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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 1 février 2024, n° 21/00664

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

BGYB (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien

Avocats :

Me Moret, Me Raynaud, Me Lallement, Me Bouzidi Fabre, Me Bekkali

T. com. Paris, du 8 déc. 2020, n° 201905…

8 décembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

La société BGYB est une société de courtage maritime française dont la mission consiste à rapprocher des parties afin de leur permettre de conclure des contrats de vente, d'affrètement et de gestion de navires de plaisance.

En 2018, le Yatch "Grim'lov" appartenant à M. [R] a été mis en vente ; la société BGYB était l'un des courtiers le représentant.

Le 24 octobre 2018, Mme [L], citoyenne britannique résidant à [Localité 8], a contacté la société BGYB par l'intermédiaire de son époux pour obtenir des informations sur le "Grim'lov".

Suite à des échanges par courriers électroniques, un accord est intervenu sur la vente du navire au prix de 200 000 euros, et un contrat a été signé le 19 novembre 2018, la société BGYB étant partie au contrat.

Mme [L] versait la somme de 20 000 euros à titre d'acompte le 21 novembre 2018, puis le solde de 180 000 euros le 11 décembre 2018.

Le 11 janvier 2019, la société BGYB indiquait à M. [L] ne pas avoir perçu les fonds : un tiers s'était introduit dans les échanges électroniques entre les parties pour en modifier le contenu et indiquer aux acquéreurs des coordonnées bancaires n'appartenant pas au courtier.

M. [L] a déposé une plainte pénale auprès des services de police de [Localité 8] le 14 janvier 2019. De son côté, le 21 janvier 2019, la société BGYB déposait plainte auprès des services de police de [Localité 3]. L'enquête ne permettait pas de découvrir le bénéficiaire des fonds versés.

Entre temps, le navire était revendu à un tiers.

En absence de réponse du courtier comme du propriétaire pour obtenir la livraison du yacht ou l'indemnisation de son préjudice, Mme [L], par actes extrajudiciaires des 26 juillet et 1er aout 2019, signifiés à personne habilitée, et en application du règlement CE n°1393/2007, assignait la société BGYB et M. [R].

Par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- Prononcé la résolution du contrat de vente du 19 novembre 2018 ;

- Condamné la société BGYB à verser à Mme [L] la somme de 180 000 euros à titre de dommages intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019 ;

- Débouté M. [R] de ses demandes ;

- Condamné la société BGYB à payer la somme de 5 000 euros à Mme [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté M. [R] de sa demande à ce titre ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné la société BGYB aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA.

Par déclaration du 5 janvier 2021, la société BGYB a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Prononcé la résolution du contrat de vente du 19 novembre 2018 ;

- Condamné la société BGYB à verser à Mme [L] la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019 ;

- Condamné la société BGYB à payer à Mme [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société BGYB de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné la société BGYB aux dépens.

Par conclusions signifiée le 25 août 2021, Mme [L] a formé appel incident du jugement.

Par acte du 30 août 2021 délivré le 18 octobre 2021, Mme [L] a assigné en appel provoqué M. [R].

Par ses dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2021, la société BGYB (l'appelante) demande, au visa de l'article 1231-1 du code civil, de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8 décembre 2020.

Et statuant de nouveau,

- Dire et juger que la société BGYB n'est pas responsable du détournement de la somme de 200 000 euros commis par les pirates informatiques.

En conséquence,

- Débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes et la condamner à restituer toute somme qu'elle aurait perçue de la société BGYB au titre de l'exécution provisoire du jugement rendu le 8 décembre 2020 ;

- Condamner Mme [L] à payer à la société BGYB la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société BGYB fait principalement valoir que Mme [L] ne caractérise pas l'existence d'une violation par le courtier de ses obligations professionnelles. L'intermédiaire n'a pas l'obligation de procéder à des investigations approfondies en présence de circonstances présentant une régularité apparente, et n'est donc pas fautif s'il ne détecte pas une fraude difficilement perceptible. A défaut de preuve rapportée par les époux [L] que le piratage informatique ait trouvé son origine sur le système informatique de la société BGYB, le tribunal ne pouvait pas retenir la responsabilité de cette dernière.

Par ses dernières conclusions notifiées le 25 février 2022, Mme [L] (intimée et appelante à titre incident) demande, au visa des articles 1231 et suivants du code civil, ainsi que 1603 et suivants du code civil, de :

- Confirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris le 8 décembre 2020 en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente du Yacht "Grim'lov" conclu le 19 novembre 2018 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société BGYB avait manqué à ses obligations en sa qualité de courtier ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société BGYB avait été négligente dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- Dire l'appel incident formé par Mme [L] recevable et bien fondé ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité allouée à Mme [L] à la somme de 180 000 euros ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner la société BGYB à verser à Mme [L] la somme de 200 000 euros en indemnisation de son préjudice ;

- Dire que la condamnation de la société BGYB sera assortie des intérêts au taux légal courant à compter du 27 mai 2019 ;

- Débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner solidairement M. [R] et la société BGYB à verser à Mme [L] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement M. [R] et la société BGYB aux entiers dépens.

Mme [L] fait principalement valoir que compte tenu de l'absence de livraison du yacht par le vendeur et de l'impossibilité d'y procéder, la résolution du contrat de vente s'impose. La première obligation du courtier consiste à s'assurer de l'identité des parties qu'il met en relation. Contrairement à ce que soutient la société BGYB, cette obligation de vérification ne porte pas uniquement sur la solvabilité ou sur l'existence juridique d'une société, mais également sur l'identité réelle d'une personne physique dont le courtier doit vérifier qu'elle n'est pas frauduleuse. La faute de la société BGYB est caractérisée par sa négligence dans l'exécution de ses obligations de courtier professionnel : elle n'a pas réagi au piratage de son système informatique et s'est abstenue d'interroger Mme [L] sur le paiement du prix lors de sa visite du 30 novembre 2018. Cette faute est à l'origine du détournement du prix de vente du Yacht "Grim'lov".

Par ses dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2021, M. [I] [R] (intimée sur appel provoqué) demande, au visa des articles 1217, 1219, 1342-2, 1224 et 1650 et suivants du code civil, ainsi que les articles 696 et 700 du code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 8 décembre 2020 en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente du 19 novembre 2018 ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner Mme [L] et la société BGYB, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, à payer à M. [R] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la première instance ;

En tout état de cause,

- Débouter Mme [L] et la société BGYB de toutes leurs demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de M. [R] ;

- Condamner Mme [L] et la société BGYB, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, à payer à M. [R] la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel ;

- Les condamner, in solidum ou l'un à défaut de l'autre, aux entiers dépens d'appel.

M. [R] (intimé sur appel provoqué) fait principalement valoir qu'il n'a jamais mandaté la société BGYB pour percevoir le solde du prix de vente, celle-ci étant uniquement habilitée à recevoir l'acompte conformément aux stipulations contractuelles. Aux termes de l'article 1654 du code civil, si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente. Le paiement, pour être libératoire, doit être effectué entre les mains du créancier ou de son représentant désigné pour le recevoir, ce que n'a pas respecté Mme [L] ; à défaut de règlement de l'acompte ou du solde du prix, il avait la possibilité de résilier le contrat. En application des articles 1217 et 1219 du code civil, il était pleinement en droit de ne pas livrer le yacht.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 octobre 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motivation

SUR CE LA COUR

Sur la résolution du contrat de vente

L'article 1654 du code civil dispose que si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente. L'article 1224 du code civil prévoit que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

En l'espèce, la vente du 19 novembre 2018 a été conclue pour un prix de vente de 200 000 euros, payable en un premier versement de 20 000 euros (acompte), intervenant, selon l'article 25 du contrat, au plus tard dans les quatre jours ouvrables suivant la signature du contrat, puis complété par un versement de 180 000 euros intervenant, en vertu de l'article 30 du contrat, au plus tard le 20 décembre 2018.

L'article 31 du contrat stipule qu'en l'absence de paiement de l'acompte prévu à l'article 25, le vendeur a le droit de résilier le contrat.

Il n'est pas contesté que ni M. [R], ni le courtier la société BGYB, n'ont été rendus destinataires du versement de 20 000 euros opéré par Mme [L], puisque, victime d'une escroquerie, elle a transféré les fonds auprès d'un tiers non identifié.

L'article 1342-2 du code civil dispose que le paiement doit être fait au créancier ou à la personne désignée pour le recevoir. Le paiement fait à une personne qui n'avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s'il en a profité.

M. [R] n'ayant pas perçu l'acompte, c'est donc à bon droit qu'il n'a pas procédé à la livraison du yacht.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 19 novembre 2018.

Sur la responsabilité de la société BGYB et l'indemnisation du préjudice de Mme [L]

Un courtier au sens de l'article L131-1 du code de commerce est un professionnel exerçant l'activité de courtage. Par son action, il sert d'intermédiaire pour une opération entre deux parties, telle que la vente de marchandise. Le courtier a un devoir d'information ; il n'agit pas au nom de ses clients mais intervient à leur demande, en son propre nom, en toute indépendance. Il a une obligation générale d'information portant sur les parties en présence, notamment leur capacité, leur identité, leur solvabilité et leur sérieux.

Il appartient à la société BGYB de démontrer qu'elle a rempli ses obligations d'information et de conseil.

Il est constant que la société BGYB est intervenue dans le cadre d'une vente conclue entre Mme [L] et M. [R], deux parties parfaitement identifiées, en capacité de contracter, solvables, et que cette vente avait pour objet une marchandise existante. L'article 38 du contrat de vente stipulait que la société BGYB percevait l'acompte au nom et pour le compte du vendeur puis, conformément à l'article 30 du contrat, elle devait conserver l'acompte jusqu'à la date de "conclusion de la vente", c'est-à-dire la livraison du yacht, date à laquelle le solde du prix devait être payé au vendeur ou au courtier, selon les indications du vendeur.

Les correspondances électroniques entre les parties démontrent que dès le 21 novembre 2018, un tiers s'est introduit dans leurs échanges, à des fins frauduleuses. Monsieur [L] ne recevait plus d'emails de l'adresse authentique de la société BGYB "[Courriel 6]" mais d'une adresse différente "[Courriel 7]". En parallèle, la société BGYB recevait des emails de l'adresse "[Courriel 12]" alors que l'adresse correcte de Monsieur [L] est "[Courriel 13]".

Par ces manœuvres, de fausses coordonnées bancaires ont été transmises aux époux [L] pour le paiement du prix. Le virement de l'acompte 20 000 euros effectué par Mme [L] le 21 novembre 2018 n'a pas été crédité sur le compte bancaire de la société BGYB, mais sur un compte n° [XXXXXXXXXX010], ouvert auprès d'un établissement hongrois. Mme [L] a ensuite été conduite à effectuer le versement du solde de 180 000 euros le 11 décembre suivant, sur un autre compte hongrois n°[XXXXXXXXXX09].

Les pièces produites établissent que la société BGYB et Mme [L] ont été victimes l'une et l'autre d'une escroquerie, et qu'il en résulte un préjudice de 200 000 euros pour cette dernière.

Mme [L] reproche à la société BGYB d'avoir manqué à son obligation de garantir l'identité des parties, et à son devoir de vigilance en ce qu'elle n'a pas mis en place de protections suite à l'intrusion dans son système informatique, et qu'enfin, elle a manqué de réactivité face au constat du non-paiement de l'acompte notamment lors de sa visite d'inspection du yacht.

Il convient de relever qu'en l'espèce, la falsification des adresses électroniques est ingénieuse et difficilement perceptible : le retranchement d'un "s" à la fin de l'adresse authentique de M. [L] est difficilement détectable même pour un observateur averti, alors que la partie domaine, "net", est identique.

Cette anomalie est d'autant moins décelable que dans la messagerie Outlook utilisée par les parties, la mention de l'adresse électronique du correspondant est abrégée : l'adresse de M. [L] apparaît ainsi sous la simple appellation "[O] [L]" et non comme "[Courriel 12]".

Les courriels frauduleux se sont introduits dès le début des échanges entre la société BGYB et M. [L], ne permettant pas au courtier d'être alerté par une modification inopinée de l'adresse électronique de son client.

En l'absence de tout signe ou caractère apparent propre à éveiller son alerte, il ne peut dès lors être reproché à la société BGYB de n'avoir pas effectué un "double-clic" lors de l'envoi ou de la réception de ses courriels afin de vérifier l'adresse complète de son interlocuteur.

Il n'est pas davantage établi que la forme ou le style du contenu des courriels frauduleux présentaient des incohérences sur la forme ou le fond de nature à éveiller les soupçons des parties, puisqu'au contraire, les formules de politesse de début et de fin des messages sont celles usitées, et le courtier y est dénommé par son prénom comme avait l'habitude de le faire M. [L]. Les préconisations de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information en matière de cybercriminalité et notamment l'obligation d'être attentif à tout indice mettant en doute l'origine du courriel n'apparaissent donc pas avoir été négligées par la société BGYB. Il n'est pas non plus établi que la mise en place d'un dispositif renforçant la sécurité de sa messagerie, tel le dispositif "mailingblack", mécanisme de défense contre les cyberattaques, aurait été de nature à empêcher le piratage dont ont été victimes les parties.

Contrairement à ce qu'affirme Mme [L], la société BGYB n'a pas reconnu que l'origine du piratage ait été inhérente à son système informatique, puisqu'au contraire, dans le procès-verbal de plainte déposée par la société BGYB le 21 janvier 2019, son dirigeant déclare ne pas savoir "comment nous avons été piratés et si c'est nous ou notre client qui avons été piratés en premier, nous avons constaté une intrusion sur OVH, mais nous ne savons pas qui en premier de nous ou de Mr [L] a été piraté". De son côté, Mme [L] affirme avoir le 12 janvier 2019 procédé à une analyse de son propre système informatique sans détecter d'intrusion, mais elle n'en rapporte pas la preuve.

L'absence de certitude en la matière est confirmée par l'examen technique de Mme [P], expert en informatique, versé aux débats par la société BGYB, laquelle précise "due to the fact that the fraud was orchestrated in this way, I have not been able to identify any illegitimate emails sent either from Mr [L] or BGYB which would indicate which party was compromised" que la cour traduit par "étant donné la manière dont a été orchestrée la fraude, je n'ai pu identifier aucun email illégitime envoyé par M. [L] ou BGYB qui pourrait indiquer quelle partie a été compromise".

Outre le fait qu'il soit non daté, la production d'un extrait du moteur de recherche Google mentionnant que le site internet de la société BGYB a été possiblement piraté ("this site may be hacked"), ne rapporte pas la preuve que le piratage en question concernerait également la messagerie Outlook de la société.

Enfin, il n'est pas démontré que, face au constat de l'absence de versement de l'acompte de M. [L] sur son propre compte bancaire, la société BGYB soit restée inactive, alors qu'au contraire, elle a immédiatement tenté de signaler à l'acquéreur l'anomalie par trois courriels transmis les 27, 28 et 29 novembre 2018, lesquels ont cependant été interceptés par les fraudeurs, et ne sont pas parvenus à M. [L].

L'absence d'une prise de contact téléphonique ou de vive-voix lors de la visite du yacht par les époux [L], qui a été effectuée par un simple naviguant le 30 décembre 2018, doit également être contextualisée au regard des messages rassurants censés émaner de M. [L], mais en réalité frauduleux, reçus par la société BGYB, et notamment la transmission la veille, le 29 novembre 2018, d'un faux bordereau attestant que le transfert des fonds était en cours.

Il est enfin indifférent que, lors du message de M. [L] par message du 3 janvier 2019, la société BGYB n'ait pas immédiatement relevé qu'il mentionnait à plusieurs reprises le nom "OTP" pour désigner le compte bancaire frauduleux ("Hi - this is driving me a bit crazy! I have called HSBC at least 5 times and each time they tell me thing which is - if the receiving bank Eg if OTP have an issue they should send a swift message to HSBC who will immediately respond" que la cour traduit par "Salut - cela me rend un peu fou ! J'ai appelé HSBC au moins 5 fois et à chaque fois ils me disent quelque chose qui est - si la banque réceptrice par ex si OTP a un problème elle doit envoyer un message rapidement à HSBC qui répondra immédiatement"), puisqu'à cette date, les fonds ayant déjà été versés depuis plusieurs semaines, l'acte de fraude ne pouvait plus être empêché.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société BGYB, qui est soumise à une obligation de moyen, n'a pas commis de faute ayant un lien de causalité avec le préjudice de Mme [L], qui résulte de l'escroquerie commise par un tiers à ce jour non identifié.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BGYB à verser à Mme [L] la somme de 180 000 euros à titre de dommages intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019, et de débouter Mme [L] de sa demande d'indemnisation de son préjudice.

Le présent arrêt, infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la demande de la société BGYB en condamnation de Mme [L] à restitution de somme.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société BGYB aux dépens et à payer à Mme [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [L], partie qui succombe, est condamnée aux dépens d'instance et d'appel.

L'équité commande que chacune des parties conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a engagés en première instance et en appel.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 19 novembre 2018 et en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déboute Mme [L] de sa demande de condamnation de la société BGYB à lui verser la somme de 200 000 euros en indemnisation de son préjudice, avec intérêt au taux légal à compter du 27 mai 2019 ;

- Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de la société BGYB en condamnation de Mme [L] à restitution de somme perçue au titre de l'exécution provisoire du jugement ;

- Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme [L] aux entiers dépens d'instance et d'appel.