Cass. soc., 24 septembre 2013, n° 12-14.114
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Thouin-Palat et Boucard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 décembre 2011), que M. X... a été engagé à compter d'octobre 1977, en qualité de conducteur de fabrication, par la société Produits chimiques Ugine Kulman ; que son contrat de travail a été transféré à la société Atochem, puis à la société Atofina, devenue Arkema France, en 2000 ; qu'ayant engagé devant la juridiction prud'homale une action en dommages-intérêts contre la société Arkema, à laquelle il reprochait une violation de dispositions conventionnelles relatives au temps de pause, il en a été débouté par un arrêt rendu le 3 mars 2004, après la clôture des débats du 21 janvier précédent ; que son contrat de travail a été transféré à la société Albemarle Chemicals le 7 janvier 2004 ; que le fonds de commerce de l'entreprise a été cédé le 31 août 2008 à la société Azur chimie ; qu'alléguant avoir été victime d'une discrimination syndicale, M. X... a saisi, le 16 novembre 2006, la juridiction prud'homale d'une demande d'attribution du coefficient 275, de fixation de son salaire à une certaine somme à compter du mois de décembre 2006 et de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, dirigée contre les sociétés Arkema et Albemarle Chemicals ; que le syndicat GCT Albemarle est intervenu volontairement à l'instance ; que le liquidateur judiciaire de la société Azur Chimie et le CGEA de Marseille délégation régionale de l'Unedic-AGS du Sud-Est ont été appelés en intervention forcée devant la cour d'appel ;
Sur l'irrecevabilité du pourvoi à l'égard de la société Albemarle Chemicals :
Vu les articles 974 et 975 du code de procédure civile ;
Attendu que le pourvoi est formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation ; que la déclaration contient, à peine de nullité l'indication, des nom, prénoms et domicile du défendeur, ou s'il s'agit d'une personne morale de sa dénomination et de son siège social ;
Attendu que la déclaration de pourvoi déposée au greffe de la Cour de cassation le 15 février 2012 au nom de M. X... et du syndicat CGT Albemarle mentionne comme défendeurs la société Arkema anciennement dénommée Atofina, M. Y..., liquidateur judiciaire de la société Azur chimie venant aux droits de la SAS Albemarle Chemicals et l'AGS-CGEA de Marseille délégation régionale de l'Unedic-AGS du Sud-Est ;
Mais attendu que la société Albemarle Chemicals n'est pas visée dans la déclaration de pourvoi ;
D'où il suit que le pourvoi doit être déclaré irrecevable à l'égard de cette société ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et le syndicat CGT font grief à l'arrêt, respectivement d'avoir déclaré, le premier, irrecevable en sa demande dirigée contre la société Arkema France et d'avoir limité l'appréciation d'une éventuelle discrimination instaurée à son préjudice à la période postérieure au 7 janvier 2004, et d'avoir débouté le second de ses demandes formées en conséquence, alors, selon le moyen :
1°/ que si, conformément aux dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une seule instance, l'action du salarié en réparation d'un préjudice né d'une discrimination reste recevable, même après l'extinction d'une première instance, pour peu que la différence de traitement à l'origine de ce préjudice ait perduré au-delà de celle-ci ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la relation de travail avait perduré postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 mars 2004 et jusqu'au 10 septembre 2007, ce dont il s'évinçait nécessairement que le préjudice résultant de la discrimination dont le salarié alléguait avoir été l'objet s'était poursuivi ensuite de cette première instance ; qu'en jugeant néanmoins celui-ci irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Arkema France et en se refusant d'examiner les faits antérieurs à la date du transfert de son contrat de travail à la société Albemarle Chemicals, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui se déduisaient de ses propres constatations, au regard des dispositions susvisées, ainsi violées ;
2°/ que les juges du fond ne sauraient, sous couvert d'interprétation, dénaturer le sens clair et précis des écrits versés aux débats par les parties ; qu'en l'espèce, pour accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la société Arkema France, la cour d'appel a estimé qu'il résultait d'un courrier adressé par M. X... à l'inspecteur du travail le 13 octobre 2006 que le salarié avait connaissance de la discrimination dont il faisait l'objet dès avant l'extinction du premier litige prud'homal l'ayant opposé à la société Arkema France, dès lors qu'il était fait état, dans ce courrier, d'une stagnation de son coefficient depuis 1995, date de son engagement syndical, et de diverses tentatives pour engager un dialogue avec la direction sur ce point ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'aucun des termes du courrier précité ne fait état d'une quelconque connaissance des causes exactes du second litige prud'homal antérieurement à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 mars 2004, la cour d'appel en a dénaturé le sens clair et précis, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la cassation à intervenir s'étendra au chef du dispositif de l'arrêt attaqué relatif à l'irrecevabilité de la demande du syndicat CGT Albemarle dirigée contre la société Arkema France, le principe de l'unicité de l'instance ne faisant pas obstacle à ce que l'appréciation d'une éventuelle discrimination instaurée au préjudice de M. X... soit recherchée pour la période antérieure au 7 janvier 2004, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'interprétant la lettre du 13 octobre 2006 sans la dénaturer et ayant constaté que les causes du second litige relatif au même contrat de travail, tendant à l'indemnisation de la discrimination dont le salarié se prétendait victime à cette date, étaient connues avant l'achèvement de la précédente procédure, en sorte que l'intéressé avait eu la possibilité de présenter ses nouvelles prétentions lors de la première instance, la cour d'appel a exactement décidé que la règle de l'unicité de l'instance s'opposait à l'introduction par le salarié d'une seconde instance devant le conseil de prud'hommes à l'encontre de son ancien employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'irrecevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Albemarle Chemicals entraîne l'irrecevabilité du deuxième moyen du pourvoi qui concerne les rapports de M. X... avec cette société ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi à l'égard de la société Albemarle Chemicals ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Arkema, anciennement dénommée Atofina, M. Y..., liquidateur judiciaire de la société Azur chimie et l'AGS-CGEA de Marseille délégation régionale de l'Unedic-AGS du Sud-Est.