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Décisions

TUE, 9e ch. élargie, 21 février 2024, n° T-763/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Inner Mongolia Shuangxin Environment-Friendly Material Co, Wegochem Europe BV

Défendeur :

Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Union européenne, Kuraray Europe GmbH, Sekisui Specialty Chemicals Europe SL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Truchot

Juges :

M. Kanninen, M. Madise, Mme Frendo, Mme Perišin

Avocats :

Me Cornelis, Me Graafsma, Me Vermulst, Me Luengo

TUE n° T-763/20

20 février 2024

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Inner Mongolia Shuangxin Environment-Friendly Material Co. Ltd, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/1336 de la Commission, du 25 septembre 2020, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains alcools polyvinyliques originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 315, p. 1, ci après le « règlement attaqué »), en ce que celui-ci la concerne.

[omissis]

 Conclusions des parties

13 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué en ce que celui-ci la concerne ;

– condamner la Commission aux dépens.

14 Wegochem Europe BV (ci-après « Wegochem »), intervenant au soutien de la requérante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué, en ce que celui-ci concerne la requérante ;

– condamner la Commission aux dépens, y compris à ceux qu’elle a exposés.

15 La Commission, soutenue par le Parlement européen, par le Conseil de l’Union européenne, par Kuraray et par Sekisui Specialty Chemicals Europe SL (ci-après « Sekisui »), conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

 En droit

[omissis]

 Sur la demande de la Commission tendant au rejet des deuxième à cinquième moyens comme inopérants

51 La Commission demande que les deuxième à cinquième moyens soient rejetés comme inopérants, au motif que ceux-ci portent sur la marge de dumping, évaluée à 115,6 % dans le règlement attaqué, alors que le droit antidumping applicable à la requérante correspond à la marge de préjudice, évaluée à 72,9 % dans le règlement attaqué. La requérante, qui supporterait la charge de la preuve, n’aurait pas démontré que, si les moyens en cause étaient fondés, la différence entre la marge de dumping et la marge de préjudice serait réduite à moins de zéro.

52 Par ailleurs, la Commission fait valoir que la requérante est tenue de démontrer l’existence d’un intérêt personnel, né et actuel, qui ne saurait concerner une situation future et hypothétique.

53 Au soutien du caractère opérant des moyens en cause, premièrement, la requérante invoque la jurisprudence relative à la violation des droits de la défense, selon laquelle il ne saurait être imposé à une partie requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C 141/08 P, EU:C:2009:598, point 94, et du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T 459/07, non publié, EU:T:2013:369, points 110 et 111). Cette jurisprudence serait transposable au cas d’espèce, dès lors que la requérante se trouverait dans la situation difficile où elle ne serait pas en mesure de présenter les chiffres du scénario contrefactuel. Bien que l’écart entre la marge de dumping et la marge de préjudice soit important, il ne pourrait pas être exclu que, à la suite de la correction des erreurs visées par les moyens en cause, la marge de dumping devienne inférieure à la marge de préjudice.

54 Deuxièmement, la requérante aurait un intérêt à ce que la Commission calcule correctement la marge de dumping, en vue des possibles réexamens des mesures instituées par le règlement attaqué, des autres procédures antidumping dont elle pourrait faire l’objet ou des demandes de remboursement des droits antidumping versés qu’elle pourrait former. Ces situations ne seraient pas futures et hypothétiques.

55 Troisièmement, la requérante rappelle que les données relatives à la valeur normale des produits fabriqués par elle ont été utilisées aux fins du calcul du droit antidumping applicable à un autre producteur-exportateur chinois, droit antidumping qui aurait été fixé sur le fondement non pas de la marge de préjudice de ce producteur-exportateur, mais de sa marge de dumping. La requérante ne devrait pas porter la responsabilité d’être la cause principale indirecte du fait que la marge de dumping d’un autre producteur-exportateur ait été surévaluée.

56 Il convient de rappeler que l’article 9, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de base prévoit ce qui suit :

« Le montant du droit antidumping n’excède pas la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union […] »

57 Selon la jurisprudence, cette disposition énonce la règle dite du « droit moindre » (ci-après la « règle du droit moindre »), en vertu de laquelle il y a lieu d’utiliser la marge de préjudice pour déterminer le taux du droit antidumping lorsque la marge de dumping est plus élevée que la marge de préjudice, et vice-versa [voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T 410/06, EU:T:2010:70, point 94 et jurisprudence citée, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 49 et jurisprudence citée].

58 La règle du droit moindre a pour objectif notamment d’éviter que le droit antidumping imposé n’excède ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, l’institution des droits antidumping constitue une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping et non une sanction ou une mesure conférant un avantage concurrentiel à l’industrie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 50 et jurisprudence citée].

59 En l’espèce, au considérant 658 du règlement attaqué, la Commission a « comparé les marges de préjudice et les marges de dumping » et relevé que « [l]e montant des droits [antidumping] [devait] être fixé au niveau de la plus faible des deux marges ».

60 Au considérant 659 du même règlement figure le tableau ci-après :

Société               Marge de dumping        Marge de préjudice       Droit antidumping définitif

Shuangxin Group [T 763/20]     115,6 %              72,9 % 72,9 %

Sinopec Group [T 762/20]          17,3 % 57,6 % 17,3 %

Wan Wei Group [T 764/20]        193,2 %              55,7 % 55,7 %

Autres sociétés ayant coopéré               80,4 % 57,9 % 57,9 %

Toutes les autres sociétés        193,2 %              72,9 % 72,9 %

 

61 Alors que la Commission a fait valoir l’inopérance des moyens en cause, en ce que la requérante n’aurait pas prouvé que, si ces moyens étaient fondés, la marge de dumping deviendrait inférieure à la marge de préjudice, de sorte que le droit antidumping devrait être réduit, la requérante a répondu en invoquant non seulement la charge de la preuve, mais également son intérêt à soulever ces moyens, ce qui a conduit la Commission à soutenir que cet intérêt n’était pas caractérisé en l’espèce.

62 Selon une jurisprudence constante, d’une part, dans le cadre d’un recours en annulation, est considéré comme inopérant un moyen qui, même dans l’hypothèse où il serait fondé, serait inapte à entraîner l’annulation que poursuit la partie requérante (ordonnance du 26 février 2013, Castiglioni/Commission, T 591/10, non publiée, EU:T:2013:94, point 45, et arrêt du 15 janvier 2015, France/Commission, T 1/12, EU:T:2015:17, point 73 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C 46/98 P, EU:C:2000:474, point 38).

63 D’autre part, un moyen d’annulation est irrecevable au motif que l’intérêt à agir fait défaut lorsque, à supposer même qu’il soit fondé, l’annulation de l’acte attaqué sur la base de ce moyen ne serait pas de nature à donner satisfaction à la partie requérante (voir ordonnance du 14 juillet 2020, Shindler e.a./Commission, T 627/19, EU:T:2020:335, point 47 et jurisprudence citée).

64 Ces deux questions sont distinctes [voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C 46/98 P, EU:C:2000:474, point 38, et du 4 mai 2022, CRIA et CCCMC/Commission, T 30/19, EU:T:2022:266, point 92 (non publié)].

65 Il y a lieu de considérer que, lorsque, dans le cadre d’un recours ayant pour objet une demande d’annulation d’un règlement instituant des droits antidumping dans lequel les institutions de l’Union ont appliqué la règle du droit moindre, la partie requérante soulève des moyens ou des branches de moyens qui remettent en cause la marge la plus élevée entre la marge de dumping et la marge de préjudice, la question qui se pose est celle du caractère opérant de ces moyens ou branches (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T 410/06, EU:T:2010:70, points 94 à 98, et du 21 mars 2012, Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening e.a./Conseil, T 115/06, non publié, EU:T:2012:136, points 45 à 47).

66 Dès lors, il y a lieu de relever que sont dépourvus de pertinence les arguments des parties relatifs à l’intérêt de la requérante à soulever les moyens en cause.

67 Quant au caractère opérant des moyens en cause, en réponse à des questions écrites posées par le Tribunal, la Commission a maintenu sa position selon laquelle il incombait à la requérante de démontrer que ses moyens avaient une influence sur l’issue de l’enquête, mais a également estimé l’effet que chacun des moyens en cause, s’il était fondé, pourrait avoir sur la marge de dumping. En particulier, elle soutient que le bien-fondé du cinquième moyen est une condition nécessaire, quoique non suffisante, pour que les violations visées par les moyens en cause puissent réduire la marge de dumping à un niveau inférieur à la marge de préjudice. En effet, selon la Commission, si le cinquième moyen était fondé, elle serait tenue de recalculer la marge de dumping, qui devrait alors être réduite de 41,1 points de pourcentage et se situerait donc à 74,5 %. Cette marge serait encore supérieure à la marge de préjudice, qui atteint 72,9 %, mais, si d’autres moyens en cause, ou branches de ceux-ci, étaient à leur tour fondés, il serait possible que la marge de dumping devienne inférieure à la marge de préjudice. En revanche, la Commission fait valoir que, si le cinquième moyen était rejeté, la marge de dumping à recalculer demeurerait supérieure à la marge de préjudice, quand bien même les autres moyens en cause seraient fondés. En effet, ceux-ci viseraient de prétendues erreurs dont l’élimination pourrait, tout au plus, réduire la marge de dumping à un niveau qui continuerait à dépasser 90 %. Elle demeurerait ainsi supérieure, dans une proportion importante, à la marge de préjudice.

68 La requérante, si elle admet que le bien-fondé du cinquième moyen pourrait entraîner une réduction de la marge de dumping de 41,1 points de pourcentage, conteste les calculs de la Commission dont celle-ci tire la conclusion que ce bien-fondé est une condition sine qua non pour que les deuxième à quatrième moyens soient opérants, en ce sens que, s’ils étaient accueillis, la marge de dumping deviendrait inférieure à la marge de préjudice. Selon la requérante, si tous les moyens en cause, sauf le cinquième, étaient fondés, la marge de dumping s’en trouverait réduite à 71,1 % et serait ainsi inférieure à la marge de préjudice, qui se situe à 72,9 %. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a confirmé que ce chiffre de 71,1 % présupposait le bien-fondé du deuxième moyen, qui entraînerait une réduction de la marge de dumping de 8,6 points de pourcentage, et que, en cas de rejet de ce moyen, cette marge s’élèverait à 79,7 % et serait donc supérieure à la marge de préjudice.

69 Il s’ensuit que la requérante admet que, dans l’hypothèse où les deuxième et cinquième moyens seraient rejetés sur le fond, il serait exclu que les autres moyens en cause puissent entraîner une réduction de la marge de dumping telle que celle-ci deviendrait inférieure à la marge de préjudice. Par conséquent, il y a lieu de considérer que, dans cette hypothèse, les autres moyens en cause seraient nécessairement inopérants.

70 Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner sur le fond les deuxième et cinquième moyens, avant de se prononcer sur le caractère opérant des troisième et quatrième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, en ce qui concerne le choix du pays représentatif approprié

71 La requérante soutient que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, en ce qu’elle a retenu la Turquie comme pays représentatif approprié, sur la base des données relatives à Ilkalem Ticaret Ve Sanayi AS (ci-après « Ilkalem »), alors qu’elle aurait dû choisir le Mexique, sur la base des données relatives à Solutia Tlaxcala SA de CV (ci-après « Solutia Tlaxcala ») ou à Wyn De Mexico Productos Quimicos SA de CV (ci-après « Wyn »).

72 En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a interprété de manière erronée la condition, figurant à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, selon laquelle, pour que les données relatives à une société établie dans le pays envisagé puissent être utilisées, celles-ci doivent être « aisément disponibles ».

73 En deuxième lieu, la requérante invoque la violation du devoir de diligence que la Commission devrait respecter lors du choix du pays représentatif approprié.

74 En troisième lieu, la requérante fait valoir que le Mexique était le pays représentatif le plus approprié, au motif qu’il applique un niveau de protection sociale et environnementale plus élevé que celui de la Turquie.

75 La Commission conteste les arguments de la requérante.

76 Les termes de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base ayant été repris au point 8 ci-dessus, il convient de résumer les principales étapes suivies, en l’espèce, par la Commission lors de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dudit règlement, telles qu’elles résultent du règlement attaqué.

77 Selon le considérant 175 du règlement attaqué, le choix du pays représentatif a été effectué « sur la base des critères suivants :

– le niveau de développement économique est semblable à celui de la [Chine ;]

– la fabrication du produit soumis à l’enquête dans ce pays [;]

– des données publiques pertinentes sont disponibles dans le pays en question [;]

– lorsqu’il existe plusieurs pays représentatifs potentiels, la préférence est accordée, le cas échéant, au pays ayant un niveau adéquat de protection sociale et environnementale ».

78 Il résulte des considérants 177 à 184, 198, 199 et 203 du règlement attaqué que, après avoir envisagé cinq pays susceptibles d’être retenus en tant que pays représentatif approprié, la Commission a exclu trois de ceux-ci, de sorte qu’elle devait choisir entre les deux restants, à savoir le Mexique et la Turquie.

79 S’agissant du Mexique, la Commission a analysé la disponibilité des données financières de Solutia Tlaxcala et de Wyn (considérants 38, 200 à 202, 212, 229 et 230 du règlement attaqué).

80 Quant à Solutia Tlaxcala, la Commission a été confrontée au fait que la société mère, Solutia Europe SPRL/BVBA (ci-après « Solutia Europe »), un utilisateur de PVAL établi en Belgique, lui avait transmis les données financières nécessaires seulement sous une forme confidentielle, à laquelle le public ne pouvait pas avoir accès, et que ces données n’étaient pas disponibles dans la base de données Orbis (ci-après la « base Orbis »).

81 La Commission a également relevé que, si certains producteurs-exportateurs avaient soutenu que les données concernant Solutia Tlaxcala étaient disponibles dans la base de données Dun&Bradstreet (ci-après la « base Dun&Bradstreet »), ils s’étaient bornés à invoquer cet élément comme « preuve à première vue » de la disponibilité de ces données, mais ne les avaient pas produites. Dès lors, la Commission a conclu qu’elle ne pouvait pas utiliser ces données dans le cadre de la procédure.

82 Quant à Wyn, la Commission a relevé que les données financières publiques de celle-ci n’étaient disponibles que pour les six premiers mois de 2018 et que cette période ne coïncidait pas avec celle visée par son enquête et ne pouvait pas être considérée comme étant représentative d’une année entière, en raison des fluctuations saisonnières. De plus, la Commission a constaté que Wyn n’avait pas été rentable en 2017. Partant, la Commission a conclu que le Mexique ne pouvait pas être un pays représentatif approprié aux fins de son enquête.

83 S’agissant de la Turquie, la Commission a estimé qu’elle pouvait se fonder sur les données relatives à Ilkalem, qui étaient disponibles dans la base Orbis, notamment pour l’année 2018, et qui montraient que, si cette société avait été déficitaire au cours de cette année, en raison de charges financières élevées, l’examen des données relatives aux années précédentes permettait de qualifier ces charges d’exceptionnelles. Ainsi, la Commission a conclu que les données relatives à 2018 pouvaient être utilisées, moyennant un ajustement pour tenir compte de la nature exceptionnelle des charges financières supportées au cours de cette année (considérants 205, 206 et 213 à 215 du règlement attaqué).

84 Par ailleurs, aux considérants 221 et 226 du règlement attaqué, la Commission a précisé que, puisqu’elle avait établi que la Turquie était le seul pays représentatif approprié possible, il n’était pas nécessaire de procéder à l’évaluation du niveau de protection sociale et environnementale prévue à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), premier tiret, in fine, du règlement de base.

85 Les principes à appliquer pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union ont été rappelés au point 28 ci-dessus.

86 Sur le plan littéral, la requérante fait valoir que l’interprétation de l’expression « données aisément disponibles » retenue par la Commission est incompatible avec le libellé de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, étant donné que les adverbes « aisément » et « publiquement » ne sont pas synonymes.

87 Il y a lieu de relever que, si le règlement attaqué n’est pas dépourvu d’ambiguïté à ce sujet, en ce qu’il utilise à plusieurs reprises les expressions « données […] publiques » et « données […] accessibles au public » (voir notamment considérants 175, 194, 202, 212 et 217 dudit règlement), au considérant 228 de ce règlement, la Commission a affirmé ce qui suit :

« 228 [C]onformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, les données n’ont pas à être “accessibles au public” mais “aisément disponibles”. La Commission a observé que “accessible au public” signifiait disponible pour le grand public tandis que “aisément disponible” signifiait disponible pour tous pour peu que certaines conditions, telles que le paiement d’un droit, soient remplies. Il est important de mentionner le fait que toutes les informations utilisées pour calculer la valeur normale ont été rendues disponibles dans le dossier public. Cela signifie que même lorsque les informations sont uniquement disponibles sur paiement, toutes les parties intéressées y avaient accès. »

88 Au regard de cette interprétation de l’expression « aisément disponibles », c’est à tort que la requérante soutient que la Commission a confondu les notions de « publiquement disponibles » et d’« aisément disponibles ». En effet, la Commission a établi une distinction entre ces deux notions, qu’elle n’a donc pas considérées comme étant équivalentes.

89 Sur le plan contextuel, la requérante souligne que, lorsque le règlement de base prévoit qu’un élément est destiné à être rendu public, cette précision figure expressément dans les dispositions pertinentes. Par ailleurs, il résulterait du droit de l’OMC que des obligations procédurales de confidentialité ne s’opposent pas à ce que, sur le fond, une autorité compétente utilise des données confidentielles.

90 D’une part, dès lors qu’il a déjà été relevé que la Commission n’a pas confondu les deux notions mentionnées au point 88 ci-dessus, il importe peu que, dans certaines dispositions du règlement de base, le législateur ait précisé que certains éléments devaient être rendus accessibles au public.

91 D’autre part, la Commission est fondée à soutenir que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base doit être interprété au regard des exigences découlant des dispositions de ce règlement consacrées au traitement confidentiel et de celles régissant l’information des parties, pour protéger leurs droits de la défense.

92 Sur le plan téléologique, la requérante soutient que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base doit contribuer à l’objectif de ce dernier, qui consisterait à prévenir les pratiques de dumping sur le marché de l’Union et à assurer des échanges et une concurrence équitables sur ce marché. Ainsi, le choix par la Commission du pays représentatif approprié ne pourrait pas dépendre du consentement d’un producteur à la divulgation au public de ses données.

93 Or, si le règlement de base vise à assurer la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping en évitant notamment qu’un préjudice ne soit causé à une production établie dans l’Union (voir, par analogie, ordonnance du 11 octobre 2011, DBV/Commission, T 297/10, non publiée, EU:T:2011:583, point 37 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 février 2008, Carboni e derivati, C 263/06, EU:C:2008:128, point 39), le législateur a néanmoins décidé de poursuivre cet objectif tout en tenant compte des exigences liées au traitement confidentiel de certaines informations et à la protection des droits de la défense.

94 Il convient de rappeler les termes des dispositions du règlement de base pertinentes à ce sujet.

95 Selon l’article 19 du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Toute information de nature confidentielle (par exemple parce que sa divulgation avantagerait de façon notable un concurrent ou aurait un effet défavorable notable pour la personne qui a fourni l’information ou pour celle auprès de qui elle l’a obtenue) ou qui serait fournie à titre confidentiel par des parties à une enquête est, sur exposé de raisons valables, traitée comme telle par les autorités.

2. Les parties intéressées qui fournissent des informations confidentielles sont tenues d’en donner des résumés non confidentiels. Ces résumés doivent être suffisamment détaillés afin de permettre de comprendre raisonnablement la substance des informations communiquées à titre confidentiel. Dans des circonstances exceptionnelles, lesdites parties peuvent indiquer que des informations ne sont pas susceptibles d’être résumées. Dans ces circonstances, les raisons pour lesquelles un résumé ne peut être fourni sont exposées.

3. S’il est considéré qu’une demande de traitement confidentiel n’est pas justifiée et si la personne qui a fourni l’information ne veut pas la rendre publique ni en autoriser la divulgation en termes généraux ou sous forme de résumé, l’information peut être écartée, sauf s’il peut être démontré de manière convaincante à partir de sources appropriées que l’information est correcte. Les demandes de traitement confidentiel ne peuvent être rejetées arbitrairement.

4. Le présent article ne s’oppose pas à la divulgation, par les autorités de l’Union, d’informations générales, notamment des motifs sur lesquels les décisions prises en vertu du présent règlement sont fondées, ni à la divulgation d’éléments de preuve sur lesquels les autorités de l’Union s’appuient dans la mesure nécessaire à la justification de ces motifs lors de procédures en justice. Une telle divulgation tient compte de l’intérêt légitime des parties intéressées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas révélés.

5. La Commission et les États membres, y compris leurs agents, s’abstiennent de révéler toute information reçue en application du présent règlement pour laquelle la personne qui l’a fournie a demandé un traitement confidentiel, sans l’autorisation spécifique de cette dernière.

[…] »

96 Aux termes de l’article 20 du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et les représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées […]

2. Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires.

[…] »

97 Selon l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 7. Les plaignants, les importateurs et les exportateurs […] peuvent, sur demande écrite, prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, mis à part les documents internes établis par les autorités de l’Union ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels au sens de l’article 19 et qu’ils soient utilisés dans l’enquête.

[…] »

98 Par ces dispositions, le règlement de base poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts et, d’autre part, préserver la confidentialité des informations recueillies au cours de l’enquête (voir, par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T 424/13, EU:T:2016:378, point 96 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T 442/12, EU:T:2017:372, point 142 et jurisprudence citée).

99 S’agissant du premier objectif mentionné au point 98 ci-dessus, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être garanti, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T 442/12, EU:T:2017:372, point 139 et jurisprudence citée).

100 En vertu dudit principe, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T 442/12, EU:T:2017:372, point 140 et jurisprudence citée).

101 S’agissant du second objectif mentionné au point 98 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que la protection du secret d’affaires constitue un principe général du droit de l’Union. Le maintien d’une concurrence non faussée constitue un intérêt public important dont la sauvegarde peut justifier le refus de divulguer des informations relevant du secret d’affaires (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T 424/13, EU:T:2016:378, point 165 et jurisprudence citée).

102 Pour concilier les deux objectifs en cause, dans l’accomplissement de leur devoir d’information, les institutions de l’Union doivent agir avec toute la diligence requise en cherchant à donner aux entreprises concernées, dans la mesure où le respect du secret des affaires demeure assuré, des indications utiles à la défense de leurs intérêts et en choisissant, le cas échéant d’office, les modalités appropriées d’une telle communication (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T 442/12, EU:T:2017:372, point 141).

103 La nécessité de concilier ces objectifs résulte également du fait que, selon la jurisprudence, l’article 19 du règlement de base vise à protéger non seulement les secrets d’affaires, mais également les droits de la défense des autres parties à la procédure antidumping (voir arrêt du 15 octobre 2020, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, T 307/18, non publié, EU:T:2020:487, point 82 et jurisprudence citée).

104 Au vu de ces dispositions et principes, il y a lieu de considérer que la Commission, lorsqu’elle cherche à obtenir, en application de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, des données « aisément disponibles », est en droit de refuser d’utiliser à cette fin des données qui sont considérées, par la partie qui les a fournies, comme étant confidentielles et dont elle n’arrive pas à obtenir un résumé non confidentiel sur la base duquel les autres parties intéressées par l’enquête pourraient exercer leurs droits de la défense.

105 Cette conclusion n’est pas remise en cause par le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Thaïlande – Droits antidumping sur les profilés en fer ou en aciers non alliés et les poutres en H en provenance de Pologne », adopté par l’ORD le 5 avril 2001 (WT/DS 122/AB/R) (ci-après le « rapport sur les profilés et les poutres »), invoqué par la requérante.

106 En effet, selon le point 111 du rapport sur les profilés et les poutres, il est prévu ce qui suit :

« [L]a prescription de l’article 3.1 [de l’accord antidumping] selon laquelle une détermination de l’existence d’un dommage doit être fondée sur des éléments de preuve “positifs” et comporter un examen “objectif” des éléments requis concernant le dommage ne signifie pas que la détermination doit être fondée uniquement sur le raisonnement ou les faits qui ont été divulgués aux parties à une enquête antidumping ou qui étaient discernables par elles. [Cet] article 3.1, au contraire, permet à une autorité [compétente] de fonder sa détermination sur tous les raisonnements et faits pertinents dont elle dispose. »

107 Toutefois, d’abord, il y a lieu de constater que l’article 3.1 de l’accord antidumping ne contient pas la condition, qui figure, en revanche, à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, que les données que la Commission utilise doivent être « aisément disponibles ».

108 Ensuite, il convient de rappeler que, au point 107 du rapport sur les profilés et les poutres, l’organe d’appel précise qu'« [u]ne enquête antidumping […] comporte le rassemblement et l’évaluation à la fois de renseignements confidentiels et de renseignements non confidentiels » et que la « détermination de l’existence d’un dommage […] doit être fondée sur l’ensemble de ces éléments de preuve ». Il en conclut que « rien dans l’article 3.1 [de l’accord antidumping] [n’]oblige une autorité [compétente] à fonder une détermination de l’existence d’un dommage uniquement sur des renseignements non confidentiels ». Partant, si, en vertu des enseignements découlant de ce rapport, l’autorité compétente peut utiliser, en plus de renseignements non confidentiels, également des renseignements confidentiels, elle ne saurait se fonder exclusivement sur des renseignements confidentiels. Or, tel aurait été le cas si la Commission avait utilisé les données que Solutia Europe lui avait fournies quant à Solutia Tlaxcala.

109 Enfin, il doit être souligné que, au point 109 du rapport sur les profilés et les poutres, si l’organe d’appel rappelle que l’article 6 de l’accord antidumping « établit un cadre d’obligations [procédurales] qui, entre autres choses, exige que les autorités [compétentes] divulguent certains éléments de preuve, au cours de l’enquête, aux parties intéressées » et constate qu’« [i]l n’y a aucune raison de donner de ces obligations […] une lecture qui les inclue dans les dispositions de fond de l’article 3.1 » de cet accord, il précise que, ce faisant, il « ne laiss[e] pas entendre […] que la détermination de l’existence d’un préjudice établie en l’espèce […] satisfait nécessairement aux prescriptions [dudit] article ». En effet, selon l’organe d’appel, le groupe spécial, dont le rapport était contesté devant lui, « ayant constaté que l’allégation formulée par la [République de] Pologne au titre de [ce dernier article] ne satisfaisait pas aux prescriptions de l’article 6.2 du [mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, figurant à l’annexe 2 de l’accord instituant l’OMC], n’a pas examiné la question ».

110 Partant, l’organe d’appel a voulu éviter que, lorsqu’une partie, dans sa demande d’établissement d’un groupe spécial, a omis de soulever avec la clarté requise la question du respect par l’autorité compétente des obligations procédurales prévues à l’article 6 de l’accord antidumping, relatives au traitement confidentiel et aux droits de la défense, elle puisse pallier cette omission en soutenant que l’appréciation de la violation des dispositions de fond dont elle a valablement saisi ce groupe inclut l’examen du respect de ces obligations procédurales.

111 Il s’ensuit que le rapport sur les profilés et les poutres ne peut pas être interprété comme consacrant un principe général selon lequel une autorité compétente peut en toute circonstance utiliser des informations confidentielles.

112 En l’espèce, il est constant que Solutia Europe s’est opposée à la divulgation des données concernant Solutia Tlaxcala et qu’elle n’a pas fourni à la Commission un résumé non confidentiel de ces données. Ainsi, en vertu de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission pouvait écarter ces données, sauf si elle pouvait les obtenir par d’autres sources.

113 À ce sujet, la requérante fait valoir que les données relatives à Solutia Tlaxcala sont disponibles dans la base Dun&Bradstreet, accessible sur abonnement. Il importerait peu que la Commission ait fait le choix de ne s’abonner qu’à la base Orbis.

114 Il y a lieu de constater que, dans ses observations sur l’information finale, la requérante a appelé l’attention de la Commission sur le fait que la base Dun&Bradstreet contenait des données aisément disponibles portant sur Solutia Tlaxcala et a inséré un hyperlien dans le passage pertinent de ces observations, tout en précisant que ces données étaient accessibles moyennant le paiement de droits d’accès.

115 Il résulte des réponses des parties principales à des questions écrites posées par le Tribunal que l’hyperlien indiqué par la requérante ne permettait pas d’avoir accès aux données de Solutia Tlaxcala contenues dans la base Dun&Bradstreet.

116 Par ailleurs, dans ses observations sur l’information finale, la requérante s’était bornée à indiquer qu’il existait une preuve « prima facie » de la possibilité d’obtenir les données de Solutia Tlaxcala dans la base Dun&Bradstreet.

117 Il s’ensuit que la requérante elle-même n’avait pas eu accès à ces données, de sorte qu’elle ignorait le degré de détail de celles-ci et la période qu’elles couvraient.

118 Dès lors, c’est à juste titre que, au considérant 230 du règlement attaqué, la Commission a refusé d’utiliser ces données.

119 S’agissant des arguments de la requérante tirés de la violation du devoir de diligence, dès lors que celle-ci invoque les principes résultant de la jurisprudence relative à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans sa version antérieure au règlement 2017/2321, qui seraient applicables par analogie, il y a lieu de rappeler les termes de cette disposition, qui se lit comme suit :

« Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché […], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris l’Union, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans l’Union pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix […] »

120 Selon la jurisprudence relative à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans sa version antérieure au règlement 2017/2321, le choix du « pays analogue » en vertu de cette disposition s’inscrit dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune, en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, C 436/18 P, EU:C:2019:643, point 30 et jurisprudence citée). L’exercice du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, lors du choix de ce pays, est soumis au contrôle juridictionnel. En effet, il incombe au juge de l’Union de vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il convient de vérifier si ces institutions n’ont pas omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier ont été examinés avec toute la diligence requise pour qu’il puisse être considéré que la valeur normale du produit concerné a été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 29 mai 1997, Rotexchemie, C 26/96, EU:C:1997:261, points 10 à 12 ; du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C 687/13, EU:C:2015:573, point 51, et du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T 675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 31 et jurisprudence citée).

121 En dépit des différences qui existent entre l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base et son ancien article 2, paragraphe 7, sous a), ces principes sont applicables par analogie en l’espèce, ainsi que le soutient la Commission.

122 En l’espèce, premièrement, la requérante fait valoir que la Commission a accepté les données relatives à Ilkalem, en dépit du fait que, pendant la période d’enquête, cette société était déficitaire en raison de charges financières exceptionnelles et que, dès lors, il était nécessaire d’opérer des ajustements sur la base des chiffres portant sur les trois exercices financiers précédents. L’acceptation de ces données serait en contradiction avec le fait que la Commission ait refusé les données relatives à Wyn, au motif que celles-ci couvraient une période qui ne coïncidait pas avec celle visée par son enquête. Ce serait donc à tort que la Commission aurait préféré les données d’Ilkalem à celles de Wyn ainsi qu’à celles de Solutia Tlaxcala, qui seraient non seulement « aisément disponibles », mais aussi intégrales et complètes.

123 Il y lieu de relever que la requérante ne conteste pas la réalité des considérations figurant dans le règlement attaqué, en vertu desquelles la Commission a exclu de se fonder sur les données relatives à Wyn, au motif que celles-ci ne portaient pas sur la période d’enquête et montraient que cette société n’avait pas fait de bénéfice en 2017 (voir point 82 ci-dessus). La requérante se borne à soutenir que cette exclusion contraste avec le fait que la Commission a accepté les données portant sur Ilkalem. Toutefois, il y a lieu de constater que ces dernières données, contrairement à celle relatives à Wyn, étaient disponibles pour l’année 2018 en entier, de sorte qu’elles couvraient au moins une partie de la période d’enquête. En outre, ces données montraient également qu’Ilkalem avait réalisé des bénéfices pendant les trois années précédentes et que l’absence de bénéfice en 2018 était due à des dépenses financières particulièrement élevées, que la Commission a qualifiées d’exceptionnelles. Or, la requérante n’a pas contesté le bien-fondé de cette qualification, pas plus qu’elle n’a démontré que les ajustements opérés par la Commission aux données d’Ilkalem de 2018 afin de contrebalancer l’effet de ces dépenses exceptionnelles n’étaient pas appropriés.

124 Eu égard au large pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission en l’espèce quant au choix du pays représentatif approprié (voir points 120 et 121 ci-dessus), la requérante, pour que son moyen puisse être accueilli, doit apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans le règlement attaqué (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T 607/15, EU:T:2019:831, point 110 et jurisprudence citée).

125 Partant, il y a lieu de rejeter le présent argument de la requérante.

126 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission aurait dû à tout le moins effectuer une distinction entre, d’un côté, les données concernant les valeurs de substitution des facteurs de production (ci-après les « valeurs de substitution ») et, de l’autre, celles portant sur les frais VAG et sur la marge bénéficiaire. Les données d’Ilkalem seraient utiles uniquement pour ces derniers éléments, dès lors que les valeurs de substitution pourraient être obtenues auprès de sources publiques, notamment de la base de données Global Trade Atlas, qui contiendrait ces valeurs pour les matières premières mexicaines. La requérante signale que la Commission a déjà utilisé des données émanant de sources différentes dans une enquête antidumping, tout comme l’auraient fait les autorités des États-Unis d’Amérique.

127 Or, il y a lieu de relever que la requérante se borne à affirmer que la base de données Global Trade Atlas contient les valeurs de substitution relatives au Mexique, mais n’explique pas en quoi ces valeurs seraient plus pertinentes que celles portant sur la Turquie. A fortiori, elle ne démontre pas qu’il était manifestement erroné d’utiliser les valeurs de substitution turques.

128 En outre la requérante ne précise pas en quoi il serait manifestement erroné de retenir les données afférentes à un seul et même pays tiers tant pour les valeurs de substitution que pour les frais VAG et la marge bénéficiaire.

129 La requérante invoque la pratique de la Commission, qui démontrerait que celle-ci a déjà utilisé des données émanant de sources différentes, ainsi que la pratique des autorités des États-Unis d’Amérique, confirmée par les juridictions compétentes.

130 Toutefois, d’une part, selon la jurisprudence, la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur le fondement de la prétendue pratique décisionnelle antérieure des institutions de l’Union [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 10 février 2021, RFA International/Commission, C 56/19 P, EU:C:2021:102, point 79 ; du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T 300/03, EU:T:2006:289, point 45, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 107].

131 D’autre part, quant à la pratique des autorités des États-Unis d’Amérique, il y a lieu de relever que cette pratique ne peut porter que sur l’application du droit des États-Unis d’Amérique, dont les dispositions ne coïncident pas nécessairement avec celles du règlement de base, telles qu’interprétées par la Cour et par le Tribunal. Dès lors, quand bien même cette pratique porterait sur une situation factuelle et juridique comparable à celle en cause en l’espèce, ce que la requérante n’a pas établi, elle ne saurait lier le Tribunal.

132 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent argument de la requérante.

133 Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Mexique présente un niveau de protection sociale et environnementale plus élevé que celui de la Turquie, il y a lieu de relever que, selon le libellé même de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), premier tiret, du règlement de base, la question du niveau de ces protections ne se pose que « lorsqu’il existe plusieurs pays représentatifs appropriés ».

134 Or, dès lors que, en l’espèce, la Commission était fondée à considérer qu’il existait des données pertinentes sur les frais VAG et sur la marge bénéficiaire seulement pour la Turquie, et non pour le Mexique, elle pouvait à juste titre conclure, aux considérants 221 et 226 du règlement attaqué, que la Turquie était le seul pays représentatif approprié et que, en conséquence, la question du niveau de protection sociale et environnementale ne se posait pas.

135 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 18 du règlement de base

136 La requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission, pour calculer la valeur normale des produits fabriqués par elle, a utilisé les données disponibles au sens de l’article 18 en ce qui concerne les facteurs de production autoproduits, tels que la vapeur et l’électricité, en dépit du fait qu’elle avait coopéré au mieux de ses possibilités, en répondant au questionnaire de la Commission.

137 Selon la requérante, la Commission, qui lui reproche de ne pas avoir attribué au produit concerné par l’enquête une part des coûts relatifs aux intrants dont elle a besoin pour les facteurs de production autoproduits qu’elle utilise pour produire ses PVAL, n’a pas tenu compte du fait que cette attribution est impossible, en raison des caractéristiques du procédé de production de ses PVAL.

138 Par ailleurs, dès lors que la requérante aurait coopéré avec la Commission au mieux de ses possibilités, cette dernière aurait été tenue, en vertu de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, de prendre en compte les informations qu’elle lui avait fournies et n’aurait pas été en droit d’utiliser les données disponibles au sens de cet article.

139 La Commission, soutenue par Sekisui, conteste les arguments de la requérante.

140 Il convient de rappeler les termes des dispositions pertinentes de l’article 18 du règlement de base, consacré au « [d]éfaut de coopération », qui sont libellées comme suit :

« 1. Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement, ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles.

[…]

3. Lorsque les informations présentées par une partie intéressée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

[…] »

141 Pour comprendre la raison d’être de l’article 18 du règlement de base, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice établi. Dans la mesure où aucune disposition du règlement de base ne confère à la Commission le pouvoir de contraindre les parties intéressées à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, cette institution est tributaire de la coopération volontaire de ces parties pour lui fournir les informations nécessaires. Dans ce contexte, il découle du considérant 27 du règlement de base que le législateur de l’Union a estimé « nécessaire de prévoir que, à l’égard de parties qui ne coopèrent pas d’une manière satisfaisante, d’autres renseignements peuvent être utilisés aux fins des déterminations et que ces renseignements peuvent être moins favorables auxdites parties que dans le cas où elles auraient coopéré ». Ainsi, l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties intéressées refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante. Dès lors, étant donné qu’elles sont tenues de coopérer au mieux de leurs possibilités, les parties intéressées doivent fournir toutes les informations dont elles disposent et que les institutions estiment nécessaires afin d’établir leurs conclusions [voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C 61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 à 56].

142 Le règlement de base ne définit pas ce qu’est une information « nécessaire » au sens de son article 18, paragraphe 1.

143 Selon la jurisprudence, il découle des termes, du contexte et de la finalité de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base que la notion d’« informations nécessaires » renvoie aux renseignements détenus par les parties intéressées que les institutions de l’Union leur demandent de fournir afin d’établir les conclusions qui s’imposent dans le cadre d’une enquête antidumping [voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C 61/16 P, EU:C:2017:968, point 57].

144 Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l’article 18 du règlement de base constitue la transposition en droit de l’Union du contenu de l’article 6.8 ainsi que de l’annexe II de l’accord antidumping (ci-après l’« annexe II »), à la lumière desquels il doit être interprété dans la mesure du possible (voir, par analogie, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T 633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 40 et jurisprudence citée).

145 Aux termes de l’article 6.8 de l’accord antidumping, il est prévu ce qui suit :

« Dans les cas où une partie intéressée refusera de donner accès aux renseignements nécessaires ou ne les communiquera pas dans un délai raisonnable, ou entravera le déroulement de l’enquête de façon notable, des déterminations préliminaires et finales, positives ou négatives, pourront être établies sur la base des données de fait disponibles. Les dispositions de l’[a]nnexe II seront observées lors de l’application du présent paragraphe. »

146 L’article 5 de l’annexe II correspond à l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, dès lors qu’il prévoit ce qui suit :

« Le fait que les renseignements fournis ne sont pas idéalement les meilleurs à tous égards ne saurait donner valablement motif de les ignorer aux autorités, à condition que la partie intéressée ait agi au mieux de ses possibilités. »

147 Il convient de relever que l’annexe II est « incorporé[e] par référence dans l’article 6.8 » de l’accord antidumping [rapport de l’organe d’appel relatif au différend « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 23 août 2001 (WT/DS 184/AB/R, point 75)] et que les dispositions de cette annexe sont impératives, en dépit du fait qu’elles sont souvent formulées au conditionnel [rapport du groupe spécial « États-Unis – Mesures antidumping et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde », adopté par l’ORD le 29 juillet 2002 (WT/DS 206/R, point 7.56)].

148 Selon le rapport du groupe spécial relatif au différend « Corée – Droits antidumping sur les importations de certains papiers en provenance d’Indonésie », adopté par l’ORD le 28 octobre 2005 (WT/DS 312/R, point 7.43), la décision de qualifier ou non une information donnée de nécessaire, au sens de l’article 6.8 de l’accord antidumping, doit être prise à la lumière des circonstances spécifiques de chaque enquête, et non dans l’abstrait. En outre, selon le rapport du groupe spécial relatif au différend « Communautés européennes – Mesure antidumping visant le saumon d’élevage en provenance de Norvège », adopté par l’ORD le 15 janvier 2008 (WT/DS 337/R, point 7.343), doit être considéré comme nécessaire, au sens de la même disposition, un renseignement particulier détenu par une partie intéressée et requis par l’autorité chargée de l’enquête antidumping (ci-après l’« autorité compétente ») afin d’établir ses « déterminations ».

149 Par ailleurs, il a été jugé que les informations relatives aux volumes de production et aux coûts de fabrication du produit concerné par une enquête antidumping étaient manifestement des informations nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base (voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2021, NLMK/Commission, T 752/16, non publié, EU:T:2021:611, point 53).

150 En l’espèce, il résulte des considérants 274, 275 et 317 à 322 du règlement attaqué et des précisions que la Commission a fournies en cours d’instance, en réponse à une question du Tribunal, que celle-ci, pour construire la valeur normale, a eu recours aux données disponibles au sens de l’article 18 pour établir les volumes de consommation des intrants, tels que le charbon et l’eau, que la requérante utilisait pour produire les facteurs de production autoproduits qui intervenaient dans la production de ses PVAL, tels que l’électricité et la vapeur. En effet, la requérante n’avait pas fourni à la Commission les informations dont celle-ci estimait avoir besoin à cette fin.

151 Il n’est pas contesté que les facteurs de production autoproduits ont un rôle non négligeable dans la production des PVAL. Or, ces facteurs de production nécessitent à leur tour des intrants, qui constituent ainsi des coûts que la requérante expose pour produire ses PVAL. Dès lors que la valeur normale en l’espèce a été construite suivant une méthode fondée sur les coûts de production, il y a lieu de constater que la Commission avait besoin de connaître les volumes de consommation de tous les intrants utilisés pour produire les PVAL, y compris donc les intrants nécessaires pour la production des facteurs de production autoproduits.

152 La requérante fait valoir qu’il lui était impossible de fournir les données sollicitées par la Commission, en raison des spécificités de son procédé de production, dont le questionnaire préparé par cette dernière n’a pas tenu compte. En effet, les facteurs de production autoproduits ne seraient pas utilisés uniquement pour produire les PVAL. Elle invoque également le risque de double comptage qui, ainsi qu’elle l’aurait exposé au cours de l’enquête, découle du fait que la vapeur générée par des chaudières à charbon est utilisée, dans un premier temps, pour produire de l’énergie et, dans un second temps, pour produire des PVAL, avec de l’électricité qui n’est donc pas générée directement par le charbon. Dès lors, cette électricité et cette vapeur autoproduites ne seraient pas assimilables à des intrants traditionnels, tels que le charbon. En outre, la requérante souligne que son procédé est une réaction entièrement chimique au cours de laquelle différents ingrédients interagissent et parfois s’absorbent mutuellement, laissant des résidus qui pourront être utilisés à nouveau ou qui se transformeront en d’autres substances.

153 Il y a lieu de rappeler que, selon le considérant 319 du règlement attaqué, la requérante avait « déjà déclaré les intrants nécessaires à la production des facteurs de production autoproduits ». La Commission en tire la conclusion que « ces intrants pouvaient également être attribués au produit soumis à l’enquête ».

154 Il résulte du considérant 319 du règlement attaqué que la requérante avait indiqué à la Commission les intrants qui étaient nécessaires pour produire les facteurs de production autoproduits. Toutefois, la requérante estime ne pas être à même de préciser dans quelle mesure ces facteurs de production autoproduits, et donc les intrants nécessaires pour les produire, peuvent être attribués à la production de PVAL.

155 Il s’ensuit que la requérante conteste, en réalité, le bien-fondé de la méthode que la Commission a utilisée pour construire la valeur normale, en ce que cette méthode a conduit à surestimer la consommation des intrants concernés, qui ont été attribués dans une mesure trop importante à la production des PVAL, alors que les facteurs de production autoproduits n’étaient pas utilisés exclusivement pour produire ceux-ci. Or, cette contestation n’est pas de nature à démontrer qu’il était impossible de fournir les informations demandées par la Commission.

156 Par ailleurs, il convient de relever que, pour éviter que la Commission n’ait recours aux données disponibles au sens de l’article 18, la requérante aurait pu lui communiquer ces informations, sans préjudice de la possibilité de contester sur le fond, y compris devant le Tribunal, l’usage que la Commission en ferait.

157 Partant, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante relatifs à la violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

158 S’agissant de ses arguments portant sur la violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 18 de ce règlement vise, en ses paragraphes 1 et 3, des situations différentes. Ainsi, alors que l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base décrit, de façon générale, des cas dans lesquels les informations qui sont nécessaires aux institutions, aux fins de l’enquête, n’ont pas été fournies, l’article 18, paragraphe 3, de ce règlement envisage les cas dans lesquels les données nécessaires, aux fins de l’enquête, ont été fournies, mais ne sont pas pertinentes, de sorte que les données disponibles ne doivent pas nécessairement être utilisées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T 633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 98 et jurisprudence citée).

159 En l’espèce, la Commission a utilisé les données disponibles au sens de l’article 18 seulement pour remplacer les éléments que la requérante ne lui avait pas fournis, en raison de la prétendue impossibilité de le faire.

160 Par ailleurs, il convient de préciser que l’ampleur des efforts déployés par une partie intéressée pour communiquer certains renseignements n’a pas nécessairement de rapport avec la qualité intrinsèque des renseignements fournis et n’en est, de toute façon, pas le seul élément déterminant. Ainsi, si les renseignements demandés ne sont finalement pas obtenus, la Commission est en droit de recourir aux données disponibles au sens de l’article 18 s’agissant desdits renseignements (voir, par analogie, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T 409/06, EU:T:2010:69, point 104).

161 Étant donné que la requérante n’a pas fourni les éléments que la Commission lui a demandés quant aux intrants des facteurs de production autoproduits, il y a lieu de constater que l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base n’était pas applicable et que la Commission ne pouvait qu’utiliser les données disponibles au sens de l’article 18, pour remplacer ces éléments.

162 En tout état de cause, selon l’organe d’appel, l’article 5 de l’annexe II exige des parties intéressées un degré d’effort très important [rapport de l’organe d’appel relatif au différend « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 23 août 2001 (WT/DS 184, point 102)].

163 Or, il ne saurait être considéré que la requérante ait accompli un tel effort, dès lors qu’elle a refusé de procéder à l’exercice comptable requis par la Commission pour attribuer aux PVAL une part des coûts de production des facteurs de production autoproduits.

164 Partant, il y a lieu d’écarter également les arguments de la requérante relatifs à la violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

165 Dans la réplique, la requérante soutient que la Commission ne lui a pas communiqué en temps utile le « rapport de vérification » qu’elle serait tenue de transmettre à une partie intéressée avant de lui envoyer la lettre par laquelle elle l’informe de son intention d’utiliser les données disponibles au sens de l’article 18. Cette irrégularité procédurale constituerait une violation de ses droits de la défense.

166 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, s’il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait été différente en l’absence de l’irrégularité procédurale en cause, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors que cette partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité, il n’en reste pas moins que l’existence d’une irrégularité se rapportant aux droits de la défense ne saurait conduire à l’annulation de l’acte en cause que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent, portant ainsi atteinte concrètement aux droits de la défense (voir arrêt du 5 mai 2022, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, C 718/20 P, EU:C:2022:362, point 49 et jurisprudence citée).

167 Or, la requérante n’a pas invoqué le moindre élément susceptible de démontrer qu’il n’était pas exclu que la procédure ait pu aboutir à un résultat différent si elle avait reçu le « rapport de vérification » plus tôt.

168 Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent argument de la requérante comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité, contestée par la Commission au motif que celui-ci n’avait pas été invoqué dans la requête.

169 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

170 Par ailleurs, en vertu des considérations exposées au point 69 ci-dessus, le rejet des deuxième et cinquième moyens comme étant non fondés permet d’écarter comme inopérants les troisième et quatrième moyens.

[omissis]

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Inner Mongolia Shuangxin Environment-Friendly Material Co. Ltd supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, par Kuraray Europe GmbH et par Sekisui Specialty Chemicals Europe SL.

3) Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et Wegochem Europe BV supporteront leurs propres dépens.