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Décisions

Cass. 3e civ., 7 septembre 2023, n° 21-14.279

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Aldigé

Avocat général :

Mme Guilguet-Pauthe

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Cass. 3e civ. n° 21-14.279

6 septembre 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2021, n° RG 19/14665), par acte sous seing privé du 21 septembre 2010, M. et Mme [Z] (les bailleurs) ont donné à bail renouvelé à la société Pierre et vacances Maeva tourisme exploitation, aux droits de laquelle est venue la société PV résidences & resorts France désormais dénommée PV Holding (la locataire), un logement dans une résidence de tourisme pour une durée de onze ans.

2. Le 24 mars 2015, la locataire a donné congé pour la deuxième échéance triennale.

3. M. [Z] a assigné la locataire en nullité du congé et en paiement des loyers jusqu'au terme du bail.

4. Mme [Z] est intervenue volontairement en cause d'appel.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur la recevabilité du pourvoi, sur l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats à l'audience publique du 7 février 2023, où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Thomas, greffier de chambre.

5. La société PV Holding, anciennement dénommée PV résidences & resorts France, conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient qu'elle n'a pas qualité à se défendre compte tenu d'un apport partiel d'actif intervenu le 1er février 2021 au profit de la société PV exploitation France.

6. Une opération de cession partielle d'actif ne fait pas, en principe, disparaître la personne morale.

7. Toutefois, lorsque l'apport partiel d'actif a été placé sous le régime des scissions, il entraîne de plein droit la transmission universelle des biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité transférée. Ainsi, la société bénéficiaire de cet apport sous le régime de la scission acquiert la qualité de partie aux instances précédemment engagées par la société apporteuse, à laquelle elle se trouve substituée.

8. Il incombe aux parties d'alléguer qu'elles ont entendu placer l'opération d'apport partiel d'actif sous le régime des scissions.

9. La société PV Holding n'a pas invoqué la volonté des parties de procéder à un apport partiel d'actif selon le régime des scissions et n'a pas produit l'extrait K BIS de la société PV exploitation France.

10. En conséquence, le pourvoi formé contre la société PV Holding, partie devant les juges du fond dont la décision est attaquée, est recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. Les bailleurs font grief à l'arrêt de juger que le congé délivré par la locataire le 24 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2016, de limiter la condamnation de la locataire au paiement des loyers contractuels échus entre le 30 septembre 2015 et le 30 septembre 2016, de rejeter leurs demandes en paiement au titre de la partie en nature du loyer et des charges jusqu'au terme du bail et en dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « que l'article L. 145-7-1 du code de commerce énonce, sans préciser que la disposition ne s'appliquerait qu'aux baux initiaux et non aux baux renouvelés, que les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme mentionnées à l'article L. 321-1 du code du tourisme sont d'une durée de neuf ans minimum, sans possibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale ; qu'en jugeant que le preneur exploitant de résidence de tourisme pouvait résilier le bail commercial à l'expiration d'une période triennale pour les baux renouvelés au motif erroné que l'article L. 145-7-1 du code de commerce ne s'appliquerait qu'aux baux initiaux quand le texte ne prévoit pourtant pas cette distinction, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, la disposition susvisée. »

Réponse de la Cour

12. Aux termes de l'article L. 145-7-1 du code de commerce, créé par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme mentionnées à l'article L. 321-1 du code du tourisme sont d'une durée de neuf ans minimum, sans possibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale.

13. Ce texte, qui déroge à la faculté de résilier le bail à échéance triennale, reconnue au locataire par l'article L. 145-4 du code de commerce, est d'ordre public et applicable aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur (3e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-10.350, Bull. 2017, III, n° 19).

14. En l'absence de précision textuelle, il y a lieu de déterminer si cette impossibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale s'applique aux baux renouvelés.

15. Il résulte des travaux parlementaires que l'objectif poursuivi par le législateur est de rendre fermes les baux commerciaux entre l'exploitant et les propriétaires d'une résidence de tourisme classée afin d'assurer la pérennité de l'exploitation pendant une période initiale minimale de neuf ans.

16. Par ailleurs, selon l'article L. 145-12 du code de commerce, également d'ordre public (3e Civ., 2 octobre 2002, pourvoi n° 01-02.781, Bull. 2002, III, n° 194), sauf accord des parties pour une durée plus longue, la durée du bail renouvelé est de neuf ans, et les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 145-4 du même code, relatives au droit de résiliation du locataire et du bailleur, sont applicables au cours du bail renouvelé.

17. Il en résulte que l'article L. 145-7-1 du code de commerce n'est pas applicable aux baux renouvelés soumis au seul article L. 145-12 du même code.

18. Ayant constaté que le bail existant entre les parties était un bail renouvelé, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article L. 145-7-1 du code de commerce ne s'appliquait pas.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

20. Les bailleurs font grief à l'arrêt de condamner la locataire à leur payer une certaine somme au titre des loyers contractuels échus entre le 30 septembre 2015 et le 30 septembre 2016, outre les intérêts au taux légal, et de rejeter partiellement leur demande en paiement d'une certaine somme correspondant à la partie en numéraire du loyer jusqu'au terme du bail, alors « que l'article 12 du code de procédure civile permet au juge, lorsque les parties n'ont pas, en vertu d'un accord exprès, limité le débat, de changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande ; qu'en déboutant partiellement M. et Mme [Z] de leur demande de paiement la somme de 19 541 euros au titre de la dette locative aux motifs que "les bailleurs sont bien fondés à solliciter le paiement des loyers en numéraire pour la période écoulée entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2016, date d'effet du congé qu'à compter de cette date le preneur n'est redevable que d'une indemnité d'occupation jusqu'à la restitution des clés que cependant, il convient d'observer qu'aucune demande en ce sens n'est faite par les bailleurs et que sauf à statuer ultra petita aucune indemnité d'occupation ne peut être fixée pour la période écoulée entre la fin du contrat de bail et la restitution des clés aux bailleurs", la cour d'appel qui s'est crue tenue par la dénomination de la demande de M. et Mme [Z], à savoir le paiement d'une dette locative, et a ainsi considéré que la loi ne lui permettait pas de changer la dénomination ou le fondement juridique de la demande, a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

21. La cour d'appel a relevé, d'une part, que les bailleurs sollicitaient exclusivement la condamnation de la locataire à leur payer les loyers jusqu'au terme du bail, d'autre part, que le bail liant les parties avait régulièrement pris fin le 30 septembre 2016 par l'effet du congé et que les clefs avaient été restituées en octobre 2016.

22. Ayant exactement retenu qu'entre la fin du bail et la libération des lieux, la locataire n'était pas redevable d'un loyer mais d'une indemnité d'occupation et ayant constaté qu'aucune demande en ce sens n'était formée par les bailleurs qui sollicitaient exclusivement le paiement d'une dette locative jusqu'au terme du bail, la cour d'appel n'a pas méconnu ses pouvoirs.

23. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.