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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 2, 9 février 2024, n° 22/03911

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Melchior Material And Life Science France (SAS), M2I Salin (SASU)

Défendeur :

Minakem (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Lehmann, Mme Marcade

Avocats :

Me Fajgenbaum, Me De Maria, Me Le Bihan

TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 6 juillet 20…

6 juillet 2018

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La S.A.S. Minakem, filiale du groupe Minafin SPRL créé en 2005, se présente comme spécialisée dans la conception et la fabrication de produits de chimie fine destinés aux industries pharmaceutique et cosmétique et notamment de bromométhylcyclopropane (BMCP) qui est un intermédiaire de synthèse.

Elle est titulaire du brevet français FR 3 010 997 déposé le 20 septembre 2013 et délivré le 6 novembre 2015, portant sur un « procédé de préparation de bromométhylcyclopropane à partir de cyclopropylcarbinole » comportant 15 revendications (brevet FR 997).

La S.A.S. Melchior Material And Life Science France (MMLS), créée en 2012 par M. [U] [V] ancien directeur général délégué du groupe Minafin qu'il avait quitté en 2010, et la S.A.S.U. M2I Salin (M2I) se présentent comme appartenant au groupe M2I et ayant, pour la société MMLS, une activité de recherche et développement des produits existants et futurs ainsi que la supervision scientifique, industrielle et technique des activités du groupe, et pour la société M2I, une activité de production de principes actifs.

En mars 2013, M. [I] [T], ancien salarié de la société Minakem en qualité de directeur industriel, a rejoint la société M2I.

Le 6 janvier 2014, la société MMLS a déposé une demande de brevet français n° FR 3 016 166 (FR 166) portant sur un « procédé de fabrication du bromométhylcyclopropane et du bromométhylcyclobutane » qui a été étendu par la demande de brevet internationale PCT WO 2015-101452, en Europe (brevet européen EP 3 092 212) et aux Etats-Unis (brevet US 2016/355452).

Estimant que la demande de brevet FR 166 reproduisait son procédé de fabrication et que l'offre et la mise dans le commerce par la société M2I du procédé couvert par ce brevet portait atteinte à ses droits de propriété industrielle, la société Minakem, après en avoir obtenu autorisation le 27 septembre 2017, a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon qui se sont déroulées le 5 octobre 2017 dans les locaux de la société MMLS à [Localité 6] et de la société M2I à [Localité 6] et à [Localité 7].

Par acte du 5 octobre 2017, la société Minakem a fait assigner la société MMLS devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris aux fins de se voir subroger dans les droits de celle-ci sur le brevet FR 166.

Par acte du 3 novembre 2017, la société Minakem a également fait assigner la société MMLS et la société M2I devant la même juridiction en contrefaçon des revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 997.

Les deux affaires ont été jointes le 30 novembre 2017.

Par ordonnance rendue le 6 juillet 2018, le juge de la mise en état saisi à l'initiative de la société Minakem a notamment :

- débouté la société MMLS et la société M2I de leur moyen de nullité du brevet FR 997,

- dit qu'en fabriquant, en offrant et en mettant dans le commerce un produit BMPC obtenu vraisemblablement par un procédé reproduisant celui protégé par le brevet FR 997 dont la société Minakem est titulaire, la société MMLS et la société M2I commettent vraisemblablement des actes de contrefaçon du brevet FR 997 dont la société Minakem est titulaire,

- fait interdiction provisoire, jusqu'à la décision rendue au fond par le tribunal dans la même instance, aux sociétés MMLS et M2I d'utiliser le procédé visé par les revendications du brevet FR 3 010 997, d'offrir à la vente, de mettre dans le commerce, directement ou indirectement, tout produit obtenu par la mise en œuvre du procédé visé par les revendications du brevet FR 3 010 997, ces interdictions étant assorties d'une astreinte de 2 000 euros par infraction constatée à l'issue d'un délai de 48 heures suivant la signification de l'ordonnance et courant jusqu'à la décision qui sera rendue au fond par le tribunal,

- dit que le juge de la mise en état se réserve la liquidation de l'astreinte,

- débouté la société Minakem de sa demande de provision,

- déclaré recevables les demandes reconventionnelles des sociétés MMLS et M2I mais les en a débouté,

- condamné les sociétés MMLS et M2I à payer à la société Minakem la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Les sociétés MMLS et M2I ont, à la suite de cette ordonnance, déposé plainte pour « escroquerie au jugement » et « atteinte au secret des correspondances ».

Par ordonnance rendue le 18 octobre 2019, le juge de la mise en état saisi à l'initiative de la société Minakem a notamment :

- rejeté l'exception d'incompétence du juge de la mise en état pour ordonner les mesures de production forcée de pièces sollicitées par la société Minakem,

- débouté la société Minakem de ses demandes de communication de pièces et éléments d'information énumérés au dispositif de ses conclusions,

- dit en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur les modalités de la communication sollicitée,

- condamné la société Minakem à verser aux sociétés MMLS et M2I ensemble une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 décembre 2021 a :

- écarté les fins de non-recevoir tirées de la fraude et du défaut de qualité à agir ;

En conséquence,

- déclaré la société Minakem recevable en ses demandes,

- débouté la société Minakem de sa demande de dommages et intérêts en réparation du caractère dilatoire des fins de non-recevoir,

- débouté les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin de leurs demandes reconventionnelles en nullité des revendications 1 à 15 du brevet FR 3 010 997 dont est titulaire la société Minakem pour défaut d'activité inventive,

- rejeté la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon en date du 5 octobre 2017,

- dit qu'en fabriquant, offrant à la vente et en commercialisant du bromométhylcyclopropane selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Minakem,

- fait interdiction, en tant que de besoin, aux sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin de fabriquer, de commercialiser et d'offrir à la vente du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010997 sous astreinte de mille (sic) 2 000 euros par infraction constatée à l'issue d'un délai de 48 heures suivant la signification de la présente décision et courant pendant un délai de six mois;

- débouté la société Minakem de sa demande de rappel des circuits commerciaux ;

- ordonné la levée des scellés apposés lors des opérations de saisies-contrefaçon réalisées le 5 octobre 2017 dans les locaux des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2I Salin et la communication à la société Minakem des huit factures datées de 2014 à 2017 et de l'état du stock de bromométhylcyclopropane ;

- ordonné la communication par les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2I à la société Minakem des prix, bénéfices et chiffres d'affaires réalisés de 2014 à 2018 lors de la commercialisation du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications l à 10 et 12 à 15 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 4 mois ;

- renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique de la société Minakem au regard des éléments qui seront fournis par les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin en exécution de la présente décision, ou à défaut par voie d'assignation ;

- condamné les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin à payer à la société Minakem la somme 500 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle en réparation des actes de contrefaçon ;

- dit que le brevet FR 3 06 166, la demande de brevet international PCT n°WO 2015-101452 désignant notamment la demande de brevet européen n°EP 3 092 212 et le brevet américain n° US 2016/355452 portent atteinte aux droits de la société Minakem ;

- fait droit à l'action en revendication de ces titres,

- dit que la société Minakem se trouve subrogée avec effet rétroactif, dans les droits de la Melchior Material and Life Science France, relativement aux titres précités,

- ordonné la transmission de la décision pour inscription sur les registres national et européen des brevets,

- ordonné à la société Minakem de procéder au transfert de la propriété du brevet américain n°US 2016/355452 sous astreinte de l 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois - suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 6 mois ;

- débouté la société Minakem de sa demande de communication de pièces comptables et financières devant permettre d'établir le montant total des fruits perçus au titre de l'exploitation du brevet FR 3 06 166, de la demande de brevet EP 3 092 212 et du brevet US 2016/355452 ;

- condamné la société Melchior Material And Life Science France à verser à la société Minakem la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la divulgation de ses procédés de fabrication du BMCP et BMCB,

- s'est réservé la liquidation des astreintes ;

- ordonné à titre de supplément de dommages et intérêts et une fois le jugement devenu définitif, la publication dans 3 journaux ou revues, au choix de la demanderesse et aux frais des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2I Salin sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 4 000 euros H.T., le communiqué suivant :

« Par jugement en date du 10 janvier 2021 les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin ont été condamnées notamment pour avoir fabriqué, commercialisé et offert à la vente du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 dont la société Minakem est titulaire ».

- débouté les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2I Salin de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin à payer à la société Minakem la somme de 75 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Anne-Charlotte Le Bihan, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Ce jugement a été rectifié par décision du 4 février 2022, dont appel, qui a :

- ordonné la rectification du jugement RG n°17-15019 du 10 décembre 2021,

- dit que dans le dispositif du jugement RG n°17-15019 en date du 10 décembre 2021, les paragraphes suivants :

« Ordonne à la société Minakem de procéder au transfert de la propriété du brevet américain n°US 2016/355452 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 6 mois »

et

« Ordonne, à titre de supplément de dommages et intérêts et une fois le jugement définitif, la publication dans 3 journaux ou revues, au choix de la demanderesse et aux frais des sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 4 000 euros H.T., le communiqué suivant :

« Par jugement en date du 10 janvier 2021 les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin ont été condamnées notamment pour avoir fabriqué, commercialisé et offert à la vente du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 dont la société Minakem est titulaire »

sont remplacés par les paragraphes ci-après :

« Ordonne à la société Melchior de procéder au transfert de la propriété du brevet américain n°US 2016/355452 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 6 mois »

et

« Ordonne, à titre de supplément de dommages et intérêts et une fois le jugement définitif, la publication dans 3 journaux ou revues, au choix de la demanderesse et aux frais des sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 4 000 euros H.T., le communiqué suivant :

« Par jugement en date du 10 décembre 2021 les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin ont été condamnées notamment pour avoir fabriqué, commercialisé et offert à la vente du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 dont la société Minakem est titulaire »

- dit que le reste du dispositif demeure inchangé,

- dit que mention de la présente décision sera portée en marge de la minute du jugement RG n°17/15019 du 10 décembre 2021 et une copie annexée,

- laisse les dépens à la charge de l'Etat.

Par ordonnance du 24 mai 2022, le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris a débouté les sociétés MMLS et M2I de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du 10 décembre 2021 tel que rectifié par jugement du 4 février 2022.

Les sociétés MMLS et M2I ont relevé appel des jugements précités et de l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 ordonnant des mesures d'interdiction provisoire s'agissant des chefs de ces décisions leur faisant grief.

La société Minakem a par ses premières conclusions déposées et notifiées le 10 août 2022 formé appel incident des jugements précités s'agissant des chefs lui faisant grief ainsi que de l'ordonnance du juge de la mise en état du 18 octobre 2019 rejetant sa demande de communication de pièces.

Les sociétés MMLS et M2I demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 6 juillet 2018 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société Minakem de sa demande de provision et déclaré recevables les demandes reconventionnelles des sociétés MMLS et M2I ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 décembre 2021, tel que rectifié par le jugement du 4 février 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- débouté la société Minakem de sa demande de dommages et intérêts en réparation du caractère dilatoire des fins de non-recevoir ;

- débouté la société Minakem de sa demande de rappel des circuits commerciaux ;

- débouté la société Minakem de sa demande de communication de pièces comptables et financières devant permettre d'établir le montant total des fruits perçus au titre de l'exploitation du brevet FR 3 06 166, de la demande de brevet EP 3 092 212 et du brevet US 2016/355452 ;

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 18 octobre 2019 en ce que la société Minakem a été déboutée de sa demande de production forcée de pièces ;

Statuant à nouveau :

- juger que le brevet FR 3 010 997 sur lequel la société Minakem a fondé ses demandes a été déposé, délivré et obtenu par fraude, laquelle corrompt tout ;

- juger qu'en tout état de cause la société Minakem n'a pas justifié avoir valablement acquis le droit au titre sur les procédés de fabrication de BMCP et de BMCB dont elle se prévaut ;

- débouter par conséquent la société Minakem de l'ensemble de ses demandes au titre du brevet FR 3 010 997 ;

- annuler les procès-verbaux des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 5 octobre 2017 dans leurs locaux en vertu des deux ordonnances présidentielles du 27 septembre 2017 obtenues en toute déloyauté ;

- débouter par conséquent la société Minakem de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon du brevet FR 3 010 997 faute de preuve des faits qu'elle allègue ;

Sur l'action en contrefaçon,

- annuler le brevet FR 3 010 997 pour défaut d'activité inventive ;

- ordonner l'inscription de la décision à intervenir, une fois celle-ci devenue définitive, au registre national des brevets, sur réquisition du greffe ou à la requête de la partie la plus diligente mais aux frais de la société Minakem ;

- débouter par conséquent la société Minakem de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon du brevet FR 3 010 997 ;

A titre subsidiaire,

- juger qu'elles ne mettent pas en œuvre le procédé visé par les revendications 1à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 ;

- juger que la société M2I n'a pas utilisé le procédé de fabrication de bromométhylcyclopropane visé par le brevet FR 3 010 997 et n'a par conséquent pas commis d'acte de contrefaçon des revendications 1 à 10 et 12 à 15 de ce brevet FR 3 010 997 ;

- juger qu'elles n'ont pas offert, mis dans le commerce et détenu du bromométhylcyclopropane obtenu directement par la mise en œuvre du procédé visé par le brevet FR 3 010 997 et n'ont par conséquent pas commis d'acte de contrefaçon des revendications 1 à 10 et 12 à 15 de ce brevet FR 3 010 997 ;

- débouter par conséquent la société Minakem de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon du brevet FR 3 010 997 ;

Sur l'action en revendication,

- juger irrecevables les pièces n°B22 et B22bis communiquées par la société Minakem en ce qu'elles ont été obtenues par un procédé déloyal et ordonner leur retrait de la procédure ;

- juger que la société Minakem ne rapporte pas la preuve ni qu'elle détenait une invention renfermant déjà les éléments techniques ayant ultérieurement permis le dépôt du brevet FR 3 06 166 (sic) et de la demande de brevet internationale PCT WO 2015-101452 désignant notamment la demande de brevet européen EP 3 092 212 et la demande de brevet américain US 2016/355452 par la société MMLS, ni que cette invention lui aurait été soustraite par des procédés déloyaux ;

- juger que le brevet FR 3 06 166 (sic) et la demande de brevet internationale PCT WO 2015-101452 désignant notamment la demande de brevet européen EP 3 092 212 et la demande de brevet américain US 2016/355452 ne se rapportent donc pas à une invention qui aurait été soustraite frauduleusement à la société Minakem ;

- débouter par conséquent la société Minakem de ses demandes en revendication du brevet FR 3 06 166 (sic), de la demande de brevet européen EP 3 092 212 et de l'ensemble des autres droits découlant de la demande de brevet internationale PCT WO 2015-101452, à savoir la demande de brevet américain US 2016/355452 ;

- débouter également la société Minakem de sa demande de dommages et intérêts au titre de la divulgation alléguée de ses procédés de fabrication de BMCP et BMCB ;

A titre encore plus subsidiaire, tant sur l'action en contrefaçon que sur l'action en revendication,

- juger que la mesure d'interdiction est sans objet ;

- juger que le préjudice allégué par la société Minakem n'est ni démontré ni justifié ;

- débouter par conséquent la société Minakem de l'ensemble des mesures complémentaires qu'elle sollicite, à savoir d'interdiction et de retrait des circuits commerciaux, d'ouverture des scellés, de communication d'informations, d'expertise, de dommages et intérêts et de publication du jugement (sic) à intervenir comme d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Sur leurs demandes indemnitaires :

- juger qu'en jetant le discrédit sur elles, la société Minakem a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- condamner par conséquent la société Minakem à leur verser la somme de 560 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

- juger que la société MMLS subit nécessairement un préjudice du fait de la suspension de la procédure de délivrance de la demande de brevet européen n°20140805603 (EP 3 092 212) à la demande de la société Minakem, alors que celle-ci n'a aucun droit sur ladite demande de brevet ;

- condamner par conséquent la société Minakem à verser à la société MMLS la somme de 540 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

- juger abusive et malveillante la procédure engagée par la société Minakem à leur encontre;

- condamner par conséquent la société Minakem à verser aux sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin la somme de 1 050 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

- juger que les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin doivent être indemnisées du préjudice qu'elles ont subi du fait des mesures provisoires prononcées à leur encontre par l'ordonnance du 6 juillet 2018 ;

- condamner par conséquent la société Minakem à verser aux sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin la somme de 2 500 000 euros (deux millions cinq cent mille euros) à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

- juger que la société Minakem a poursuivi l'exécution provisoire du Jugement Entrepris à ses risques et périls, causant un préjudice certain aux sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin ;

- condamner par conséquent la société Minakem à restituer aux sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin l'intégralité des sommes qu'elles lui ont d'ores et déjà versées, avec intérêts au taux légal, ainsi qu'à verser à chacune des sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin la somme de 250 000 euros (deux cent cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

Sur la demande de la société Minakem de production forcée de pièces,

- juger que la demande de la société Minakem est devenue sans objet depuis la publication des demandes de brevet divulguant le nouveau procédé mis en œuvre par les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin en suite de l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 ;

- juger, à titre subsidiaire, que l'article L.615-5-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit une règle spéciale de preuve en matière de brevet de procédé, dérogatoire des mesures d'instruction prévue par l'article L.615-5-1-1 du même code comme de celles de droit commun résultant des articles 138 et suivants du code de procédure civile ;

- juger qu'en vertu de l'adage specialia generalibus derogant, l'article L.615-5-1 du code de la propriété intellectuelle s'applique en matière de preuve de brevet de procédé par dérogation à l'article L.615-5-1-1 du même code et aux règles de droit commun des articles 138 et suivants du code de procédure civile ;

- juger que seul le juge du fond est compétent en application de l'article L.615-5-1 du code de la propriété intellectuelle ;

- juger, à titre également subsidiaire, que les conditions requises pour une production forcée de pièces ne sont pas réunies, tant sur le fondement de l'article L.615-5-1 du code de la propriété intellectuelle que sur le fondement de l'article L.615-5-1-1 du même code et/ou des articles 138 et suivants du code de procédure civile ;

- déclarer en conséquence irrecevable ou en tout état de cause mal fondée la demande de la société Minakem et l'en débouter ;

- juger, à titre encore plus subsidiaire, que les pièces dont la production forcée est demandée par la société Minakem sont couvertes par le secret des affaires ;

- juger que les mesures de confidentialité proposées par la société Minakem sur le fondement de l'article L.153-1 du code de commerce sont insuffisantes et qu'au vu de la spécificité des pièces dont la production forcée est demandée, toutes mesures de protection du secret des affaires qui seraient prises en application de l'article L.153-1 du code de commerce ne permettraient pas d'assurer une protection adéquate du secret des affaires des appelantes ;

- A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait comme absolument nécessaire l'accès aux fiches de fabrication de BMCP établies par les appelantes après que l'ordonnance du 6 juillet 2018 ait été exécutoire ainsi qu'à leurs travaux de recherche ;

- ordonner la désignation d'un expert indépendant des parties, soumis à une obligation de confidentialité renforcée, avec pour mission, aux frais exclusifs de la société Minakem ;

- de prendre connaissance des fiches de fabrication susvisées et, si besoin, de constater la mise en œuvre du procédé dans l'usine de [Localité 7] ;

- de déterminer si le procédé ainsi décrit et mis en œuvre par les appelantes est le même que celui ayant fait l'objet des mesures d'interdiction provisoire selon l'ordonnance du 6 juillet 2018 ;

- d'établir deux versions de son rapport :

- une version destinée à la seule cour de céans comportant un état des opérations accomplies, une description du procédé mis en œuvre par les appelantes après l'ordonnance du 6 juillet 2018 et sa réponse à la question de savoir si ce procédé est le même que celui ayant fait l'objet des mesures d'interdiction provisoire selon l'ordonnance du 6 juillet 2018, cette version étant la seule version saisissante pour la cour de céans, mais dont aucun passage, si ce n'est la conclusion, ne devra être divulgué dans toute décision à intervenir ;

- une version destinée aux parties expurgée de toute description du procédé mis en œuvre par les appelantes après l'ordonnance du 6 juillet 2018 ' en dehors de ce qui a été divulgué dans les demandes de brevet publiées ' et comportant la seule réponse à la question de savoir si ce procédé est le même que celui ayant fait l'objet des mesures d'interdiction provisoire selon l'ordonnance du 6 juillet 2018 ;

Sur la demande de la société Minakem au titre de la liquidation des astreintes provisoires prononcées par le tribunal judiciaire de Paris,

- juger qu'il n'y a pas lieu à liquidation des astreintes provisoires décidées par le Tribunal Judiciaire de Paris, aucun retard dans l'exécution provisoire du jugement du 10 décembre 2021, tel que rectifié par le jugement du 4 février 2022, n'étant imputable aux sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin ;

- rejeter en conséquence la demande de la société Minakem en ce sens ;

En tout état de cause,

- condamner la société Minakem à verser à chacune des sociétés Melchior Material And Life Science France et M2i Salin la somme de 365 000 euros (trois cent soixante-cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Minakem aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP NFALAW, Avocats aux offres de droits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La société Minakem, demande à la cour de :

Sur l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 :

Sur les demandes de la société Minakem :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 en ce qu'elle a :

- débouté les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin de leur moyen de nullité du brevet FR 3 010 997 :

- dit qu'en fabriquant, en offrant et en mettant dans le commerce, un produit BMCP obtenu vraisemblablement par un procédé reproduisant celui protégé par le brevet FR 3 010 997 dont la société Minakem est titulaire, les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin commettent vraisemblablement des actes de contrefaçon du brevet FR 3 010 997 dont la société Minakem est titulaire ;

- fait interdiction provisoire, jusqu'à la décision qui sera rendue au fond par le Tribunal, aux sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin d'utiliser le procédé visé par les revendications du brevet FR 3 010 997, d'offrir à la vente, de mettre dans le commerce, directement ou indirectement, tout produit obtenu par la mise en œuvre du procédé visé par les revendications du brevet FR 3 010 997, ces interdictions étant assorties d'une astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, à l'issue d'un délai de 48 heures suivant la signification de l'ordonnance et courant jusqu'à la décision qui sera rendue au fond par le Tribunal ;

- condamné les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin à payer à la société Minakem la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Sur les demandes reconventionnelles de communication de pièces des sociétés MMLS et M2I,

A titre principal,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 en ce qu'il a :

- déclaré recevables les demandes reconventionnelles des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin ;

Statuant à nouveau :

- déclaré les demandes reconventionnelles des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin irrecevables ;

En tout état de cause, si l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin n'était pas retenue :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 en ce qu'il a débouté les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin de leurs demandes reconventionnelles ;

Sur l'ordonnance du juge de la mise en état du 18 octobre 2019 :

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence du juge de la mise en état pour ordonner les mesures de production forcée de pièces ;

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'il a :

- débouté la société Minakem de ses demandes de communication de pièces et éléments d'information énumérés au dispositif de ses conclusions ;

- dit en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur les modalités de communication sollicitée ;

- condamné la société Minakem à verser aux sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin ensemble une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- ordonner aux sociétés MMLS et M2I de communiquer :

- toutes les fiches « cadre » de fabrication du bromométhylcyclopropane (BMCP) établies par Melchior Material And Life Science France et M2i Salin depuis le 20 juillet 2018 ;

- toutes les fiches de fabrication du bromométhylcyclopropane (BMCP) complétées par les opérateurs de Melchior Material And Life Science France et M2i Salin depuis le 20 juillet 2018;

- tous les travaux de recherche et résultats afférant à la mise en place d'un nouveau procédé de fabrication du bromométhylcyclopropane (BMCP) réalisés par Melchior Material And Life Science France et M2i Salin depuis le 6 juillet 2018 :

dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; seulement à la cour et aux conseils des parties, à l'exclusion des parties elles-mêmes ; afin que les conseils des parties puissent présenter leurs observations à la cour sur les passages ou éléments de ces documents susceptibles de porter atteinte au secret des affaire afin de permettre à la cour de décider s'il y a lieu de mettre en place des mesures de protection prévues aux alinéas 2, 3 et/ou 4 de l'article L. 153-1 du code de commerce.

Dans l'hypothèse où les sociétés MMLS et M2I ne se conformeraient pas à l'obligation de communication des fiches de fabrication et travaux de recherche susvisés dans le délai imparti ou dans l'hypothèse où les sociétés MMLS et M2I produiraient des documents révélant qu'elles ne se sont pas conformées aux mesures d'interdiction prononcées le 6 juillet 2018 :

- ordonner aux sociétés MMLS et M2I de communiquer les quantités de BMCP qu'elles ont fabriquées et vendues depuis le 20 juillet 2018, dans un délai de huit jours à compter du premier jour de l'expiration du délai imparti pour communiquer leurs fiches de fabrication et travaux de recherche, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de cet incident de communication de pièces.

Sur le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 décembre 2021 tel que rectifié par le jugement du 4 février 2022 :

- confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a :

- écarté les fins de non-recevoir soulevées par Melchior Material and Life Science France et M2i Salin ;

- déclaré la société Minakem recevable en ses demandes ;

- débouté les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin de leurs demandes reconventionnelles en nullité des revendications 1 à 15 du brevet FR 3 010 997 dont est titulaire la société Minakem ;

- rejeté la demande d'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon en date du 5 octobre 1997 ;

- dit qu'en fabriquant, offrant à la vente et en commercialisant du bromométhylcyclopropane selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997, les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Minakem ;

- fait interdiction en tant que de besoin aux sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin de fabriquer, de commercialiser, d'offrir à la vente du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 sous astreinte de mille euros par infraction constatée à l'issue d'un délai de 48 heures suivant la signification de la décision et courant pendant un délai de six mois ;

- ordonné la levée des scellés apposés lors des opérations de saisies- contrefaçon réalisées le 5 octobre 2017 dans les locaux des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin et la communication à la société Minakem des huit factures datées de 2014 à 2017 et de l'état du stock de bromométhylcyclopropane ; sauf en ce qu'il limite la levée des scellés et la communication des pièces aux huit factures et à l'état des stocks visées par ce chef ;

- ordonné la communication par les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin à la société Minakem des prix, bénéfices et chiffres d'affaires réalisés de 2014 à 2018 lors de la commercialisation du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification du jugement et courant pendant une durée de 4 mois ;

- condamné les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin à payer à la société Minakem la somme de 500 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle en réparation des actes de contrefaçon ;

- dit que le brevet FR 3 106 166, la demande de brevet international PCT n° WO 2015-101452 désignant notamment la demande de brevet européen n° EP 3 092 212 et le brevet américain n° US 2016/355452 portent atteinte aux droits de la société Minakem ;

- fait droit à l'action en revendication de ces titres ;

- dit que la société Minakem se trouve subrogée avec effet rétroactif dans les droits de la société Melchior Material and Life Science France, relativement aux titres précités,

- ordonné la transmission de la décision pour inscription sur les registres nationaux et européen des brevets,

- ordonné à la société Melchior Material and Life Science France de procéder au transfert de propriété du brevet américain US n°2016/255452 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois suivant la signification du jugement et courant pendant une durée de six mois ;

- condamné la société Melchior Material and Life Science France à verser à la société Minakem la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la divulgation de ses procédés de fabrication du BMCP et BMCB ; sauf en ce que, par ce chef du dispositif du jugement rendu le 10 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a limité le montant de la condamnation à 30.000 euros ;

- ordonné à titre de supplément de dommages et intérêts et une fois le jugement devenu définitif, la publication dans 3 journaux ou revues, au choix de la demanderesse et aux frais des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin sans que le coût de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 4 000 euros HT, le communiqué suivant :

« Par jugement en date du 10 décembre 2021, les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin ont été condamnées notamment pour avoir fabriqué, commercialisé et offert à la vente du bromométhylcyclopropane réalise selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 dont la société MINAKEM est titulaire »

sauf en ce qu'il a limité les mesures de publication aux seules revues ;

- débouté les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin de leurs demandes reconventionnelles ;

- condamné les sociétés Melchior Material Life Science France et M2i Salin à payer à la société Minakem la somme de 75 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile; sauf en ce qu'il a limité le montant des condamnations à 75 000 euros ;

- condamné les sociétés Melchior Material and Life Sciences France et M2i Salin aux dépens qui seront recouvrés par Maître Anne-Charlotte Le Bihan conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- ordonné l'exécution provisoire,

- infirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a :

- ordonné la levée des scellés apposés lors des opérations de saisies- contrefaçon réalisées le 5 octobre 2017 dans les locaux des sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin; et la communication à la société Minakem des huit factures datées de 2014 à 2017 et de l'état du stock de bromométhylcyclopropane, uniquement en ce que ce chef limite la communication des pièces aux huit factures visées et à l'état des stocks ;

- renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique de la société Minakem au regard des éléments qui seront fournis par les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2i Salin en exécution de la décision, ou à défaut par voie d'assignation ;

- condamné la société Melchior Material and Life Science France à verser à la société Minakem la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la divulgation de ses procédés de fabrication du BMCP et BMCB, uniquement en ce que par ce chef, le tribunal judiciaire de Paris a limité la condamnation du préjudice résultant de la divulgation de ses procédés de fabrication à 30 000 euros ;

- débouté la société Minakem de sa demande en dommage et intérêts en réparation du caractère dilatoire des fins de non-recevoir ;

- débouté la société Minakem de ses demandes de rappel des circuits commerciaux ;

- débouté la société Minakem de sa demande de communication de pièces comptables et financières devant permettre d'établir le montant total des fruits perçus au titre de l'exploitation du brevet FR 3 06 155, de la demande de brevet EP 3 092 212 et du brevet US 2016/355452, et de sa demande de restitution des fruits perçus ;

- débouté la société Minakem de ses demandes de publication sur les sites Internet www.m2i-lifesciences.com et [08];

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- condamner in solidum les sociétés MMLS et M2I à lui payer la somme de 10 000 euros pour avoir soulevé des fins de non-recevoir à des fins dilatoires ;

- ordonner la communication de l'ensemble des éléments mis sous scellés lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 5 octobre 2017, outre les huit factures et les stocks dont l'ouverture des scellés a été ordonnée par le tribunal ;

- dire et juger que la société M2I a également commis des actes de contrefaçon en exportant du bromométhylcyclopropane mettant en œuvre le procédé couvert par le brevet FR 3 010 997 ;

- faire interdiction en tant que de besoin aux sociétés MMLS et M2I d'exporter du bromométhylcyclopropane fabriqué selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997 sous astreinte de mille euros par infraction constatée à l'issue d'un délai de 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir ;

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à lui payer 4.802.919 euros au titre du préjudice définitif de la contrefaçon octroyés en deniers ou quittance ;

A titre subsidiaire sur ce dernier point, si par extraordinaire la cour ne prenait pas en compte les ventes réalisées par la société M2I à l'étranger dans le calcul du préjudice de la contrefaçon,

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à lui payer la somme de 967 101,02 euros correspondant au préjudice définitif de la contrefaçon au titre des ventes en France, octroyés en deniers ou quittance,

- et condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à lui payer la somme de 1 576 547 euros au titre de la restitution des fruits perçus au titre de l'exploitation de la demande de brevet EP 3 092 212 et du brevet US 2016/355452, pour les ventes réalisées à l'étranger,

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à la somme complémentaire de 9 970 000 euros au titre du préjudice moral,

- ordonner aux sociétés MMLS et M2I sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard après un délai de dix jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de lui communiquer les pièces comptables et financières devant permettre d'établir le montant total des fruits perçus au titre de l'exploitation du brevet FR 3 06 166, de la demande de brevet EP 3 092 212 et du brevet US 2016/355452 (hors ventes du BMCP par la société M2I) ;

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à lui restituer les fruits perçus au titre de l'exploitation des brevets FR 3 06 166, de la demande de brevet EP 3 092 212 et du brevet US 2016/355452 ' et à verser d'ores et déjà la somme de 500 000 euros à titre de provision (hors ventes du BMCP par la société M2I) ;

- condamner les sociétés MMLS et M2I à publier une copie de l'arrêt à intervenir en page d'accueil du site Internet www.m2i-lifesciences.com ainsi que sa traduction en anglais pour une période d'un mois après un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard ;

- l'autoriser à faire publier en tout ou partie le jugement (sic) à intervenir sur la page de son choix du site Internet [08] en français et en anglais pendant une période de 30 jours consécutifs ;

- liquider l'astreinte définitive ordonnée par le tribunal judiciaire de Paris pour le retard dans la communication des éléments comptables et la demande de transfert du brevet US 2016/355452 ;

En conséquence :

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à payer la somme de 180 000 euros au titre de l'astreinte définitive encourue de ces chefs ;

- subsidiairement sur ce point, si la cour ne prononçait pas la solidarité de la condamnation au titre de l'astreinte définitive, condamner :

- la société MMLS à lui payer la somme de 123 750 euros au titre de l'astreinte définitive encourue ;

- la société M2I à lui payer la somme de 56 250 euros au titre de l'astreinte définitive encourue ;

- ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal ' en ce compris des condamnations pécuniaires ordonnées par le tribunal judiciaire de Paris dans son jugement du 10 décembre 2021 et la solidarité des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre des sociétés MMLS et M2I ;

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à payer la somme complémentaire de 225 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile correspondant à la première instance ;

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I à lui payer la somme de 200 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner solidairement les sociétés MMLS et M2I aux dépens.

Sur la qualité à agir de la société Minakem

Les sociétés MMLS et M2I soutiennent que l'inventeur désigné dans le brevet français opposé FR 997 n'est pas le véritable inventeur du procédé revendiqué ce que savait la société Minakem lorsqu'elle a déposé le brevet.

Elles font alors valoir que si la fausse désignation de l'inventeur ne constitue pas une cause de nullité du titre au sens du droit des brevets, le titulaire du brevet ne doit pas pouvoir s'en prévaloir en présence d'une fraude dans la désignation de l'inventeur, ce indépendamment des conditions traditionnelles de validité de celui-ci. Elles ajoutent que la société Minakem a employé des manœuvres frauduleuses pour obtenir la délivrance du brevet en cause non pour protéger et encourager l'innovation, mais dans l'unique objectif de pouvoir l'opposer aux sociétés MMLS et M2I.

Elles critiquent la décision entreprise d'avoir méconnu la portée du principe « la fraude corrompt tout », se contentant de considérer que la mention erronée de l'inventeur n'avait pas de conséquence sur la validité du brevet.

Selon les dispositions de l'article L. 611-6 du code de a la propriété intellectuelle, « Le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 appartient à l'inventeur ou à son ayant cause.

Si plusieurs personnes ont réalisé l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au titre de propriété industrielle appartient à celle qui justifie de la date de dépôt la plus ancienne.

Dans la procédure devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, le demandeur est réputé avoir droit au titre de propriété industrielle. »

Selon l'article L. 611-9 du code de la propriété intellectuelle, l'inventeur, salarié ou non, est mentionné comme tel dans le brevet ; il peut également s'opposer à cette mention.

Il ressort de ce qui précède que la désignation de l'auteur de l'invention est indépendante de celle du titulaire du monopole présumé être le demandeur du titre.

En outre, si les dispositions des articles R. 612-10 3° prévoient que la demande de brevet comporte la désignation de l'inventeur, cette désignation n'est toutefois pas contrôlée par le directeur général de l'INPI et son caractère erroné n'est pas une cause de nullité du titre.

En conséquence, la seule désignation, à supposer erronée, de M. [J] en qualité d'inventeur dans la demande de brevet d'invention FR 997, ce qui n'est pas établi par les appelantes, ne peut suffire à caractériser l'intention frauduleuse de la société Minakem pour obtenir le titre de propriété industrielle, aucun contournement d'une règle impérative pour en neutraliser les effets et obtenir la réalisation d'autres effets n'étant établi du fait d'une telle désignation.

Les sociétés appelantes n'invoquent pas utilement pour démontrer « l'intention malhonnête » de la société Minakem, le défaut de respect par cette dernière des dispositions relatives aux inventions de salariés à l'égard de M. [J] ou l'absence de protection de l'invention aux Etats-Unis dont le droit au brevet appartient au premier inventeur. De même, le fait que les inventeurs de ce procédé de fabrication du BMCP soient selon les appelantes MM. [G] et [R] tous deux retraités à la date du dépôt du brevet FR 997, ne caractérise pas plus la fraude qu'aurait commise la société Minakem qui était en droit de déposer un brevet sur une invention réalisée en son sein, aucun des inventeurs réels ou supposés ne revendiquant de droits sur celle-ci.

Les sociétés MMLS et M2I ne démontrent donc pas plus que ce dépôt de brevet visant un procédé de fabrication du BMCP est une mesure de rétorsion contre elles, ce quand bien même la séparation des anciens associés de la société Minakem, M. [W] actuel président de cette dernière, et M. [V], dirigeant de la société MMLS, a été conflictuelle.

Il n'est pas discuté que l'invention objet du brevet FR 997 a été développée dans les années 1988-1989 au sein de la société Synthèse Organique Appliquée (SOA), absorbée en 1989 par la société d'Etudes et Applications Chimiques (SEAC), cette dernière ayant conclu avec la société Minakem un traité d'apport partiel d'actifs le 30 mars 2005 portant sur une branche complète d'activité dont font partie les immobilisations incorporelles et que, si la liste de ses immobilisations n'est pas fournie, la société Minakem a continué l'activité de la société SEAC en exploitant le savoir-faire cédé. Il en ressort que le procédé de fabrication du BMCP était utilisé par la société Minakem qui avait jusque-là fait le choix de le garder confidentiel.

Si la société Minakem reconnaît que le dépôt de ce brevet l'a été pour parer au risque de divulgation de ce procédé qu'elle exploitait en raison du débauchage de M. [T] par la société M2I et de sa connaissance du transfert d'informations confidentielles aux appelantes, ce dépôt n'en est pas pour autant fait de mauvaise foi ou par une personne qui n'avait pas qualité pour le faire ainsi que le soutiennent les appelantes. La société Minakem pouvait donc légitimement déposer un brevet pour protéger ladite invention.

Les fins de non-recevoir opposées par les sociétés MMLS et M2I seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

La société Minakem sollicite incidemment la condamnation des sociétés MMLS et M2I à lui verser des dommages et intérêts pour avoir, dans une intention dilatoire, opposé cette fin de non-recevoir dans leurs derniers jeux d'écritures devant le tribunal.

Néanmoins, aucune intention dilatoire des sociétés MMLS et M2I n'est ici caractérisée, celles-ci expliquant avoir attendu pour asseoir leur conviction les premiers résultats de l'enquête pénale des chefs d'escroquerie au jugement et tentative d'escroquerie à la suite de la plainte qu'elles avaient déposée et soulever des fins de non-recevoir fondées sur la fraude devant le tribunal.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts à ce titre de la société Minakem.

Sur la validité du brevet FR 997

Les sociétés MMLS et M2I critiquent tant l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 6 juillet 2018 ordonnant des mesures d'interdiction provisoires que le jugement en date du 10 décembre 2021 rejetant sa demande de nullité du brevet FR997 pour défaut d'activité inventive.

Le brevet FR 997 est intitulé « procédé de préparation de bromométhylcyclopropane (BMCP) à partir de cyclopropylcarbinol ».

Selon la description, l'invention concerne un procédé de préparation de BMCP qui est un intermédiaire de synthèse permettant l'introduction d'un radical cyclopropylméthylène sur un composé chimique, ce radical étant usuel dans les composés pharmaceutiques.

La partie descriptive du brevet précise que des procédés de préparation de BMCP à partir de cyclopropylcarbinol sont décrits dans la littérature mais que ceux-ci engendrent la formation de produits secondaires non désirés qui conduisent non seulement à une baisse du rendement de la réaction, mais aussi à la nécessité de purifier le BMCP, ce qui représente une opération souvent difficile et coûteuse.

L'art antérieur cité est composé de plusieurs procédés de préparation de BMCP à partir de cyclopropylcarbinol par réaction avec :

- du bromosuccinimide et un dialkylsulfure (demande de brevet EP- 1200379),

- du dibrome et de la triphénylphosphine (demande internationale WO 97/30958),

- du tribromure de phosphore (article Eur. J. Med. Chem. Chim. Therap. 15, 571 (1980)),

- de 1'acide bromhydrique (demande de brevet EP1 109 765)

- un halogénure de sulfonyle pour générer un sulfonate de cyclopropylméthyle, puis une réaction du sulfonate de cyclopropylméthyle obtenue avec un bromure de métal alcalin et/ou un bromure d'ammonium quaternaire (demande de brevet EPO858 988)

- le MeSO2Br (demande de brevet EP0565826).

L'objet de 1'invention est, selon la description, de développer un procédé de préparation de BMCP « conduisant à un rendement amélioré et/ou lors duquel la formation de produits secondaires est minimisée, et/ou permettant une isolation et une purification plus facile du BMCP, moins coûteux et/ou réalisable dans des conditions rendant le procédé plus facilement industrialisable ». A cet effet, l'invention concerne un procédé de préparation de BMCP comprenant une étape a) de réaction du cyclopropylcarbinol avec un complexe de triphénylphosphite (TPT) et de dibrome.

Il est précisé que la réaction du cyclopropylcarbinol avec un complexe de triphénylphosphite et de dibrome conduit avantageusement à la formation du BMCP dans des conditions douces et avec des quantités faibles de produits secondaires mais également que le procédé selon l'invention comprend, avant l'étape a), une étape ') de réaction du dibrome avec du triphénylphosphite pour former un complexe de triphénylphosphite et de dibrome.

Le brevet se compose de 15 revendications dont la revendication 1 est la revendication principale, les quatorze autres étant des revendications dépendantes. La nullité de la totalité des revendications est demandée mais seules sont invoquées à l'appui de l'action en contrefaçon les revendications n°1 à 10 et 12 à 15.

Ces revendications se lisent comme suit :

« 1. Procédé de préparation de bromométhylcyclopropane comprenant une étape a) de réaction du cyclopropylcarbinol avec un complexe de triphénylphosphite et de dibrome.

2. Procédé de préparation selon la revendication 1, dans lequel l'étape a) est mise en œuvre dans un solvant aprotique polaire.

3. Procédé de préparation selon la revendication 2, dans lequel le solvant aprotique polaire est le diméthylformamide.

4. Procédé de préparation selon la revendication 2 ou 3, dans lequel de 2,0 à 3,5 moles de cyclopropylcarbinol par litre de solvant sont utilisés, de préférence de 2,5 à 3,0 moles de cyclopropylcarbinol par litre de solvant.

5. Procédé de préparation selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, dans lequel l'étape a) comprend la mise en contact du cyclopropylcarbinol avec un complexe detriphénylphosphite et de dibrome, le milieu réactionnel lors de la mise en contact étant maintenu à une température inférieure à 2°C.

6. Procédé de préparation selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, comprenant, avant l'étape a), une étape ') de réaction de dibrome et de triphénylphosphite pour former un complexe de triphénylphosphite et de dibrome.

7. Procédé de préparation selon la revendication 6, dans lequel le nombre d'équivalents de triphénylphosphite par rapport au cyclopropylcarbinol est de 1 à 1,15, de préférence de 1,05 à 1,12, et le nombre d'équivalents de dibrome par rapport au cyclopropylcarbinol est de 1 à 1,1, de préférence de 1,01 à 1,04.

8. Procédé de préparation selon la revendication 6 ou 7, dans lequel l'étape ') comprend la mise en contact du triphénylphosphite et du dibrome, le milieu réactionnel lors de la mise en contact étant maintenu à une température inférieure à 25°C.

9. Procédé de préparation selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, comprenant, après l'étape a), une étape b) de récupération du bromométhylcyclopropane.

10. Procédé de préparation selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, dans lequel l'étape b) comprend une étape b l) de distillation du milieu réactionnel obtenu à la fin de l'étape a).

11. Procédé de préparation selon la revendication 10, dans lequel la distillation est mise en œuvre à une pression de 5 à 15 mm Hg et à une température inférieure à 60 °C.

12. Procédé de préparation selon la revendication 10 ou 11, comprenant, après l'étape b1), une étape b2) comprenant : le lavage du distillat obtenu à l'étape b1) avec une solution aqueuse, la décantation de la phase aqueuse et de la phase comprenant le bromométhylcyclopropane et l'isolation de la phase comprenant le bromométhylcyclopropane.

13. Procédé de préparation selon la revendication 12, dans lequel l'étape b2) comprend :

- le lavage du distillat obtenu à l'étape b1) avec une solution aqueuse de bicarbonate de sodium,

- la décantation de la phase aqueuse de bicarbonate de sodium et de la phase comprenant le bromométhylcyclopropane,

- l'isolation de la phase comprenant le bromométhylcyclopropane,

- le lavage de la phase comprenant le bromométhylcyclopropane avec de l'eau,

- la décantation de l'eau et de la phase comprenant le bromométhylcyclopropane,

- et l'isolation de la phase comprenant le bromométhylcyclopropane

14. Procédé de préparation selon la revendication 12 ou 13, dans lequel la température lors du(des) lavage(s) est maintenue à une température inférieure à 5°C.

15. Procédé de préparation selon l'une quelconque des revendications 12 à 15, comprenant, après l'étape b2), une étape b3) de séchage de la phase comprenant le brométhylcyclopropane, par exemple avec du chlorure de calcium. ».

Le rapport de recherche établi lors de la procédure de délivrance du brevet devant l'Institut national de la propriété industrielle ne cite aucune antériorité mais mentionne au titre de l'état de la technique, la demande internationale WO 97/30958 A1 (BAYER) publiée le 28 août 1997 ainsi que la demande EP 1 109 765 B1 (EASTMAN CHEMICAL) publiée le 5 mars 2003 sous priorité de la demande WO 00/12453 A1 publiée le 9 mars 2000.

Sont, par ailleurs, cités les ouvrages suivants :

- « Synthesis and antibacterial activity of high alkyl barbituric acids », European journal of medicinal chemistry, vol.15, no.6, novembre 1980 (1980 11), pages 571 573, de J.A BERES et AL

- 'Synthesis of all cis 1 bromo 4,7,10,13 nonadecatetrane: a precursor to C 1 Iabeled arachidonic acid', Journal of organic chemistry, vol. 54, nà.2, janvier 1989 M. De P. Heitz, et Al.

Sur le défaut d'activité inventive

Aux termes de l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle :

« Le brevet est déclaré nul par décision de justice :

Si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ; (')

S'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; (') ».

L'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle ajoute que :

« 1. Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. (') ».

Selon les dispositions de l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique.

Les sociétés appelantes font valoir que l'invention objet du brevet est dépourvue d'activité inventive. Elles soutiennent que cette invention se résume en un procédé pour bromer l'alcool, le cyclopropylcarbinol, en utilisant un « complexe » ou mélange selon la société Minakem de triphénylphosphite et de dibrome, comme agent de bromation, en vue de préparer du BMCP.

L'art antérieur le plus proche opposé par les appelantes est le brevet Bayer US 6 008 420 (US 420) déposé le 20 août 1998 et délivré le 28 décembre1999 (pièce app 107) qui concerne un procédé pour la production d'halogénométhylcyclopropanes et d'halogénométhylcyclopropanes de grande pureté.

Selon la traduction non contestée de ce brevet, les halogénométhylcyclopropanes (famille de composés à laquelle appartient le BMCP) sont des intermédiaires importants pour la préparation de produits pharmaceutiques dans la cadre de laquelle la pureté pour les intermédiaires requis à cet effet doit être aussi élevée que possible. Le problème particulier posé par l'art antérieur est « la contamination des halogénométhylcyclopropanes obtenus avec des composés linéaires, en particulier 1-halogène-3-butènes, puisque les propriétés physiques des halogénobutènes linéaires ne sont pratiquement pas différentes de celles des halogénométhylcyclopropanes correspondants. C'est pourquoi, les composés linéaires non souhaités ne peuvent pas être séparés des halogénométhylcyclopropanes désirés par des méthodes usuelles, par exemple par distillation ».

L'invention objet de ce brevet Bayer US 420 propose pour résoudre ce problème, une réaction d'halogénation de cyclopropylcarbinol à partir de chlore ou de brome. Le procédé consiste plus particulièrement à solubiliser une triarylphosphine dans un solvant aprotique polaire, ajouter de l'hydroxyméthylcyclopropane (un autre nom du cyclopropyl-carbinol) à température ambiante, puis ajouter un agent de bromation (en particulier du brome). Elle vise à obtenir le BMCP à partir du produit initial le cyclopropylcarbinol et enseigne la bromation du cyclopropylcarbinol par traitement au moyen de triphénylphosphine et de dibrome. La mise en œuvre de cet enseignement a conduit à des résultats peu satisfaisants quant à la formation de produits non désirés qui conduit à une baisse de rendement et à une nécessité de purification du BMCP difficile et coûteuse.

Les sociétés MMLS et M2I opposent en combinaison avec cet art antérieur le plus proche trois documents, pris chacun séparément à savoir :

- la publication DG Coe, J. Chem. Soc. 1954 p. 2281-2288 (pièce app 108), intitulée "L'action de dihalogénures de triphénylphosphite sur les alcools : deux nouvelles méthodes pour la préparation des halogénures d'alkyle" qui divulgue le principe et les modalités d'halogénation d'alcools via l'utilisation de triphénylphosphite et de dihalogène, dont fait partie le dibrome, en vue de produire des halogénures d'alkyle ou halogéno-alcanes, dont fait partie le BMCP ; il ressort de ce document que la réaction ne fonctionne pas de la même manière avec tous les alcools, celle-ci fonctionnant de manière satisfaisante avec les alcools non saturés et donnant des résultats très insatisfaisants avec le cyclohexanol. Ce document ne mentionne pas le cyclopropylcarbinol.

- la publication Dormoy & Castro, Encyclopedia of reagents for organic Synthesis vol. 13 2009 p. 1514-151 (pièce app 109) qui enseigne, selon la traduction partielle fournie au débat, la bromation d'alcools via l'utilisation de dibromure de triphénylphosphite ; ce document mentionne que des bromures d'alkyl sont préparés aisément et avec un bon rendement à partir d'alcools saturés soit en ajoutant le brome à un mélange de l'alcool et de triphénylphosphite (équation1) soit en préparant premièrement le dibromure de triphénylphosphite et en ajoutant ensuite l'alcool (comme dans l'équation 3) ; il mentionne aussi que des alcools insaturés alkyniques, alkéniques ou alléniques, sont convertis en bromures en traitant un mélange équimolaire de chacun d'eux et de pyridine avec le réactif préalablement généré. Cette méthode donne des rendements améliorés et plus constants (37-76%) et des produits plus purs (sans précision) ...,

- la publication concernant une demande de brevet français n° 2 447 928 déposée le 30 janvier 1980 et publiée le 20 août 1980 par la société Eli Lilly intitulé « réactifs d'halogénation de triaryle/halogène et leur procédé de préparation », qui divulgue un procédé de préparation de réactifs d'halogénation à base de triarylphosphite (famille à laquelle appartient le triphénylphosphite) et d'halogènes (famille à laquelle appartient le brome), ces réactifs d'holgénation sont appelés dans le brevet « composé cinétique » ou « complexe cinétique » ;

Les sociétés MMLS et M2I considèrent que le seul problème technique objectif résolu par le brevet FR 997 consiste en la fourniture d'un procédé alternatif à celui du brevet Bayer pour effectuer la bromation du cyclopropylcarbinol et obtenir du BMCP, la pureté en bromobutène primant sur le rendement. Elles soutiennent alors que l'homme du métier qui cherche à résoudre ce problème technique aurait recherché dans l'art antérieur des procédés de bromation d'alcool et serait parvenu sans difficulté à l'invention brevetée au vu de l'enseignement des documents Dormoy & Castro, DG COE ou Lilly, pris indépendamment, qui décrivent chacun l'utilisation avantageuse du complexe de triphénylphosphite et de dibrome pour bromer des alcools, que ces alcools soient saturés ou insaturés.

L'homme du métier est un spécialiste du secteur technique dont relève l'invention, doté des connaissances théoriques et pratiques et de l'expérience qui peuvent normalement être attendues d'un professionnel du domaine concerné.

Ainsi que l'a retenu le tribunal judiciaire, ce qui n'est pas discuté par les appelantes, l'homme du métier est un ingénieur chimiste.

La demande de brevet US 420 qui constitue l'art antérieur le plus proche ne divulgue pas l'utilisation de triphénylphosphite qui ne fait pas partie de la même famille des composants chimiques que le triphénylphosphine utilisé dans ce brevet.

De même, le brevet US 420 qui fait réagir le cyclopropylcarbinol avec la triphénylphosphine avant d'incorporer le brome dans le réacteur ne décrit pas l'ordre d'introduction des réactifs visé par la revendication 1 du brevet FR 997 qui comporte plusieurs étapes ainsi qu'il ressort de la description (page 3 lignes 8 à 10) à savoir : former un complexe de triphényl phosphite avec du dibrome puis faire réagir ce complexe avec le cyclopropylcarbinol pour former le BMCP. Ce séquençage est d'importance et a été mis en avant par la société M2I elle-même pour défendre son brevet américain, dont la propriété est revendiquée par la société Minakem, auprès de l'examinateur de l'office des brevets américain lui opposant l'antériorité constituée par le brevet Bayer.

Le problème technique posé à l'homme du métier dans le brevet FR 997 est l'obtention d'un procédé de fabrication de BMCP avec un meilleur rendement, en évitant le plus possible la formation d'impuretés au cours du procédé et ne se réduit pas ainsi que l'affirment les appelantes à un procédé alternatif à celui proposé dans le brevet Bayer.

En effet, la description du brevet FR 997 précise dans l'exemple de réalisation de l'invention que le BMCP obtenu a une pureté d'environ 98 % et un rendement compris entre 84 et 94%. Dans le brevet Bayer, la pureté n'était que de 97% et le rendement de 77,5%

Selon les appelantes, l'homme du métier sait aussi bien du document Dormoy & Castro que du document DG COE que les alcools peuvent être bromés efficacement via une réaction avec un mélange ou "complexe" de triphénylphosphite et de dibrome, et ce, quelle que soit leur nature, saturés ou insaturés. Elles ajoutent que ces documents divulguent et explicitent chacun et indépendamment plusieurs cas de bromation d'alcools de différentes natures et, quelle que soit la qualification que l'on donne au cyclopropylcarbinol, à savoir saturé ou insaturé, ces documents décrivent chacun l'utilisation avantageuse du complexe triphénylphosphite-brome pour bromer des alcools saturés ou insaturés et qu'aucun préjugé technique prétendument enseigné dans ces documents n'aurait empêché l'homme du métier d'appliquer l'enseignement de l'un quelconque de ces deux documents à la bromation du cyclopropylcarbinol. Elles considèrent en outre que le brevet Lilly enseigne que les complexes de triphénylphosphite et de dibrome, comprenant soit un excès de phosphite, soit un excès de dibrome, sont de bons agents de bromation des alcools, notamment des alcools aliphatiques, à savoir saturés ou insaturés. Elles en déduisent que tout orientait directement l'homme du métier à procéder à la bromation d'un alcool comme le cyclopropylcarbinol par un mélange ou "complexe" de triphénylphosphite et de dibrome pour obtenir du BMCP, et qu'une telle voie était clairement évidente pour lui.

Il ressort des éléments fournis au débat par les parties que la réactivité, la stabilité et le comportement d'un groupement cyclique à trois atomes de carbone, le cyclopropyl (ou cyclopropane), sont connus de tout homme du métier, que le cyclopropane appartient à la catégorie des hydrocarbures monocyclique saturés (cf. ouvrage sur la nomenclature en chimie organique) et que lors des réactions sur une structure comprenant un cyclopropane, tel que par exemple la bromation du cyclopropylcarbinol, l'homme du métier s'attend à la formation de produits secondaires constituant des impuretés en raison de l'instabilité du cyclopropane.

Il n'apparait en revanche nullement des éléments ci-dessus rappelés que l'homme du métier qui sait qu'un procédé de bromation fonctionne pour une molécule chirale (optiquement active) en déduit que ce procédé fonctionne avec une molécule non chirale tel le cyclopropylcarbinol.

De même, il ressort des démonstrations de la société Minakem que le triphénylphosphite n'est pas un composé substituable au triphénylphosphine présent dans le brevet Bayer, la réactivité de ces composés étant différente en raison du changement d'environnement électronique.

Aussi, en partant du brevet Bayer, l'homme du métier ne sera pas incité par le document DG Coe à utiliser le complexe triphénylphosphite/dibrome pour bromer le cyclopropylcarbinol qui est un alcool présentant un cycle et dont il est indiqué dans le document DG Coe que la réaction donne des résultats très insatisfaisants avec le cyclohexanol qui est aussi un alcool présentant un cycle, étant rappelé que le document DG Coe qui cite des alcools très divers ne vise pas le cyclopropylcarbinol. Ainsi que le démontre la société Minakem, à supposer que l'homme du métier se serait intéressé à d'autres types d'alcools tel que l'alcool allylique, l'homme du métier n'aurait nullement assimilé les réactivités du cyclopropylcarbinol avec celles des alcools comportant une double liaison carbone-carbone comme l'affirment vainement les appelantes en se fondant sur le document de Meijeire qui ne permet pas de tirer un tel enseignement. De même, la description par le document DG Coe de la chloration du menthol et la bromation du Cholestérol, alcools cycliques optiquement actifs ou la bromation du phényléthanol, alcool comportant un cycle aromatique, ne permet pas de considérer que ces méthodes permettent d'obtenir par rapport au document Bayer, un rendement amélioré en évitant la formation de sous-produit ce qui n'incite donc pas l'homme du métier à utiliser la méthode décrite dans le document DG Coe pour résoudre le problème technique qui lui est posé.

En conséquence, c'est à juste titre que le juge de la mise état, puis le tribunal, ont considéré que la combinaison des documents Bayer et DG Coe ne sont pas de nature à remettre en cause l'activité inventive du brevet FR 997.

S'agissant du document Dormoy et Castro, celui-ci enseigne l'utilisation du dibromure de triphénylphosphite pour la bromation des alcools et cite deux exemples. Si ce document précise que les bromures d'alkyle peuvent être préparés avec un bon rendement par addition d'un alcool saturé au dibromure de triphénylphosphite, il souligne, ainsi que l'établit la société Minakem, non utilement contredite par les appelantes, que ce dernier est moins efficace que le triphénylphosphine/tetrabromure de carbone et la triphénylphosphine/dibrome pour éviter la formation de sous-produits due à un réarrangement lors de la bromation du (+) -3-méthylbutan-2-o, qui est un alcool saturé. Même si le cyclopropylcarbinol est un alcool primaire, la proximité de la fonction alcool avec le cyclopropane, prompt à s'ouvrir, entraîne des réarrangements de la structure. Aussi l'homme du métier qui cherche à éviter la formation de sous-produit peut s'attendre par analogie à ce que ces réarrangements se produisent sur le cyclopropylcarbinol et aurait donc été dissuadé d'utiliser la méthode Dormoy et Castro en partant du document Bayer. De même, la mention dans ce document que des alcools insaturés alkyniques, alkéniques ou alléniques, sont convertis en bromures en traitant un mélange équimolaire de chacun d'eux et de pyridine avec le réactif préalablement généré est inopérante, la publication ne visant pas que cette méthode peut être utilisée pour des alcools saturés comme le cyclopropylcarbinol et les rendements de 37-76% indiqués sont inférieurs à ceux du document Bayer.

C'est donc à juste raison que le tribunal a considéré qu'en possession du document Bayer qui préconise l'utilisation du triphénylphosphine, l'homme du métier sera dissuadé par le document Dormoy et Castro de le remplacer par du triphénylphosphite.

La combinaison des documents Bayer et Dormoy et Castro n'est donc pas de nature à détruire l'activité inventive de la revendication 1 du brevet FR 997.

Le document Eli Lilly indique que les produits ou complexes cinétiques se distinguent des dihalogénures de phosphite de triaryle de l'art antérieur qui présentent une forte stabilité thermodynamique, et qui sont donc moins efficaces comme réactifs d'halogénation. Il résulte de ce document que « Dans certains cas, selon la vitesse de formation du produit cinétique et la vitesse de l'équilibre thermodynamique, le produit cinétique d'une réaction chimique peut être préparé et utilisé avant qu'une quantité importante du produit ne s'isomérise en produit stable au point de vue thermodynamique ». Ainsi que le démontre à juste titre la société Minakem, il apparaît de ce document que mélanger un phosphite de triaryle et un halogène conduit à la formation de deux composés dont l'un (appelé « complexe cinétique ») est instable et favorise la réaction d'halogénation tandis que l'autre est stable. Il ressort de la description du brevet (p.13 lignes 30 à 38) que le brevet en cause enseigne que les complexes cinétiques de phosphites de triaryle et d'halogènes sont efficaces pour l'halogénation de certains alcools tels que les groupements énoliques mais pas pour les alcools alyphatiques (famille à laquelle appartient le cyclopropylcarbinol) en donnant de halogénures d'alkyle correspondants (avec différents sous-produits).

C'est donc à raison que le juge de la mise en état puis le tribunal ont considéré que l'homme du métier est dissuadé de faire réagir des alcools aliphatiques avec du dichlorure de phosphite de triaryle. En outre ce document ne donne qu'un exemple de bromation d'un composé énolique comprenant une double liaison carbone-carbone avec une structure éloignée du cyclopropylcarbinol avec un rendement en produit bromé correspondant inférieur à 35 % alors que le rendement du document Bayer est de 77,5 %.

Aussi, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'homme du métier n'était nullement incité avec le brevet Eli Lilly à utiliser un complexe triphénylphosphite/dibrome pour bromer un alcool aliphatique comme le cyclopropylcarbinol.

La combinaison des documents Bayer et Eli Lilly n'est donc pas plus de nature à détruire l'activité inventive de la revendication 1 du brevet FR 997.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la revendication 1 du brevet FR 997 n'est pas dépourvue d'activité inventive et est donc valable comme le sont les revendications 2 à 15 qui sont dans sa dépendance.

La demande de nullité du brevet FR 997 des sociétés MMLS et M2I sera rejetée et l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 6 juillet 2018 et le jugement rectifié déféré seront confirmés de ce chef.

Sur la contrefaçon du brevet FR 997

Sur la validité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon en date du 5 octobre 2017

Les sociétés MMLS et M2I sollicitent l'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon au motif que les ordonnances aux fins de saisie-contrefaçon ont été selon elles obtenues par la société Minakem dans des conditions contraires à l'exigence de loyauté. Elles font valoir que la société Minakem n'a pas présenté les faits à l'appui de sa requête de manière honnête, omettant de préciser qu'elle avait débauché au cours de l'été 2013 Mme [O] [H], salariée de la société Holis Technologies devenue M2I Development, qui l'a informée du développement par la société M2I de BMCP et amenée à déposer le brevet FR 997. Elles prétendent également que la société Minakem a fourni au juge des requêtes de fausses pièces (qui sont des courriers envoyés par les conseils de Minakem à M. [V] et M. [T], fondateurs des sociétés appelantes) ce qui démontre selon elles que la société Minakem fait usage de manœuvres déloyales. Elles ajoutent que le brevet FR 997 sur lequel se fondait la requête émane lui-même d'une fraude en raison de la désignation erronée de l'inventeur.

Les dispositions de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, lues à la lumière de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de la propriété intellectuelle, exigent du requérant qu'il fasse preuve de loyauté dans l'exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d'autoriser une mesure proportionnée.

La lecture des requêtes aux fins de saisie-contrefaçon dans les locaux des sociétés MMLS et M2I sis à Saint Cloud et Salin de Giraud, (pièces E1, E2 et E3 Minakem) présentées le 27 septembre 2017 au délégué du président du tribunal de grande instance de Paris montre que la requérante a bien mentionné qu'une première requête en saisie-contrefaçon avait été rejetée au mois de janvier 2017 au motif que les pièces produites ne permettent pas de s'assurer de la vraisemblance de la contrefaçon du brevet de procédé et exposé la situation qui l'opposait aux sociétés MMLS et M2I à savoir les faits de contrefaçon vraisemblable de son brevet FR 997, que l'un des fondateurs de la société Minakem, M. [V], et l'un de ses anciens salariés, M. [T], sont à l'origine de la création des sociétés MMLS et M2I et que la société MMLS a déposé un brevet FR 166 intitulé « procédé de fabrication de bromo méthyl cyclopropane et de bromo méthyl cyclobutane » qui a fait l'objet d'une extension par le dépôt d'un brevet européen et d'un brevet américain qu'elle estime effectués en fraude de ses droits.

Aucune déloyauté dans la présentation du contexte du litige à l'origine de la requête ne peut être déduite de l'absence de mention du recrutement par la société Minakem au mois de décembre 2013 de Mme [H], ancienne salariée de la société M2I qui travaillait sur le développement du procédé d'obtention du BMCP. Les déductions que font les sociétés appelantes en rapprochant la date de recrutement de cette personne et celle du dépôt de la demande de brevet FR 997 par la société Minakem et l'envoi de lettres de mise en demeure qui sont antérieures à l'arrivée de Mme [H] au sein de la société Minakem, ne peut suffire à établir que Mme [H] est à l'origine de l'information selon laquelle la société M2I travaillait au développement d'un procédé de fabrication de BMCP, ce quand bien même Mme [H] a transféré certains courriels professionnels sur sa boite personnelle. Il sera par ailleurs relevé que lors de son audition par les services de police à la suite de la plainte pénale des appelantes, Mme [H] affirme aux enquêteurs ne rien avoir révélé des travaux qu'elle a effectués au sein de la société M2I.

En outre, il résulte des développements qui précèdent que la désignation inexacte de M. [J] en qualité d'inventeur dans la demande de brevet d'invention FR 997 n'est pas établie par les appelantes, et à supposer avérée, cette désignation inexacte ne peut suffire à caractériser l'intention frauduleuse de la société Minakem.

Enfin, la lettre de rappel de la mise en demeure adressée par le conseil de la société Minakem à M. [T] le 16 juillet 2013 dont la pièce jointe aurait été modifiée celle-ci portant la nouvelle en-tête du cabinet d'avocats et la date du 25 juin 2013 absentes du premier courrier, le contenu de la lettre étant identique, ne caractérise pas les manœuvres déloyales dénoncées par les sociétés appelantes.

En conséquence, la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon en date du 5 octobre 2017 sollicitée par les sociétés MMLS et M2I sera rejetée. Le jugement mérite également confirmation de ce chef.

Sur la matérialité des actes de contrefaçon

Selon les dispositions de l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle,

Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :

a) La fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;

b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;

c) L'offre, la mise sur le marché, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. »

Les sociétés MMLS et M2I critiquent l'ordonnance du juge de la mise en état et le jugement entrepris qui ont reconnu d'abord la contrefaçon vraisemblable, puis la contrefaçon avérée du brevet FR 997 estimant qu'elles ont toujours soutenu, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, qu'il n'y avait pas de contrefaçon et que le procédé issu du brevet de la société Minakem n'avait pas été utilisé. Elles font également valoir que la société MMLS ne vendait aucun produit, son site internet www.m2i-lifesciences.com n'étant qu'un site de présentation et non un site marchand.

Elles soutiennent qu'il ne peut y avoir contrefaçon du brevet FR 997 car le procédé qu'elles exploitent est un procédé différent de celui objet du brevet FR 997 aboutissant à un produit BMCP différent du produit résultant du procédé issu du brevet argué de contrefaçon. Elles font valoir que la revendication 1 du brevet FR 997 interprétée à la lumière de la description et des connaissances de l'état de la technique ne peut viser que la mise en œuvre d'un procédé ou le triphénylphosphite est en excès, et ce pour obtenir le fameux complexe (PhO)3PBr2. Elles ajoutent qu'il ne peut donc pas y avoir, dans le procédé MMLS, de "complexe triphénylphosphite/dibrome" tel que revendiqué dans le brevet MINAKEM, puisqu'il n'y a plus de triphénylphosphite mais du bromotriphénoxyphosphonium, ni de dibrome mais un ion bromure.

Pour rappel, la revendication 1 du brevet FR 997 est rédigée comme suit :

« Procédé de préparation de bromométhylcyclopropane comprenant une étape a) de réaction du cyclopropylcarbinol avec un complexe de triphénylphosphite et de dibrome ».

Selon le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 5 octobre 2017 pour les opérations effectuées dans les locaux de la société M2I à Salin du Giraud (pièce E5 Minakem), l'huissier instrumentaire transcrit les déclarations de M. [L] [E], directeur général de la société M2I qui précise que « pour fabriquer du BMCP il se sert d'un réacteur K 431 seul réacteur de bromation sur le site (...) qu'il faut y introduire du diméthylformamide à hauteur de 1118 kg et du triphénylphosphite à hauteur de 1092 kg à température ambiante. Qu'il faut ensuite introduire 563 kg de brome pendant environ 3 h 30 à une température inférieure à 12°C. Qu'il faut ensuite refroidir à 0° C. Qu'on additionne 233 kg cyclopropylcarbinol sans dépasser 5°C, et ce, pendant 3 heures. Le rapport brome/ au cyclopropylcarbinol est de 1.1 équivalent. Que la distillation commence dans le même réacteur, on chauffe sous vide sans dépasser 60°C jusqu'à ce qu'il n'y ai plus de produit à distiller. A la fin de la distillation on obtient 244,4 kg de produit toutes fractions confondues. On transfère le distillat dans un autre réacteur où on traite le BMCP avec du bicarbonate de soude et de l'eau. Après, on refroidit et on met le BMCP distillé entre 0 et 5 °C, on agite pendant 5 minutes et on décante pendant 10 minutes pour séparer la phase organique et la phase aqueuse. Ensuite on vide le réacteur, on récupère la phase organique qu'on introduit dans le réacteur K513 et on ajoute du sulfate de magnésium pour pomper l'eau qu'il reste. On filtre pour récupérer le BMCP déshydraté ».

Il se déduit de ces déclarations que le procédé de fabrication utilisé par la société M2I dans l'usine de Salin du Giraud consiste notamment à mélanger dans un réacteur du diméthylformamide et du triphénylphosphite puis du brome avant d'y ajouter du cyclopropylcarbinol.

De même, dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 5 octobre 2017 pour les opérations effectuées dans les locaux de la société M2I à [Localité 6] (pièce E4 Minakem), il est procédé à la description du procédé de fabrication comme suit :

«1/ Fabrication

On commence par introduire via le scrubber R431, 350 litres d'eau et 150 litres d'une solution de soude à 30%. Ensuite dans le réacteur K431, on introduit de la diméthyl formamide (solvant DMF) pour 1615 litres et de la triphénylphosphite pour 1095 kilogrammes. On active ledit réacteur à 120 tours minutes et on impose une consigne à 10°C sous azote.

Puis, on introduit le brome en huit fois, via le scrubber, 580 kilogrammes, sur une durée minimale de 7 heures 30 par portions de 78 kilogrammes (+ ou ' 3 kilogrammes), de sorte que la température dans le réacteur reste bien à 10°C (').

Ensuite à l'aide d'un jaugeur on introduit le cyclopropyl carbinol pour 233 kilogrammes, à une vitesse d'addition entre 15 et 25 kilogrammes par heure et on agite pendant une heure à -5°C. »

Ainsi que le relève la société Minakem, il ressort des procès-verbaux de saisie-contrefaçon que la fabrication du BMCP par la société M2I consiste à mélanger dans un réacteur du triphénylphosphite et du brome pendant plusieurs heures avant d'y ajouter du cyclopropylcarbinol.

Les sociétés appelantes contestent vainement l'utilisation du procédé breveté en soutenant que les composés sont différents, les conditions de mélange du triphénylphosphite et du dibrome dans le procédé qu'elle utilise conduisant selon elles à la formation de bromure de bromotriphénoxyphosphonium qui ne serait pas couvert pas le complexe de triphénylphosphite et de dibrome visé par la revendication 1.

Néanmoins, la description du brevet FR 997 (p.3 L 8-12) déjà citée prévoit que « généralement, le procédé selon l'invention comprend, avant l'étape a), une étape ') de réaction de dibrome avec du triphénylphosphite pour former un complexe de triphénylphosphite et de dibrome ».

Or ainsi que le démontre la société Minakem en fournissant l'attestation de M. [U] [X] (pièce 117 Minakem) non réellement contredite par celle de M. [D] (pièce 125 app.), le mélange décrit par la revendication 1 couvre le bromure de bromotriphénoxyphosphonium qui est le produit de la réaction de dibrome avec du triphénylphosphite, l'homme du métier déduisant des termes de la revendication 1 que le complexe de triphénylphosphite et de dibrome se rapporte nécessairement à un composé actif permettant de favoriser la réaction de synthèse recherchée. Cette démonstration est confirmée par le fait que la description explique également que le mélange complexe de triphénylphosphite et de dibrome se fait généralement dans un solvant aprotique polaire, dont l'homme du métier savait qu'il a pour effet de solvater les cations ce qui favorise la formation de bromure de bromotriphénoxyphosphonium.

En outre, les sociétés appelantes n'invoquent pas utilement que l'obtention de bromure de bromotriphénoxyphosphonium dans leur procédé est due à l'excès molaire de dibrome par rapport au triphénylphosphite, ce qui n'est nullement démontré par les éléments fournis au débat notamment l'attestation de M. [D] qui ne fait pas référence à cet excès de brome.

Enfin, les différences de proportions de dibrome et de triphénylphosphite invoquées par les appelantes qui ne sont pas plus établies, sont inopérantes. Les procès-verbaux de saisie'contrefaçon montrent en effet que le rapport des quantités molaires de dibrome et de triphénylphosphite sont très proches de 1 (0,99 et à 0,97) et donc que ces quantités sont quasi-équivalentes. En tout état de cause, si une telle différence existait, cela ne permettrait pas d'échapper au grief de contrefaçon, la revendication 1 ne visant aucun dosage particulier.

La reproduction des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 997 est ainsi établie.

La reprise des caractéristiques des revendications dépendantes 2 à 10 et 12 à 15 par l'utilisation du procédé développé par les appelantes est démontrée par la société Minakem dans ses écritures au vu des procès-verbaux de saisie-contrefaçon qui établissent que chacune des caractéristiques revendiquée est reprise. Celle-ci n'est pas discutée par les sociétés MMLS et M2I.

Aussi, il convient de dire que la reproduction des caractéristiques des revendications dépendantes 2 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 997 est établie.

Les procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés dans les locaux de la société M2I tant à Salin du Giraud qu'à [Localité 6] montrent que cette société utilise le procédé contrefaisant et offre, met dans le commerce et détient des produits (BMCP) obtenus directement par le procédé objet du brevet. De même, l'attestation du commissaire aux comptes de la société M2I en date du 8 juin 2022 prouve que celle-ci a exporté le produit BMCP contrefaisant, réalisant à ce titre 2 950 678 euros de chiffre d'affaires entre le 1er janvier 2014 et le 31 juillet 2018 à destination des clients étrangers. Les faits de contrefaçon en raison de la fabrication, l'offre à la vente, la commercialisation et aussi l'exportation du BMCP par la société M2I selon le procédé décrit au brevet FR 997 sont établis.

Selon le procès-verbal de constat en date du 14 décembre 2016 dressé par huissier de justice sur le site internet www.cphi-online.com (pièce B18 Minakem), site édité par la société MMLS, le BMCP objet de la présente procédure est présenté sur ce site (pages 5 et 20, 24 et 25 du procès-verbal) qui participe donc à l'offre du produit contrefaisant et fait la promotion du site industriel de Salin du Giraud où il est fabriqué, le site internet en cause disposant en outre d'un onglet « commander le produit ». C'est donc à juste titre que les premiers juges ont également retenu la responsabilité de la société MMLS dans la participation aux actes de contrefaçon du procédé breveté.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a retenu la contrefaçon vraisemblable du brevet FR 997.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit qu'en fabriquant, offrant à la vente et en commercialisant du bromométhylcyclopropane selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 997 les sociétés MMLS et M2I ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Minakem.

Il sera ajouté qu'en exportant du bromométhylcyclopropane fabriqué selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet 997 les sociétés MMLS et M2I ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Minakem.

Sur l'action en revendication des brevets FR 166, WO 452 désignant le brevet EP 212 et US 452

L'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :

« Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré.

L'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle.

Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l'expiration du titre. »

Les appelantes critiquent le jugement entrepris qui a accueilli les actions en revendication de la société Minakem faisant valoir que cette dernière ne démontre pas avoir été à la date du dépôt du brevet français par la société MMLS en possession d'une invention renfermant tous les éléments techniques sur la base desquels le brevet a été déposé et que le brevet revendiqué lui a été soustrait de manière frauduleuse, le fait que les fondateurs de la société MMLS sont des anciens salariés ou dirigeant de la société Minakem étant à cet égard insuffisant.

Elles sollicitent que les pièces B22 et B22bis de la société Minakem soient écartées des débats, celles-ci ayant été obtenues par un procédé déloyal.

Néanmoins, les pièces susmentionnées ont été régulièrement communiquées par la société Minakem et le principe de la contradiction a été respecté. Il n'y a donc pas lieu à ce stade de rejeter des débats les pièces, leur caractère probant ou le procédé d'obtention déloyal de celles-ci étant apprécié par la cour lors de l'examen de fond du litige.

La société MMLS a déposé le 6 janvier 2014 une demande de brevet français intitulée « procédé de fabrication de bromo méthyl cyclopropane et du bromo méthyl cyclobutane » publiée le 10 juillet 2015 sous le 3 016 366 (FR 166) et dont la délivrance a été publiée le 28 avril 2017. L'inventeur désigné est M. [S] [V].

La société MMLS a également déposé, sous priorité de la demande française, une demande internationale (PCT) publiée le 9 juillet 2015 désignant l'Europe et les Etats-Unis, pour donner lieu à une demande de brevet européen numéro n° EP 3 092 212 (EP 212) et une demande de brevet américain n° US 2016/0355452 (US 452), aujourd'hui délivré.

La description du brevet FR 166 indique que l'invention concerne « un procédé d'obtention de bromo méthyl cyclopropane (2a) et de bromo méthyl cyclobutane (2b) de haute pureté, à partir respectivement du cyclopropyl-méthanol (1a) et du cyclobutyl-méthanol (1b) dans des conditions de synthèse permettant une grande productivité des installations industrielles. ». L'état de la technique antérieur cité par le brevet est présenté comme ayant pour inconvénient de limiter la productivité et la pureté du produit. La solution offerte à cette limitation est de remplacer le triarylphosphine par un triarylphosphite de formule générale P(OAr)3 qui permettent de travailler à des concentrations plus élevées que celles permises par les triarylphosphines, un objet de l'invention étant « de fournir un procédé de préparation d'un composé (A) de formule suivante :

dans lequel R est un groupement cyclobutane ou cyclopropane, comprenant les étapes suivantes :

- a) solubilisation d'un triarylphosphite dans un solvant aprotique polaire,

- b) ajout de Br2 à une température inférieure à 15°C,

- c) abaissement de la température en deçà de 0°C après complétion de la réaction du brome avec le triarylphosphite,

- d) ajout de cyclopropyl-méthanol ou de cyclobutyl-méthanol à une température inférieure à 0°C,

- e) récupération du composé (A). »

La description (p. 8 l. 1 à 9) indique que : « Le présent procédé présente l'avantage de fournir un composé (A) avec un taux de pureté supérieur à 95%, particulièrement supérieur à 97%, plus particulièrement encore supérieur à 98%. Un tel taux de pureté est particulièrement avantageux pour ce qui concerne l'utilisation d'un composé (A) selon l'invention lors d'étapes finales de synthèse de principes actifs pharmaceutiques pour lesquels une haute pureté est exigée.

Les rendements obtenus grâce au procédé selon la présente invention sont de l'ordre de 70% et au-delà, particulièrement 80%, et au-delà, ce qui est singulièrement avantageux dans un contexte industriel et particulièrement inattendu. »

Ce brevet comporte 13 revendications dont la revendication 1 est une revendication principale et les revendications 2 à 13 sont des revendications dépendantes.

La revendication 1 se lit comme suit : « 1. Procédé de préparation d'un composé (A) de formule suivante :

dans lequel R est un groupement cyclobutane ou cyclopropane, comprenant les étapes suivantes :

- a) solubilisation d'un triarylphosphite dans un solvant aprotique polaire,

- b) ajout de Br2 à une température inférieure à 15°C,

- c) abaissement de la température en deçà de 0°C après complétion de la réaction du brome avec le triarylphosphite,

- d) ajout de cyclopropyl-méthanol ou de cyclobutyl-méthanol à une température inférieure à 0°C,

- e) récupération du composé (A). »

Cette invention répond donc au même problème technique que le brevet FR 997 dont est titulaire la société Minakem par un procédé qui présente une solutions proche voire identique, celui-ci répondant aux objectifs de pureté et de rendement en prévoyant de faire réagir un triarylphosphite dans un solvant aprotique polaire avec un composé de brome (Br2) puis en ajoutant du cyclopropyl-méthanol ou du cyclobutyl-méthanol pour obtenir du BMCP ou du BMCB en ayant préalablement abaissé la température en-deçà de zéro.

La société Minakem démontre que la société Synthèse organique appliquée (SOA), filiale à 100% de la société d'études et applications chimiques (SEAC), avait développé en 1988 et 1989 un procédé de fabrication de BMCP PF 953 et de BMCB PF 993 (pièces D1 et D2 Minakem), ces procédés ayant été transmis à la société Minakem en 2005 lors de l'apport partiel d'actif ainsi qu'il a été dit précédemment, ce qui n'est pas utilement discuté par les appelantes.

Ces fiches (pièces D1 et D2 Minakem), montrent deux procédés de fabrication de BMCP et de BMCB et qu'il s'agit d'un composé de formule A dans lequel R est un groupement de cyclopropane ou de cyclobutane.

La fiche de préparation du BMCP (pièce D1) prévoit la préparation d'un « complexe triphényl phosphite brome », ce qui implique dans un premier temps de mélanger 505g de « triphényl phosphite » (composé particulier de la famille des triarylphosphites) avec 580cc de « DMF H20 » (type particulier de solvant atopique polaire).

Elle prévoit ensuite de couler le mélange de triphényl phosphite et de DMF dans du brome que l'homme du métier comprendra comme du dibrome, et ce à une température pouvant aller de 15°C à 20°C puis de refroidir la masse réactionnelle à 0°C, après addition, d'agiter 1 heure à 0-5°degrés, de couler sans dépasser 5°C du cyclopropyl carbinol et enfin de recueillir du bromo méthyl cyclopropane.

De même, la fiche de préparation du BMCB (pièce D2) prévoit de mélanger 347g de « triphényl phosphite » avec 290 ml de « N-Méthyl pyrrolidone » connu pour ses propriétés de solvant aprotique polaire.

Elle prévoit ensuite de couler le mélange de triphényl phosphite et de DMF dans du brome que l'homme du métier comprendra comme du dibrome, et ce à une température pouvant aller de 15°C à 20°C puis de refroidir entre 10-15°C, de couler du cyclopropyl carbinol et enfin de recueillir du bromo méthyl cyclobutane.

Les différences de température utilisées existant entre les fiches de la société Minakem et la revendication 1 du brevet FR 166, consistant notamment en des refroidissements inférieurs, relevées par les appelantes, sont considérées par la société Minakem comme n'impliquant pas de véritable différence sans être utilement contredite par les sociétés appelantes, aucun effet technique engendré par ces températures ne ressortant du brevet FR 166. Il sera également relevé que les sociétés appelantes faisaient valoir dans le cadre de la contestation de la validité du brevet FR 997 de la société Minakem que les températures mentionnées n'étaient pas explicitées sans démontrer la conséquence qui en résulterait.

Il ressort de ce qui précède et comme l'a relevé à juste titre le tribunal que la revendication 1 du brevet FR 166 reprend les caractéristiques prévues dans les deux fiches précitées.

Il en va de même des revendications dépendantes 2 à 13 ainsi que le démontre largement la société Minakem suivie par le tribunal par des motifs pertinents que la cour adopte sans être contredits par les sociétés MMLS et M2I.

Le brevet FR 997 dont la société Minakem est titulaire a été certes publié après le brevet FR 166 bien que déposé avant. Néanmoins, si ce document ne fait pas partie de l'état de la technique au sens de l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle, il n'en demeure pas moins que ce brevet déposé le 20 septembre 2013 revendique les mêmes caractéristiques que le brevet FR 166 ce dont témoignent les déclarations de M. [B] [G] qui est considéré par les appelantes comme l'un des réels inventeurs du brevet FR 997 en lieu et place de M. [J] (pièce G4 Minakem) devant les services de police, M. [G] déclarant « le triphénylphosphite, le DMF et le brome figurent dans le brevet Minakem et le brevet Melchior pour la synthèse du bromométhylcyclopropane. Et ils sont appliqués de la même façon, à savoir que le complexe obtenu issu des trois molécules est appliqué sur le cyclopropylméthanol (Milchior) ou sur le cyclopropylcarbinol (Minakem). Le cyclopropylméthanol et le cyclopropylcarbinol sont une seule et même molécule ... ».

Il est ainsi établi par la société Minakem qu'à la date du dépôt du brevet FR 166 par la société MMLS elle était en possession d'une invention renfermant tous les éléments techniques sur la base desquels le brevet revendiqué a été déposé.

Il ressort en outre des débats que M. [U] [V] a été de 2005 à 2009 le directeur administratif et financier de la société Minakem, puis le directeur général délégué aux opérations et à la finance pour l'ensemble du groupe Minafin qu'il a quitté en septembre 2010 en suite d'une rupture conventionnelle. Il a fondé la société MMLS le 29 novembre 2012 et a été rejoint en mars 2013 par M. [I] [T]. Ce dernier avait été, depuis mai 2002, salarié d'une des sociétés du groupe Minafin en qualité de directeur de l'usine de [Localité 5] la forêt de la société SEAC devenue Minakem et a occupé comme dernier poste celui de directeur industriel de la société Minakem. Il a démissionné le 28 janvier 2011. Si MM. [V] et [T] n'avaient pas spécifiquement des fonctions de recherche et développement au sein des sociétés du groupe Minafin et n'ont pas été « notifiés de procédures relatives à des secrets de fabrication... », selon leurs propos rapportés dans les attestations des 21 et 26 novembre 2017 (pièces 133 et 34 app), il n'en demeure pas moins que de par leurs fonctions de direction, ils avaient accès aux informations stratégiques et notamment aux procédés de fabrication de BMCP et BMCB qui étaient notamment exploités sur le site dirigé par M. [T], ce que confirme d'ailleurs M. [A] [J] dans son audition par les services de police (pièce G5 Minakem).

Le brevet FR 166 objet de l'action en revendication a été déposé le 6 janvier 2014.

M. [S] [V], frère de M. [U] [V], présenté comme l'inventeur du brevet FR 166 a rejoint la société MMLS en juin 2013 soit peu de temps avant les premiers essais sur le BMCP en juillet 2013 et le dépôt du brevet FR 166. Il avait toutefois convenu avec son précédent employeur, la société Coatex, de pouvoir commencer à prendre en charge l'activité recherche et développement au sein de la société M2I (pièce 140 app.) en janvier 2013 tout en assurant la formation de son successeur au sein de la société Coatex. Cette dernière société est spécialisée dans la fabrication d'additifs en rhéologie pour des formulations et précédés en phase aqueuse qui sont éloignées de la fabrication du BMCP ou BMCB.

S'agissant des courriels échangés au cours du mois d'avril 2013 entre M. [U] [V] et M. [T] (pièces B22 et B22bis Minakem ou pièces 129 et 130 app.) dont les sociétés appelantes soutiennent qu'ils relèvent de la correspondance privée et qu'ils ont été obtenus dans des conditions déloyales en violation du secret des correspondances, il sera relevé que ceux-ci ont été transférés au mois de novembre 2017 à un prestataire de la société Minakem, M. [N] [Z], par un ancien salarié de la société M2I, M. [P] [K], et qu'aucune manœuvre déloyale de la part de la société Minakem pour les obtenir n'est établie, ce quand bien même le départ de M. [K] de la société M2I a été conflictuel trois années auparavant, et que ce dernier préférait que la source de cet envoi reste anonyme.

Il sera également constaté que M. [U] [V] de la société MMLS a transféré ces courriels qui concernent « les dossiers reportings à jour de Minakem » à plusieurs de ses collaborateurs au sein de la société M2I, dont M. [P] [K], ce qui dément le caractère privé de la correspondance entre MM. [V] et [T] ou sa destination alléguée de préparation de l'instance prud'homale de M. [T]. A cet égard, M. [V] explique devant les services de police qu'il voulait que ses collaborateurs « s'inspirent de ce mode de reporting » mis en place chez Minakem (pièce G 10 Minakem).

Ces éléments peuvent donc être pris en considération par la cour.

Ils démontrent que les sociétés MMLS et M2I étaient en possession d'informations stratégiques de la société Minakem telles la liste de ses clients, les prix pratiqués ou les quantités de produits commandés, informations diffusées à plusieurs collaborateurs au sein de la société M2I bien que datant de 2010.

Enfin, par une attestation en date du 21 février 2018 (pièce A12 Minakem), Mme [O] [H], ancienne salariée de la société M2I pour laquelle elle a travaillé du 1er juillet 2008 au 2 décembre 2013, et de la société Minathiol qui l'avait ensuite embauchée, cette société appartenant au groupe Minafin comme la société Minakem, et dont elle a été licenciée pour motif économique, témoigne « qu'en 2013, dans le cadre de mes fonctions chez M2I Devlopment, il m'a été demandé d'industrialiser et d'échantillonner un procédé de fabrication de BMCP consistant notamment à mélanger du triphénylphosphite et du dibrome dans du DMF puis d'ajouter du cyclopropyl carbinol dans ce mélange, que mon responsable au sein de M2I Devlopment ne m'a pas indiqué l'origine de ce procédé mais que plusieurs personnes m'ont dit qu'il était inspiré de celui mis au point par Minakem, et ayant moi-même pu apercevoir les spécifications Minakem dans l'enceinte du site ».

Aussi, et sans remettre en cause les qualités professionnelles de M. [S] [V], désigné comme inventeur dans la demande de brevet d'invention FR 166, il apparaît de l'ensemble de ces éléments que la société MMLS a déposé le brevet FR 166 ainsi que la demande internationale (PCT) publiée le 9 juillet 2015 désignant l'Europe et les Etats-Unis, pour donner lieu à une demande de brevet européen numéro n° EP 3 092 212 (EP 212) et une demande de brevet américain n° US 2016/0355452 (US 452), aujourd'hui délivré, en fraude des droits de la société Minakem.

La soustraction de l'invention objet du brevet FR 166 à la société Minakem est ainsi caractérisée.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de la société Minakem en revendication du brevet FR 166 et de ses extensions en Europe et aux Etats-Unis, en ce qu'il a jugé que la société Minakem se trouvait subrogée dans les droits de la société MMLS, ordonné le transfert de propriété des brevets et ordonné l'inscription de la décision aux registres français et européen des brevets ainsi que le transfert du brevet US 452 sous astreinte.

Sur les mesures réparatrices,

Sur les mesures liées aux actes de contrefaçon

L'article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :

« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »

L'article L. 615-7-1 du même code dispose :

« En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.

La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.

Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur. »

L'atteinte au brevet FR 997 étant caractérisée, les mesures d'interdiction provisoires ordonnées par le juge de la mise en état par ordonnance du 6 juillet 2018 seront confirmées.

Les mesures d'interdiction ordonnées par le jugement rectifié du 10 décembre 2021 non utilement critiquées par les appelantes seront également confirmées.

Il en sera de même du rejet de la demande de rappel des circuits commerciaux non justifiée par la société Minakem.

En tant que de besoin les mesures d'interdiction seront étendues aux exportations du BMCP critiqué sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte, la société Minakem ne justifiant pas que ces actes se poursuivent, les sociétés appelantes affirmant que depuis la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 ordonnant une interdiction provisoire, elles ont cessé d'exploiter le procédé litigieux pour le remplacer par un autre objet d'un brevet français déposé le 19 octobre 2018 et publié le 24 avril 2002 sous le numéro FR3087438 et une demande internationale déposée le 21 octobre 2019 et publiée le 23 avril 2020 sous le numéro WO2020/079281.

S'agissant de la communication des éléments placés sous scellés lors des opérations de saisie-contrefaçon, le tribunal a limité la levée des scellés et la communication des éléments à la société Minakem aux huit factures et à l'état des stocks de BMCP. La société Minakem sollicite de la cour la communication de l'ensemble des scellés sans les identifier, ni justifier sa demande.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que la communication des pièces comptables saisies au cours des opérations de saisie-contrefaçon et placées sous scellés par l'huissier instrumentaire, soit deux factures pour chaque année 2014 à 2016 émises par la société M2I, ces factures étant anonymisées, seuls figurant les quantités et les prix de vente du produit, et l'état des stocks des trois grades du BMCP produits par la société M2I, ne présente pas de risque d'atteinte au secret des affaires des sociétés objets de la saisie et était utile pour corroborer les déclarations de M. [M] quant au chiffre d'affaires réalisé.

Le jugement sera confirmé à ce titre.

Les appelantes contestent l'évaluation du préjudice auquel procède la société Minakem qui réclame l'allocation de la somme de 4 802 919 euros outre la confirmation du jugement allouant la somme provisionnelle de 500 000 euros estimant que cette dernière n'a subi aucun préjudice, que la perte des parts de marchés est due au manque de compétitivité de son produit et que les ventes réalisées à l'étranger ne doivent pas être prises en compte s'agissant d'un brevet français.

La société Minakem réclame l'allocation de la somme de 4 802 919 euros en réparation de son préjudice qu'elle détermine comme suit : 2 711 098 euros au titre du gain manqué, 200 000 euros au titre du préjudice moral et 1 891 821 euros au titre du bénéfice réalisé par le contrefacteur. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes elle demande que le paiement de cette somme se fasse déduction faite de la somme provisionnelle de 500 000 euros déjà acquittée.

Ainsi que le fait valoir la société Minakem, la masse contrefaisante pour déterminer le préjudice doit comprendre les ventes réalisées à l'étranger grâce aux exportations, les produits étant fabriqués en France au moyen du procédé breveté puis exportés.

Il ressort de l'attestation du commissaire aux comptes de la société M2I en date du 8 juin 2022 (pièce 162 app) communiquée en exécution du jugement du 10 décembre 2021, que cette société a réalisé entre le 1er janvier 2014 et le 31 juillet 2018 des ventes de BMCP représentant un chiffre d'affaires de 3 540 748 euros hors taxes dont 590 070 euros en France et 2 950 678 euros à destination de clients étrangers et que pour les ventes réalisées en France, celles-ci ont été faites à un prix moyen de 281 euros par kilo avec une marge opérationnelle de 315 292,11 euros. Selon l'attestation du commissaire aux comptes de la société MMLS (pièce 163 app.), cette société n'a réalisé aucune vente de BMCP sur cette période.

La société Minakem vend quant à elle le BMCP au prix de 415,62 euros avec un taux de marge moyen de 51,77% (pièce A18).

Ainsi que le font à juste titre valoir les appelantes, il ne peut être retenu la totalité des ventes réalisées par la société M2I, la société Minakem ne justifiant pas pouvoir réaliser l'ensemble de ces ventes en France comme à l'étranger alors que des sociétés concurrentes proposent également du BMCP. La cour retiendra 40 % des ventes réalisées par la société M2I en France comme à l'étranger au titre du gain manqué. Il en sera de même au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur qui sont sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisés en appliquant une marge opérationnelle de 53%, de 1 891 821. Le préjudice moral sera évalué à 100 000 euros.

Au vu de ce qui précède le préjudice de la société Minakem en lien avec les actes de contrefaçon de brevet FR 997 sera entièrement réparé par l'allocation de la somme 1 941 000 euros dont seront déduits les 500 000 euros déjà versés.

La mesure de publication judiciaire ordonnée par le tribunal à titre de réparation complémentaire du préjudice subi par la société Minakem en lien avec les actes de contrefaçon apparait, au vu des circonstances de l'espèce ci-avant rappelées, justifiée et sera confirmée et suffisante à réparer l'entier préjudice de la société Minakem sans qu'il soit besoin d'ordonner une publication sur les sites internet m2i-lifescience.com et minakem.com. Cette dernière demande sera en conséquence rejetée.

Sur les mesures liées au dépôt du brevet FR 166, EP 212 et US 452

La société Minakem sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes de communication de pièces et de restitution des fruits afférents aux brevets déposés en fraude de ses droits, considérant que les fruits ne sont pas seulement ceux liés à la vente de produits fabriqués au moyen du procédé breveté mais également ceux liés à la jouissance juridique de la chose tels la concession de licences d'exploitation à des tiers.

Si les sociétés MMLS et M2I reconnaissent avoir communiqué sur les brevets qu'elles avaient déposés pour soutenir la vente du BMCP qu'elles produisaient et commercialisaient, aucun élément ne vient justifier que la société MMLS a concédé une licence sur l'un de ces titres ou aurait perçu des fruits autres que ceux obtenus par la production puis la vente de BMCP en France ou à l'étranger. Les appelantes affirment ne pas avoir consenti de licence sur ces brevets, qu'elles ne les ont pas donnés en garantie ni tiré aucun avantage de la détention de ces titres de propriété industrielle et la société Minakem ne démontre nullement le contraire.

Aussi, la société Minakem ne justifie nullement la nécessité d'ordonner sous astreinte aux sociétés MMLS et M2I de lui communiquer les pièces comptables et financières devant permettre d'établir le montant total des fruits perçus au titre de l'exploitation du brevet FR 166, de la demande de brevet EP 212 et du brevet US 452 hors vente du BMCP par la société M2I. Sa demande sera rejetée.

De même, la société Minakem échoue à démontrer que les sociétés appelantes ont perçu des fruits de l'exploitation des brevets FR 166, EP 212 et US 452 autres que ceux liés à la vente de BMCP par la société M2I. Le préjudice de la société Minakem a déjà été indemnisé au titre de la contrefaçon de brevet et celle-ci n'établit pas avoir subi un préjudice distinct. Elle sera déboutée de sa demande de condamnation solidaire des sociétés MMLS et M2I à lui restituer les fruits perçus au titre de l'exploitation des brevets et au versement d'une somme provisionnelle de 500 000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la réparation du préjudice lié au détournement du savoir-faire de la société Minakem

L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les appelantes critiquent le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la société Minakem la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral subi du fait de la divulgation de son savoir-faire qu'elle avait jusqu'au dépôt du brevet FR 996 tenu secret. Elles soutiennent que la société Minakem ne démontre pas avoir valablement acquis les droits sur les procédés en question et n'a par ailleurs jamais pris de mesure pour préserver le secret de ce procédé.

La société Minakem soutient que les agissements des appelantes l'ont contrainte à déposer le brevet FR 997 alors qu'elle privilégiait jusque-là la protection de son savoir-faire par le secret. Elle critique le jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts alloués réclamant la somme de 9 970 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi.

Ainsi qu'il a été précédemment décidé, les sociétés MMLS et M2I contestent vainement l'acquisition du procédé de fabrication du BMCP par la société Minakem en suite du traité d'apport partiel d'actif conclu avec la société SEAC le 30 mars 2005.

Elles font également vainement valoir que la société Minakem n'établit pas les mesures qu'elle a prises pour préserver le secret du procédé alors qu'il n'est pas discuté qu'entre mars 2005 et la date de publication de la demande de brevet FR 997 le 27 mars 2015, le procédé de fabrication du BMCP n'a pas été divulgué, celui-ci ayant auparavant été gardé secret par les sociétés SOE puis SEAC qui l'exploitaient depuis la fin des années 80.

Il est ainsi établi que la société Minakem gardait secret le procédé de fabrication du BMCP et que c'est en raison des agissements fautifs liés à la divulgation dudit procédé par les sociétés MMLS et M2I dirigées par deux de ses anciens dirigeant et salarié qu'elle a fait le choix de déposer le brevet FR 997 pour préserver ses droits sur ledit procédé.

La société Minakem invoque un préjudice lié à la perte d'un avantage compétitif qu'elle tirait du caractère secret des procédés et justifie la somme réclamée par la perte du chiffre d'affaires attendu pour l'exploitation de ce procédé une fois le brevet tombé dans le domaine public.

Pour autant, le dépôt du brevet FR 997 confère à la société Minakem un monopole d'exploitation de 20 ans sous réserve du maintien en vigueur de ce titre et aucun élément ne vient conforter la thèse de la société Minakem selon laquelle son procédé aurait une valeur commerciale équivalente en France comme à l'étranger à la date d'expiration de son brevet FR 997 en 2033.

Aussi c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le préjudice en lien causal avec la faute commise par les sociétés MMLS et M2I était un préjudice moral et qu'ils ont pertinemment alloué la somme de 30 000 euros en réparation de ce préjudice.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018

Ainsi qu'il a été décidé, les mesures d'interdiction provisoire ordonnées sous astreinte par le juge de la mise en état en raison de la contrefaçon vraisemblable du brevet FR 997 par les sociétés MMLS et M2I sont justifiées et l'ordonnance déférée mérite confirmation de ce chef.

S'agissant du rejet de la demande de la société Minakem d'allocation d'une somme provisionnelle, ce chef de l'ordonnance n'est pas contesté par les parties.

De même c'est à juste raison que le juge de la mise en état a considéré par des motifs que la cour adopte que les demandes de communication de pièces formées par les sociétés MMLS et M2I étaient recevables mais non fondées.

En effet, ces demandes de communication d'éléments qui portent sur le caractère secret des procédés de fabrication, sur les procédés de fabrication mis en œuvre depuis 2010 par la société Minakem et sur les conditions dans lesquelles cette dernière a obtenu l'échange de courriels objet de la pièce B22 s'inscrivent dans le cadre des prétentions originaires de la société Minakem qui couvrent tant la revendication des brevets déposés par la société MMLS que la contrefaçon de son brevet FR 997.

Néanmoins, ces demandes étant trop imprécises ou injustifiées, chaque partie devant apporter les preuves des faits nécessaires à la solution du litige qui seront alors appréciées par le tribunal, ont été à juste titre rejetées par la juge de la mise en état, étant relevé qu'à ce stade de la procédure certaines d'entre elles sont devenues inutiles notamment celle relative à la pièce B22.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce compris les dispositions concernant les frais irrépétibles et les dépens.

Sur l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge de la mise en état du 18 octobre 2019

La recevabilité de l'appel formé contre cette ordonnance n'est pas contesté.

Par cette ordonnance, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevé par les sociétés MMLS et M2I pour connaître de la demande de communication de pièces mais a débouté la société Minakem de ses demandes de communications de pièces et éléments d'information énumérés au dispositif de ses conclusions.

La société Minakem sollicite sur le fondement de l'article 138 du code de procédure civile, la production par les sociétés MMLS et M2I de toutes les fiches « cadre » de fabrication du BMCP établies depuis le 20 juillet 2018 ; toutes les fiches de fabrication de BMCP complétées par leurs opérateurs depuis le 20 juillet 2018 et tous les travaux de recherche afférents à la mise en place d'un nouveau procédé de fabrication du BMCP réalisés par elles depuis le 6 juillet 2018.

Elle critique cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté sa demande de communication de pièces en faisant valoir que ces éléments sont nécessaires car ils sont seuls de nature à déterminer si les sociétés MMLS et M2I se sont conformées aux mesures d'interdiction prononcées tant pas le juge de la mise en état que par le tribunal ou si elles continuent d'offrir à la vente du BMCP fabriqué selon le procédé breveté et que les dispositions de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit une inversion de la charge de la preuve de la contrefaçon lorsque le brevet couvre un procédé de fabrication. Elle ajoute que la production forcée de pièces est également justifiée par les demandes des sociétés MMLS et M2I tenant à l'indemnisation de leur préjudice résultant d'un changement de procédé de fabrication.

Les sociétés MMLS et M2I soutiennent que la demande est devenue sans objet, le nouveau procédé qu'elles utilisent étant protégé par un brevet publié, et sollicite dans le dispositif de ses écritures la confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 18 octobre 2019 en ce que la société Minakem a été déboutée de sa demande de production forcée de pièce.

Selon les dispositions de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle,

« Si le brevet a pour objet un procédé d'obtention d'un produit, le tribunal pourra ordonner au défendeur de prouver que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. Faute pour le défendeur d'apporter cette preuve, tout produit identique fabriqué sans le consentement du titulaire du brevet sera présumé avoir été obtenu par le procédé breveté dans les deux cas suivants :

a) Le produit obtenu par le procédé breveté est nouveau ;

b) La probabilité est grande que le produit identique a été obtenu par le procédé breveté, alors que le titulaire du brevet n'a pas pu, en dépit d'efforts raisonnables, déterminer quel procédé a été en fait utilisé.

Dans la production de la preuve contraire, sont pris en considération les intérêts légitimes du défendeur pour la protection de ses secrets des affaires. »

Les règles édictées par l'article L. 615-5-1 sont des règles relatives à la charge de la preuve et ne constituent pas des règles de procédure.

C'est à juste titre que le juge de la mise en état a considéré pour rejeter la demande de la société Minakem, qu'au vu des éléments qui lui ont été fournis par les parties, les pièces et informations sollicitées par la société Minakem tendent à établir l'existence de nouveaux faits de contrefaçon en déplaçant la charge de la preuve des atteintes alléguées et que les dispositions du code de procédure civile n'ont pas vocation à pallier la carence d'une partie dans la démonstration des faits dont elle se prévaut au soutien de ses prétentions. De même, il a relevé avec pertinence que les dispositions de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle qui prévoient un renversement de la charge de la preuve dans des cas déterminés réservent au tribunal statuant au fond la faculté d'y recourir.

En outre, selon un mail du 10 septembre 2018 (pièce 79 app.) adressé par erreur au conseil de la société Minakem par M. [Y] de la société M2I en réponse à une demande d'information quant à l'exécution des mesures d'interdiction provisoires ordonnées par l'ordonnance du 6 juillet 2018, « pour le moment nous n'avons rien produit de nouveau. [S] [V] finalise notre nouveau brevet... ».

Si ce message est empreint d'ambiguïté et est susceptible d'être interprété différemment par chacune des parties, la société Minakem considérant que les sociétés MMLS et M2I continuent à fabriquer le BMCP en utilisant le procédé couvert pas son brevet, il n'en demeure pas moins que le BMCP n'est pas un produit nouveau et peut être obtenu selon divers procédés ce qui n'est pas discuté. Or, les sociétés MMLS et M2I établissent avoir déposé un brevet français le 19 octobre 2018 publié le 24 avril 2020 sous le numéro 3 087 438 ainsi qu'une demande internationale (PCT) le 21 octobre 2019 publiée le 23 avril 2020 sous le numéro WO 2020/079281, les deux titres étant intitulés : « adduits de triphenylphosphine et de triphenylphosphite et leur utilisation pour la bromation d'alcools primaires ». Les sociétés MMLS et M2I affirment, sans être démenties, utiliser ce procédé de fabrication en exécution des mesures d'interdiction provisoires pour la production du BMCP qu'elles commercialisent, ce qui éloigne la probabilité que le produit, à le supposer identique, a été obtenu par le procédé objet du brevet FR 997. Elles fournissent en outre au débat deux procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice le 17 juillet 2018 sur le site de Salin du Giraud constatant l'état des stocks de BMCP et d'autres matières premières (pièces 82 et 83 app.). Elles fournissent également une attestation de leur commissaire aux comptes en date du 28 mai 2019 dont la valeur probante n'est pas utilement contestée par la société Minakem, selon laquelle la société M2I n'a pas fabriqué ni vendu de BMCP entre le 17 juillet et le 9 octobre 2018 (pièce 145 app.).

La demande de communication forcée de pièces de la société Minakem n'apparait donc pas utile à solution du litige et est à tout le moins devenue sans objet.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce compris les dispositions concernant les frais irrépétibles et les dépens.

Sur les demandes de liquidation d'astreintes de la société Minakem

La société Minakem sollicite la liquidation des astreintes ordonnées par le tribunal en raison du retard des appelantes dans la communication des éléments comptables et l'exécution du transfert du brevet US 452.

Le jugement du 10 décembre 2021 et le jugement rectificatif du 4 février 2022 ont été notifiés par la société Minakem aux sociétés MMLS et M2I par actes du 25 février 2022.

Selon le dispositif de ce jugement, il a été notamment :

- ordonné la communication par les sociétés Melchior Material and Life Science France et M2I à la société Minakem des prix, bénéfices et chiffres d'affaires réalisés de 2014 à 2018 lors de la commercialisation du bromométhylcyclopropane réalisé selon le procédé décrit aux revendications l à 10 et 12 à 15 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 4 mois ;

- ordonné à la société Minakem de procéder au transfert de la propriété du brevet américain n°US 2016/355452 sous astreinte de l 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois - suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 6 mois.

Ce jugement a été rectifié le 4 février 2022 notamment comme suit :

« Ordonne à la société Melchior de procéder au transfert de la propriété du brevet américain n°US 2016/355452 sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 6 mois ; »

Le tribunal s'est réservé la liquidation de l'astreinte et il n'est pas discuté qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la cour est compétente pour connaitre de la demande de liquidation de l'astreinte ordonnée.

En conséquence les sociétés MMLS et M2I devaient communiquer les pièces comptables énumérées à compter du 25 mars 2022 et la société MMLS transférer le brevet US 452 au plus tard le 25 avril 2022.

Il n'est pas discuté que ces obligations n'ont été exécutées par les sociétés MMLS et M2I que le 9 juin 2022 soit avec 75 jours de retard pour l'exécution de la communication des éléments comptables et 45 jours de retard pour le transfert du brevet US 452.

Les sociétés MMLS et M2I invoquent pour justifier le retard dans l'exécution des causes du jugement et s'opposer à la liquidation des astreintes, la procédure de référé qu'elles ont engagée pour solliciter la suspension de l'exécution provisoire attachée au jugement, l'ordonnance du délégué du premier président refusant leur demande ayant été rendue le 24 mai 2022. Elles en déduisent qu'aucun retard ne leur est imputable et que la demande de la société Minakem doit être rejetée ou à tout le moins réduite à la somme symbolique de 1 euro.

En vertu de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution,

« Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.

L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ».

Si la cause étrangère prévue comme cause de suppression d'une astreinte peut également constituer une circonstance justifiant le rejet de la demande de liquidation, il n'en demeure pas moins que le choix procédural des débitrices des obligations de faire de saisir en référé suspension le premier président de cette cour ne caractérise nullement une cause étrangère justifiant le rejet de la demande de liquidation, les sociétés MMLS et M2I ne s'étant pas trouvées dans l'impossibilité de se conformer à l'injonction du juge autrement que de leur fait.

En conséquence, la société MMLS débitrice de l'obligation de communiquer les éléments comptables et de l'obligation de transfert du brevet US 452 sera condamnée à payer à la société Minakem la somme de 123 750 euros (112 500 + 56 250) et la société M2I débitrice de la seule obligation de communiquer les éléments comptables sera condamnée à payer à la société Minakem la somme de 56 250 euros (112 500/2), au titre de la liquidation des astreintes ordonnées par les premiers juges.

Sur les demandes indemnitaires des sociétés MMLS et M2I

Les sociétés MMLS et M2I forment des demandes de condamnation de la société Minakem au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis pour dénigrement, du fait des mesures d'interdiction provisoire et pour procédure abusive.

Au titre du dénigrement, les sociétés appelantes invoquent comme devant le tribunal, un courriel adressé le 22 février 2018 (pièce 147 app.) par un prospect, la société Macfarlan, également cliente de la société Minakem qui aurait interrogé M. [T] sur une éventuelle difficulté due à son statut d'ancien salarié de la société Minakem : « Un dernier point vous avez fait partie ou avez travaillé pour Minakem dans le passé, pouvez-vous confirmer qu'il n'y a pas de problèmes sous-jacents qui nous empêcheraient d'aller de l'avant' » et les propos entendus lors d'une conversation téléphonique entre M. [U] [V] et M. [F] de la société Diverchim le 11 avril 2018 (pièce 148 app.) selon lesquels ce dernier aurait évoqué le détournement par la société MMLS du procédé de fabrication de BMCP de la société Minakem : « toute la profession sait que quelqu'un de chez vous est parti en emportant le procédé de BMCP de Minakem... ».

Néanmoins, ces éléments sont insuffisants à démontrer un comportement déloyal de la société Minakem. En effet, le courriel de la société Macfarlan par lequel cette dernière s'assure que les liens contractuels qui ont unis son interlocuteur avec l'un de ses fournisseurs ne sont pas un obstacle à une éventuelle relation d'affaire ne prouve pas que la société Minakem a évoqué avec la société Macfarlan l'affaire de contrefaçon de brevet qui l'oppose aux appelantes. De même, la conversation téléphonique évoquée à la supposer avérée, ne prouve pas plus que les « rumeurs » dont il est fait état ont pour origine la société Minakem.

Les sociétés appelantes ne peuvent pas plus être suivies lorsqu'elles invoquent une facture de la société Minakem adressée à la société Sanofi du 21 septembre 2017 (pièce 149 app.) comportant un accusé de réception du 4 septembre 2017 sur lequel est mentionné « remise commerciale de 5 % à réaliser suite à l'accord transactionnel daté du 01/09/2017 » pour en déduire des manœuvres de la société Minakem destinées à les empêcher de se maintenir sur le marché, la société Sanofi n'adressant plus de commande aux appelantes depuis le mois de janvier 2017.

Les sociétés MMLS et M2I échouant à caractériser les agissements déloyaux de la société Minakem seront déboutées de leur demande indemnitaire à ce titre.

Les mesures d'interdiction provisoire ordonnées par le juge de la mise en état ont été considérées comme justifiées. En conséquence, les demandes d'indemnisation formées par les sociétés MMLS et M2I en réparation des mesures provisoires prononcées sur la base du brevet obtenu grâce à des manœuvres frauduleuses et manifestement nul seront rejetées.

De même le jugement rectifié du 10 décembre 2021 étant confirmé, elles seront déboutées de leurs demandes indemnitaires liées à l'exécution forcée de cette décision.

La société MMLS invoque également un préjudice lié à la suspension de la délivrance du brevet EP 212 due à la demande de la société Minakem en suite de la délivrance de l'assignation en revendication du brevet.

Néanmoins, outre que cette demande de suspension de la délivrance du brevet européen fondée sur les dispositions de la règle 14 (1) du règlement d'exécution de la Convention sur la délivrance des brevets européens est légitime, l'action en revendication ayant été accueillie et la demande de brevet EP 212 transférée à la société Minakem, la demande de la société MMLS est non fondée et sera rejetée.

Enfin les prétentions de la société Minakem au titre de la contrefaçon du brevet FR 997 comme celles au titre de la revendication des brevets FR 166, EP 212 et US 452 ayant prospéré, la demande d'indemnisation des appelantes au titre de la procédure abusive seront rejetées.

Le jugement est confirmé à ce titre.

Sur les autres demandes

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions des ordonnances du juge de la mise en état et du jugement rectifié concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Parties perdantes, les sociétés MMLS et M2I sont condamnées in solidum aux dépens d'appel et à payer à la société Minakem, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 75 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de l'appel,

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 6 juillet 2018 en toutes ses dispositions,

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 18 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

Confirme le jugement en date du 10 décembre 2021 rectifié par jugement en date du 4 février 2022 sauf en sa disposition qui a renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande des sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin tendant à voir déclarer irrecevables et à écarter des débats les pièces B22 et B22bis de la société Minakem,

Dit qu'en exportant du bromomethylcyclopropane obtenu selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997, la société M2I Salin a également commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Minakem,

Fait interdiction en tant que de besoin à la société M2I Salin d'exporter du bromomethylcyclopropane obtenu selon le procédé décrit aux revendications 1 à 10 et 12 à 15 du brevet FR 3 010 997,

Condamne in solidum les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin à payer à la société Minakem la somme de 1 941 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison des actes de contrefaçon du brevet FR 3 010 997, dont il sera déduit la somme de 500 000 euros déjà versée,

Rejette la demande de la société Minakem tendant à ordonner une publication judiciaire sur les sites internet m2i-lifescience.com et minakem.com,

Déboute la société Minakem de sa demande de condamnation solidaire des sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin à lui restituer les fruits perçus au titre de l'exploitation des brevets et au versement d'une somme provisionnelle de 500 000 euros,

Déboute les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,

Condamne la société Melchior Material And Life Science France à payer à la société Minakem la somme de 123 750 euros au titre de la liquidation des astreintes ordonnées,

Condamne la société M2I Salin à payer à la société Minakem la somme de 56 250 euros au titre de la liquidation des astreintes ordonnées,

Ordonne la capitalisation des intérêts,

Condamne in solidum les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin à payer à la société Minakem la somme de 75 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Déboute les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin de leur demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne in solidum les sociétés Melchior Material And Life Science France et M2I Salin aux dépens d'appel.