CA Douai, ch. 2 sect. 1, 15 février 2024, n° 23/01366
DOUAI
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Auguste et Ferdinand (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gilles
Conseillers :
Mme Mimiague, Mme Vanhove
Avocats :
Me Berne, Me Verité
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 27 juin 1997 à effet du 1er juillet 1997, M. [E] [T] a consenti à M. [J] [W], agissant pour le compte de la société en cours de formation "Aux Pains de Géraldine", un bail commercial, portant sur des locaux situés à [Localité 5] (59), [Adresse 2] et [Localité 4], pour y exploiter une activité de boulangerie-pâtisserie et activités annexes, pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 1997.
A l'échéance de son terme, le bail s'est poursuivi par tacite reconduction.
Par acte extrajudiciaire du 5 mai 2009, la SARL Aux Pains de Géraldine a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er juin 2009, aux conditions du bail expiré, notamment le loyer, ce que le bailleur a accepté.
La société Auguste et Ferdinand, par acte authentique du 28 mai 2019, a acquis la totalité des actions de la SAS Aux Pains de Géraldine.
Par acte extrajudiciaire du 20 avril 2021, la SARL Auguste et Ferdinand Corporation, aux droits de la SARL Aux Pains de Géraldine, a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2021, aux conditions du bail expiré, notamment le loyer.
Par acte extrajudiciaire du 12 juillet 2021, M. [T] s'y est opposé, invoquant des motifs graves et légitimes exclusifs du paiement d'une indemnité d'éviction, mettant en demeure le preneur de cesser les activités de vente de nourriture à emporter et d'alcool à emporter, de remettre en état la façade avec sa porte d'origine en déposant un auvent, de cesser toute sous-location même partielle ou sur l'espace de stationnement.
Par acte du 12 juillet 2021, M. [E] [T] a fait signifier à la SAS Auguste & Ferdinand un commandement d'avoir à respecter les clauses du bail, visant la clause résolutoire insérée dans celui-ci.
M. [E] [T], par acte du 24 juin 2022, a fait assigner la SAS Auguste & Ferdinand devant le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé, pour faire constater la résiliation du bail à effet du 12 août 2021 et voir ordonner l'expulsion, la fixation d'une indemnité d'occupation et la remise en état.
Par acte extrajudiciaire délivrés à M. [T], le 29 septembre 2022, la SAS Auguste & Ferdinand a assigné celui-ci devant le tribunal judiciaire de Lille en nullité de commandement d'exécuter visant la clause résolutoire, et en nullité du refus d'indemnité d'éviction et dommages-intérêts, à défaut en suspension des effets de la clause résolutoire.
Par ordonnance de référé du 28 février 2023, le tribunal judiciaire a :
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et sur les prétentions qui y sont accessoires (expulsion, fixation et condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation),
- dit n'y avoir lieu à référé, sur la demande d'exécution de travaux de remise en état sous astreinte,
- condamné M. [E] [T] à payer à la SAS Auguste et Ferdinand, la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [E] [T] aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 20 mars 2023, M. [E] [T] a interjeté appel de cette ordonnance, critiquant expressément chacune des dispositions de la décision entreprise.
M. [E] [T], le 13 avril 2023, a fait délivrer à la société Auguste et Ferdinand un second commandement d'avoir à respecter les clauses du bail, visant également la clause résolutoire.
Par acte extrajudiciaire délivré à M. [T] le 15 mai 2023, la SAS Auguste & Ferdinand a assigné celui-ci devant le tribunal judiciaire de Lille en nullité d'un commandement d'exécuter visant la clause résolutoire, et en nullité du refus d'indemnité d'éviction et dommages-intérêts, à défaut en suspension des effets de la clause résolutoire.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, M. [T] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile et des articles L. 145-10, L. 145-17 et L. 145-41 du code de commerce ;
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- rejeter la demande de la société Auguste et Fernand tendant à voir déclarer irrecevables ses demandes " sur la base du commandement visant la clause résolutoire signifié le 13 avril 2023 ",
- constater, à l'effet du 12 août 2021, ou subsidiairement à l'effet du 13 mai 2023, la résiliation du bail commercial ayant existé entre les parties, par le jeu de la clause résolutoire,
- débouter la société Auguste et Ferdinand de l'ensemble de ses demandes et notamment de celle tendant à : annuler le commandement visant la clause résolutoire, accorder au locataire de larges délais, suspendre les effets de la clause résolutoire, désigner un expert, faire dire dénué de motif grave et légitime le congé du 12 juillet 2021,
- dire n'y avoir lieu à référé sur lesdites demandes,
- ordonner l'expulsion de la société Auguste et Ferdinand ou de toute personne qu'elle aurait pu introduire dans les lieux, avec si besoin est l'assistance de la force publique et d'un serrurier,
- dire qu'à défaut d'avoir quitté les lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, la société Auguste et Ferdinand sera débitrice d'une astreinte de 250 euros par jour de retard,
- condamner par provision la société Auguste et Ferdinand à verser à M. [T] une indemnité d'occupation de 5 280 euros par mois à compter de la date à laquelle le bail a pris fin, et jusqu'à complète libération des locaux,
- condamner la société Auguste et Ferdinand à remettre le bâtiment loué dans son état initial en procédant notamment, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, aux travaux suivants : la démolition des cloisons installées dans la zone de cuisson et la zone de préparation et la reconstruction des cloisons anciennes démolies, conformément aux plans d'origine, la dépose de l'auvent en façade,
- condamner la société Auguste et Ferdinand à verser à M. [T] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Auguste et Ferdinand aux entiers dépens, qui comprendront le coût des constats sur ordonnance des 11, 18 et 21 décembre 2021 et des commandements des 12 juillet 2021 et 13 avril 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 25 septembre 2023, la société Auguste et Ferdinand demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lille le 28 février 2023,
A défaut, statuant à nouveau,
- déclarer les demandes formées par M. [T] sur la base du commandement visant la clause résolutoire signifié le 13 avril 2023 irrecevables,
- se déclarer incompétente par suite du défaut d'urgence et de l'existence de contestations sérieuses pour le surplus,
- renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,
À titre subsidiaire :
- débouter M. [E] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre infiniment subsidiaire :
- prononcer la nullité des commandements d'exécuter visant la clause résolutoire signifiés le 12 juillet 2021 et le 13 avril 2023 par M. [T],
- juger que le congé avec refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction signifié par M. [E] [T] le 12 juillet 2021 est dénué de tout motif grave et légitime,
- nommer tel expert qu'il lui plaira de désigner, avec mission d'entendre les parties en leurs explications, visiter les locaux litigieux, les décrire, prendre connaissance des documents contractuels et de tous autres, notamment des documents comptables et fiscaux relatifs à l'exploitation du fonds de commerce exploité dans les lieux par la SAS Auguste et Ferdinand et, plus généralement, réunir tous éléments d'appréciation utiles permettant de fixer, par référence aux dispositions de l'article L145-14 du code de commerce, l'indemnité d'éviction pouvant être due par M. [T] à la SAS Auguste et Ferdinand à la suite de son éviction,
A titre infiniment infiniment subsidiaire, si par extraordinaire le juge des référés entendait faire droit à la demande d'acquisition de clause résolutoire adverse,
- suspendre les effets de la clause résolutoire et d'accorder les plus larges délais au preneur en application de l'article L145-41, alinéa 2, du code de commerce,
En tout état de cause :
- condamner M. [E] [T] à payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [E] [T] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 27 septembre 2023.
MOTIVATION
L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifient l'existence d'un différend.
La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du Code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire qui lui en donne compétence, ainsi que la résiliation de plein droit d'un bail.
L'article L. 145-41 du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Le juge des référés doit constater la résiliation de plein droit du bail au titre de la clause résolutoire s'il n'existe aucune contestation sérieuse sur la nature et l'étendue de l'obligation du bail que le preneur n'a pas respectée, sur le contenu de la clause résolutoire en elle-même, et sur la façon dont le bailleur la met en oeuvre.
Il est par conséquent nécessaire que :
* le bailleur soit en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
* la clause résolutoire soit dénuée d'ambiguïté et ne nécessite pas interprétation ;
* les obligations du bail dont la violation desquelles la clause résolutoire est la sanction ne soient l'objet d'aucune contestation sérieuse du preneur quant à leur charge et à leur étendue.
En l'espèce, le bail du 27 juin 1997 renouvelé liant les parties prévoit une telle clause, tandis que tant le premier commandement du 12 juillet 2021 de respecter les stipulations du bail que le second acte de même nature du 13 avril 2023, visent la clause résolutoire, et mentionnent le délai d'un mois de l'article L. 145-41 déjà mentionné.
La clause résolutoire se lit ainsi :
'A défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance, ou en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du bail ci-après indiqué, le présent bail sera résilié de plein droit, s'il plait au bailleur, un mois après un simple commandement de payer ou d'exécuter resté infructueux et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause.
La résiliation du bail sera constatée et l'expulsion du preneur ordonnée par simple ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de LILLE, statuant en matière de référé à l'expiration du délai de trente jours ci-dessus fixé.'
Le bailleur reproche au locataire de ne pas avoir cessé d'enfreindre les conditions du bail ayant fait l'objet des commandements de 2021 et de 2023.
L'ensemble des infractions reprochées par les commandements concernent des obligations placées, dans le bail authentique, à la suite de la clause résolutoire et sont, par conséquent, bien susceptibles d'être sanctionnées par celle-ci.
Concernant les demandes formées sur la base du second commandement du 13 avril 2023, qui concernent la remise en l'état antérieur de travaux effectués par le preneur, celui-ci soutient leur irrecevabilité, au moyen que la demande subsidiaire de constat de résiliation à l'effet du 13 mai 2023 a été présentée hors délai.
A cet égard, le preneur fait valoir que cette demande est valablement apparue dans des conclusions d'appelant le 14 septembre 2023 seulement, les conclusions d'appelant du 21 avril 2023 ne visant à leur dispositif que le commandement du 12 juillet 2021, et que l'avis de fixation de l'affaire à bref délai date du 3 avril 2023.
Le preneur soutient que, par conséquent, la demande nouvelle aurait dû, en vertu de l'article 905-2 du code de procédure civile, être présentée au plus tard le 3 mai 2023.
Le preneur expose encore que, d'ailleurs, l'article 910-4 du code de procédure civile impose aux parties de présenter dans leurs premières conclusions l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, que les conclusions notifiées le 15 septembre 2023 sont postérieures à l'expiration du délai de l'article 909 du code de procédure civile et ne peuvent de ce fait contenir de prétentions nouvelles.
Le preneur soutient encore que, en tout état de cause, le bailleur n'est pas recevable à invoquer ce second commandement pour la première fois devant la cour, faute d'avoir respecté la clause qui prévoit seulement la saisine en référé du président du tribunal de Lille, et de surcroît sans avoir respecté le délai de 30 jours stipulé pour mettre fin aux infractions notifiées avant que ne soit acquis le bénéfice de la clause.
Le preneur considère également qu'en tout état de cause la demande de constat de résiliation concernant le second commandement viole les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile.
Ces moyens d'irrecevabilité sont toutefois inopérants.
En effet, n'est pas irrecevable comme nouvelle en appel la demande en constat en résiliation du bail formée pour la première fois en appel sur la base d'un commandement du 13 avril 2023, alors que ces prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge sur la base d'un commandement antérieur et dont l'appelant, aux termes du litige dévolu à la cour, conteste le rejet.
En outre, la cour est saisie de la demande en constatation de résiliation sur la base du second commandement, postérieur à l'ordonnance entreprise ayant, par un chef de décision dévolu à la cour, rejeté une demande en constatation de résiliation, de sorte que ne constitue pas un manquement à la clause résolutoire le fait de l'avoir saisie sans passer devant le juge des référés de première instance.
S'agissant du délai de 30 jours, les parties ont seulement stipulé à ce sujet que la clause résolutoire était acquise au bailleur à la condition que le commandement d'exécuter soit resté infructueux pendant un mois, sans exiger d'attendre l'expiration de ce délai pour saisir le juge aux fins de constat de la résiliation. En outre l'article L. 145-41 du code de commerce, reproduit dans le commandement d'exécuter délivré le 13 avril 2023, exige que le commandement soit resté infructueux pendant au moins un mois. Or, en l'espèce, la cour a été saisie pour la première fois d'une demande en résiliation sur la base de ce commandement par le dispositif des conclusions du 14 septembre 2023, de sorte que nulle irrecevabilité de la demande en constat de résiliation ne peut résulter d'un prétendu manquement au délai de 30 jours.
S'agissant de la recevabilité de la demande en constat de résiliation au regard des articles 905-2 et 910-4 du code de procédure civile, il sera rappelé que ce dernier texte excepte du principe posé de concentration des demandes les prétentions destinées, dans les limites des chefs du jugement critiqués, à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, notamment de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Or, en l'espèce, alors que l'avis de fixation de l'affaire à bref délai date du 3 avril 2023, et que le second commandement délivré le 13 avril 2023 ne pouvait avoir effet avant l'expiration du délai d'un mois suivant cette date, il n'est pas valablement reproché à l'appelant de ne pas avoir saisi la cour d'une demande en constat de résiliation sur la base de ce second commandement le 3 mai 2023 au plus tard.
S'agissant de l'irrecevabilité soutenue du fait de la saisine du juge du fond de l'opposition à chacun des deux commandements, la cour relève que le juge du fond n'a pas statué, et qu'aucune irrecevabilité des demandes en référé ne résulte de sa seule saisine.
Sur le fond, il est reproché au preneur, aux termes du commandement de 2021 et à titre principal, alors que le bail prévoit que l'immeuble loué devait servir à exercer " l'activité de boulangerie-pâtisserie et activités annexes ", d'y exercer sans l'autorisation requise du bailleur, des activités étrangères au bail, de traiteur, de vente de plats chauds cuisinés, de vente de hamburgers et de frites, de vente d'alcool à emporter, et même de vente de fleurs, de fruits, d'huîtres et de poulets rôtis.
Le bailleur reproche également au preneur, sur le fondement du second commandement, d'avoir fait sans autorisation des travaux de construction d'un auvent sur la partie centrale du bâtiment et d'avoir modifié l'agencement intérieur, conformément au projet qu'il avait soumis au bailleur, ce en violation de la clause du bail qui dispose que :
"1° Le preneur ne pourra faire dans les lieux loués aucune construction, ou démolition, aucun percement de mur, cloison ou plancher, ni aucun changement de distribution sans le consentement exprès et par écrit du bailleur".
Le bailleur reproche enfin au preneur d'avoir procédé à une sous-location prohibée en vertu des dispositions de l'article L. 145-31 du code de commerce et de la clause du bail qui prévoit que :
"Le preneur ne pourra céder son droit au présent bail, l'apporter en société, ni sous-louer les locaux loués, sauf le consentement exprès et par écrit du bailleur, sous peine de nullité de la cession, ou de la sous-location consentie au mépris de la présente clause, et même de résiliation du présent bail, si bon semble au bailleur."
S'agissant de la clause du bail relatif à la destination des lieux, qui figure après la clause résolutoire et qui est donc sanctionnée par celle-ci, elle se lit ainsi :
"L'immeuble loué devra servir au preneur à exercer l'activité de boulangerie-pâtisserie et activités annexes.
Conformément à la loi, le preneur aura la faculté d'adjoindre à l'activité ci-dessus prévue des activités connexes ou complémentaires. A cet effet, le preneur devra faire connaître son intention au bailleur par acte extra-judiciaire en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé et devra obtenir l'accord écrit du bailleur.
De même, conformément à la loi, le preneur aura la faculté de demander au bailleur l'autorisation d'exercer sur le bien loué une ou plusieurs activités dont l'exercice est envisagé et devra obtenir l'accord écrit du bailleur.
De même, conformément à la loi, le preneur aura la faculté de demander au bailleur l'autorisation d'exercer sur le bien loué une ou plusieurs activités non prévues au présent bail. Cette demande devra être notifiée au bailleur par acte extra-judiciaire et comporter à peine de nullité, l'indication des activités dont l'exercice est envisagé. Le preneur devra obtenir l'accord écrit du bailleur."
Le bailleur allègue que le preneur vend dans les lieux des plats cuisinés, du couscous, des frites, des hachis parmentier, des burgers, des boissons alcoolisées et même des fleurs, des fruits, des huîtres et des poulets rôtis, ce qui ne respecte pas la clause de destination des lieux, sans qu'il soit besoin d'être hautement qualifié ou spécialiste du droit des baux pour l'admettre.
Le premier juge a essentiellement considéré que :
- eu égard à la chronologie caractérisée par le fait que le premier commandement a suivi la demande de renouvellement- l'intention réelle du bailleur n'est pas de voir le preneur se conformer aux exigences du bail, mais de mettre fin au bail liant les parties à moindre coût ;
- l'exploitation dans les lieux d'activités annexes de " métiers de bouche, activité s'y rapportant " ou de " traiteur " est ancienne, puisqu'il y est fait référence dans l'acte de cession en faveur du présent preneur, d'autant que le bailleur a été informé par lettre du 2 mars 2019 de la modification des lieux afin de permettre " la vente de burgers, sandwichs, plats cuisinés ", tandis qu'un échange de mails des 20 et 26 mars 2019 entre les parties indique qu'elles ont considéré que la rédaction d'un nouveau bail n'était pas nécessaire dès lors que l'activité de snacking (sandwicherie-burgers) était intégrée au bail ;
- seul le juge du fond peut se prononcer sur la question de savoir si la vente de fleurs le jour de la fête des mères, un jour dans l'année, constitue un manquement au bail ;
- concernant les travaux non autorisés, le bailleur en a été avisé dès avant leur exécution et a été destinataire des plans ;
- la sous-location invoquée est celle de locaux et non la mise à disposition ponctuelle comme en l'espèce, au demeurant très ancienne et bien antérieure à la cession du bail au présent preneur.
Sur ce, concernant la sous-location, la cour considère qu'il y a une contestation sérieuse prise du fait que le preneur soutient notamment que la simple mise à disposition partielle, temporaire, d'un espace extérieur en faveur d'un marchand ambulant d'huîtres, d'un marchand ambulant de poulets rôtis ou de tout autre type de marchand ambulant, ne caractérise pas nécessairement une sous-location de locaux prohibée en vertu de l'article L. 145-31 du code de commerce et de la clause du bail. Le preneur se prévaut en effet du fait que ces mises à dispositions sont effectuées sans prix ou contrepartie. Les attestations de MM. [M] et [P] indiquent, en particulier, que les occupations dont ils bénéficient se font sans autre versement qu'une participation aux frais d'électricité, sanitaires, d'entretien du parking et d'évacuation des déchets. Or, seul le juge du fond sera à même de déterminer si une telle participation aux frais revêt la qualification d'un prix.
En outre, il doit être retenu qu'il existe encore une contestation sérieuse prise du caractère tout à fait ponctuel de la vente de fleurs, le jour de la fête des mères, le bailleur échouant à démontrer quelque permanence de cette activité.
S'agissant des travaux, la cour retiendra qu'il existe une contestation sérieuse excédant l'office du juge des référés concernant la question de savoir si les travaux litigieux, dont le bailleur a eu connaissance des plans avant leur réalisation, ont été ou non dépourvus d'autorisation.
A cet égard, par un courriel du 13 juin 2019, le bailleur a écrit au couvreur avec copie au preneur que ce " nouveau repreneur était en train de transformer le local ", demandant à l'artisan de faire le tour des deux toitures avec celui-ci (M. [X]).
En outre, le bailleur lui-même reconnaît avoir eu connaissance des plans avant leur réalisation par le preneur.
Il appartiendra au juge du fond de déterminer l'existence ou non d'une autorisation et de dire si le commandement du 13 avril 2023 a été délivré de mauvaise foi par le bailleur.
Cependant, malgré la chronologie rappelée par le premier juge, la cour considère que la preuve n'est pas rapportée de la mauvaise foi du bailleur à l'occasion de la délivrance de l'un ou de l'autre commandement.
S'agissant de la vente d'alcool, qui n'est pas établie par le constat de commissaire de justice du 20 décembre 2021 autorisé sur requête, et pour l'exécution de laquelle l'officier ministériel a visité les lieux, elle ne l'est pas non plus avec l'évidence requise devant le juge des référés par le constat du 29 décembre 2022, au cours duquel l'officier ministériel a seulement relevé l'apposition d'une affiche de licence IV délivrée à l'établissement. Les photographies produites ne sont pas probantes non plus de vente d'alcool au sein de l'établissement. La vente d'alcool par des tiers tels " [Z] et [L] " bénéficiant d'une mise à disposition d'un emplacement extérieur n'établit pas non plus la vente d'alcool par le preneur avec l'évidence requise devant le juge des référés, étant observé que la sous-location alléguée et contestée se heurte elle-même à une contestation sérieuse.
Outre la contestation sérieuse prise de la réalité de la vente d'alcool, il existe une autre contestation sérieuse prise du fait que les parties se sont abstenues de définir complètement les activités autorisées par le bail, en se référant aux " activités annexes " de la boulangerie-pâtisserie.
La demande du bailleur sur ce point ne peut être satisfaite sans interprétation du sens imprécis de la clause et au vu de ce qui a, le cas échéant, déjà été admis par le bailleur, ce qui excède les pouvoirs du juge des référés.
Or, concernant les activités dites de "snacking (sandwicherie-Burgers)", en présence notamment d'un échange de courriels du mois de mars 2019 entre MM. [X] et [T] relatif au caractère déjà compris ou non de ces activités dans les activités autorisées par le bail authentique, il ne résulte pas avec l'évidence requise devant le juge des référés que celles-ci, telles qu'interprétées par les parties elles-mêmes, n'englobent pas déjà les activités de traiteur et l'ensemble de la fourniture de nourriture préparée à emporter, désormais reprochées par le bailleur, en ce compris d'ailleurs la fourniture de boissons alcoolisées accompagnant ces repas.
Par conséquent, l'ordonnance entreprise sera confirmée au seul vu des contestations sérieuses formées par le preneur, et le bailleur verra rejeter toutes ses demandes en référé.
Ce bailleur sera condamné aux dépens et, en équité, versera au preneur une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Déboute M. [T] de ses demandes ;
Le condamne à payer 5 000 euros à la société Auguste et Ferdinand, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens.