Livv
Décisions

Cass. 2e civ., 8 février 2024, n° 21-24.690

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

Mme Latreille

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Bordeaux, du 9 sept. 2021

9 septembre 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 septembre 2021), par ordonnance du 19 décembre 2019, un juge de l'exécution a autorisé la SCP Chastres, société d'avocats, à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur des biens immobiliers appartenant à M. [P], mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises, associé de la société civile professionnelle Pimouguet-Leuret-Devos-Bot.

2. Le 12 février 2020, M. [P] a assigné la SCP Chastres devant ce juge en mainlevée de cette inscription d'hypothèque judiciaire provisoire.

3. Le juge de l'exécution a rejeté les contestations de M. [P], par un jugement du 6 août 2020 dont ce dernier a relevé appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [P] fait grief à l'arrêt de rejeter ses contestations à l'encontre de l'ordonnance rendue le 19 décembre 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bergerac comme mal fondées, et de valider une inscription d'hypothèque provisoire prise par un avocat sur ses biens personnels, alors « qu'en retenant l'existence d'une créance de la société Chastres apparaissant fondée en son principe à l'encontre de M. [P], pris en sa qualité d'associé de la société Pimouguet-Leuret-Devos-Bot, mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises, aux seuls motifs inopérants que celle-ci lui a confié de nombreux dossiers dans le cadre d'une collaboration ancienne ce que M. [P] ne conteste pas et que la société Chastres a adressé ses factures au mandataire judiciaire, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les honoraires réclamés par l'avocat ne relevaient pas de missions accomplies dans le cadre de procédures collectives, pour lesquelles il avait été mandaté par la société Pimouguet-Leuret-Devois-Bot ès qualités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 812-1 du code de commerce, L 511-1 et L 213-6 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 812-1 du code de commerce, L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire :

5. Aux termes du premier de ces textes, les mandataires judiciaires sont les mandataires, personnes physiques ou morales, chargés par décision de justice de représenter les créanciers et de procéder à la liquidation d'une entreprise dans les conditions définies par le titre II du livre VI.
Les tâches que comporte l'exécution de leur mandat incombent personnellement aux mandataires judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois déléguer tout ou partie de ces tâches à un mandataire judiciaire salarié, sous leur responsabilité. Ils peuvent, en outre, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches.
Lorsque les mandataires judiciaires confient à des tiers des tâches qui relèvent de la mission que leur a confiée le tribunal, ils les rétribuent sur la rémunération qu'ils perçoivent.

6. Il en résulte que lorsqu'un mandataire judiciaire confie à un avocat mission de le représenter en justice, il ne confie pas à un tiers une partie des tâches que comportent son mandat et qui lui incombent personnellement au sens de l'article 812-1, alinéa 2, du code de commerce. En conséquence, les honoraires de l'avocat sont pris en charge par la procédure collective, sous le contrôle du juge-commissaire, chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence et sans préjudice d'une responsabilité éventuelle des mandataires judiciaires, que le ministère d'avocat soit ou non obligatoire.

7. Pour rejeter les contestations à l'encontre de l'autorisation de prise d'hypothèque provisoire, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté par M. [P] que la société Pimouguet-Leuret-Devos-Bot a confié à la SCP Chastres de nombreux dossiers dans le cadre d'une collaboration ancienne, ni qu'il n'a pas payé un certain nombre de missions qui lui ont été confiées, soutenant que sa société ou lui-même ne saurait être tenu au paiement mais seulement les différentes procédures collectives.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Pimouguet-Leuret-Devos-Bot n'avait pas donné à la SCP Chastres mission de la représenter en justice en qualité de mandataire judiciaire, et si les honoraires pour lesquels la sûreté provisoire était requise n'étaient pas en conséquence imputables aux procédures collectives, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.