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Décisions

CA Douai, premier président, 12 février 2024, n° 23/00748

DOUAI

Ordonnance

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Babyzen Distribution (SAS)

Défendeur :

DGCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Château

Avocats :

Me Laforce, Me Jouvel

TJ Lille, JLD, du 23 janv. 2023

23 janvier 2023

EXPOSE DE LA CAUSE

En janvier 2023, la SAS Babyzen Distribution était immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Aix en Provence ayant son siège social, au [Adresse 4] à [Localité 9] a pour objet la commercialisation et la distribution de produits manufacturés dans l'industrie de la puériculture. Elle avait intégré le groupe Stokke France en décembre 2021.

Le 20 janvier 2023, le ministre de l'économie a adressé à M. [C] [P], directeur régional adjoint de la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) des Hauts-de-France une demande d'enquête tendant à établir l'existence de pratiques anti-concurrentielles prohibées par les articles L420-1 du code de commerce et 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne susceptibles d'être mises en œuvre dans le secteur des articles de puériculture.

Par requête du 20 janvier 2023, M. [P] a saisi le juge des libertés du tribunal judiciaire de Lille afin qu'il autorise les enquêteurs habilités par les articles L. 450-1, A. 450-1 et A. 450-2 du code de commerce à procéder aux visites et saisies dans les locaux des entreprises suivantes :

* Columbus trading-partners GMBH & CO. KG, établissement secondaire et unique sur le territoire national français, [Adresse 11] ;

mais aussi

* Stokke France, siège social [Adresse 4] ;

* Babyzen distribution, siège social [Adresse 4] ;

* Outlander, siège social [Adresse 2] ;

* domicile de Mme [Z] [I] [XW], situé [Adresse 1], country manager France chez Stokke Babyzen ;

* Aubert France, siège social [Adresse 6] ; 

* Neworch, enseigne Orchestra, siège social [Adresse 19] ;

* France maternité enseigne BEBE9, siège social [Adresse 8] ;

* Vert Baudet, siège social [Adresse 3] ;

Il exposait notamment que :

- le 5 juin 2019, un ancien salarié de la société Columbus, employé au sein de l'établissement français de cette dernière, a saisi les services de la DGCCRF et a souhaité signaler une infraction ou un manquement, en indiquant qu'il lui était reproché de ne pas appeler ses clients pour leur faire remonter les prix de ventes et que le directeur France demandait de bloquer les livraisons des clients qui ne respectaient pas les prix de vente définis par lui-même et la direction en Allemagne ; il confirmait ses propos lors de son audition du 25 juin 2019 par la DCCCRF, précisant que M. [F], directeur général France de Cybex, demandait à ses commerciaux, suite à des difficultés multiples au sujet des prix avec les enseignes Aubert, Bébé9, Autour de bébé et Babylux de « faire remonter les prix à une date fixe pour que tout le monde remonte en même temps et avec ordre de menacer le client de rupture de livraison en cas de refus de remonter le prix »; un système visant au strict respect des consignes tarifaires avait été mis en place par la création de groupes sur le réseau de communication Whatsapp des téléphones des équipes commerciales du fournisseur ;

- ces allégations ont été confirmées par des revendeurs de la marque Cybex et notamment le 3 mars 2022 par la représentante de Babyboo France, le 9 mars 2022 par la représentante de la société Inter-praticien indépendante qui exploite le magasin à enseigne Bébécash [Localité 17], le 7 avril 2022 par le représentant du groupe LDLC, qui exploite les magasins à l'enseigne « l'armoire de bébé », le 23 septembre 2022 par deux représentants de la société Natal développement, qui exploite six magasins sous l'enseigne Natal Market à [Localité 17] et [Localité 14], et qui ont produit des SMS échangés les 27 novembre 2019, 23 juin 2022 et 15 septembre 2022 avec Colombus à ce sujet;

- les déclarations recueillies en 2022 par les enquêteurs de la DGCCRF auprès de revendeurs de produits Babyzen et Stokke font état de pratiques similaires à savoir un contrôle strict des prix chez les revendeurs afin qu'ils respectent les prix de référence et ce par les biais des commerciaux, les produits de la société Stokke étant commercialisés en France par la société Stokke France et ceux de la société Babyzen par la société Babyzen Distribution, les sociétés du groupe Babyzen, dont Babyzen Distribution ayant intégré le groupe Stokke en décembre 2021, le groupe Stokke ayant mis fin aux contrats de distribution avec les revendeurs connus pour déroger à la politique d'uniformisation des prix de vente ;

- l'analyse comparative des relevés de prix opérés par les agents de la DGCCRF le 28 octobre 2022 sur des produits de marque cybex, stokke, babyzen, sur les sites internet de 22 revendeurs sur une centaine de produits et modèles fait apparaître les mêmes prix de vente à un euro prêt.

Par ordonnance du 23 janvier 2023, le juge des libertés de Lille a :

- autorisé M. [C] [P] à procéder ou à faire procéder, dans les locaux des entreprises suivantes, aux visites et aux saisies prévues par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce et 101 du traité fondateur de l'Union Européenne (ci-après TFUE) dans le secteur des articles de puériculture, ainsi que toute manifestation de ces comportements prohibés :

* Columbus trading-partners GMBH 1 CO. KG, établissement secondaire et unique sur le territoire national français, [Adresse 11] ;

* Stokke France, siège social [Adresse 4] ;

* Babyzen distribution, siège social [Adresse 4] ;

* Outlander, siège social [Adresse 2] ;

* domicile de Mme [Z] [I] [XW], situé [Adresse 1] ;

* Aubert France, siège social [Adresse 6] ;

* Neworch, enseigne Orchestra, siège social [Adresse 19] ;

* France Maternité enseigne BEBE9, siège social [Adresse 8] ;

* Vert Baudet, siège social [Adresse 3] ;

- autorisé par ailleurs ces mêmes opérations dans les locaux des entreprises des mêmes groupes qui seraient situés aux mêmes adresses ;

- lui a laissé le soin de désigner parmi les enquêteurs habilités par les articles L. 450-1, A. 450-1 et A. 450-2 du code de commerce, ceux placés sous son autorité pour effectuer les visites et saisies autorisées ;

- constaté le concours à lui apporter en tant que de besoin du chef du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la Direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d''Ile-de-France, des chefs de pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) d'Auvergne-Rhône-Alpes, du Centre-Val-de-Loire, de Normandie, de Nouvelle-Aquitaine, de Bourgogne-Franche-Comté, de Grand-Est, de Bretagne, de Corse, d'Occitanie, des Pays-de-la-Loire, de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la directrice de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) d'Indre-et-Loire et de la cheffe du Service national des enquêtes de la DGCCRF, qui désigneront, parmi les agents mentionnés aux articles L. 450-1, A. 450-1 et A. 450-2 du code de commerce placés sous leur autorité, ceux chargés d'effectuer les visites et saisies autorisées ;

- indiqué que pour assister aux opérations de visite et de saisie et le tenir informé de leur déroulement, les chefs de service ci-après nommeront les officiers de police territorialement compétents qui pourront agir de concert ou séparément :

* commissaire de police [D] [Y], chef du commissariat de police de [Localité 12] ;

* major [O] [K], commandant de brigade adjoint à [Localité 16] ;

* [X] [E], commissaire de police, chef de la sûreté urbaine d'[Localité 9] ;

* commandante [L] [G], cheffe de la brigade mobile de recherche zonale Nord ;

* capitaine [RB] [R], commandant de la brigade de [Localité 15] ;

* capitaine [T] [N], compagnie de [Localité 18] commandant de compagnie de gendarmerie départementale adjoint ;

* [W] [B], commissaire divisionnaire, chef de la division Ouest de [Localité 10] ;

' dit que les occupants des lieux ou leurs représentants peuvent faire appel à un conseil de leur choix sans que cela n'entraîne la suspension des opérations de visite et de saisie ;

' indiqué que les entreprises visées par la présente ordonnance peuvent à compter de la date de l'opération de visite et de saisie dans les locaux consulter la requête et les documents susvisés au greffe de notre juridiction ;

- indiqué que les entreprises visées par l'ordonnance peuvent en application de l'article L. 450-4 sixième alinéa du code de commerce interjeter appel de celle-ci devant le premier président de la cour d'appel de Douai suivant les règles prévues par le code de procédure pénale, que cet appel est formé par déclaration au greffe du tribunal judiciaire de Lille dans un délai de 10 jours à compter de la notification de l'ordonnance ; que l'appel n'est pas suspensif ; que l'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; que les pièces saisies sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive ;

- indiqué qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 450-4 du code de commerce, le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel de Douai, suivant les règles prévues par le code de procédure pénale ; que ce recours est formalisé par déclaration au greffe du tribunal judiciaire de Lille dans un délai de 10 jours à compter de la remise du procès-verbal de visite et saisie ; que le recours n'est pas suspensif ; que l'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible de pourvoi en cassation selon les règles du code de procédure pénale ; que les pièces sont conservées jusqu'à ce qu'une décision soit devenue définitive ;

-' dit que l'ordonnance sera caduque si les opérations de visite et de saisie ne sont pas effectuées avant le 2 mai 2023.

Les opérations de visite et saisies se sont déroulées le 2 février 2023 au siège social de la SAS BABYZEN DISTRIBUTION [Adresse 5] à [Localité 9].

Par déclaration au greffe du tribunal judiciaire de Lille de Maître Laforce, avocat au barreau de Douai, en date du 10 février 2023, la SAS BABYZEN DISTRIBUTION a interjeté appel de cette ordonnance.

A l'audience du 16 octobre 2023 à laquelle cette affaire a été appelée et retenue,

La SAS BABYZEN DISTRIBUTION représentée par Maître Maxence Jonvel avocat plaidant, demande à la présente juridiction au visa des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles L 450-3 et L450-4 du code de commerce de :

- constater que l'objet de l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention de Lille a un objet trop général et imprécis,

- constater que le recours à des opérations de visites et saisies sur le fondement de l'article L 450-4 du code de commerce au siège social de la société BABYZEN DISTRIBUTION était disproportionné,

- constater que le juge des libertés et de la détention de Lille n'a pas contrôlé de manière effective le bien fondé de la requête présentée par la DREETS,

En conséquence,

- annuler l'ordonnance rendue le 23 janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lille,

- par conséquent, annuler tous les actes d'enquête subséquents et notamment les opérations de visites et de saisies qui ont eu lieu le 2 et 3 février 2023 dans ses locaux,

- ordonner la restitution de l'ensemble des documents saisis et de leurs éventuelles copies dans un délai de 10 jours à compter de « l'arrêt » rendu par Monsieur le président,

- ordonner la suppression de toute référence aux pièces litigieuses et en interdire toute utilisation ou exploitation subséquente.

La DGCCRF représentée par M. [C] [P], substitué à l'audience par Mme [YT] [V], munie d'un pouvoir, demande à la présente juridiction de :

- dire et juger mal fondé l'appel formé par la SAS BABYZEN DISTRIBUTION à l'encontre de l'ordonnance,

- débouter la SAS BABYZEN DISTRIBUTION de toutes ses demandes,

- confirmer la validité de l'ordonnance du 23 janvier 2023,

- condamner en conséquence la SAS BABYZEN DISTRIBUTION aux entiers dépens.

Les moyens développés par la SAS BABYZEN DISTRIBUTION et par la DGCCRF à l'appui de leurs demandes seront repris dans le cadre de la motivation de la présente décision.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le caractère trop général et imprécis du champ de l'autorisation

Rappelant que les opérations de visites et saisies autorisées à l'article L 450-4 du code de commerce constituent des mesures d'enquêtes exceptionnelles dès lors qu'elles portent atteinte au principe d'inviolabilité du domicile protégé par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la SAS BABYZEN DISTRIBUTION reproche au juge des libertés de Lille le caractère trop général et imprécis de son autorisation donnée à l'administration à procéder ou faire procéder à des opérations de visite et saisie afin de rechercher les agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE dans le secteur de la puériculture, alors qu'une telle autorisation ne peut être donnée que lorsqu'une pratique précise est soupçonnée sur la base d'éléments concrets, qui n'existent pas en l'espèce, l'administration s'étant contentée d'affirmer que les pratiques constatées chez Colombus seraient transposables d'un réseau de distribution à un autre et a obtenu que le champ d'enquête soit artificiellement étendu à la recherche de preuves d'une entente horizontale alors qu'il n'existe aucun élément matériel permettant de fonder une présomption suffisante à son égard.

L'administration considère quant à elle que l'ordonnance détermine le champ de recherches de façon suffisamment précise, que la détermination du champ de l'enquête est parfaitement justifiée et que l'ordonnance est dûment motivée concernant l'autorisation des visites des locaux de BABYZEN DISTRIBUTION.

Sur ce,

si l'article 8 de la convention visée ci-dessus dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, la DGCCRF fait justement observer que l'article 8-2 de cette même convention précise qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Or, il résulte de l'article L 450-4 du code de commerce dans sa version en vigueur issue à l'article 2 de l'ordonnance n°2021-649 du 26 mai 2021, qui n'est nullement contraire à ces dispositions, que :

« Les agents mentionnés à l'article L. 450-1 ne peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents et de tout support d'information que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'économie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur proposition du rapporteur, sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Ils peuvent également, dans les mêmes conditions, procéder à la pose de scellés sur tous locaux commerciaux, documents et supports d'information dans la limite de la durée de la visite de ces locaux. Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention compétents.

Le juge vérifie que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. Lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée. »

En l'espèce, la SAS BABYZEN DISTRIBUTION ne soulève pas l'absence d'éléments suffisants permettant de présumer un comportement anti-concurrentiel de sa part, quant à son comportement pour imposer auprès de ses revendeurs un prix de revente des matériels de puériculture.

Il sera toutefois précisé que les mesures prises par la SAS BABYZEN DISTRIBUTION pour que leurs distributeurs respectent les prix de vente qu'elle fixe, ressortent des auditions de Mme [A], représentante de la société OMD Orchestra en date du 28 juillet 2017 (annexe 13), Mme [S], gérante de la société Baby's Home en date du 15 février 2022, (annexe17), M. [WJ], directeur des opérations de la société Pepas Womb en date du 2 mars 202 (annexe 21), Mme [AZ], représentante de Babyboo France en date du 3 mars 2022, (annexe 6) de Mme [CX] [J], représentante de la société Inter-Praticien exploitant un magasin à l'enseigne Bébécasch à [Localité 17], en date du 9 mars 2022, (annexe 7), M. et Mme [H], exploitant le réseau de boutiques sous l'enseigne Natal Market en date du 23 septembre 2022, lesquels ont produit les SMS adressés par Mme [M] [U] de la société Babyzen (annexes 20 et 43). L'administration a par ailleurs versé aux débats un relevé comparatif de prix des produits de la collection YOYO (poussettes et accessoires de poussettes) qui fait apparaître des prix identiques à l'euro prêt quelque soit le distributeur (annexes 25 et 67).

Les revendeurs faisaient état également de ces pratiques étaient également celles des autres sociétés vendant des produits de puériculture à savoir les sociétés Colombus Trading-Partners, Stokke France et Outlander,

Au vu de ces éléments, le juge des libertés était fondé à conclure que les éléments tels que décrits ci-dessus peuvent s'analyser comme un ensemble de pratiques permettant de présumer une entente entre chaque fournisseur visé et les revendeurs de leurs réseaux de distribution respectifs mais aussi entre les fournisseurs eux-mêmes, pratiques prohibées par les articles L 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE.

Il est donc cohérent que dans le dispositif de son ordonnance, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille autorise l'administration à procéder ou faire procéder à des opérations de visite et saisie au sein des locaux de la SAS BABYZEN DISTRIBUTION afin de rechercher des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE, le champ de l'autorisation n'étant ni vague, ni imprécis au regard de la motivation.

Ce premier moyen relatif à l'imprécision et au caractère général de l'autorisation ne sera pas en conséquence retenu.

2. Sur le caractère disproportionné du recours à une visite domiciliaire

Le juge des libertés et de la détention de Lille a bien motivé les raisons pour lesquelles les dispositions de l'article L 450-3 du code de commerce n'étaient pas suffisantes et a autorisé les opérations de visite et saisie en application de l'article 450-4 du même code, en indiquant que les actions concertées, conventions ou ententes qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence en faisant obstacle à la libre détermination des prix en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse et au libre exercice de la concurrence dans le secteur des articles de puériculture sont établies selon des modalités secrètes et que les documents nécessaires à la preuve desdites pratiques sont vraisemblablement conservés dans des lieux ou sous forme qui facilitent leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification.

La SAS BABYZEN DISTRIBUTION reproche au juge des libertés de Lille d'avoir usé d'une formulation générale qui ne comporte aucune référence aux éléments précis de l'enquête et d'avoir reproduit intégralement la motivation de la requête ce qui traduit une absence de contrôle effectif.

Le simple fait pour le juge des libertés d'avoir usé de la même rédaction que celle de la requête pour motiver le caractère proportionné du recours aux dispositions de l'article 450-4 du code de commerce n'est pas un moyen suffisant pour conclure à l'absence de contrôle effectif.

Il sera rappelé que la visite domiciliaire autorisée dans les locaux de la société BABYZEN DISTRIBUTION n'est qu'une des neuf autorisations données par le juge des libertés de Lille de visites domiciliaires devant se dérouler au sein de huit sociétés, quatre fabricants de matériel de puériculture dont BABYZEN DISTRIBUTION et quatre revendeurs situés sur toute la France, outre la visite domiciliaire au domicile de Mme [XW], de sorte que le recours aux dispositions de l'article 450-4 du code de commerce était bien proportionné, les agents de l'administration devant intervenir simultanément sur l'ensemble des lieux.

3. Sur l'insuffisance du contrôle par le juge des libertés et de la détention du bien fondé de la requête

Aucun élément ne permet de connaître l'heure à laquelle la requête a été déposée le vendredi 20 janvier 2023 et celle à laquelle l'ordonnance a été rendue le 23 janvier 2023, de sorte que c'est sur une simple hypothèse que la société BABYZEN DISTRIBUTION prétend que le juge n'a disposé que d'un jour ouvré, alors que rien ne permet d'écarter qu'il ait disposé de deux jours ouvrés, étant précisé par ailleurs qu'il est courant qu'un magistrat travaille également le week-end et que les juge des libertés de Lille, comme il l'a été indiqué à l'audience du 16 octobre 2023 sont des magistrats qui occupent à plein temps ses fonctions.

Ne peut donc être retenu le moyen avancé par la société Stokke selon lequel le juge des libertés de Lille n'aurait pas procédé à un contrôle réel et effectif de la requête, ce moyen d'annulation de l'ordonnance étant lui aussi rejeté.

4. Conclusion

La SAS BABYZEN DISTRIBUTION sera en conséquence déboutée de toutes ses prétentions d'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille du 23 janvier 2023, d'annulation des actes subséquents et notamment des visites et saisies des 2 et 3 février 2023 pour cause d'annulation de l'ordonnance, ainsi que des demandes de restitution de l'ensemble des documents saisis et de suppression de toute référence aux pièces litigieuses. La présente juridiction n'a pas à répondre dans son dispositif, aux quatre demandes formées aux fins de constater, qui ne constituent pas des prétentions, étant précisé qu'il a été répondu dans la motivation de la décision à ces trois moyens sur lesquels étaient basées les demandes d'annulation, de restitution et de suppression.

PAR CES MOTIFS

Déboute la SAS BABYZEN DISTRIBUTION de ses demandes :

- d'annulation de l'ordonnance rendue le 23 janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lille,

- d'annulation par voie de conséquence de tous les actes d'enquête subséquents et notamment les opérations de visites et de saisies qui ont eu lieu le 2 et 3 février 2023 dans ses locaux,

- de restitution de l'ensemble des documents saisis et de leurs éventuelles copies dans un délai de 10 jours à compter de « l'arrêt » rendu par Monsieur le président,

- de suppression de toute référence aux pièces litigieuses et en interdire toute utilisation ou exploitation subséquente,

Confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Lille du 23 janvier 2023,

Condamne en tant que de besoin la SAS BABYZEN DISTRIBUTION aux dépens de l'instance.