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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 15 février 2024, n° 22/02758

ROUEN

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Obstination (SCI)

Défendeur :

Paul Bert Autos (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foucher-Gros

Conseillers :

M. Urbano, Mme Menard-Gogibu

Avocats :

Me Rique-Serezat, Me Forestier

TJ Le Havre, du 7 juill. 2022, n° 20/005…

7 juillet 2022

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SCI Obstination est propriétaire de locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] qui ont été donnés initialement à bail à une EURL [P].

Le 3 juin 2017, l'EURL [P] a signé un compromis de cession de son fonds de commerce d'achat, vente et réparation de véhicules automobiles avec la SARL Paul Bert Autos qui a été réitéré le 20 novembre 2017 et le même jour, la SCI Obstination et la SARL Paul Bert Autos ont conclu un bail commercial moyennant un loyer annuel de 22 800 euros payable mensuellement et d'avance à hauteur de 1900 euros outre 200 euros de provision sur l'impôt foncier.

Estimant que les locaux ne permettaient pas une exploitation commerciale, la SARL Paul Bert Autos a quitté les lieux le 1er décembre 2018 et a cessé d'en régler les loyers à compter du mois de février 2019.

La SCI Obstination ayant fait signifier à sa locataire une ordonnance d'injonction de payer le 4 avril 2019, celle-ci y a formé opposition et cette procédure a été éteinte à défaut de constitution de la SCI Obstination.

Par acte d'huissier du 3 mars 2020, la SARL Paul Bert Autos (le preneur) a fait assigner la SCI Obstination afin que soit prononcée la résiliation du bail commercial liant les parties au motif que le bailleur n'avait pas respecté ses obligations notamment quant au caractère non-conforme des locaux et à la présence dans les lieux de véhicules appartenant au bailleur.

Le 6 mars 2020, la SCI Obstination a fait délivrer à la SARL Paul Bert Autos un commandement visant la clause résolutoire du bail.

La SCI Obstination a formé une demande reconventionnelle en constat de résiliation et paiement des loyers impayés à hauteur de 41 342,64 euros.

Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal judiciaire du Havre a :

- prononcé la résiliation du bail commercial conclu le 20 novembre 2017 entre la SCI Obstination immatriculée au RCS du Havre sous le n°494 850 183 et la SARL Paul Bert Autos immatriculée au RCS du Havre sous le n° 833 250 830, et ce à compter du 31 janvier 2019,

- débouté la SARL Paul Bert Autos de sa demande en dommages et intérêts ;

- débouté la SCI Obstination de l'ensemble de ses demandes en paiement ;

- condamné la SCI Obstination à payer à la SARL Paul Bert Autos la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SCI Obstination de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Obstination aux dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

La SCI Obstination a interjeté appel partiel de ce jugement par déclaration du 10 août 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 13 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de La SCI Obstination qui demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondée l'appel interjeté par la SCI Obstination,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,

- décharger la SCI Obstination des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,

- débouter la SARL Paul Bert de l'ensemble de ses demandes,

- à titre reconventionnel, constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail au mois de 4 mars 2020,

- condamner la SARL Paul Bert Autos à verser à la SCI Obstination les sommes suivantes :

* 29 400 euros HT au titre de l'arriéré de loyer de février 2019 à avril 2020 (14 mois X 2 100 euros HT) soit 35 580 euros TTC (TVA de 5 880 euros) avec intérêt au taux légal à compter de la signification du 4 avril 2019 constituant une mise en demeure,

* 58 800 euros HT au titre de l'indemnité d'occupation du 6 mars 2020 au 6 juillet 2022 (28 mois X 2 100 euros HT) soit 70 560 euros TTC (11 760 euros de TVA),

* 5 400 euros au titre du nettoyage des locaux,

* 10 000 euros sauf à parfaire au titre des réparations locatives,

* 2 500 euros à titre de dommages et intérêt pour procédure abusive,

- condamner SARL Paul Bert Autos à la somme de 3 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner SARL Paul Bert Autos en sa qualité de demanderesse aux entiers dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la Selarl Rique-Serezat Theubet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 14 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Paul Bert Autos qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 07 Juillet 2022 en ce qu'il a :

- prononcé la résiliation du bail commercial conclu le 20 novembre 2017 entre la SCI Obstination immatriculée au RCS du Havre sous le n° 494 850 183 et la SARL Paul Bert Autos immatriculée au RCS du Havre sous le n°833 250 830 et ce à compter du 31 janvier 2019,

- débouté la SCI Obstination de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SCI Obstination à payer à la SCI Paul Bert Autos la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SCI Obstination de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Obstination aux entiers dépens ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Y ajouter,

- débouter la SCI Obstination de ses demandes en cause d'appel,

- la condamnation de la SCI Obstination au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- la condamnation de la SCI Obstination au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes tendant au prononcé et au constat de la résiliation du bail :

Exposé des moyens :

La SCI Obstination soutient que :

- la SARL Paul Bert Autos a cessé de régler ses loyers depuis le mois de février 2019 et a quitté les lieux sans informer le bailleur en y laissant des poubelles pleines et en ayant coupé l'électricité interdisant ainsi l'utilisation de pompes de relevage équipant les lieux et entraînant leur inondation ; les lieux ont été restitués inondés de la faute de la SARL Paul Bert Autos ;

- le 6 mars 2020, elle a fait délivrer à la SARL Paul Bert Autos un commandement visant la clause résolutoire du bail qui n'a pas été suivi d'effet de sorte que le bail a été résilié de plein droit à cette date ;

- les clauses du bail sont conformes aux dispositions de la loi Pinel en prévoyant que les dépenses liées aux travaux d'embellissement qui excèdent le coût de remplacement à l'identique sont à la charge du preneur ; la validité de ces clauses n'était pas contestée par la SARL Paul Bert Autos ;

- il n'existe aucune preuve que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance ;

- les lieux ont été remis en bon état ainsi que le démontre l'état des lieux d'entrée et ce qui n'a pas été constaté dans cet état des lieux bénéficie de la présomption de bon état prévue par l'article 1731 du code civil ;

- les lieux ont été exploités durant plus d'un an et aucune réclamation n'a été faite par la SARL Paul Bert Autos avant le 3 juin 2019 alors qu'elle les avait déjà quittés ;

- aucune décision administrative obligeant à remettre les lieux en état n'est produite pas plus qu'une décision emportant interdiction d'exercer l'activité commerciale ;

- le constat d'huissier établi à la demande de la SARL Paul Bert Autos ainsi que le rapport d'expertise privée versé aux débats par cette dernière ne sont pas contradictoires et ne peuvent emporter la conviction de la juridiction saisie ;

- le premier juge n'a pas statué sur la demande de paiement des loyers arriérés qui sont dus jusqu'au mois d'avril 2020 ;

- les clés n'ayant été restituées qu'en juillet 2022, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer est due jusqu'à cette date

- les demandes formées par la SARL Paul Bert Autos portent sur des éléments qui ne relèvent pas du bail ;

- les prétendues constatations de l'expert amiable sont fondées sur des suppositions et il n'a pas tenu compte de l'existence d'un nouveau tableau électrique ;

- n'étant propriétaire d'aucun véhicule, les véhicules prétendument trouvés dans les lieux loués ne lui appartiennent pas ;

La SARL Paul Bert Autos soutient que :

- l'absence de délivrance conforme des lieux par la SCI Obstination a été constatée par procès-verbal d'huissier de justice du 14 septembre 2018 ;

- le système électrique et l'extraction de la cabine de peinture ne sont plus aux normes ;

- le gérant de la SCI Obstination a continué à stocker divers véhicules et pièces de véhicules dans les lieux ;

- une société spécialisée a constaté 54 anomalies électriques ;

- cette situation a entraîné la nécessité pour la SARL Paul Bert Autos de quitter les lieux et de s'installer ailleurs ;

- des négociations ont été menées entre les conseils des parties qui n'ont pas abouti de sorte que la SCI Obstination connaissait la situation et savait pertinemment que la SARL Paul Bert Autos devait quitter les lieux ;

- la SCI Obstination a remis les lieux en location dès le mois de mars 2019 et n'a jamais rien facturé à la SARL Paul Bert Autos avant que cette dernière ne la fasse assigner ;

- la procédure d'injonction de payer de mars 2019 n'a pas été menée à son terme ;

- ne pouvant jouir des locaux, elle a légitimement sollicité la résolution du bail sur le fondement des articles 1719, 1229 et 1170 du code civil ;

- l'attitude de la SCI Obstination démontre qu'elle a accepté la résiliation anticipée du bail et la SCI Obstination doit être déboutée de ses demandes en paiement relatives aux loyers et indemnités d'occupation ;

- les manquements contractuels imputables à la SCI Obstination ont créé un danger pour les occupants des lieux qui ne pouvait être perçu avant que l'exploitation ne débute.

Réponse de la cour :

Sur la demande de la société Paul Bert Autos tendant au prononcé de la résiliation du bail :

Selon l'article 1719 du code civil : « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail' »

L'article L145-40-2 du code de commerce dispose que : « Lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail, de cession du droit au bail, de cession ou de mutation à titre gratuit du fonds et lors de la restitution des locaux, un état des lieux est établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par eux. L'état des lieux est joint au contrat de location ou, à défaut, conservé par chacune des parties.

Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

Le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil. »

L'article 1731 du code civil dispose que : « S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire. »

Selon l'article 1217 du code civil : « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation [']

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

L'article 1224 du même code dispose que : « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »

L'article 1231 du même code dispose que : « A moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable. »

Par acte sous seing privé du 20 novembre 2017 enregistré le 23 novembre 2017, la SARL [P] Automobiles représentée par M. [H] [P] a cédé à la SARL Paul Bert Autos son fonds de commerce d'achat et vente de tous véhicules automobiles comprenant le droit au bail des locaux dans lesquels était exploitée l'activité situés au [Adresse 1] à [Localité 3] appartenant à la SCI Obstination.

Par acte sous seing privé du 20 novembre 2017, la SCI Obstination, représentée par M. [H] [P] a consenti à la SARL Paul Bert Autos un bail commercial de neuf ans moyennant un loyer annuel de 22 800 euros (hors taxes) payable mensuellement et d'avance à hauteur de 1900 euros (hors taxes) outre une provision de 200 euros par mois à valoir sur l'impôt foncier.

L'article 4-1 de ce contrat prévoit qu'un état des lieux sera dressé amiablement et contradictoirement entre les parties au jour de la prise de possession et sera annexé au bail.

La SCI Obstination indique dans ses écritures que « Les parties ont effectué le tour des locaux et ont pris des photographies lesquelles constituaient l'état des lieux. Pièce N° 7.

Ces photographies démontrent que les désordres allégués par la SARL Paul Bert Autos étaient inexistants lors de la prise de possession des lieux par la société preneuse. »

La cour constate qu'aucun état des lieux n'a été annexé au bail. Par ailleurs, les photographies versées aux débats par la SCI Obstination en pièce n° 6 ne sont pas datées, ne sont pas contresignées par les parties et ne comportent aucune mention permettant de déterminer que la SARL Paul Bert Autos et la SCI Obstination se sont accordées pour qu'elles constituent un état des lieux d'entrée.

En revanche, la SCI Obstination verse aux débats des photographies en pièce n° 9 intitulées « Photos valant état des lieux 20/11/2017 SCI Obstination / Paul Bert Autos » et qui portent sur des gaines d'aération, la couverture, les sanitaires, un trou avec un tuyau dans un mur, des poutrelles métalliques, le local de douche, le compteur électrique et les extérieurs du bâtiment et comportant, au bas de chacune d'elles, deux signatures identiques à celles figurant dans le contrat de bail. Il existe dès lors un état des lieux d'entrée au sens de l'article L145-40-2 du code de commerce.

A l'appui de son allégation selon laquelle la SCI Obstination a méconnu son obligation de délivrance, la SARL Paul Bert Autos verse aux débats :

- un procès-verbal non contradictoire établi par Me [J], huissier de justice au [Localité 4], le 14 septembre 2018 qui déclare avoir constaté que : le laboratoire de peinture est dépourvu de ventilation ; le bâtiment est recouvert d'une toiture dont les plaques sont constituées d'amiante et en mauvais état d'entretien avec des trous dans la couverture entraînant un défaut d'étanchéité ; le représentant de la SARL Paul Bert Autos a émis une réserve concernant l'installation électrique qui n'est pas aux normes ; l'extraction de la cabine de peinture se fait dans la cour de l'école maternelle voisine ; plusieurs voitures et pièces de voitures se trouvent dans les lieux empêchant l'exploitation de l'intégralité des locaux loués ;

- un rapport d'expertise amiable non contradictoire établi le 7 juillet 2019 par M. [C] aux termes duquel : la couverture du bâtiment principal est en fibrociment « très vraisemblablement amiantée » avec des traces de coulures indiquant des fuites en toiture ; des châssis vitrés cassés arrivent au niveau du sol du voisin et ne respectent pas les dispositions du code civil sur les vues ; le bâtiment principal « ne présente apparemment pas de siphon de sol et les deux garages individuels possèdent chacun un siphon de sol cassé » dont les eaux sont renvoyées avec les eaux pluviales et notamment dans « un acodrain'qui semble s'évacuer directement dans le canal Saint Jean » ce qui est non-conforme avec la réglementation et contraire aux règles environnementales ; le local douche est équipé d'une lampe d'éclairage située dans le volume de la douche ce qui est contraire aux règles de sécurité ; le garage est dépourvu de système de ventilation et de désenfumage et seul un trou donnant sur la propriété voisine, qui serait une école, permet le rejet de l'air vicié ; le laboratoire de peinture ne dispose pas de ventilation rejetant sur l'extérieur et « apparaît être chauffé par un convecteur électrique ordinaire » ; des installations électriques sont raccordées à des portes fusibles désormais interdits et certains tubes d'éclairage sont sans protection ; les lieux ne sont pas accessibles aux handicapés, une cuve en plastique destinée à la récupération des vieilles huiles est sans enclos récupérateur et à proximité immédiate d'un compresseur à air comprimé ; certaines dalles présentent des traces de points de fixation de ponts de levage et leur résistance est ignorée.

- deux rapports non contradictoires de la société Socotec du 7 janvier 2019 listant divers désordres affectant l'installation électrique dont les plus dangereux sont relatifs à des installations non protégées, les obturateurs et couvercles ayant été déposés ;

- une « fiche d'entreprise » établie non contradictoirement par un organisme « Santra Plus » le 28 février 2019 relative aux conditions de travail dans les lieux donnés à bail et conseillant à la SARL Paul Bert Autos de les faire équiper de systèmes d'aspiration de l'air vicié.

Le juge ne peut refuser d'examiner un rapport au motif qu'il n'aurait pas été établi contradictoirement, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. En revanche, il lui appartient de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

Outre le fait que l'expert fait état de situations simplement apparentes et de suppositions, les autres éléments versés aux débats par le preneur ont également été établis de façon non contradictoire et aucune de ces pièces ne rapporte la preuve que la situation qu'elles décrivent existait au jour de la remise des lieux au preneur. Par ailleurs, il n'existe aucun élément de preuve que les véhicules et pièces se trouvant dans les lieux appartiendraient à la SCI Obstination et qu'elle serait tenue de les reprendre.

Par ailleurs, la cour constate que la SARL Paul Bert Autos n'a jamais demandé à la SCI Obstination, avant de quitter les lieux, de procéder à des travaux de sorte que le bailleur n'a jamais été en mesure soit de contester en temps utile l'existence de la situation alléguée par le locataire soit d'effectuer les travaux qui se seraient révélés nécessaires.

Si la SARL Paul Bert Autos verse aux débats une lettre recommandée avec accusé de réception que son conseil a adressée à la SCI Obstination le 3 juin 2019, en portant à sa connaissance que le preneur « a été dans l'obligation de déplacer son activité le 3 décembre 2018 » à la suite de la découverte de la dangerosité et de la non-conformité des lieux, ce même courrier mentionne que les lieux ont été remis en location ou en vente par la SCI Obstination dès son départ et qu'elle lui propose une résiliation à l'amiable ou, à défaut, elle l'avise de l'engagement d'une procédure en résiliation.

La SARL Paul Bert Autos ne justifie pas, par les éléments qu'elle produit aux débats l'existence du défaut de délivrance qu'elle allègue ou l'existence d'une inexécution visée par l'article 1224 du code civil.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail commercial conclu le 20 novembre 2017 entre la SCI Obstination immatriculée au RCS du Havre sous le n°494 850 183 et la SARL Paul Bert Autos immatriculée au RCS du Havre sous le n° 833 250 830, et ce à compter du 31 janvier 2019, et la SARL Paul Bert Autos sera déboutée de cette demande.

Sur la demande de constat de la résiliation du bail formée par la SCI Obstination :

Il résulte des dispositions de l'article L145-41 du code de commerce que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'article 10 du contrat de bail prévoit la résiliation de plein droit du bail en cas d'inexécution de l'une de ses clauses un mois après la délivrance d'un commandement visant cette clause.

Par acte d'huissier du 6 mars 2020, la SCI Obstination a fait signifier à la SARL Paul Bert Autos un commandement visant la clause résolutoire du bail afin d'obtenir le paiement de la somme principale de 38 235 euros au titre des loyers et charges impayés de février 2019 inclus à avril 2020 inclus comprenant la taxe foncière de 2019.

Alors qu'il appartient à la SARL Paul Bert Autos, preneur à bail, de démontrer qu'elle a réglé les loyers et ce conformément aux dispositions de l'article 1353 alinéa 2 du code civil, elle ne verse aux débats aucune pièce justifiant de sa libération. Elle ne justifie pas davantage de l'impossibilité d'occuper les lieux et de ce qu'elle ne devrait plus le paiement des loyers du fait de cette impossibilité.

Les causes du commandement n'ayant pas été réglées dans le mois de sa délivrance, la clause résolutoire insérée au bail est acquise et la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers doit être constatée à compter du 6 avril 2020.

Le loyer et les charges étant de 2100 euros par mois, c'est une somme de 2100 x 14 mois (février 2019 inclus à avril 2020 inclus) qui est due, soit 29 400 euros (hors taxes) à la charge de la SARL Paul Bert Autos. L'extinction de l'instance sur ordonnance d'injonction de payer ayant rendue cette ordonnance non avenue, les intérêts de retard sur la somme de 29 400 euros courront à compter du 6 mars 2020, date de la délivrance du commandement.

La restitution des lieux est matérialisée par la remise des clés. La SCI Obstination allègue ne les avoir reçues que le 6 juillet 2022. A défaut pour la SARL Paul Bert Autos de justifier d'une date antérieure de remise, elle est débitrice d'une indemnité d'occupation équivalente au loyer augmenté des charges de 2100 x 26 mois (mai 2020 inclus à juin 2022 inclus) soit 54 600 euros outre six jours (2100 : 31 x 6) soit 406,45 euros pour un total de 55 006,45 euros (hors taxes).

La SCI Obstination n'ayant pas fait établir d'état des lieux de sortie et ne justifiant par aucune pièce de la nécessité de procéder au nettoyage des lieux (aucune preuve d'une quelconque inondation) ni de celle de procéder à des réparations locatives, elle sera déboutée de ces deux demandes.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la SCI Obstination de l'ensemble de ses demandes en paiement, la résiliation du bail sera constatée et la SARL Paul Bert Autos sera condamnée au paiement des sommes de 29 400 euros (hors taxes) avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2020 et de 55 006,45 euros (hors taxes) au titre des indemnités d'occupation impayées.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

La SCI Obstination ayant eu gain de cause, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Paul Bert Autos de sa demande en dommages et intérêts.

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à octroi de dommages intérêts que s'il est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

La SARL Paul Bert Autos a pu de bonne foi supposer que son action était légitime, et son comportement fautif n'est pas caractérisé.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce que la SCI Obstination a été déboutée de cette demande.

Enfin, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SCI Obstination à payer à la SARL Paul Bert Autos la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la SCI Obstination de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la SCI Obstination aux dépens de l'instance et la SARL Paul Bert Autos sera condamnée aux dépens ainsi qu'aux frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement du tribunal judiciaire du 7 juillet 2022 sauf en ce qu'il a débouté la SCI Obstination de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau :

Déboute la SARL Paul Bert Autos de sa demande tendant au prononcé de la résiliation du bail commercial la liant à la SCI Obstination ;

Constate la résiliation de plein droit du bail conclu le 20 novembre 2017 entre la SCI Obstination et la SARL Paul Bert Autos portant sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] par l'effet de sa clause résolutoire ;

Condamne la SCI Obstination à payer à la SARL Paul Bert Autos :

- la somme de 29 400 euros (hors taxes) au titre des loyers impayés de février 2019 inclus à avril 2020 inclus avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2020 ;

- la somme de 55 006,45 euros au titre des indemnités d'occupation impayées de mai 2020 inclus au 6 juillet 2022 ;

Déboute la SCI Obstination de sa demande de dommages et intérêts au titre des réparations locatives et du nettoyage des locaux ;

Y ajoutant :

Condamne la SARL Paul Bert Autos aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct accordé à la SELARL Rique-Serezat-Theubet ;

Condamne la SARL Paul Bert Autos à payer à la SCI Obstination la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.