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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 13 février 2024, n° 22/00494

POITIERS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

Mme Verrier, M. Maury

Avocat :

Me Rodier

TJ Poitiers, du 4 févr. 2022

4 février 2022

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte d'huissier de justice du 12 août 2021 Mme [N] [F] a assigné Mme [Y] [R] devant le tribunal judiciaire de POITIERS aux fins de voir :

prononcer la résolution de la vente d'un véhicule quad conclue entre Mme [R] et Mme [F] le 20 février 2021,

ordonner la restitution du quad objet du litige par Mme [F] aux frais avancés par Mme [R],

condamner Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme de 3600€ pour le remboursement du prix d'achat du quad avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

condamner Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme de 1500 € au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

condamner Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme de 1500 € au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

condamner Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [Y] [R] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme [N] [F] exposait avoir acquis le

20 février 2021 auprès de Mme [Y] [R] un véhicule QUAD moyennant le prix de 3600 euros sans les documents relatifs au véhicule, elle indiquait avoir fait confiance à Mme [R] qui lui a indiqué que ces documents étaient détenus par la SARLU La Charloise Motoculture auprès de laquelle elle disait l'avoir acquis, neuf.

Elle précisait avoir mis en demeure M. [M] gérant de la SARLU " La Charloise Motoculture" [Adresse 2] à [Localité 5] de lui remettre les papiers du véhicule qu'il était censé détenir afin de procéder à son immatriculation ainsi que Mme [Y] [R] le 21 avril 2021 afin qu'elle lui remette la carte grise ainsi que la facture d'achat d'origine du véhicule, en vain.

Elle relatait que par courrier du 11 mai 2021, la SARLU LA CHARLOISE MOTOCULTURE a adressé le certificat du constructeur, le carnet de garantie ainsi qu'un formulaire CERFA de demande de certificat d'immatriculation d'un véhicule neuf incomplet. Mme [N] [F] reproche à Mme [Y] [R] de ne pas avoir respecté son obligation de délivrance en lui vendant le véhicule sans lui fournir les documents nécessaires à son immatriculation et notamment la carte grise.

Elle produit la copie d'un chèque de banque d'un montant de 3600€ à l'ordre de Mme [R].

Assignée à étude, Mme [Y] [R] n'était ni présente ni représentée à l'audience.

Par jugement contradictoire en date du 04/02/2022, le tribunal judiciaire de POITIERS a statué comme suit :

'DIT que Mme [N] [F] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de vente avec Mme [Y] [R].

DEBOUTE Mme [N] [F] de l'intégralité de ses demandes. CONDAMNE Mme [N] [F] aux entiers dépens'.

Le premier juge a notamment retenu que :

Mme [N] [F] expose avoir acquis un véhicule quad auprès de Mme [Y] [R] le 20 février 2021. Elle lui reproche de ne pas lui avoir remis les documents indispensables à l'immatriculation du véhicule et notamment la carte grise.

Il appartient à Mme [N] [F] de prouver la relation contractuelle qui la lie à Mme [Y] [R].

A l'appui Mme [N] [F] produit la photocopie d'un chèque de banque d'un montant de 3600 € en faveur de Mme [R] le 20 février 2021 ainsi qu'une lettre adressée à M. et Mme [R] le 21 avril 2021 les mettant en demeure de lui transmettre les documents relatifs au véhicule.

La production de ce document ne saurait suffire à établir que le paiement était destiné à l'achat du quad objet du litige.

Mme [N] [F] indique que le certificat de cession n'a pas pu être finalisé du fait de l'absence des éléments d'identification du véhicule, mais elle ne produit pas ce document.

Force est de constater que Mme [N] [F] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de vente avec Mme [Y] [R], elle sera donc déboutée de l'intégralité de ses demandes.

LA COUR

Vu l'appel en date du 22 février 2022 interjeté par Mme [N] [F]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 31/03/2022, Mme [N] [F] a présenté les demandes suivantes :

'Vu le code civil en ses articles 1103 et suivants,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

INFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Poitiers en date du 4 février 2022 ;

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT

DÉCLARER recevable et bien fondé Mme [F] [N] en ses demandes;

DÉBOUTER, purement et simplement, Mme [R] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme [F] [N], considérant ces demandes comme infondées

DÉCLARER que Mme [R] a manqué à son obligation de délivrance;

PRONONCER la résolution de la vente du QUAD (N° série LL8ADF6G9L0D00078) conclue le 20 février 2021 entre Mme [R] et Mme [F] [N],

ORDONNER à Mme [R] la récupération du quad vendu à Mme [F] [N] et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

CONDAMNER Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme de 3600 euros pour le remboursement du prix d'achat du quad ;

CONDAMNER Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme de 3500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice de jouissance ;

CONDAMNER Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme de 1500 euros au titre du préjudice moral;

DÉCLARER que l'intégralité des sommes sus énoncées sera augmentée des intérêts au taux légal et ce, à compter du jour de l'introduction de la demande en application des articles 1146 et 1153 du code civil ;

CONDAMNER Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F], la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Mme [Y] [R] aux entiers dépens'.

A l'appui de ses prétentions, Mme [N] [F] soutient notamment que:

- le 20 février 2021, Mme [F] a acheté à Mme [R] à son domicile un QUAD réglé par chèque pour un montant de 3600 €.

- lors du remplissage du certificat de cession, Mme [F] a fait confiance à Mme [R] qui lui indiquait alors que tous les papiers du QUAD étaient au magasin « La CHARLOISE » [Adresse 2] dont le gérant M. [M] (précédent vendeur du QUAD à Mme [R]) était dans l'obligation de faire la première immatriculation sur le véhicule neuf. C'est ainsi qu'il n'avait pas été rempli la partie « véhicule » car Mme [R] précisait ne pas être en possession de la carte grise du QUAD.

- Mme [F] a pris contact avec « La CHARLOISE » .

Le gérant de « La CHARLOISE » lui a demandé de lui laisser les papiers (Pièce n°6- Certificat de cession) afin d'établir la carte grise pour son QUAD acheté auprès de Mme [R].

Mme [F] s'est opposée à cette demande curieuse et a souhaité elle-même faire le changement de carte grise avec les documents que lui fournirait « La CHARLOISE » [Adresse 2] dont le gérant M. [M].

Le gérant de la CHARLOISE a indiqué quelques jours plus tard à Mme [F] qu'il ne trouvait pas la carte grise du QUAD qu'il avait vendu à Mme [R].

- elle n'a pu obtenir les documents afin de procéder à la demande d'immatriculation du quad et a réalisé qu'il n'avait jamais été immatriculé.

Elle ne dispose pas de sa carte grise et a sollicité la résolution de la vente.

- la carte grise constitue un accessoire indispensable à l'immatriculation obligatoire de tout véhicule automobile. En l'absence de ce document, le vendeur ne satisfait pas à son obligation de délivrance : la vente doit être annulée.

- Mme [F] justifie de son achat du quad, par son paiement, et au vu de la facture établie par Mme [R], du certificat de cession signé de celle-ci, et de ses courriers.

- en conséquence de la résolution, il y a lieu à remboursement du prix payé, et à récupération par Mme [R] à ses frais du quad, cela sous astreinte.

- sa privation de jouissance sera indemnisée à hauteur de la somme de 3500 € et son préjudice moral à hauteur de 1500 € eu égard au stress et à l'anxiété générée.

Il convient de se référer aux écritures de Mme [F] pour un plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens.

Mme [Y] [R], assignée à étude, n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 18/09/2023.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le fond du litige :

L'article 1134 ancien du code civil dispose que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,' et 1104 du code civil 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.

L'article 1353 du même code dispose que 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation'.

L'article 1610 du code civil dispose également que 'si le vendeur manque de faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur'.

L'article 1611 du même code dispose que 'dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu'.

Enfin, l'article 1615 du même code dispose que 'l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel'.

L'engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

En l'espèce, Mme [F] établit la réalité de la vente intervenue entre elle-même et Mme [Y] [R] le 20 février 2021, relative au véhicule QUAD LINHAI HY 410 is 4X4, en versant aux débats :

- la facture n° 16 du 10/02/2021 au nom de Mme [N] [F], comme établie par 'Mme [R] [Y] [Adresse 1]'

- le certificat de cession du 20/02/2021 signé de Mme [R] et de Mme [F]

- l'attestation du crédit agricole de la Touraine et du Poitou de remise d'un chèque de banque n° 4614798 d'un montant de 3600 € par Mme [F] au bénéfice de Mme [Y] [R].

S'il ressort du courrier de la SARLU LA CHARLOISE MOTOCULTURE que celle-ci a transmis à Mme [F] la certification du constructeur du quad, son carnet de garantie et un formulaire CERFA, Mme [R] qui n'a pas constitué avocat ne justifie pas de la transmission à son acheteuse du précédent certificat d'immatriculation, accessoire indispensable à l'immatriculation du véhicule à son nom en suite de la vente intervenue.

Il en résulte que Mme [R] a manqué du fait de ce défaut de transmission à son obligation de délivrance et la résolution de la vente doit être en conséquence prononcée.

Mme [R] sera en outre condamnée à restituer le prix de vente qu'elle a perçu, et à récupérer à ses frais le véhicule litigieux à charge pour Mme [F] de la mettre à sa disposition, sans qu'une mesure d'astreinte doivent être ordonnée.

Par application des dispositions de l'article 1611 du code civil, il y a lieu de fixer à la somme de 1500 € le montant de l'indemnisation de Mme [F] au titre de son préjudice moral et de jouissance, compte tenu du trouble supporté depuis le 20 février 2021.

Sur les dépens :

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de Mme [Y] [R].

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner Mme [Y] [R] à payer à Mme [N] [F] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par défaut, et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris.

Statuant à nouveau de ces chefs,

PRONONCE la résolution de la vente du véhicule QUAD LINHAI HY 410 is 4X4, n° LL8ADF6G9L0D00078, intervenue le 20 février 2021 entre Mme [Y] [R] et Mme [N] [F].

CONDAMNE Mme [Y] [R] à verser à Mme [N] [F] :

- la somme de 3600 € au titre du remboursement du prix payé, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation en date du 12 août 2021.

- la somme de 1500 € au titre de l'indemnisation de ses préjudices, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

ENJOINT à Mme [Y] [R] de venir récupérer le véhicule QUAD LINHAI HY 410 is 4X4, n° LL8ADF6G9L0D00078 à ses frais et risques, à charge pour Mme [N] [F] de le mettre à sa disposition.

DIT n'y avoir lieu à astreinte de ce chef.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE Mme [Y] [R] à verser à Mme [N] [F] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

CONDAMNE Mme [Y] [R] aux dépens de première instance et d'appel.