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Décisions

CA Versailles, ch civ.. 1-4 construction, 19 février 2024, n° 21/07236

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

RMX - Técnicas de Desenvolvimento e Execução Lda

Défendeur :

Spie Industrie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Vice-président :

Mme Paccioni

Conseiller :

Mme Romi

Avocats :

Me Debray, Me Tendeiro, Me Hongre-Boyeldieu, Me Chevallier-Meric

T. com. Versailles, du 20 oct. 2021, n° …

20 octobre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 janvier 2018, la société RATP a confié à la société Cimlec industrie, (ci-après «Cimlec»), comme titulaire du marché principal, l'exécution des travaux du lot n° 2, portant sur la rénovation d'infrastructures et des supports de câbles de la ligne n° 6 du métro, et ce pour un montant total forfaitaire, global, ferme et définitif de 4 364 013,05 euros HT.

La RATP a passé les commandes successives pour cinq premières zones : Raspail, Trocadéro, Dupleix-Motte-Piquet-Grenelle et Montparnasse.

La société de droit portugais RMX- Tecnicas de desenvolmimento e execucao LDA- (ci-après « RMX ») a présenté à la société Cimlec un devis du 27 mars 2018 d'un montant maximum de 1 792 913 euros HT pour la sous-traitance des travaux de rénovation des supports de câbles de la ligne n° 6 pour sept tronçons. Par acte spécial de sous-traitance du 12 avril 2018 la société RATP a accepté la société RMX comme sous-traitant de la société Cimlec pour le même montant.

Le contrat de sous-traitance entre les sociétés Cimlec et RMX a été signé le 25 mai 2018.

La société Cimlec a signé quatre bons de commande (montant total de 1 206 971,70 euros) auprès de la société RMX pour la réalisation des travaux concernant quatre tronçons de la ligne 6, le premier du 17 mai 2018, le dernier du 30 novembre 2019 : Raspail, Trocadéro, Dupleix-Motte-Piquet-Grenelle et Montparnasse. Elle affirme s'être réservé le tronçon Sèvres-Lecourbe. 

La société RMX aurait constaté différents manquements de la société Cimlec dans le suivi des chantiers et dans la livraison d'équipements et de matériels ayant pour conséquence l'immobilisation des équipes de la société RMX et des retards dans l'avancement des chantiers.

Les factures de la société RMX sont restées impayées pour un montant de 317 248,20 euros HT, au 20 décembre 2019.

Par différents courriers de décembre 2019 et janvier 2020, la société Cimlec a reproché à la société RMX différents manquements à ses obligations contractuelles et l'a mise en demeure de terminer ses prestations sur les différents tronçons.

Par lettre recommandée du 11 février 2020 la société Cimlec a notifié à la société RMX la résiliation unilatérale du contrat de sous-traitance.

Contestant la résiliation du contrat, la société RMX a, par acte du 27 mai 2020 signifié à personne, assigné la société Cimlec aux fins de prononcer la résiliation aux torts de la société Cimlec et de condamnation au paiement du solde des travaux effectués et de dommages-intérêts. La société Cimlec a reconventionnellement réclamé le paiement de pénalités de retard, de frais et de dommages-intérêts.

Par un jugement contradictoire du 20 octobre 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :

- débouté la société RMX de sa demande de résiliation du contrat de sous-traitance aux torts exclusifs de la société Cimlec,

- condamné la société Cimlec à payer à la société RMX la somme de 16 164 euros avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 31 décembre 2018,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté la société RMX de ses autres demandes,

- débouté la société Cimlec de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Cimlec à payer à la société RMX la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Cimlec aux dépens dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 73,22 euros.

Le tribunal a retenu que les fautes de la société RMX dans l'exécution du contrat étaient réelles et suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat à ses torts exclusifs, que plusieurs mises en demeure préalables lui avaient été adressées, que si la société RMX a souffert des défaillances de la société Cimlec dans la fourniture des matériels, elle s'est clairement désintéressée du chantier à compter de décembre 2019 et n'a pas cherché à combler les retards. Il a en conséquence estimé que la société RMX ne pouvait solliciter des dommages et intérêts sur ce fondement.

Concernant le paiement des factures, le tribunal a relevé que deux tronçons n'avaient pas fait l'objet de commande avant la résiliation, que la société RMX ne démontrait pas que la facture R/0177 serait due et que les factures R/0155 à R/0196 avaient été émises pour obtenir l'indemnisation des surcoûts subis du fait des annulations de nuits et donc sur des critères hors contrat et sans justificatifs et qu'elles aient été contestées.

Le tribunal a également retenu que la société Cimlec ne justifiait pas de sa demande reconventionnelle au titre des pénalités de retard ni du calcul appliqué pour sa demande.

La société RMX a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 décembre 2021.

Aux termes de ses conclusions n° 2 remises le 2 mai 2023, la société RMX demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation du contrat de sous-traitance aux torts exclusifs de la société SPIE Industrie, venant aux droits de la société SPIE industrie & tertiaire venant elle-même aux droits de la société Cimlec, en ce qu'il a condamné la société SPIE à lui payer la somme de 16 164 euros avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (ci-après BCE) à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 31 décembre 2018 et ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes, et a condamné la société SPIE à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner que la société SPIE a procédé (sic) à une résiliation irrégulière du contrat de sous-traitance, d'une part, en ne respectant pas le préavis contractuel de résiliation fixé par les stipulations contractuelles et les mises en demeure préalables, car la société SPIE l'avait déjà écartée du chantier avant la notification desdites mises en demeure, et en tout cas, et ce, avant même que le terme de ces mises en demeure ne soit achevé, et d'autre part, en l'empêchant de pouvoir satisfaire auxdites mises en demeure en ne lui permettant pas de pouvoir accéder au chantier en l'absence de réservations des nuits de travail pour elle par la société SPIE qui l'a substitué arbitrairement et personnellement pour ces nuits de travail et également en ne respectant pas le délai de 5 jours de l'article 22 du contrat de sous-traitance en prononçant une résiliation « à effet immédiat » ne lui permettant pas de préserver ses droits,

- d'ordonner (sic) que la société SPIE n'apporte pas la preuve d'une faute suffisamment grave de la société RMX dans l'exécution du contrat de sous-traitance qui justifierait la résiliation à ses torts exclusifs du contrat de sous-traitance, de sorte que la résiliation prononcée par la société SPIE est mal-fondée et injustifiée,

- d'ordonner (sic) que la société SPIE n'apporte aucune preuve qui justifierait un motif de non-paiement des factures émises par la société RMX et restées impayées,

- d'ordonner (sic) que la société défenderesse est irrecevable et mal-fondée au titre de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, non justifiées,

- de prononcer (ou d'ordonner que) (sic) la résiliation du contrat de sous-traitance intervenue de la seule initiative de la société SPIE comme étant irrégulière et injustifiée et mal-fondée, et donc de prononcer (ou d'ordonner que) (sic) la résiliation survenue le 11 février 2020 du contrat de sous-traitance est abusive et doit être prononcée ou ordonner comme aux torts exclusifs de la société SPIE et ce, à l'entier bénéfice de la société RMX,

- de condamner la société SPIE à lui payer les sommes de :

- 24 279,67 euros HT, correspondant à des travaux exécutés dans le cadre des travaux sur le tronçon Trocadéro, au titre du prix initial de la commande passée pour Trocadéro, mais non réglés, alors que la facture R/0177 correspondante a été adressée à la société Cimlec dès le 30 septembre 2019, somme qui devra porter intérêt moratoire de 10 % correspondant au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, et ce, à compter du 30 novembre 2019,

- 32 327,81 euros HT, correspondant à des travaux exécutés dans le cadre des travaux sur le tronçon Raspail, au titre du prix initial de la commande passée pour Raspail, mais non réglés alors que la facture R/0133 correspondante a été adressée à Cimlec dès le 31 octobre 2018, somme qui devra porter intérêt moratoire de 10 % correspondant au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, et ce, à compter du 31 décembre 2018,

- 260 673 euros HT, au titre du prix réel des travaux exécutés, et à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, intégrant des surcoûts d'immobilisation, pour les prestations réalisées, pour l'ensemble des commandes passées, jusqu'au 20 décembre 2019 par la société RMX, somme qui devra porter intérêt moratoire de 10 % correspondant au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, et ce, à compter de 60 jours à compter de la date de réception respective des factures correspondantes n° R155, R160, R165, R167, R184, R185, R190, R193, R194, R195 et R196, soient respectivement à compter du 29 mai 2019 (facture R155), 30 juillet 2019 (facture R160), 28 août 2019 (facture R167), 29 janvier 2020 (factures R 184 et 185), et du 17 mars 2020 (factures R193, 194, 195 et 196) ;

- de condamner la société SPIE à lui payer à titre principal à titre de dommages-intérêts pour son préjudice la somme de 957 717 euros HT au titre de la perte de chiffre d'affaires restant à réaliser au titre du contrat de sous-traitance résilié de manière fautive et abusive par la société Cimlec, somme qui devra porter intérêt moratoire de 10 % correspondant au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, et ce, à compter de 60 jours à compter de la date de résiliation du 11 février 2020, soit le 11 avril 2020, ou subsidiairement de la condamner à lui payer à titre principal à titre de dommages-intérêts pour son préjudice la somme de 371 775,70 euros HT au même titre et dans les mêmes conditions,

- de la condamner à lui payer la somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparation du préjudice d'image commerciale et le préjudice moral subis, somme qui devra porter intérêt moratoire de 10 % correspondant au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, et ce, à compter de 60 jours à compter de la date de résiliation du 11 février 2020, soit le 11 avril 2020,

- de rejeter l'appel incident formé par la société SPIE et toutes demandes reconventionnelles, fins et conclusions et de toute nature, formulées à son encontre,

- de condamner la société SPIE à lui payer la somme de 30 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- d'ordonner que les intérêts moratoires auxquels la société SPIE aura été condamnée, seront également capitalisés, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 (ancien article 1154) du code civil, jusqu'à parfait règlement.

La société RMX fait valoir, sur le fondement des articles 1224 et suivants du code civil, que la résiliation du contrat de sous-traitance était irrégulière, car la société Cimlec n'a pas respecté le préavis contractuel pour résilier et l'a empêchée matériellement de pouvoir satisfaire aux mises en demeure lui ayant été adressées précédemment.

Elle soutient également que la résiliation du contrat par la société Cimlec est mal fondée, car il n'est pas démontré une faute suffisamment grave de sa part qui aurait pu justifier la résiliation.

Elle énonce de fait qu'en vertu de l'article L. 442-1 II du code de commerce et des articles 1217 et 1231-2 du code civil, elle peut se prévaloir d'une indemnisation au titre de la perte de son chiffre d'affaires non réalisé du fait de la résiliation irrégulière et infondée du contrat de sous-traitance.

Elle fait également valoir qu'elle a subi un préjudice d'image commerciale et un préjudice moral, ses dirigeants et personnels ayant été anxieux et préoccupés par cette situation dommageable pour leurs activités et trésorerie.

Elle soutient par ailleurs qu'il subsiste un restant impayé par la société Cimlec justifié par les factures émises.

Elle demande ensuite à ce que les paiements soient assortis des intérêts moratoires de droit en application de l'article L. 441-10 du code de commerce.

La société RMX fait valoir sur la demande incidente et reconventionnelle tendant au remboursement d'un trop perçus au titre de certains tronçons que cette demande est une prétention nouvelle en appel qui est donc irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Elle soutient également que la demande de pénalités de retard n'est pas justifiée comme l'a relevé le tribunal, et énonce que les prétendus frais supplémentaires ne sont pas démontrés et sont, en tous les cas, aux seuls frais de la société Cimlec puisque résultant d'une résiliation pour faute injustifiée. Elle soutient également que la société Cimlec ne justifie pas de son préjudice commercial et moral.

Aux termes de ses conclusions n°3 remises le 12 mai 2023, la société SPIE industrie (ci-après « SPIE »), venant aux droits de la société Cimlec, forme appel incident et demande à la cour :

- de recevoir la société SPIE, venant aux droits de la société Cimlec, en ses conclusions,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la résiliation du contrat de sous-traitance par la société Cimlec était régulière et bien fondée et en ce qu'il a débouté la société RMX de ses demandes de dommages et intérêts et de paiement des factures émises au titre du « coût réel des travaux »,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cimlec à payer la somme de 16 164,00 euros en principal à la société RMX et en ce qu'il a débouté la société Cimlec de ses demandes de paiement des pénalités et de dommages et intérêts,

- de constater que la société RMX ne conteste pas le défaut d'exécution de ses obligations aux termes du contrat de sous-traitance et des commandes passées,

- de dire et juger que la résiliation du contrat de sous-traitance et des commandes aux torts exclusifs de la société RMX est régulière et bien fondée,

- de dire et juger mal fondées les demandes de paiements et de dommages et intérêts de la société RMX,

- de dire et juger que la société SPIE est bien fondée à solliciter le règlement des pénalités de retard,

- de dire et juger que la société RMX est responsable des préjudices subis par la société Cimlec,

- de débouter la société RMX de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- à titre reconventionnel, de condamner la société RMX à lui rembourser les trop perçus au titre des tronçons Raspail, Montparnasse, Trocadéro et Dupleix, soit la somme de 68 100,34 euros,

- de la condamner à lui payer la somme de 1 323 120 euros au titre des pénalités de retard,

- de la condamner à lui payer la somme de 60 698,15 euros au titre des frais engagés,

- de la condamner à lui payer la somme de 46 565 euros au titre du temps passé,

- de la condamner à lui payer la somme de 67 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du surcoût du tronçon Sèvres,

- de la condamner à lui payer la somme de 350 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial et préjudice moral et d'image,

- de la condamner à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- de dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et qu'en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse.

La société SPIE fait valoir que sa résiliation du contrat est régulière et fondée en raison de graves manquements de la société RMX à ses obligations contractuelles parmi lesquels une absence de planification, d'ordonnancement et de préparation des tâches à exécuter et le non-respect des plannings des travaux, l'absence de personnel nécessaire pour réaliser ses prestations, l'absence d'insertion de travailleurs en difficulté, l'absence de vérification et d'autocontrôle des travaux réalisés et la réalisation de travaux non conformes, la remise en cause des termes du contrat s'agissant du prix forfaitaire, la démobilisation puis l'abandon de chantier. Elle fait valoir qu'en raison de ses propres manquements, la société RMX ne peut demander de dommages et intérêts.

La société souligne qu'elle a émis des mises en demeure restées infructueuses le 20 décembre 2019 pour le tronçon Trocadéro, le 8 janvier 2020 pour le tronçon Raspail, le 9 janvier 2020 pour le tronçon Montparnasse, et le 9 janvier 2020 pour le tronçon Dupleix.

Elle énonce également que la société RMX s'est sciemment exclue du chantier en janvier 2020 afin de provoquer la résiliation du contrat, ce qui découle d'échanges et de l'absence de réponse entre la société Cimlec et la société RMX.

Elle conteste ensuite, facture par facture, les paiements qui lui sont demandés. Par ailleurs, elle fait valoir qu'elle n'a pas à payer pour des compensations de pertes hors contrat et qui n'ont pas donné lieu à des fiches de travaux supplémentaires de la part de la société RMX.

Elle soutient aussi que des pénalités de retard lui sont dues en application du contrat et des fautes de la société RMX.

De plus, elle soutient qu'elle a subi des préjudices pour des frais supplémentaires engagés (frais d'huissier, frais engagés sur les lorries, frais de stockage, frais financiers), le temps passé, le surcoût du tronçon Sèvres et un préjudice commercial de perte de marché et moral en raison des difficultés rencontrées sur le chantier et imputables à la société RMX.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 décembre 2023 et mise en délibéré au 19 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'intervention volontaire de la société Spie industrie venue aux droits de la société Spie industrie & tertiaire elle-même aux droits de la société Cimlec industrie ne fait pas débat. Elle est acquise.

Sur la régularité et le bien -fondé de la résiliation du contrat de sous-traitance

À l'appui de son appel, la société RMX soutient que le courrier de résiliation à effet immédiat du 11 février 2020 est irrégulier puisque les courriers de mises en demeure préalables des 20 décembre 2019 (tronçon Trocadéro), 8 janvier 2020 (tronçon Raspail) et 9 janvier 2020 (tronçons Montparnasse et Dupleix) ne l'ont pas mis en mesure de pouvoir remédier aux manquements reprochés dans le délai de huit jours imparti. Elle estime que la société Cimlec lui a donné l'illusion d'une issue amiable possible, qu'elle ne pouvait pas prononcer une résiliation à effet immédiat et qu'elle n'a pas respecté les préavis fixés par ses mises en demeure.

Elle fait valoir que la société Cimlec a mis fin au contrat de sous-traitance unilatéralement et brutalement, qu'elle s'est substituée à son sous-traitant tout en l'écartant du chantier et en l'empêchant d'y accéder et qu'elle a contesté le bien-fondé des reproches dès le 17 janvier puis le 20 janvier. Elle souligne que par mails du 20 et du 31 décembre, elle a indiqué qu'elle restait dans l'attente des instructions pour débuter dès la nuit du 5 janvier et que le chantier était inaccessible du 21 décembre au 5 janvier 2020. Elle a constaté que la société Cimlec ne lui avait réservé aucun créneau en janvier.

Elle ajoute que son éviction du chantier lui a interdit un constat contradictoire régulier des ouvrages réalisés.

Elle conteste absolument avoir abandonné le chantier sur lequel elle a travaillé jusqu'au 20 décembre 2019.

Elle soutient enfin qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une faute suffisamment grave justifiant la résiliation du contrat à ses torts.

Les parties s'entendent sur l'application des articles 1224, 1225, 1226 et 1228 du code civil imposant la notification préalable à la résiliation pour inexécution suffisamment grave d'une mise en demeure visant la clause résolutoire et assortie d'un délai pour y remédier et sur l'application des dispositions contractuelles.

L'article 22-1 du contrat de sous-traitance prévoit expressément la résiliation de plein droit en cas d'inexécution par le sous-traitant de l'une de ses obligations contractuelles, cinq jours ouvrables après l'envoi d'une mise en demeure recommandée.

Sur le plan formel, il est constaté que les quatre mises en demeure préalables visent et listent expressément les manquements reprochés, impartissant un délai de huit jours pour y mettre fin et qu'elles mentionnent expressément la clause résolutoire de l'article 22 du contrat de sous-traitance.

Sur l'effectivité du délai imparti, il est relevé en premier lieu qu'un délai largement supérieur à huit jours sépare ces mises en demeure du courrier de notification de la résiliation immédiate.

De surcroît, il ressort des pièces produites qu'en janvier 2020, la société RMX avait réduit son équipe à deux personnes, sans chef de chantier ni coupeur ce qui ne lui permettait plus d'accéder au chantier et de réaliser les travaux réclamés, que le 17 janvier elle a exprimé son refus de reprendre le chantier si ses revendications financières n'étaient pas acceptées sans dénoncer d'impossibilité d'accès au chantier, que si elle n'avait pas prévu de travailler durant les congés de fin d'année, elle ne justifie pas que le chantier ait été fermé durant cette période et enfin qu'elle ne justifie d'aucune demande de réservation de nuit auprès de la société Cimlec.

Dans ces conditions, force est de constater qu'il n'est nullement rapporté la preuve d'une éviction ou d'un refus d'accès au chantier imputable à la société Climlec, étant précisé que certains manquements concernaient la facturation, les fiches d'autocontrôle et de reporting, la dégradation de matériel, l'obligation d'insertion qui sont sans lien avec l'accès au chantier.

Il n'est par conséquent rapporté la preuve d'aucune irrégularité formelle.

Sur le fond, les manquements reprochés doivent être suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat.

En l'espèce, les courriers de mise en demeure des 20 décembre, 8 et 9 janvier 2020 énumèrent, au visa non contesté des articles 2.1, 2.1.10, 2.1.12, 2.3, 2.3.4, 3.3 et 6 de l'annexe 1 du contrat de sous-traitance, les manquements contractuels reprochés : l'absence de planification, d'ordonnancement et de préparation des tâches à exécuter et le non-respect des plannings des travaux, l'absence de personnel nécessaire pour réaliser ses prestations, l'absence d'insertion de travailleurs en difficulté, l'absence de vérification et d'auto-contrôle des travaux réalisés et la réalisation de travaux non conformes et la remise en cause des termes du contrat s'agissant du prix forfaitaire.

La cour constate que les retards d'exécution ne sont pas contestés par la société RMX qui estime cependant que ces retards, reprochés à compter de décembre 2019, sont imputables à la société Cimlec qui a tardé à adresser les bons de commande, qui tardait à fournir le matériel nécessaire, parfois non conforme ou non adapté et qui n'a pas réservé auprès de la RATP les nuits durant lesquelles elle devait intervenir.

Sur les autres reproches, la société RMX soutient qu'elle adressait mensuellement un tableau d'avancement de ses travaux et produit les courriels adressés entre le 23 mai 2018 et le 1er mars 2019 avec ses tableaux d'avancement, que la révision des factures établies sur des bases non contractuelles ne justifie pas une résiliation, que l'obligation d'insertion de travailleurs en difficulté ne constitue qu'une obligation de moyen, qu'elle a, à ce titre, signé le 22 novembre 2018 un contrat avec la société d'interim Adequat, qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée sur ce point.

Elle conteste fermement avoir abandonné le chantier et ne pas avoir eu le matériel et le personnel nécessaire pour réaliser ses prestations. Elle affirme qu'au jour de la résiliation, elle disposait bien de trois coupeurs habilités par la RATP du 7 avril 2019 au 6 avril 2020 et que si l'un était mobilisé sur les chantiers de la ligne 1 et 11 du métro c'était parce que la société Cimlec l'avait empêchée d'intervenir pour achever ses travaux sur le chantier litigieux.

Il ressort néanmoins des pièces produites et du dossier qu'il incombait à la société RMX d'établir des plannings d'exécution pour chaque zone, notamment afin d'anticiper ses besoins en matériels et en créneaux de nuit devant être réservés deux semaines à l'avance.

La cour constate qu'il n'est produit aucun planning, pourtant réclamé dès le deuxième compte-rendu de chantier et que la production des tableaux d'avancement des travaux ne permet pas de rapporter la preuve du respect de cette obligation contractuelle prévue à l'article 2.1.10 de l'annexe 1 susvisée. Cette obligation a été réclamée dans chaque compte-rendu de chantier qui pointait cette désorganisation. Les nombreuses relances n'ont jamais été suivies d'effet et ces manquements ont engendré des retards importants, notamment sur les tronçons Trocadéro et Dupleix.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, la date de passation de commande est sans lien avec le retard dans l'exécution des prestations. De surcroît, les retards invoqués dans la mise à disposition des matériels, notamment des fers C découlaient en partie du manque d'anticipation reproché et l'audit conjoint réalisé en octobre 2019 n'a pas permis de confirmer ces doléances de retard de matériels. Enfin rien n'établit que ces retards soient imputables à une absence de réservation de créneaux de nuit.

Ce manquement est par conséquent établi, de même que sa gravité.

La cour constate que le manquement relatif à la dégradation des lorries n'est pas contesté.

S'agissant de la présence de coupeur, indispensable pour accéder au chantier, il ressort des pièces que la société Cimlec a dû mettre à la disposition de la société RMX un coupeur pour une durée de sept semaines en avril et mai 2018 et qu'en mai 2019 seulement, la société RMX a pu former un coupeur supplémentaire tandis qu'un de ses coupeurs quittaient l'entreprise à la fin de l'été 2019. Il n'est pas contesté qu'en janvier 2020, les trois coupeurs habilités de la société RMX travaillaient sur d'autres chantiers, la société RMX ayant en décembre 2019, réduit son équipe à deux personnes. L'absence de coupeur, puis de chef de chantier a indéniablement mis en péril sa capacité d'exécution du marché conclu et constitue un manquement grave.

Concernant l'absence de vérification et de contrôle de ses prestations, la cour constate que malgré les demandes réitérées de fiches de contrôle dès le mois d'avril 2018, la société RMX n'est toujours pas en mesure de rapporter la preuve du respect de cette obligation contractuelle, même après qu'un modèle lui a été adressé le 29 mars 2019. Il n'est pas contestable que cette obligation aurait pu permettre d'éviter des non-conformités et des interventions supplémentaires.

Concernant enfin le manquement relatif à la surfacturation, il ressort du dossier que la société RMX a émis des factures correspondant selon elle à des travaux supplémentaires qui ont été immédiatement contestées en octobre 2019 comme étant non conformes au marché conclu prévoyant un prix forfaitaire, ferme et non révisable. Le contrat met pourtant à la charge du sous-traitant les aléas du marché à forfait et lui impose de mettre en œuvre des moyens supplémentaires en cas de non-respect des avancements. Dès lors, la société RMX a manqué à ses obligations en conditionnant la reprise des travaux au paiement de ces factures contestées.

L'obligation liée à l'insertion de travailleurs en difficulté a également été systématiquement rappelée lors des comptes-rendus de réunion de chantier dès juillet 2018. L'appelante a rappelé à juste titre qu'il ne s'agissait que d'une obligation de moyen et produit un contrat signé en novembre 2018. A lui seul, ce manquement n'aurait pas été suffisamment grave pour justifier une résiliation.

Néanmoins, il s'ajoute aux précédents, dont la persistance et le caractère suffisamment grave, justifient amplement la résiliation prononcée le 11 février 2020, la société RMX n'ayant, dès les premières réclamations puis entre le 20 décembre, date de début des mises en demeure, et le 11 février 2020, aucunement mis fin ou remédié aux manquements contractuels reprochés ni cherché à remédier aux retards. Si elle a entrepris de contester les manquements reprochés, force est de constater qu'elle ne justifie nullement du respect de ses obligations contractuelles ni de ses allégations de refus d'accès au chantier ou d'empêchement.

Partant, c'est à juste titre et par des motifs circonstanciés que le tribunal a estimé que les fautes commises étaient réelles et suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société RMX.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la société RMX de ses demandes de résiliation aux torts exclusifs de la société Climlec.

La société RMX réclame, à titre d'indemnisation de la résiliation unilatérale une somme de 957 717 euros HT subsidiairement 371 775,70 euros HT au titre de la perte de chiffre d'affaires

et une somme de 250 000 euros au titre de son préjudice moral.

Elle estime que cette indemnisation est due indépendamment du caractère fautif de la résiliation, compte tenu de la perte du gain attendu et du caractère unilatéral de la résiliation, sur le fondement des articles 1217 et 1231-2 du code civil. Néanmoins, en conséquence des développements qui précèdent, il apparaît que ce sont les manquements fautifs de la société RMX et non de l'intimée, qui sont à l'origine de la résiliation et qu'elle est donc à l'origine du préjudice qu'elle invoque. De surcroît rien n'établit que la baisse de son chiffre d'affaire soit imputable à la résiliation litigieuse et il est rappelé que le montant indiqué dans l'acte de sous-traitance ne confère pas au sous-traitant de droit à être payé de l'intégralité de cette somme. Enfin, elle ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral et d'image commerciale imputable à la société Cimlec. Le jugement qui déboute la société RMX de ses demandes d'indemnisation est par conséquent confirmé.

Sur la demande en paiement des prestations réalisées jusqu'au 20 décembre 2019

La société RMX réclame le paiement des factures émises, pour un total de 317 280,48 euros, soit 32 327,81 euros au titre du tronçon Raspail, 24 279,67 au titre du tronçon Trocadéro et 260 672,70 euros au titre du tronçon Dupleix et correspondant à des travaux exécutés jusqu'au 20 décembre 2019 mais non réglés outre, pour la troisième, des surcoûts d'immobilisation.

Elle fait valoir que les factures R/0133 du 31 octobre 2018 et R/0177 du 30 septembre 2019 n'ont pas été contestées dans le délai légal de quinze jours, y compris dans les mises en demeure.

Pour limiter la condamnation à la somme de 16 164 euros, le tribunal a estimé que les réserves n'avaient pas été levées.

Il doit être constaté qu'il n'est justifié d'aucune contestation concernant la facture R/0133 et que l'intimée ne justifie pas que les réserves concernent effectivement les travaux sous-traités ni qu'elles seraient imputables à la société RMX. Au contraire, les pièces 20 et 22 de l'intimée attestent que ces travaux ont été terminés et les réserves levées. La société RMX doit donc être payée de la facture n°R/0133 d'un montant de 32 327,81 euros. Le jugement est infirmé sur ce point.

Pour rejeter le paiement de la facture n°R/0177, le tribunal a retenu que la société RMX ne démontrait pas que la facture a été établie à partir d'un document visé par la société Cimlec.

À hauteur d'appel, l'intimée maintient son refus de paiement au motif d'une surfacturation de 8,03 % par rapport à l'état réel des prestations exécutée soit 76 %.

Pour autant, la société Cimlec justifie du refus de paiement mais apporte aucune preuve d'un éventuel trop perçu qui n'est pas nullement étayé. Au contraire, la société Cimlec a reconnu que la société RMX allait pouvoir facturer pour 23 000 euros de nuits annulées (Raspail-Trocadéro) outre les travaux Dupleix. Elle en est par conséquent déboutée de cette demande non fondée.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la facture du 30 septembre 2019 a bien été contestée par mail du 4 octobre 2019. En outre, le seul fait que le tronçon Montparnasse ait été avancé à hauteur de 27,2 % ne suffit pas pour déduire que la zone Trocadéro aurait été intégralement exécutée. Au regard d'une prestation effectuée à 76 %, ce qui n'est pas sérieusement contesté, la réclamation au titre de la facture n°R/0177 n'est pas fondée. Le jugement est confirmé sur ce point.

Enfin, concernant les factures R/0155 à R/0196 émises au titre du tronçon Dupleix, les factures R/0155 et R/184 à R/0196 correspondent à l'indemnisation des surcoûts invoqués par la société RMX du fait des annulations.

L'intimée fait valoir que l'état réel des prestations s'élevait à 67,41 % et qu'elle n'a jamais accepté de payer le prix des surcoûts qui ne sont aucunement justifiés.

Néanmoins, la cour constate que les factures R/0160 du 30 mai 2019, R/0165 et R/0167 du 28 juin 2019 correspondent aux prestations effectuées sur le tronçon Dupleix et la société Cimlec ne justifie d'aucune contestation les concernant, les courriels produits n'y faisant pas référence. Elles ne sont pas plus contestées dans les écritures d'appel. Les nombreux échanges électroniques attestent des réclamations multiples effectuées par la société RMX pour obtenir les bons de commande et le paiement de ses prestations. Elles sont par conséquent dues à la société RMX et le jugement est infirmé sur ce point.

De la même façon, la facture R/0155 du 29 mars 2019 d'un montant de 7 760 euros n'a pas été contestée.

Concernant les factures émises en novembre, décembre et janvier 2020, il ne saurait être invoqué une acceptation, encore moins tacite, d'autant que les relations entre les parties étaient à ce moment notablement dégradées. Il ne ressort pas du devis (pièce 6) que l'annulation de nuit soit rémunérée même s'il ressort de comptes-rendus de chantier que certaines annulations ont été évoquées comme n'étant pas imputables à la société RMX. De surcroît, dans un courriel du 4 octobre 2019 (pièce 41), la société Cimlec écrit à son sous-traitant qu'il va pouvoir facturer pour « 23K€ » pour six nuits annulées.

Néanmoins, la société RMX n'est pas en mesure de produire des fiches de travaux supplémentaires qui auraient été acceptées et convenues entre les parties. Elle ne rapporte pas plus la preuve qu'elle s'est trouvée dans les conditions requises par l'article 1195 du code civil. Ainsi ces factures d'indemnisation, qui ont été contestées ne sont étayées d'aucun justificatif. Il ne sera donc fait droit qu'à celle émise en mars 2019 (R/0155).

Au final, le jugement est partiellement infirmé et la société Cimlec est condamnée au paiement de la facture n°R/0133 d'un montant de 32 327,81 euros, de la facture R/0155 d'un montant de 7 760 euros, de la facture R/0160 d'un montant de 77 850 euros, de la facture R/0165 d'un montant de 15 580 euros et de la facture R/0167 d'un montant de 4 933 euros, soit une somme totale de 138 450,81 euros, augmentée d'un intérêt moratoire de 10 % correspondant au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, et ce, à compter du 17 janvier 2020, date de la mise en demeure. La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil. La société RMX est déboutée du surplus de ses demandes.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Spie industrie venue aux droits de la société Cimlec

L'intimée réclame les sommes de 68 100,34 euros correspondant aux trop perçus au titre des tronçons Raspail, Montparnasse, Trocadéro et Dupleix, 1 323 120 euros au titre des pénalités de retard, 60 698,15 euros au titre des frais engagés, 46 565 euros au titre du temps passé, 67 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du surcoût du tronçon Sèvres et 350 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial et préjudice moral et d'image.

Pour rejeter ces demandes, le tribunal a retenu qu'elle ne justifiait pas des frais prétendument engagés, du « temps passé » dont les critères ne sont pas définis ni du calcul appliqué aux pénalités de retard réclamées ni d'une injonction par la RATP. Il a ajouté que les préjudices invoqués n'étaient pas démontrés.

L'appelante souligne à juste titre, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, que la demande au titre des prétendus trop-perçus est nouvelle en appel et donc irrecevable.

Pour les autres demandes, elle confirme les motifs retenus en première instance. Elle ajoute que les bons de commande ne prévoyaient aucune pénalité de retard.

S'agissant des pénalités de retard, si elles sont prévues dans le contrat liant les parties, l'unique pièce à l'appui de cette demande, le tableau d'avancement mensuel, ne suffit pas à démontrer la réalité de ces retards, d'autant qu'il ressort des nombreux échanges électroniques que la société RMX a été elle-même confrontée à des retards de livraison de matériel ou de fourniture et qu'en l'état du dossier, la responsabilité des retards est partagée. À cet égard, la demande à hauteur de 403 200 euros réclamée pour le tronçon Raspail, qui a été achevé, témoigne du caractère largement excessif et approximatif de ces évaluations. Dès lors, le quantum réclamé n'est pas vérifiable et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

S'agissant des frais supplémentaires engagés, la cour constate que les frais d'huissier sont justifiés mais que les constats d'huissier ne sont pas produits, ce qui ne permet pas de les imputer au litige. Il est produit un devis de réparation des lorries endommagés d'un montant de 17 650, 20 euros sans qu'il ne soit possible de l'imputer à la société RMX. Les frais de stockage ne sont pas justifiés ni vérifiables, pas plus que les frais financiers invoqués.

De la même façon, rien ne permet d'imputer « le temps passé » au comportement de la société RMX avant la résiliation du contrat.

Enfin les préjudices commercial, perte de marché et préjudice moral ne sont pas justifiés et leur imputabilité à la société RMX est tout aussi incertaine.

Partant le jugement qui a rejeté l'intégralité de ces demandes est confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en leurs appels respectifs les parties conserveront la charge de leurs propres frais irrépétibles d'appel. Les dépens de la procédure d'appel resteront à la charge de la société Spie industrie.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Spie industrie venue aux droits de la société Cimlec industrie ;

Déclare irrecevable la demande au titre des prétendus trop-perçus ;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société RMX de sa demande de résiliation du contrat de sous-traitance aux torts exclusifs de la société Cimlec, ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, débouté la société RMX de ses demandes d'indemnisation et débouté la société Cimlec industrie de ses demandes reconventionnelles et condamné la société Cimlec industrie aux frais irrépétibles et aux dépens ;

L'infirme en ce qu'il a condamné la société Cimlec industrie à payer à la société RMX la somme de 16 164 euros, en sus les intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 31 décembre 2018 ;

Statuant de nouveau dans cette limite,

Condamne la société Spie industrie venue aux droits de la société Cimlec industrie à payer à la société RMX - Tecnicas de desenvolmimento e execucao LDA- les sommes de :

- 32 327,81 euros au titre de la facture R/0133,

- 7 760 euros au titre de la facture R/0155,

- 77 850 euros au titre de la facture R/0160,

- 15 580 euros au titre de la facture R/0165,

- 4 933 euros au titre de la facture R/0167 ;

Dit que ces sommes sont augmentées d'un intérêt moratoire de 10 % correspondant au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, et ce, à compter du 17 janvier 2020 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute la société RMX - Tecnicas de desenvolmimento e execucao LDA- du surplus de ses demandes ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Spie industrie venue aux droits de la société Cimlec industrie aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.