Livv
Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 19 février 2024, n° 22/00234

BORDEAUX

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Camping de (SAS), LGA (SCP)

Défendeur :

SCI Immomusi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me David, Me Sainsard, Me Hardouin, Me Assié

TJ Périgueux, du 7 déc. 2021, n° 19/0055…

7 décembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] veuve [B] a créé un fonds de commerce de camping de 50 emplacements dont elle a confié l'exploitation à la SARL [4] en 2011, dont elle est également la gérante, dans le cadre d'un contrat de location-gérance.

Ce fonds de commerce est exploité pour partie sur un ensemble immobilier appartenant à la SCI Immomusi, société familiale dont Mme [R] est l'associée-gérante, et pour partie sur un terrain appartenant à la mairie de [Localité 3].

Le contrat de location-gérance a été résilié par acte du 31 mars 2017, Mme [R] souhaitant vendre son fonds de commerce.

Par acte notarié en date du 21 avril 2017, Mme [R], en sa qualité de vendeur du fonds de commerce et la société [4], en sa qualité de vendeur d'une partie du matériel, ont cédé le fonds de commerce à usage de camping et une partie du mobilier servant à l'exploiter à la SAS Camping de [4] représentée par ses deux associés, M. [E] et Mme [V], pour la somme de 78 000 euros au titre du prix du fonds de commerce et de 32 000 euros au titre du prix du matériel.

La mairie de [Localité 3] en sa qualité de bailleresse est intervenue à l'acte et a agréé la cession du droit au bail.

La SCI Immomusi a conclu avec la cessionnaire, qui avait manifesté le souhaiter d'acquérir l'immeuble lui appartenant, une convention d'occupation précaire des lieux annexée à l'acte de cession prévoyant une redevance mensuelle de 700 euros HT, et une durée maximale de 36 mois s'achevant le 20 avril 2020. L'acte précisait en outre que la convention pourrait prendre fin à tout moment à la demande de l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis non motivé de trente jours délivré par un huissier de justice.

Par acte du 27 mars 2018, la société Immomusi a fait signifier à la société Camping de [4] la résiliation de la convention d'occupation précaire et lui a enjoint de quitter les locaux dans un délai de trente jours.

La société Camping de [4] a, par acte du 18 avril 2019, fait assigner la société Immomusi devant le tribunal judiciaire de Périgueux aux fins de voir prononcer la nullité de la dénonciation de la convention d'occupation précaire, la requalification de la convention en bail commercial et d'obtenir la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par acte du 3 mars 2020, la SCI Immomusi a dénoncé à la société Camping de [4] ' en tant que besoin' une nouvelle résiliation de la convention d'occupation précaire.

Par jugement du 05 mai 2020, la société Camping de [4] a été placée en sauvegarde judiciaire par le tribunal de commerce de Périgueux. La société LGA a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

La société LGA, ès qualités, est intervenue volontairement à l'instance pendante devant le tribunal judiciaire de Périgueux.

Par jugement contradictoire du 07 décembre 2021, le tribunal a statué comme suit:

- déclare recevable l'intervention volontaire de la société LGA, ès qualités,

- dit que la clause de résiliation contenue dans la convention d'occupation précaire est valable et que la société Immomusi a régulièrement résilié la convention d'occupation précaire le 27 mars 2018,

- déboute, en conséquence, la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, de leur demande de nullité de la résiliation de la convention d'occupation précaire intervenue le 27 mars 2018 et de leur demandé indemnitaire formée de ce chef,

- dit n'y avoir lieu en conséquence à statuer sur la demande de nullité de la résiliation de la convention d'occupation précaire intervenue le 3 mars 2020 formée par la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités,

- déboute la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, de leur demande de requalification de la convention d'occupation précaire en bail commercial à compter de l'entrée dans les lieux par la société Camping de [4],

- déboute la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, de leur demande de requalification de la convention d'occupation précaire en bail commercial à compter du 21 avril 2020 et de leur demande indemnitaire subséquente,

- ordonne l'expulsion de la société Camping de [4] ainsi que celle de tous occupants des lieux situés au lieu-dit " [Localité 6] " à [Localité 3], cadastré parcelle section A n°[Cadastre 2], et la remise de l'ensemble des clefs du bien dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, au besoin avec le concours d'un serrurier et de la force publique, aux frais de l'expulsée,

- fixe au passif de la société Camping de [4] la somme de 18 475 euros au titre de l'astreinte conventionnelle due par cette dernière à la société Immomusi et dont le montant journalier a été fixé à 25 euros, pour la période du 27 avril 2018 au 5 mai 2020,

- condamne la société Camping de [4] à payer à la société Immomusi une astreinte de 25 euros par jour de retard à compter du 5 mai 2020, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, jusqu'à libération effective des lieux,

- fixe au passif de la société Camping de [4] la somme de 115,06 euros au titre de l'indemnité d'occupation due à la société Immomusi pour la période du 1er mai 2020 au 5 mai 2020,

- condamne la société Camping de [4] à payer à la société Immomusi une indemnité d'occupation égale à la somme de 23,01 euros par jour, à compter du 5 mai 2020, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, jusqu'à la libération effective des lieux, sous déduction des redevances mensuelles régulièrement versées,

- déboute la société Immomusi de sa demande de voir ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers restant dans les lieux loués dans tel garde-meubles qu'il lui plaira de désigner, aux frais de la société Camping de [4], en garantie des réparations locatives et indemnités d'occupation qui pourraient être dues par cette dernière,

- dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur les lieux situés au lieu-dit " [Localité 6] " à [Localité 3], cadastré parcelle section A n° [Cadastre 2], seront remis, aux frais de la société Camping de [4], en un lieu qu'il lui plaira de désigner et à défaut, qu'ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé-de l'exécution, avec sommation à la société Camping de [4] d'avoir à les retirer dans un délai de deux mois,

- condamne la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, à payer à la société Immomusi la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, aux dépens,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

La société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 17 janvier 2022.

Par ordonnance du 10 mars 2022, la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire résultant du jugement uniquement en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la société Camping de [4] des lieux situés à Cubjac.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 23 novembre 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, demande à la cour de :

Vu les articles 1104, 1170 et 1709 du code civil,

Vu les articles L. 145-1, L. 145-5-1 et suivants du code de commerce,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces produites,

- déclarer l'appel formé par la société Camping de [4] recevable et bien fondé,

- infirmer l'intégralité du jugement du tribunal judiciaire de Périgueux en date du 7 décembre 2021,

- débouter la société Immomusi de l'intégralité de ses fins, prétentions, moyens et conclusions,

Statuant à nouveau,

- prononcer la nullité de la dénonciation de la convention d'occupation précaire intervenue le 27 mars 2018 et la déclarer de nul effet,

- condamner la société Immomusi à payer à la société Camping de [4] la somme de 100 923,09 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- prononcer la nullité de la dénonciation de la convention d'occupation précaire intervenue le 3 mars 2020 et la déclarer de nul effet,

- constater que les conditions d'application de la convention d'occupation précaire conclue le 21 avril 2017 entre la société Camping de [4] et la société Immomusi ne sont pas réunies en l'espèce,

- ordonner la requalification de la convention d'occupation précaire conclue le 21 avril 2017 entre la société Camping de [4] et la société Immomusi en bail commercial, avec tous les effets qui s'y rattachent,

A titre subsidiaire,

- constater que les conditions propres au statut des baux commerciaux sont réunies dans la relation entre la société Camping de [4] et la société Immomusi,

- qualifier les relations entre la société Camping de [4] et la société Immomusi comme soumises au statut des baux commerciaux, avec tous les effets qui s'y rattachent, dès l'entrée dans les lieux par la société concluante et en tout état de cause, au-delà du 21 avril 2020,

- condamner la société Immomusi à payer à la société Camping de [4] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

- condamner la société Immomusi à payer à la société Camping de [4] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Immomusi aux entiers dépens de la présente procédure.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 24 août 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Immonusi, demande à la cour de :

Vu l'article 32 du code de procédure civile, vu les articles 1103 et 1104 du code civil, vu l'article L. 145-5-1 du code de commerce, vu les articles 1583 et 1589 du code civil,

- confirmer le jugement du 7 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Périgueux en ce qu'il a :

- dit que la clause de résiliation contenue dans la convention d'occupation précaire est valable et que la société Immomusi a régulièrement résilié la convention d'occupation précaire le 27 mars 2018,

- ordonne l'expulsion de la société Camping de [4] ainsi que celle de tous occupants des lieux situés au lieu-dit " [Localité 6] " à [Localité 3], cadastré parcelle section A n°[Cadastre 2], et la remise de l'ensemble des clefs du bien dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, au besoin avec le concours d'un serrurier et de la force publique, aux frais de l'expulsée,

- dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur les lieux situés au lieu-dit " [Localité 6] " à [Localité 3], cadastré parcelle section A n° [Cadastre 2], seront remis, aux frais de la société Camping de [4], en un lieu qu'il lui plaira de désigner et à défaut, qu'ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé-de l'exécution, avec sommation à la société Camping de [4] d'avoir à les retirer dans un délai de deux mois,

- condamne la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, à payer à la société Immomusi la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Camping de [4] et la société LGA, ès qualités, aux dépens,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

- infirmer le jugement du 7 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Périgueux en ce qu'il a:

- fixe au passif de la société Camping de [4] la somme de 18 475 euros au titre de l'astreinte conventionnelle due par cette dernière à la société Immomusi et dont le montant journalier a été fixé à 25 euros, pour la période du 27 avril 2018 au 5 mai 2020,

- condamne la société Camping de [4] à payer à la société Immomusi une astreinte de 25 euros par jour de retard à compter du 5 mai 2020, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, jusqu'à libération effective des lieux,

- fixe au passif de la société Camping de [4] la somme de 115,06 euros au titre de l'indemnité d'occupation due à la société Immomusi pour la période du 1er mai 2020 au 5 mai 2020,

- condamne la société Camping de [4] à payer à la société Immomusi une indemnité d'occupation égale à la somme de 23,01 euros par jour, à compter du 5 mai 2020, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, jusqu'à la libération effective des lieux, sous déduction des redevances mensuelles régulièrement versées,

- déboute la société Immomusi de sa demande de voir ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers restant dans les lieux loués dans tel garde-meubles qu'il lui plaira de désigner, aux frais de la société Camping de [4], en garantie des réparations locatives et indemnités d'occupation qui pourraient être dues par cette dernière,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer la société Camping de [4] mal fondée en ses demandes,

En conséquence,

- débouter la société Camping de [4] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel et principal,

- ordonner l'expulsion de la société Camping de [4] ainsi que celle de tous occupants des lieux loués et la remise de l'ensemble des clefs du bien dans le délai de 15 jours suivant la décision à intervenir, au besoin avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

- ordonner, le cas échéant, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers restant dans les lieux loués dans tel garde-meuble qu'il lui plaira de désigner, et ce, aux frais, risques et périls de la société camping de [4] en garantie des réparations locatives et indemnités d'occupation qui pourraient être dues,

- fixer au passif de la société Camping de [4] une astreinte de 100 euros par jour depuis le 27 avril 2018 et ce jusqu'au 5 mai 2020 (jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde), soit une durée de 739 jours et un montant de 73 900 euros,

- fixer au passif de la société Camping de [4] une astreinte de 100 euros par jour depuis le 6 mai 2020 et ce jusqu'au 3 mai 2022 (jugement d'ouverture de la procédure de redressement), soit une durée de 728 jours et un montant de 71 275 euros,

- condamner la société Camping de [4] à une astreinte de 100 euros par jour de retard depuis le 3 mai 2022 soit une durée de 61 jours (au 3 juillet 2022) et un montant de 6 100 euros à parfaire jusqu'à la complète libération des lieux,

- fixer au passif de la société Camping de [4] la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 27 avril 2018 et ce jusqu'au 5 mai 2020, montant auquel il est nécessaire d'imputer les 700 euros réglés régulièrement, soit une durée de 24 mois et un montant de 23 324,06 euros TTC,

- fixer au passif de la société Camping de [4] la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 6 mai 2020 et ce jusqu'au 3 mai 2022 (jugement d'ouverture de la procédure de redressement), soit une durée de 728 jours et un montant de 19 097,71 euros,

- condamner la société Camping de [4] au paiement de la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 3 mai 2022, montant auquel il est nécessaire d'imputer les 700 euros réglés régulièrement, soit une durée de 61 jours (au 3 juillet 2022) et un montant de 1 920 euros TTC à parfaire jusqu'à la complète libération des lieux,

A titre reconventionnel et subsidiaire,

- ordonner l'expulsion de la société Camping de [4] ainsi que celle de tous occupants des lieux loués et la remise de l'ensemble des clefs du bien dans le délai de 15 jours suivant la décision à intervenir, au besoin avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

- ordonner, le cas échéant, le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers restant dans les lieux loués dans tel garde-meuble qu'il lui plaira de désigner, et ce, aux frais, risques et périls de la société Camping de [4] en garantie des réparations locatives et indemnités d'occupation qui pourraient être dues,

- fixer au passif de la société Camping de [4] une astreinte de 100 euros par jour depuis le 20 avril 2020 et ce jusqu'au 5 mai 2020 (jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde), soit une durée de 15 jours et un montant de 1 500 euros,

- fixer au passif de la société Camping de [4] une astreinte de 100 euros par jour depuis le 6 mai 2020 et ce jusqu'au 3 mai 2022 (jugement d'ouverture de la procédure de redressement), soit une durée de 728 jours et un montant de 71 275 euros

- condamner la société Camping de [4] à une astreinte de 100 euros par jour de retard depuis le 3 mai 2022 soit une durée de 61 jours (au 3 juillet 2022) et un montant de 6 100 euros à parfaire jusqu'à la complète libération des lieux,

- fixer au passif de la société Camping de [4] la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 21 avril 2020 et ce jusqu'au 5 mai 2020, montant auquel il est nécessaire d'imputer les 700 euros réglés régulièrement, soit une durée de 15 jours et un montant de 394,51 euros TTC,

- fixer au passif de la société Camping de [4] la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 6 mai 2020 et ce jusqu'au 3 mai 2022 (jugement d'ouverture de la procédure de redressement), soit une durée de 728 jours et un montant de 19 097,71 euros,

- condamner la société Camping de [4] au paiement de la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 3 mai 2022, montant auquel il est nécessaire d'imputer les 700 euros réglés régulièrement, soit une durée de 61 jours (au 3 juillet 2022) et un montant de 1 920 euros TTC à parfaire jusqu'à la complète libération des lieux,

A titre reconventionnel et infiniment subsidiaire,

- fixer au passif de la société Camping de [4] la somme mensuelle de 1 500 euros de loyer depuis le 21 avril 2017 et ce jusqu'au 5 mai 2020, montant auquel il est nécessaire d'imputer les 700 euros réglés régulièrement, soit une durée de 1110 jours et un montant de 35 033,43 euros TTC,

- fixer au passif de la société Camping de [4] la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 6 mai 2020 et ce jusqu'au 3 mai 2022 (jugement d'ouverture de la procédure de redressement), soit une durée de 728 jours et un montant de 19 097,71 euros,

- condamner la société Camping de [4] au paiement de la somme de 1 500 euros d'indemnité d'occupation depuis le 3 mai 2022, montant auquel il est nécessaire d'imputer les 700 euros réglés régulièrement, soit une durée de 61 jours (au 3 juillet 2022) et un montant de 1 920 euros TTC à parfaire jusqu'à la complète libération des lieux,

En tout état de cause,

- débouter la société Camping de [4] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- fixer au passif de la société Camping de [4] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Camping de [4] aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été reportée au jour des plaidoiries.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande visant à voir prononcer la nullité de la dénonciation de la convention d'occupation précaire du 27 mars 2018 et du 3 mars 2020 et la demande de dommages et intérêts formée par l'appelante :

1- Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil , les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

2- Aux termes de l'article 1170 du code civil, toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

3- La société appelante soutient que que la clause de résiliation de la convention d'occupation précaire, qui ne correspond pas à la volonté des parties et qui est en contradiction avec la durée de 3 ans du contrat, vide la convention d'occupation précaire de sa substance. Elle considère que la SCI Immomusi a dénoncé abusivement la convention d'occupation précaire moins d'un an après sa conclusion déstabilisant l'exploitation du camping, ce qui justifie que lui soit octroyée la somme de 100 923,09 euros à titre de dommages et intérêts. Elle affirme que la SCI Immomusi n'avait pas en réalité l'intention de lui vendre son immeuble et que pour sa part, elle n'a jamais manqué à son obligation de rechercher un crédit immobilier.

4- La société intimée affirme que la convention d'occupation précaire a été conclue pour permettre à la société appelante d'acquérir le bien le plus rapidement possible, et en tout état de cause avant la fin de l'année 2017, raison pour laquelle la convention permettait à chaque partie de mettre fin à celle-ci avant le délai maximal de 36 mois. Cette clause avait pour but de pallier une éventuelle carence de l'acheteur dans sa recherche d'un crédit. La SCI Immomusi fait valoir que la redevance était d'un montant très modique et inférieur au montant des échéances du prêt qu'elle avait souscrit pour l'acquisition et l'aménagement du camping et qu'elle n'avait accepté ce montant qu'en raison du caractère très temporaire de cette occupation. Elle affirme que la clause de résiliation ne présente aucun caractère abusif et que sa mise en oeuvre est régulière, l'acheteur ne justifiant pas de démarches pour l'obtention d'un prêt. Elle soutient que la société appelante ne souhaitait pas en réalité acquérir le fond mais obtenir une requalification de la convention d'occupation précaire en bail commercial moyennant un loyer sous-évalué.

Sur ce :

5- La convention d'occupation stipule que :

- 'le propriétaire a mis en vente les locaux ci-après désignés. L'occupant se propose d'acquérir le bien. Le temps que la vente se concrétise, il est important que l'occupant puisse prendre possession des lieux, d'où le présent bail à titre précaire. La durée de location du BIEN objet de la présente convention est intermittente, courte, en conséquence, les parties sont convenues de conclure une convention d'occupation précaire non soumise au statut des baux commerciaux',

- la convention est consentie et acceptée pour une durée déterminée de 36 mois qui commencera à courir le 21 avril 2017 et s'achèvera le 20 avril 2020,

- la convention pourra prendre fin à tout moment à la demande de l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis non motivé de trente jours délivré par un huissier de justice.

6- Il ressort des termes même de la convention que les parties ont convenu que celle-ci était par nature de brève durée et précaire, le locataire envisageant d'acquérir le fond.

7- Dès lors, même s'il est stipulé que la convention d'occupation précaire est consentie et acceptée pour une durée déterminée maximale de 36 mois, la clause prévoyant une résiliation moyennant un préavis non motivé de trente jours ne vide pas la convention d'occupation précaire de sa substance, la convention étant par nature précaire. Elle ne porte pas plus atteinte à la validité de l'acte de cession du fond de commerce.

8- La demande visant à voir déclarer cette clause non écrite n'est donc pas fondée. Le premier juge a pu ainsi à juste titre rejeter les demandes formées sur ce fondement visant à voir prononcer la nullité des résiliations du 27 mars 2018 et 3 mars 2020 et la demande de dommages et intérêts de ce chef. La décision de première instance sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de requalification de la convention d'occupation précaire en bail commercial :

9 - L'appelante soutient que la convention d'occupation précaire doit être requalifiée en bail commercial au motif notamment que :

- la bailleresse lui a délivré des quittances de loyers et non de redevances,

- diverses charges locatives, assurances et impôts sont mises à charge;

- il n'est pas justifié de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties justifiant la précarité, le motif allégué de précarité dépendant exclusivement de la seule volonté des parties, à savoir la volonté de vendre et la volonté d'acquérir.

10- L'intimée rétorque que la volonté de vendre dans un délai déterminé constitue un motif de précarité régulier. Elle affirme que cette vente n'est pas intervenue du seul fait de la société Camping de [4] qui ne peut arguer de sa propre turpitude et que le motif de précarité est bien extérieur à la volonté des parties puisque c'est M. [E] et Mme [V], tiers à la convention d'occupation précaire, qui ont pris l'engagement d'acquérir les murs. Elle argue en outre de la modicité de la contrepartie financière, bien inférieure au loyer du précédent bail commercial.

Sur ce :

11- Aux termes de l'article L 145-5-1 du code de commerce, n'est pas soumise au présent chapitre ( dispositions relatives au bail commercial), la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.

12- Sur le fondement de ce texte, il convient de vérifier qu'il existe une cause objective et légitime de précarité affectant l'immeuble ou le local, et donc indépendante de la seule volonté des parties de se soustraire au statut des baux commerciaux.

13- Le motif de précarité s'apprécie au jour de la signature de la convention d'occupation précaire (Cass. 3e'civ., 7'juill. 2015, n°'14-11.644).

14- En l'espèce, la convention précaire a été conclue au motif que 'le propriétaire a mis en vente les locaux ci-après désignés. L'Occupant se propose d'acquérir le bien. Le temps que la vente se concrétise, il est important que l'occupant puisse prendre possession des lieux, d'où le présent bail à titre précaire. La durée de location du BIEN objet de la présente convention est intermittente, courte, en conséquence, les parties sont convenues de conclure une convention d'occupation précaire non soumise au statut des baux commerciaux'.

15- L'acte de cession du fonds de commerce est ainsi rédigé : 'il est précisé que le fonds de commerce objet des présentes est également exploité sur les biens ci-après désignés dont le cessionnaire souhaite faire l'acquisition pour un prix net vendeur de 305 000 euros dans un délai maximum de 3 ans à compter des présentes. Jusqu'au rachat par le cessionnaire, il a été conclu entre la société Immomusi et le cessionnaire une convention d'occupation précaire moyennant un loyer mensuel de 750 euros hors taxe'.

16- Il ressort de l'examen de ces deux actes que les parties ont recouru à une convention d'occupation précaire leur permettant d'échapper au statut d'ordre public des baux commerciaux au seul motif que l'acquisition du bien immobilier objet de la convention était envisagée dans par le locataire dans un délai de 3 années. Aucun avant-contrat n'avait été signé engageant les parties sur cette vente contrairement à la jurisprudence citée par la bailleresse. Les parties étaient ainsi libres chacune d'y renoncer.

17- Il n'est pas fait mention d'une demande de prêt qui aurait été en cours d'instruction par la banque à la date de la signature de la convention, et dont l'issue, indépendante de la volonté des parties, conditionnerait la vente.

18- Les premiers juges ont ainsi à tort retenu ' la survenance d'une circonstance spéciale, à savoir la réalisation de la vente, grâce à l'obtention d'un prêt auprès d'un organisme bancaire, événement qui ne dépendait pas de la seule volonté des parties'.

19- La vente n'est en outre pas conditionné à l'accord de tiers, les consorts M. [E] et Mme [V] comme le bailleur le soutient, puisque la convention d'occupation précaire mentionne expressément que la société Le camping de [4] elle-même et non ses gérants se propose d'acquérir le bien.

20- Dès lors, il n'est pas justifié pas de l'existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties au sens de l'article L 145-5-1 du code de commerce.

21- Les conditions légales permettant la conclusion d'une convention d'occupation précaire dérogatoire au statut d'ordre public des baux commerciaux n'étaient en conséquence pas réunies à la date de la signature de celle-ci, malgré la modicité du loyer convenu entre les parties.

22- Il convient dès lors de faire droit à la demande de requalification de la convention d'occupation précaire en bail commercial. La décision de première instance sera infirmée.

23- La demande du bailleur visant à voir juger à titre subsidiaire que le bail commercial qui la liait à la société [4] a été cédé à la société Camping de [4] lors de la cession du fonds de commerce et que le loyer dû par la société Camping de [4] doit ainsi être fixé au montant stipulé dans le précédent bail conclu au profit de la société [4] ne repose sur aucun fondement juridique. Cette demande sera rejetée et le loyer ne pourra être révisé que dans le cadre des dispositions légales applicables aux baux commerciaux.

24- Dans le dispositif de ses conclusions, l'appelant forme une demande de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros 'à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi' sans en préciser le fondement juridique et sans développer aucun moyen au soutien de celle-ci dans le corps de ses conclusions. Cette demande sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires :

25- La SCI Immomusi qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance.

67- Elle sera condamnée à verser la somme de 3000 euros à la société Camping de [4] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux du 17 décembre 2021 sauf en ce qu'elle a jugé que la clause de résiliation figurant dans la convention d'occupation précaire est régulière et a débouté Maître [M] es qualité de sa demande de nullité de la résiliation de la convention d'occupation précaire du 27 mars 2018 et de leur demande indemnitaire de ce chef et d'y n'y avoir lieu à statuer sur la demande de nullité de la résiliation de la convention d'occupation précaire du 3 mars 2020,

et statuant à nouveau,

Requalifie la convention d'occupation précaire du 21 avril 2017 en bail commercial,Constate qu'aucun congé régulier n'a été délivré et que les actes de résiliation n'ont pas pu avoir d'effet,

Déboute la société Immomusi de sa demande visant à voir 'fixer au passif de la société Camping de [4] la somme de 1500 euros de loyer depuis le 21 avril 2017 et ce jusqu'au 5 mai 2020, montant auquel il est nécessaire d'imputer les 700 euros réglés régulièrement, soit une durée de 1110 jours et un montant de 35 033,43 euros TTC', et de ses demandes de fixation d'une indemnité d'occupation,

Déboute la société Camping de [4] de sa demande de dommages et intérêts,

y ajoutant

Condamne la SCI Immomusi aux dépens d'appel et de première instance.

Condamne la SCI Immomusi à verser la somme de 3000 euros à la société Camping de [4] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.