CA Basse-Terre, 2e ch. civ., 15 avril 2019, n° 18/01133
BASSE-TERRE
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cledat
Conseillers :
Mme Defoy, Mme Gabrielle
Avocats :
Me Appassamy, Me Jean Marie
FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte sous seing privé du 1er janvier 2017, M. Z E a donné à bail à M. D A un terrain d'une surface de 1.000m² sur la commune de Capesterre Belle Eau, lieu dit ...', cadastré section AZ n°37, moyennant un loyer de 500 euros par mois.
Suivant acte sous seing privé du 1er février 2017, M. D A a donné à bail à M. G X un parc automobile sur la commune de Capesterre Belle Eau situé ...', cadastré section AZ n°37 d'une superficie de 1.250 m², moyennant un loyer mensuel de 2.500 euros.
Le 15 septembre 2017, M. A a fait délivrer à M. X un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail.
Ce commandement étant resté infructueux, M. A a fait assigner M. X en référé devant le président du Tribunal de Grande Instance de Basse Terre par acte d'huissier du 06 avril 2018.
Par ordonnance du 19 juin 2018, le juge des référés a :
- déclaré M. A recevable en son action,
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 15 octobre 2017,
- ordonné l'expulsion de M. X ainsi que celle de tous occupants de son chef du parc automobile comprenant deux bureaux climatisés, des toilettes ainsi qu'un dépôt équipé d'une salle d'eau et d'un pont élévateur sis ...', cadastré section AZ n°37, dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,
- condamné M. X à payer à M. A :
- la somme provisionnelle de 10.000 euros au titre des loyers dus au 15 octobre 2017,
- une somme provisionnelle mensuelle de 2.500 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 15 octobre 2017 jusqu'à reprise effective des lieux,
- débouté M. A du surplus de ses demandes,
- condamné M. X aux dépens comprenant le coût du commandement de payer du 15 septembre 2017 soit 233,28 euros.
M. X a interjeté appel de l'ensemble des chefs de dispositif de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 21 août 2018.
Le 12 octobre 2018, il a fait signifier la déclaration d'appel à M. A en réponse à l'avis du 2 octobre 2018 donné par le greffe.
M. A a remis au greffe sa constitution d'intimé par voie électronique le 6 novembre 2018.
Les parties ont été avisées de l'orientation de la procédure à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 25 février 2019.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ M. X, appelant :
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 26 octobre 2018 par lesquelles l'appelant demande à la cour :
- de réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamné au paiement du loyer de juin 2017,
- de dire qu'il existe une contestation sérieuse s'opposant au paiement des loyers à compter de juillet 2017,
- de réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a condamné au paiement des loyers de juillet à octobre 2017,
- de suspendre les effets du commandement de payer du 15 septembre 2017,
- de dire n'y avoir lieu à expulsion,
- de dire qu'il ne doit plus de loyer à M. A depuis le mois de septembre 2017,
- de condamner M. A à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, M. X fait valoir :
- qu'il a réglé le loyer du mois de juin 2017,
- que M. A lui a fait délivrer un commandement de payer de mauvaise foi puisqu'au mois d'août, lui même ne réglant pas les loyers qu'il devait à M. E, ce dernier a fait bloquer l'accès au parc automobile,
- qu'il existe une contestation sérieuse qui s'oppose au paiement des loyers puisqu'il a été privé d'accès aux locaux loués,
- qu'à compter du 1er septembre 2017 il a directement conclu un bail avec le propriétaire du terrain, M. E, auquel il a versé le loyer,
- qu'il n'est donc plus le locataire de M. A depuis le 1er septembre 2017 et ne saurait lui devoir une indemnité d'occupation.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens.
2/ M. A, intimé :
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 6 décembre 2018 par lesquelles l'intimé demande à la cour :
- de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
- de confirmer l'ordonnance déférée dans toutes ses dispositions,
- de condamner M. X à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour conclure à la confirmation de l'ordonnance du 19 juin 2018, M. A indique:
- que M. X ne démontre pas qu'il aurait payé le loyer du mois de juin 2017,
- qu'il ne démontre pas l'impossibilité d'accéder aux lieux loués avant le 10 août 2017, ni après cette date,
- que la commandement n'a pas été délivré de mauvaise foi.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la recevabilité de l'appel :
L'article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par la voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse.
Ce délai court à compter de la signification de la décision contestée.
En l'espèce, l'ordonnance de référé a été signifiée à M. X le 9 août 2018.
Son appel interjeté le 21 août 2018 est donc recevable.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire :
En application des dispositions de l'article 1225 du code civil, dans sa version en vigueur à la date de conclusion du contrat de bail, la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
Cependant, la clause résolutoire ne peut pas jouer si elle n'a pas été invoquée de bonne foi.
En l'espèce, le contrat de bail conclu entre M. A et M. X le 1er février 2017 contenait une clause résolutoire qui prévoyait qu'en cas de manquement à l'une quelconque des obligations du bail (non paiement du loyer, des charges, défaut d'entretien du terrain, défaut d'assurance etc...), le bail serait résilié de plein droit un mois après un commandement de payer ou une sommation, délivré par un huissier et resté sans effet.
Il est par ailleurs établi que le commandement de payer délivré le 15 septembre 2017 à la demande de M. A mentionnait expressément cette clause résolutoire.
Il n'est enfin pas contesté que M. X avait omis de s'acquitter du paiement des loyers depuis le mois de juillet 2017, la seule contestation concernant le paiement du loyer de juin 2017, et qu'il n'a pas régularisé la situation dans le mois suivant la délivrance du commandement de payer.
Néanmoins, pour s'opposer aux conséquences du jeu de cette clause résolutoire, M. X soutient qu'elle n'a pas été invoquée de bonne foi par M. B
Il ressort des pièces versées aux débats que le terrain pris à bail par M. X lui était loué par M. A dans le cadre d'une sous location, ce dernier ayant précédemment conclu, le 1er janvier 2017, un contrat de bail avec M. E, propriétaire de la parcelle en cause.
Il est également démontré que M. E reprochait à M. A de ne pas lui régler le montant du loyer depuis le mois d'avril 2017. Par courrier du 17 juillet 2017, il lui avait fait part de son souhait de résilier le bail.
Il est enfin établi que le 10 août 2017, un huissier de justice a constaté la présence sur la voie d'accès au terrain loué par M. X de tas de tuf empêchant tout passage. M. X a indiqué à l'huissier que ce tuf avait été déversé par M. F C, le constat ne précise pas à quelle date ces déversements avaient eu lieu et aucun élément postérieur ne permet de savoir jusqu'à quelle date ils sont restés en place.
En conséquence, il n'est pas établi que M. X aurait été dans l'impossibilité d'exercer son activité au delà de la seule journée du 10 août 2017et donc de procéder au règlement des loyers en raison d'une absence de revenus.
Il échoue également à démontrer que le commandement délivré par M. A le 15 septembre 2017 l'aurait été de mauvaise foi.
Dès lors, il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 15 octobre 2017.
Sur la demande d'expulsion :
L'article 808 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différent.
L'article 809 précise que le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, pour s'opposer tant à l'expulsion qu'au paiement d'une provision au titre d'une indemnité d'occupation, M. X fait valoir qu'à compter du 1er septembre 2017 il a conclu avec M. E un nouveau bail sur la parcelle en cause, ce qui a résilié le contrat conclu avec M. A le 1er février 2017.
Cette dernière affirmation est erronée dès lors que M. X n'a jamais fait connaître à M. A son intention de résilier le bail qui les liait. Ce bail n'a donc été résolu qu'à compter du 15 octobre 2017 en application de la clause résolutoire.
Pour le surplus, le juge des référés a écarté ce moyen en indiquant que le contrat conclu le 1er septembre 2017 entre M. E et M. X ne portait pas sur le même terrain que celui qui lui avait été loué par M. B
Il est établi à la lecture des pièces produites que le contrat conclu le 1er septembre 2017 ne vise pas le même numéro cadastral que celui conclu le 1er février 2017 entre M. A et M. Y C, M. A ne conteste pas que les deux contrats concernaient bien la même parcelle puisqu'il indique dans ses conclusions que c'est en raison de la signature de ce nouveau bail sur la parcelle qu'il louait lui même à M. E qu'il a fait délivrer à M. X un commandement visant la clause résolutoire.
Dès lors, il existe une contestation sérieuse concernant l'existence d'un autre titre d'occupation permettant à M. X de se maintenir dans les lieux malgré la résolution du contrat du 1er février 2017.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée et, statuant à nouveau, de débouter M. A de sa demande d'expulsion ainsi que de sa demande de provision au titre d'une indemnité d'occupation.
Sur la provision au titre des loyers impayés :
L'article 809 du code de procédure civile dispose que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
En l'espèce, ainsi que cela a été précédemment indiqué, le contrat de bail conclu le 1er février 2017 entre M. A et M. X n'a été résolu qu'à compter du 15 octobre 2017. Il n'est donc pas sérieusement contestable que M. X restait redevable envers M. A du paiement des loyers jusqu'à cette date, quand bien même il aurait conclu en parallèle un autre contrat avec M. F
Par ailleurs, l'impossibilité d'accéder aux lieux loués constatée uniquement pour la journée du 10 août 2017 ne constitue pas une contestation sérieuse qui s'opposerait à une condamnation à titre provisionnel au paiement des loyers demeurés impayés à compter de juillet 2017.
En revanche, il est démontré par la production de la quittance de loyer du mois de juin 2017 (pièce 10 du dossier de l'appelant), dont l'authenticité n'est pas remise en question par M. A, que M. X s'est acquitté du paiement du loyer du mois de juin 2017.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. X à payer à ce titre à M. A la somme provisionnelle de 10.000 euros correspondant aux loyers impayés du 1er juillet au 15 octobre 2017, étant précisé que le bail prévoyait que le loyer de 2500 euros était payable mensuellement et d'avance au plus tard le 5 du mois.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. X, qui succombe principalement à l'instance, aux entiers dépens de première instance comprenant le coût du commandement de payer du 15 septembre 2017.
En revanche, chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions en cause d'appel, l'équité commande de les débouter de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que chacune conservera la charge de ses propres frais et dépens liés à l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel interjeté par M. G X,
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 15 octobre 2017,
- condamné M. G X à payer à M. D A la somme provisionnelle de 10.000 euros au titre des loyers dus au 15 octobre 2017,
- condamné M. X aux dépens comprenant le coût du commandement de payer du 15 septembre 2017 soit 233,28 euros,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute M. D A de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion de M. G X ainsi que de sa demande tendant à voir condamner M. G X à lui payer une somme provisionnelle mensuelle de 2.500 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 15 octobre 2017 jusqu'à reprise effective des lieux,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais et dépens liés à l'instance d'appel.