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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 19 décembre 2023, n° 22/00843

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Eaux Vives (SCCV)

Défendeur :

Office Public de l’Habitat Dénommé Alpes Isère Habitat (Epic)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clerc

Conseillers :

Mme Blatry, Mme Lamoine

Avocats :

Me Mihajlovic, Me Le Mat

TJ Bourgoin Jallieu, du 13 janv. 2022, n…

13 janvier 2022

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société civile de construction vente Les Eaux Vives a été constituée le 30 juillet 2015 en vue de la construction d'un ensemble immobilier de logements et locaux commerciaux à [Localité 7] (38)';

Le 14 décembre 2015, la société K-Perspectives a obtenu un permis de construire pour la construction d'un ensemble immobilier à [Localité 7] (38)'; elle a transféré ce permis de construire à la société Les Eaux Vives qui lui a confié la mission de conduite d'opération.

Courant novembre 2017, la société Les Eaux Vives a débuté les travaux de démolition des existants et le 5 décembre 2017, le juge des référés a ordonné une mesure d'expertise à la suite de désordres apparus sur une habitation attenante à ce chantier.

Suivant acte notarié en date du 28 décembre 2017, la société Les Eaux Vives et l'Of'ce Public d'Aménagement et de Construction de l'Isère (OPAC 38) ont signé un contrat de vente en état futur d'achèvement portant sur un ensemble immobilier situé à [Localité 7] (38) devant comprendre à son achèvement trois bâtiments collectifs à usage principal d'habitation comportant pour certains des locaux commerciaux, moyennant un prix de 3.904.158,22€ TTC pour les logements des bâtiments A et B, et 1.067.987,97€ TTC pour les locaux commerciaux.

A la signature de l'acte de vente, l'Opac 38 a versé au titre des logements des bâtiments A et B la somme de 583.623,73€ et pour les locaux commerciaux la somme de 160.198,20€.

L'acte de vente prévoyait une clause fixant l'achèvement des travaux au plus tard au mois de septembre 2019 sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison et la livraison au mois d'octobre 2019.

Par courriers des 1er juin et 2 juillet 2018, l'OPAC 38 a interrogé la société K-Perspective sur l'état d'avancement des travaux en raison de la suspension du chantier et l'échéance contractuelle de livraison'; par courrier en réponse du 23 août 2018, cette société a fait état de l'expertise en cours et de la préparation d'un calendrier de reprise du chantier.

L'expertise ordonnée en référé a été déposée le 19 septembre 2018.

L'Opac 38 a fait dresser le 19 mars 2019 un procès-verbal de constat par Me [D], huissier de justice pour faire acter la non-reprise du chantier.

Suivant acte extrajudiciaire du 2 octobre 2019, l'OPAC 38 a assigné la société Les Eaux Vives devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu en résolution de la vente en VEFA et paiement de dommages-intérêts.

La société K-Perspectives est intervenue volontairement à l'instance pour pallier la non-constitution de M. [P], gérant de la société Les Eaux Vives.

Par jugement contradictoire du 13 janvier 2022 le tribunal précité, devenu tribunal judiciaire, a':

prononcé la résolution de la vente intervenue le 28 décembre 2017 entre la société civile de construction Les Eaux Vives et l'OPAC 38 devenu Alpes Isère Habitat , dont l'acte a été reçu par Me [L] Notaire à [Localité 6] (01),

condamné la société Les Eaux Vives à rembourser à Alpes Isère Habitat la somme de 745. 821,93€ correspondant à la partie du prix d'achat acquittée lors de la conclusion de la vente,

débouté Alpes Isère Habitat de ses demandes de dommages-intérêt au titre des frais d'acte de vente et coût des emprunts,

autorisé Alpes Isère Habitat à faire procéder à la publication du jugement auprès des services de la publicité foncière, et condamné la société Les Eaux Vives à lui en rembourser le coût sur présentation d'un justificatif,

déclaré le jugement opposable à M. [P],

débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

dit n'y avoir lieu a exécution provisoire,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M.[P], ni de la société Les Eaux Vives ni de la société K -Perspectives,

condamné la société Les Eaux Vives à payer à Alpes Isère Habitat la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Les Eaux Vives aux dépens, comprenant les frais du constat d'huissier établi le 19 mars 2019 par Me [D], huissier de justice à [Localité 5].

La juridiction a retenu en substance que':

la rédaction de la clause dans le contrat de vente dont les éléments de dates sont dactylographies en gras et soulignés, révèle le caractère déterminant du délai de livraison convenu entre les parties,

la société Les Eaux Vives ne conteste pas que les opérations de construction n'avaient pas débuté à la date de livraison convenue,

si les délais fixés avaient été augmentés en raison du premier confinement cela n'aurait pas permis une livraison dans les temps compte-tenu du retard accumulé,

le fait que la société Les Eaux Vives ait souscrit une garantie financière d'achèvement comportant une stipulation pour autrui au profit de l'OPAC 38 n'empêche pas celui-ci d'invoquer les dispositions de droit commun relatives a la vente, et ne suffit pas à caractériser une exécution de mauvaise foi du contrat,

le litige impliquant la société Les Eaux Vives et un voisin a été initié par cette société à titre préventif, ce qui ne l'empêchait donc pas de poursuivre l'exécution de ses obligations, et ce d'autant qu'elle-même justifie d'un certain nombre de marchés de travaux déjà conclus, que des dissensions voire des malversations entre associés d'une société ne sont pas imprévisibles, et que la société civile n'a jamais sollicité ni proposé de renégociation de ses obligations, comme l'y autorisait l'article 1195 du code civil,

du fait de la résolution du contrat de vente, la société Les Eaux Vives doit être condamnée à restituer à Alpes Isère Habitat la partie du prix réglée au moment de la signature de l'acte authentique,

la société Alpes Isère Habitat ne produisant pas de décompte définitif mentionnant le coût réel et la ventilation de celui-ci entre les émoluments du notaire et les prélèvements fiscaux qui sont récupérables du fait de la résolution de la vente, doit être déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Par déclaration déposée le 24 février 2022, la société Les Eaux Vives a relevé appel du jugement précité sauf en ce qu'il a :

débouté Alpes Isère Habitat de ses demandes de dommages-intérêts au titre des frais d'acte de vente et coût des emprunts,

déclaré le jugement opposable à M. [P],

débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

dit n'y avoir lieu à execution provisoire,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. [P], ni de la société Les Eaux Vives, ni de la société K-Perspectives.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 octobre 2022 sur le fondement des articles 1104,1228, 1231, 1343-5 et 1610 du code civil, la société Les Eaux Vives demande que la cour, la déclarant recevable et bien fondée en ses écritures,

à titre principal,

réforme le jugement déféré en ce :

qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue le 28 décembre 2017 entre elle et l'OPAC 38 devenu Alpes Isère Habitat suivant acte reçu par Me [L], notaire à [Localité 6] (01),

qu'il l'a condamnée à rembourser à l'OPHLM Alpes Isère Habitat la somme de 745.821,93€ correspondant à la partie du prix d'achat acquittée lors de la conclusion de la vente,

il a autorisé l'OPHLM Alpes Isère Habitat à faire procéder à la publication du jugement auprès des services de la publicité foncière et l'a condamnée à lui rembourser le coût de ladite publication,

l'a condamnée à payer à l'OPHLM Alpes Isère Habitat la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamnée aux dépens, comprenant les frais du constat d'Huissier établi le 19 mars 2019 par Me [D], huissier de justice à [Localité 5],

confirme le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de l'OPAC 38 au titre des frais d'acte de vente et coût des emprunts,

déboute l'OPHLM Alpes Isère Habitat de toutes ses demandes fins et conclusions,

dise n'y avoir lieu à résolution de la vente et lui accorder un délai de 18 mois à compter du prononcé de la décision à intervenir pour livrer l'immeuble acquis en VEFA,

à titre subsidiaire,

lui accorde un délai de 12 mois pour s'acquitter de toute somme mise à sa charge,

en tout état de cause,

condamne l'OPHLM Alpes Isère Habitat à lui verser une somme de 2.000€ au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne le même aux dépens de première instance et d'appel.

L'appelant fait valoir en substance que':

sur la résolution de la vente,

la date contractuelle de livraison de l'immeuble est dépassée, mais ce fait ne constitue pas une condition suffisante pour prononcer la résolution de la vente,

en effet, la non-reprise des travaux trouve son origine dans les agissements frauduleux de l'un de ses associés,

son actionnaire, la société K-Perspectives, a procédé à la révocation de son président, de cela a découlé une situation rendant difficile la direction de la société Les Eaux Vives et de la société K-perspectives.

elle n'a obtenu la désignation d'un administrateur ad hoc que le 30 septembre 2019, et elle est restée paralysée dans l'attente de cette nomination'; dès celle-ci, elle s'est rapprochée de l'OPAC 38 pour résoudre le litige à l'amiable,

son retard de livraison de son côté découle d'une cause légitime de suspension du chantier, car si les travaux de démolition de l'ouvrage existant sur la parcelle vendue en VEFA ont débuté dès la signature de l'acte, les travaux ont été interrompus dès le mois de janvier 2018 lorsqu'un des riverains a prétendu que les démolitions avaient endommagé sa maison'; une expertise en référé a été alors ordonnée et n'a été déposée que le 19 septembre 2018'; elle était donc fondée à différer, pour la même durée, la livraison de l'immeuble,

elle a souscrit une garantie financière d'achèvement auprès de la Caisse d'épargne pouvant être mobilisée par l'OPAC 38'; la mise en œuvre de cette garantie, à compter d'octobre 2019 (terme conventionnel du chantier), aurait permis à l'OPAC 38 de faire réaliser l'immeuble en réglant directement les appels de fonds au garant dans l'attente de la reprise en main de l'opération par la société K-Perpectives,

au contraire, la résolution du contrat de vente ne permettra raisonnablement pas à l'OPAC 38 de récupérer les sommes versées et a fortiori d'être indemnisée de son préjudice,

l'action de la société OPAC 38 est faite en violation du principe de bonne foi car il aurait du tenir compte de sa situation et des efforts entrepris par la société K-Perspective pour restaurer la gouvernance de la société (en faisant révoquer un gérant fautif et en le remplaçant par un mandataire ad hoc dans un premier temps et en reprenant la direction de la société dans un second temps).

ces difficultés de gouvernance qu'elle a subi n'étaient pas prévisibles lors de la signature de l'acte de vente, la gestion de la société étant normale à cette période. Ces éléments permettent également de caractériser une situation de force majeure,

sur l'octroi de délais à la société Les Eaux Vives,

l'existence d'un cas de force majeure justifie que la cour écarte la résolution du contrat et lui octroie des délais pour s'exécuter,.

si la résolution de la vente est confirmée, il doit lui être accordé un délai de 12 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour s'acquitter des sommes mises à sa charge,

sur l'appel incident de l'OPAC 38,

les émoluments du notaire ne sont pas susceptibles de restitution, mais les droits d'enregistrements pouvant être remboursés à l'acquéreur par l'Administration fiscale, il appartiendra à l'intimé d'en réclamer le remboursement,

aucun contrat de prêt n'a été communiqué, la mise à disposition des fonds n'a pas été démontrée non plus'; l'intimé ne peut obtenir paiement à titre de dommages et intérêts d'une somme de 61.937,54€ au titre «'des annuités de prêts perdues et frais de résiliation anticipée des prêts »,

sa demande de 6.814,74€ au titre des intérêts d'un prêt Action Logement est irrecevable comme étant nouvelle en appel.

Dans ses uniques conclusions déposées le 19 juillet 2022 au visa des articles 1104, 1602, 1610, 1217 et 1227 du code civil, 514 et suivants, 548, 699 700 du code de procédure civile, l'Office Public de l'Habitat dénommé Alpes Isere Habitat (anciennement OPAC 38) entend voir la cour':

confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

prononcé la résolution de la vente intervenue le 28 décembre 2017 entre la société Les Eaux Vives et l'OPH Alpes Isère Habitat, dont l'acte avait été reçu par Me [L], notaire à [Localité 6] (01),

condamné la societé Les Eaux Vives à lui rembourser la somme de 745.821,93€ correspondant à la partie du prix d'achat acquittée lors de la conclusion de la vente,

autorisé l'OPH Alpes Isère Habitat à faire procéder à la publication du jugement auprès des services de la publicité foncière, et condamné la société Les Eaux Vives à lui en rembourser le coût sur présentation d'un justificatif,

condamné la société Les Eaux Vives à lui payer la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages-intérêts au titre des frais d'acte de vente et de coût des emprunts, et statuant à nouveau de ce chef :

condamner la société Les Eaux Vives à lui payer la somme de 54.900€ à titre de dommages et intérêts en indemnisation des frais d'achat qu'il a acquittés lors de la signature de l'acte de vente du 28 décembre 2017,

condamner la société Les Eaux Vives à lui payer la somme de 45.705,95€ à titre de dommages et intérêts en indemnisation des frais de résiliation anticipée des contrats de prêts qu'il doit supporter du fait de la résolution de la vente,

condamner la société Les Eaux Vives à lui payer la somme de 10.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Les Eaux Vives aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissier établi par Me [D] le 19 mars 2019, avec distraction au pro't de Me Gaëlle Le Mat, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'intimé répond pour l'essentiel que':

sur le bien-fondé de ses demandes visant à la résolution de la vente et à la résolution de la vente et à la restitution du prix,

en vertu des obligations de délivrance conforme et de l'obligation de bonne foi, la résolution de la vente pouvait être ordonnée,

il résulte du procès verbal d'huissier que les travaux de terrassement se sont toujours pas commencés au jour du dépôt des conclusions, et que le terrain n'est pas prêt à recevoir des constructions,

il doit être autorisé à publier «'le présent jugement'» à la publicité foncière, en condamnant la société Les Eaux Vives au remboursement de cette somme (après qu'un justificatif ait été fourni),

sur le rejet des arguments de la société Les Eaux Vives tendant à contester le bien-fondé de la demande en résolution de la vente,

il n'est pas responsable des problèmes de gouvernance internes de la société Les Eaux Vives et les arguments de celle-ci tendant à démontrant une cause légitime de suspension du chantier ne sont pas recevables, la procédure de référé-préventif intenté par un voisin ne constituant pas une cause légitime au sens des stipulations contractuelles qui visaient uniquement des anomalies du sous-sol, et le rapport d'expertise demandé lors de la procédure de référé préventif n'évoque pas ces désordres de cette nature, compte-tenu des exigences posées par les stipulations contractuelles (envoi d'une lettre recommandée avec AR informant de la survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai entrainant une prorogation du délai de livraison, avec les justificatifs de la survenance des évènements invoqués à ce titre et mentionnant précisément la durée de prorogation), le simple courrier lui ayant été adressé le 23 août 2018 par la société K -Perspective ne peut en aucun cas avoir entrainé une suspension du délai de livraison contractuel,

le chantier qui n'avait pas commencé à la date de livraison, ne pouvait pas en tout état de cause être livré dans le délai prévu,

il n'a pas manqué à son obligation de bonne foi contractuelle en ne mettant pas en œuvre la garantie de parfait achèvement, et le fait qu'il a pu avoir connaissance des difficultés internes de la société Les Eaux Vives ne peut remettre en cause le bien-fondé de sa demande de résolution de la vente,

les circonstances de l'espèce ne peuvent permettre d'entrer dans le régime de l'imprévision contractuelle.

la société Les Eaux Vives ne justi'e d'aucun changement de circonstances imprévisibles ayant rendu ses obligations contractuelles tellement lourdes que le contrat ayant alors perdu tout intérêt nécessitait d'être révisé'; ses problème internes ne sont pas de nature à rendre l'exécution de ses engagement excessivement onéreuse, et ce d'autant plus que les marchés de travaux conclus n'étaient pas impactés par des variations de prix,

les circonstances de l'espèce ne permettent pas l'application du régime de la force majeure, les problèmes de gouvernance de la société Les Eaux Vives ne constituant pas un événement échappant à son contrôle et ceux-ci n'empêchaient pas le démarrage des travaux,

sur le rejet des demandes d'octroi de délais présentées par la société appelante,

celle-ci est la seule responsable des retards accumulés, elle ne peut se prévaloir de sa propre turpitude,

le fait que la société Les Eaux Vives invoque à ce jour une prétendue résolution des problèmes de gouvernance et allègue d'une viabilité économique et de potentielles démarches entreprises pour reprendre la construction est inopérant,

-le délai demandé par cette société pour s'acquitter des sommes mises à sa charge n'est pas justifié,

sur l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes de dommages-intérêts au titre des frais d'acte de vente et de l'indemnisation du coût des emprunts,

l'acte de vente stipule que dans le cas d'un retard de livraison le vendeur est redevable d'une pénalité de retard correspondant au préjudice réel subi par l'acquéreur.

à ce titre, ses frais engagés depuis le début de la vente devront lui être remboursés, la vente étant résolue du fait des actes de la société Les Eaux Vives, en ce compris les

frais d'actes de vente et les frais d'emprunt (38.891,21€ + 6.814,74€ au titre des intérêts du 5 décembre 2017 au 31 mars 2020), de sorte que le total du préjudice financier subi du fait de la résolution de la vente s'elève à la somme minimum de 45.705,95€.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2023.

Motivation

MOTIFS

Sur la demande de résolution de la vente

A titre liminaire, il est important de rappeler que dans l'acte de vente du 28 décembre 2017 figure au paragraphe «'délai de livraison-achèvement des travaux'» la clause suivante':

«'Le vendeur s'oblige à mener les travaux de telle manière que les ouvrages et les éléments d'équipements nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevés au plus tard au mois de septembre 2019, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.

Par conséquent, le vendeur s'engage à livrer les biens vendus un mois après la date d'achèvement, soit pour le mois d'octobre 2019.

(les phrases soulignées en gras figurant comme telles dans le contrat)

L'acte de vente précisait également en son chapitre «'causes légitimes de suspension du délai d'achèvement' que seront considérées comme telles,

les intempéries (')

les jours de grève générale de la profession ou des corps d'état (')

les retards consécutifs au redressement et / ou la liquidation judiciaire de l'une des entreprises effectuant les travaux(')

les injonctions administratives ou judiciaire de susendre ou d'arrêter les travaux (')

les troubles résultant d'hostilités , attentats ('),

les retards imputables aux compagnies cessionnaires EDF, GDF ...(')

l'intervention de la Direction des Monuments Historiques ('),

ainsi que les retards non justifiés de paiement par l'acquéreur ('),

le retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par la société venderesse à l'acquéreur, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le maître d'oeuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant),

les retards entraînés par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à l'entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci,

les retards liés à des conctraintes qui seraient imposés par la découverte d'anomalies du sous-sol (...)

S'il survenait une cause légitime de suspension de délai, l'époque prévue pour l'achèvement serait différée d'un temps égal à celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux ce report de délai étant calculé par jour ouvrable.

(')

Compte tenu de la grande importance que revêt pour l'acquéreur la planification de l'occupation des biens achetés, il est convenu qu'au plus tard 3 mois avant la date effective d'achèvement ci-dessus fixée et par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'acquéreur, le vendeur s'oblige':

soit à confirmer à l'acquéreur la date prévisionnelle de livraison prévue ci-dessus,

soit à informer directement l'acquéreur de la survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai entraînant une prorogation du délai de livraison.

Dans ce dernier cas, la lettre recommandée devra être accompagnée des justificatifs de la survenance des événements invoqués pour proroger le délai et devra mentionner précisément la durée de prorogation.

Dans l'hypothèse d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai postérieure à la notification sus-visée, le vendeur devra informer l'acquéreur par lettre recommandée avec avis de réception dans les 5 jours de la réalisation de l'événement et dans les mêmes conditions que ci-dessus.

Les parties conviennent que le vendeur ne pourra pas opposer à l'acquéreur la survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause légitime de suspension de délai si l'acquéreur n'a pas été informé dans les conditions ci-dessus.'»

Les moyens soutenus par les parties se rapportant à l'exécution de bonne foi du contrat,à l'imprévision (article 1195 du code civil) à la force majeure et à l'octroi de délais pour achever l'immeuble ou de paiement, ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants.

A hauteur d'appel, la société Les Eaux Vives ne réitère pas ses moyens relatifs à l'interruption du chantier en raison de l'expertise en référé décidée le 5 décembre 2017.

L'absence de bonne foi de l'OPAC 38 dans l'exécution du contrat au motif que celui-ci n'a pas pris en compte les difficultés de gouvernance interne de la société venderesse et n'a pas mobilisé la garantie de parfait achèvement souscrite par celle-ci ne peut pas être utilement soutenue par la société Les Eaux Vives pour s'opposer à la demande de résolution du contrat de vente.

En effet, d'une part, les difficultés de gérance rencontrées par la société Les Eaux Vives ne figurent pas au nombre des causes légitimes de suspension de délai d'achèvement prévues à l'acte de vente sus-énoncées et devant être dénoncées selon la procédure instituée par ce dernier et d'autre part l'existence d'une garantie financière d'achèvement n'est pas exclusive des règles de droit commun de résolution des contrats, notamment en cas de non-respect de clauses contractuelles déterminantes de l'engagement'; au surplus, en l'espèce, le garant d'achèvement est la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône Alpes, établissement financier ayant pas les compétences techniques pour reprendre le chantier aux lieu et place de la société les Eaux Vives, sa seule obligation étant de payer à l'acquéreur les sommes nécessaires à l'achèvement des travaux, alors même que l'OPAC 38 poursuit la sanction de l'irrespect des délais de construction et de livraison amplement expirés.

Ensuite, les difficultés de gouvernance internes de la société Les Eaux Vives, bien que devant être admises, contrairement à l'appréciation du premier juge, comme étant imprévisibles au jour de la conclusion de la vente, car survenues ultérieurement à partir de juillet 2018, ne constituent pas toutefois un évènement de nature à rendre l'exécution du contrat excessivement onéreuse au sens de l'article 1195 du code civil'; à cet premier juge a exactement relevé que cette société qui avait pourtant conclu un certain nombre de marchés de travaux, n'avait cependant pas exécuté ceux-ci alors qu'ils étaient étrangers aux conflits qui opposaient ses associés.

La société Les Eaux Vives n'est en outre pas autorisée à se prévaloir de ce texte légal alors même qu'elle n'établit pas en tout état de cause avoir demandé personnellement, en tant que signataire de l'acte du 28 décembre 2017 une renégociation du contrat de construction ni continué, comme le prévoit le dit texte, à exécuter ses obligations durant la renégociation. Sur ce point, le procès-verbal de constat du 19 mars 2019 réalisé à la demande de l'OPAC 38 établit indiscutablement la non-reprise du chantier, l'huissier instrumentaire ayant constaté que «'Le terrain est en friche, les terres n 'ont pas été égalisées. En limite sud, le terrain est en forte pente et aujourd'hui il est impossible de savoir si les tas de terre sont ou non à l'intérieur de la parcelle. Aucune fouille ni terrassement n 'a été fait et j'ai le sentiment que d'importantes masses de terre et de gravats doivent encore être évacuées'».

Enfin, pour s'opposer à la résolution du contrat, la société Les Eaux Vives n'est pas davantage fondée à soutenir que les agissements et malversations de ses associés sont constitutifs d'un cas de force majeure au sens de l'article 1218 du code civil'; en effet, il n'est pas établi que cet événement a empêché l'exécution de son obligation, notamment l'exécution des marchés de travaux qui avaient déjà signés.

En conséquence de ces considérations et constatations, l'OPAC 38 est légitime dans sa demande en résolution de la vente au constat du non-respect de ses obligations contractuelles par la société Les Eaux Vives de l'obligation essentielle d'avoir à respecter les délais de construction et de livraison, sans que cette dernière soit en capacité d'opposer des faits justificatifs

Le jugement querellé est donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de construction, et prévu les modalités de publication dudit jugement de sorte que la demande de la société Les Eaux Vives d'octroi d'un délai de 18 mois pour achever la construction devient sans objet.

Sur les conséquences de la résolution

Le montant des dommages et intérêts alloués à l'OPAC 38 est confirmé à hauteur de la somme non discutée de 745.821,93€ correspondant à la fraction du prix déjà versée à la signature de l'acte notarié de vente.

La société Les eaux Vives qui n'établit pas les difficultés économiques alléguées est déboutée de sa demande de délai de paiement et le jugement complété en ce sens, le premier juge n'ayant pas statué sur ce chef de demande.

Il est vérifié à l'examen de son unique bordereau de communication de pièces daté du 19 juillet 2022, que l'OPAC 38 n'a pas communiqué la pièce 17 dont il fait état dans ses conclusions en page 20'pour fonder sa réclamation de 6.814,74€ au titre d'un prêt Action Logement, prêt dont le contrat n'est pas communiqué'; cette demande est donc rejetée comme en première instance.

L'OPAC qui communique à hauteur d'appel non plus des simulations comme devant le premier juge mais des ordre de recette établis par la Caisse des dépôts et consignations («'Banque des territoires'») ainsi que le contrat de prêt correspondant d'un montant total de 3.168.397€ sous la forme de quatre lignes de prêts, est fondé à réclamer une somme de 38.891,21€ correspondant pour partie au coût du remboursement anticipé de ces contrats de prêts (17.369,50€) et pour l'autre partie aux intérêts courus non échus (21.521,71€). Le jugement querellé est donc infirmé sur ce point.

S'agissant des frais d'acte, l'OPAC 38 ne communiquant pas davantage en appel le détail des frais réglés à hauteur de 54.900€ (frais notaire et prélèvements fiscaux) , le rejet de cette demande en paiement est confirmé par adoption des motifs du premier juge sur ce point.

Sur les mesures accessoires

Succombant dans son recours, la société Les Eaux Vives est condamnée au dépens d'appel et conserve ses frais irrépétibles exposés devant la cour. Elle est condamnée à verser une indemnité de procédure à l'OPAC 38 pour l'instance d'appel, laquelle incluera le coût du constat d'huissier du 19 mars 2019 inexactement intégré dans les dépens de première instance.

En effet, sur ce point, il résulte de l'article 695 du code de procédure civile que les dépens d'une instance n'incluent pas les frais de constat d'un huissier de justice non désigné à cet effet par décision de justice (Cour de cassation, 2ème chambre civile, n°16-10.123) sauf à violer les dispositions de l'article 696 dès lors que les dépens doivent être afférents aux instances, actes et procédures d'exécution'; le jugement est donc infirmé de ce seul chef sur les mesures accessoires. .

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté de sa demande en remboursement des intérêts acquittés et indemnités de remboursement anticipé au titre du prêt Banque des territoires et inclut dans les dépens le coût du constat d'huissier du 19 mars 2019,

Statuant à nouveau sur ces points et ajoutant,

Condamne la société civile de construction vente Les Eaux Vives à payer à l'Office public HLM Alpes Isère, anciennement OPAC 38, la somme de 38.891,21€ à titre de dommages et intérêts des frais de remboursement anticipé du prêt Banque des territoires,

Déboute la société civile de construction vente Les Eaux Vives de sa demande de délais de paiement,

Condamne la société civile de construction vente Les Eaux Vives à verser à l'Office public HLM Alpes Isère, anciennement OPAC 38, la somme de 4.000€ à titre d'indemnité de procédure pour l'instance d'appel, incluant les frais du constat d'huissier du 19 mars 2019,

Déboute la société civile de construction vente Les Eaux Vives de sa demande présentée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société civile de construction vente Les Eaux Vives aux dépens de première instance et aux dépens d'appel , avec recouvrement de ceux d'appel par Me Gaëlle Le Mat, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.