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Décisions

Cass. com., 7 février 2024, n° 22-17.885

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Duhamel, SCP Boucard-Maman

Lyon, du 14 avr. 2022

14 avril 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 avril 2022), le 2 avril 2020, la société Ménager en défauts d'aspects Company (la société MDA Company) a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, les sociétés FHB et AJ Partenaires étant désignées administrateurs judiciaires, et les sociétés [V] [S] et MJ Synergie désignées mandataires judiciaires. La société débitrice a fait l'objet d'un plan de sauvegarde le 15 décembre 2020.

2. La société La Banque postale (la banque), qui avait consenti, le 22 novembre 2017, un prêt contenant une clause de majoration d'intérêts pour toute somme non payée à sa date d'exigibilité, a déclaré à la procédure une créance constituée du capital restant dû et des intérêts à échoir, en ce comprise la majoration. Cette créance a été contestée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société MDA Company et ses mandataires judiciaires font grief à l'arrêt d'admettre la créance de la banque pour son montant déclaré, alors :

« 1°/ que toute stipulation d'un contrat de prêt impliquant l'aggravation des obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde et en l'absence de toute défaillance de sa part dans l'exécution de ses obligations au jour du jugement d'ouverture ne saurait produire d'effets, de sorte que ces frais supplémentaires ne peuvent être inscrits au passif du débiteur sous sauvegarde ; qu'il en est ainsi de la clause portant majoration des intérêts contractuels à la charge de l'emprunteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à son égard et en l'absence de défaillance de sa part dans l'exécution de ses obligations contractuelles au jour du jugement d'ouverture ; qu'en affirmant que la Banque postale était "fondée à voir inscrire au passif de la société MDA Company sa créance principale de 4 317 219 euros, avec le taux contractuel majoré de 4,5 % l'an", au motif que le principe d'interdiction de payer les créances antérieures édicté par l'article L. 622-7 du code de commerce ne s'opposait pas à ce que les intérêts de retard continuent à courir, de sorte qu'ils devaient être déclarés en même temps que le principal en tant qu'intérêts à échoir, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si en l'absence d'exigibilité du prêt ou de défaillance de la société MDA antérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la majoration des intérêts de retard déclarée par la banque ayant pour seule cause l'application du principe d'interdiction des paiements des créances antérieures, qui conduisait à une aggravation de ses obligations du seul fait de sa mise sous sauvegarde, excluait toute admission au passif de tels intérêts majorés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-7 du code de commerce ;

2°/ que toute stipulation d'un contrat de prêt impliquant l'aggravation des obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde et en l'absence de toute défaillance de sa part dans l'exécution de ses obligations au jour du jugement d'ouverture ne saurait produire d'effets, de sorte que ces frais supplémentaires ne peuvent être inscrits au passif du débiteur sous sauvegarde ; qu'il en est ainsi de la clause portant majoration des intérêts contractuels à la charge de l'emprunteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à son égard, peu important le libellé de la clause qui ne réserve pas spécifiquement son application au seul cas de l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en affirmant toutefois que la Banque postale était "fondée à voir inscrire au passif de la société MDA Company sa créance principale de 4 317 219 euros, avec le taux contractuel majoré de 4,5 % l'an", au motif que "même à qualifier cette majoration d'intérêt de clause pénale… il ne peut être retenu qu'elle porte atteinte à l'égalité des créanciers dans la procédure de sauvegarde dès lors que son application n'est pas réservée au seul cas d'ouverture d'une procédure collective", tout en constatant que la société MDA Company n'était pas défaillante avant le prononcé de la sauvegarde, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter la demande de non admission de la créance tenant à l'application de la clause portant majoration des intérêts contractuels et a ainsi violé l'article L. 622-7 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 622-28, alinéa 1er, du code de commerce que le jugement d'ouverture n'arrête pas le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous les intérêts de retard et majoration, résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, la déclaration de la créance portant sur les intérêts à échoir. Selon l'article R. 622-23, 2°, cette déclaration doit indiquer les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté, incluant le cas échéant les intérêts majorés.

5. Si la créance résultant d'une clause de majoration d'intérêt dont l'application résulte du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective ne peut être admise, en ce qu'elle aggrave les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires, tel n'est pas le cas de la clause qui sanctionne tout retard de paiement.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.