
3. Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Paris a rejeté la fin de non-recevoir tirée d'une prescription biennale de l'action.
4. A l'occasion du pourvoi qu'il avait formé contre cet arrêt, le syndicat a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire relative à la constitutionnalité de l'article L. 218-2 du code de la consommation.
5. La Cour de cassation (3e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 21-19.829, publié) a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors :
« 1°/ que la déclaration d'inconstitutionnalité, après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique, au regard des articles 61-1 et 62 de la Constitution ;
2°/ que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que la même Convention prévoit toute personne a droit au respect de ses biens ; que les restrictions de propriété doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en appliquant les dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation, qui ne prévoient pas expressément que la prescription biennale qui s'applique à l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, bénéficie aux non-professionnels, et en se fondant ainsi sur la seule qualité de personne morale du syndicat des copropriétaires pour lui dénier le bénéfice de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1, § 1, du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention. »
Réponse de la Cour
8. D'une part, la question prioritaire de constitutionnalité n'ayant pas été transmise au Conseil constitutionnel, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence de la perte de fondement juridique de l'arrêt, est devenu sans portée.
9. D'autre part, la violation de l'article 14 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales suppose une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables (CEDH, arrêt du 13 novembre 2007, D.H. et autres c. République tchèque [GC], n° 57325/00, § 175 ; CEDH, arrêt du 29 avril 2008, Burden c. Royaume-Uni [GC], n° 13378/05, § 60).
10. L'article liminaire du code de la consommation dispose que, pour l'application de celui-ci, on entend, par consommateur, toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et, par non-professionnel, toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles.
11. Cette différence de statut juridique, issue de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, est fondée sur la personnalité morale des non-professionnels qui ne les place pas dans une situation analogue ou comparable à celle des personnes physiques.
12. A la différence d'une personne physique, un syndicat de copropriétaires est ainsi, en application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pourvu de trois organes distincts : le syndic, le conseil syndical et l'assemblée générale des copropriétaires, dont le fonctionnement, régi par cette loi, est également encadré par un règlement de copropriété.
13. Dès lors, en l'absence de différence dans le traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le syndicat ne pouvait se prévaloir de la prescription biennale de l'action des professionnels, pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, prévue par l'article L. 218-2 du code de la consommation.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.