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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 13 février 2024, n° 22/04380

BORDEAUX

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Institut National de la Propriété Industrielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poirel

Conseillers :

Mme Heras de Pedro, M. Breard

Avocats :

Me Esseul, Me Greze

Bordeaux, 1re ch. civ., du 23 août 2022,…

23 août 2022

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [H] [F] a déposé, le 11 janvier 2022 à l'INPI, une demande d'enregistrement de marque n°22/4832938, portant sur le signe verbal 'Etick', présenté comme destiné à distinguer les produits suivants : 'huiles essentielles ; cosmétiques'.

L'Institut a notifié au déposant, le 12 avril 2022, un refus provisoire d'enregistrement l'avisant que l'objet de sa demande était susceptible de tomber sous le coup des dispositions des articles L.711-1 et L.711-2 2° et 3° du code de la propriété intellectuelle, aux motifs que le signe déposé n'était pas de nature à distinguer les produits visés de ceux d'une autre provenance et qu'il pouvait servir à en désigner une caractéristique.

Le 15 juillet 2022, le déposant a présenté ses observations.

Par décision du 23 août 2022, l'INPI a rejeté la demande d'enregistrement.

Par déclaration enregistrée au greffe le 23 septembre 2022, M. [H] [F] a formé un recours contre cette décision rendue et par conclusions déposées le 14 décembre 2022, il demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé l'appel formé par Monsieur [H] [F] à l'encontre de la décision de Monsieur le directeur général de l'institut national de la propriété industrielle, notifiée le 23 août 2022, de rejet de la demande d'enregistrement de la marque verbale « Etick » pour les produits suivants «huiles essentielles ; cosmétiques » enregistrée sous le numéro n°22/4832938,

- juger que la marque verbale Etick est distinctive et n'est pas descriptive pour les produits visés dans l'enregistrement,

En conséquence,

- annuler la décision de Monsieur le directeur général de l'institut nationale de la propriété industrielle, notifiée le 23 août 2022 de rejet de la demande d'enregistrement de la marque verbale « Etick » pour les produits suivants « huiles essentielles ; cosmétiques » enregistrée sous le numéro n°22/4832938,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par courrier transmis au greffe les 13 juillet 2023, le directeur général de l'INPI a présenté ses observations dans lesquelles il considère notamment que le signe 'Etick', déposé pour désigner des huiles essentielles et des cosmétiques, ne permet pas de distinguer les produits en cause de ceux d'autres entreprises et peut servir à désigner une caractéristique des produits en cause. L'Institut a écarté l'argument du requérant selon lequel l'office européen EUIPO a enregistré la marque européenne 'éthique', dès lors que le public de référence était de langue maternelle anglaise et que l'INPI n'est en tout état de cause pas lié par les décisions de l'EUIPO.

Le 28 novembre 2023, le ministère public a indiqué s'en rapporter.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 19 décembre 2023.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [H] [F] conteste la décision du directeur de L'INPI par laquelle a été rejetée sa demande d'enregistrement de la marque verbale 'Etick'n°22/4832938 portant sur les produits suivants : 'huiles essentielles ; cosmétiques' faisant valoir que :

- le signe 'ETICK' se distingue visuellement du mot 'éthique' qui comporte un 'th' et une terminaison en 'ique', ce qui en fait aux yeux du consommateur d'attention moyenne un signe arbitraire,

- l'entreprise de M. [F] utilise le signe pour la commercialisation de CBD en grande distribution et associe un composant inhabituel en matière de cosmétique à un signe arbitraire pour former le vocable 'CBD Etick' , permettant d'obtenir un effet évocateur,

- le terme 'Etick' est ici un vocable fantaisie, qui en ce qu'il se distingue visuellement et intellectuellement du mot 'éthique', le caractère moral n'y apparaissant pas déterminant, constitue un signe distinctif.

- le terme n'a pas un caractère uniquement descriptif et contrairement à ce que prétend L'INPI, l'éthique demeure une attente marginale des consommateurs moyens ainsi qu'ne atteste une étude du CREDOC,

- enfin, il n'est pas interdit de déposer un signe simplement évocateur d'un produit, voire de ses caractéristiques.

La marque a selon les dispositions de l'article L 711-1 du code de la propriété intellectuelle pour fonction essentielle de distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux des autres personnes physiques ou morales et, selon l'article L 711-2, ne peut être valablement enregistrée une marque qui serait dépourvue de caractère distinctif ou composée exclusivement d'éléments pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou service comme notamment, l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de le prestation de service.

Elle ne doit pas non plus être un élément faisant obstacle à la libre concurrence en permettant qu'un seul opérateur économique puisse s'approprier des signes en lien direct avec les produits et services désignés utiles à l'ensemble des opérateurs économiques.

A défaut, selon l'article L 712-7, si le signe déposé ne peut constituer une marque au sens de ces dispositions, la demande d'enregistrement est rejetée en totalité ou en partie.

Le 11 janvier 2022, M. [H] [F] a déposé une demande d'enregistrement de marque portant sur le signe verbal 'Etick' destiné à distinguer les produits suivants : 'huiles essentielles, cosmétiques'.

Or, pour le consommateur moyen, d'attention moyenne, visé par ces produits dits 'de consommation courante' qui constitue le public pertinent, le terme 'Etick' est phonétiquement strictement équivalent au terme 'éthique' lequel fait intellectuellement référence à ce qui respecte des valeurs sociétales morales ou de conduite, qualité de plus en plus recherchée en matière de produits cosmétiques ou d'huiles essentielles en lien avec l'éco responsabilité du commerce et la recherche de produits répondant à un ensemble de critères environnementaux ou sociaux, référence immédiatement perceptible et à laquelle se trouve renvoyé ipso facto ce même consommateur.

La distinction orthographique portant sur la terminaison 'ICK', qui n'a aucune incidence phonétique, ne saurait, contrairement à ce que soutient M. [F], renvoyer le consommateur moyen sur les termes 'Kosmétikê', 'exotique' ou 'ethnique' qui ne sont pas ce que celui-ci entend.

Contrairement à ce que prétend M. [F], le choix du signe Etick pour désigner des cosmétiques ou des huiles essentielles n'apparaît nullement arbitraire faisant au contraire référence à une qualité du produit et le fait que ce signe soit utilisé pour commercialiser des cosmétiques à base de CBD auprès de la grande distribution, n'est pas de nature à modifier la perception de ce terme pour le consommateur moyen.

En effet, l'association du terme CBD, au signe 'Etick', renvoyant au mot 'éthique' ne déroge pas à la perception qu'en a le consommateur moyen, le CBD renvoyant ce même consommateur à un certain mode ou art de vivre où 'l'éthique' n'est pas absente, peu important son utilisation en cosmétique.

De même, l'étude du Credoc parue en 2021, citée par M. [F], selon laquelle 'si la consommation éthique attire la sympathie et suscite une réaction émotive sur le coup elle n'est pas encore importante dans les raisons de consommer', n'ôte en rien au fait que le consommateur moyennement attentif, associe le signe Etick à une qualité du produit que d'ailleurs, selon cette même étude, il connaît et qui attire sa sympathie, même s'il n'a pas encore modifié ses habitudes de consommation en ce sens, ce qui est sans emport sur la qualité à laquelle le renvoie ce signe verbal.

S'il est admis qu'une marque puisse avoir un caractère évocateur, renvoyant le consommateur par simples suggestions à des associations d'idées, tel n'est pas le cas en l'espèce où la qualité recherchée est entièrement contenue dans le signe verbal constituant la marque 'Etick', le signe n'ayant ici intellectuellement aucun caractère évocateur autre que la valeur morale homonyme qu'il sert à désigner.

M. [F] ne saurait davantage arguer d'une procédure d'opposition dont il a fait l'objet du fait d'une marque européenne 'Ethique' enregistrée à l'EUIPO, alors que cette appréciation de l'office Européen qui se réfère à un public de langue maternelle anglaise ne saurait constituer un précédent opposable à l'office français, l'INPI n'étant en aucun cas lié par les objectifs spécifiques poursuivis par l'EUIPO.

De même, l'usage du signe Etick invoqué par M. [F] ne suffit pas à lui conférer plus de distinctivité, dès lors qu'il ne modifie pas l'impression que confère le signe sur une partie significative du public pertinent, n'étant nullement établi que celui-ci identifie les produits ou services concernés comme provenant d'une entreprise déterminée, M. [F] ne produisant strictement aucun élément de nature à déterminer l'intensité, l'étendue géographique et la durée de l'usage du signe en France.

Pas davantage, le fait que M. [F] exploite finalement son signe avec une variante typographique ou de couleur ne saurait inférer sur l'absence de distinctivité du signe.

Dès lors, c'est à bon droit que l'INPI a retenu que ce signe qui renvoie à une qualité du produit ou qui n'a valeur que descriptive ne remplit pas son rôle distinctif ne permettant pas de distinguer les produits en cause de ceux d'autres entreprises.

Le recours de M. [H] [F] est en conséquence rejeté.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Déclare recevable en la forme le recours de M. [H] [F] contre la décision du Directeur de l'INPI en date du 23 août 2022 ayant rejeté sa demande d'enregistrement de la marque verbale 'Etick' pour des huiles essentielles et cosmétiques.

Au fond

Rejette le recours.

Dit que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe et par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties et à M. le directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.