CA Poitiers, 1re ch., 13 février 2024, n° 22/00819
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Caisse De Réassurance Mutuelle Agricole, Cuma des Trois Moulins (Sté), Cuma l'Eveil de Doix (Sté)
Défendeur :
John Deere (SAS), Ouest Agri (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
M. Orsini, Mme Verrier
Avocats :
Me Chan, Me Lahalle, Me Le Carre, Me Lecler-Chaperon, Me Emmanuel, Me Le Lain, Me Gosslin, Me Goven
La cuma L'éveil a acquis de la société Ouest Agri deux presses à paille de marque John Deere, modèle 854 (n° de série : 1CC0854NBTBC120215 et 1CC0854NJBC120221). La facture d'achat est en date du 27 octobre 2011. Le prix de chacun de ces matériels était de 28.750 € hors taxes.
Ces deux presses ont été détruites par un incendie le 9 juillet 2015, en cours d'utilisation.
La cuma Les trois moulins a acquis de la société Ouest Agri une presse de marque John, Deere modèle 864 (n° de série : 1CC0864NKDD135609), au prix hors taxes de 30.300 €. La facture d'achat est en date du 8 février 2014.
Cette presse a été détruite par un incendie le 11 juillet 2015, en cours d'utilisation.
La caisse de réassurance mutuelle agricole - Groupama Centre Atlantique est l'assureur de la cuma L'éveil, de la cuma Les trois moulins, du gaec La loyauté et de l'earl Les deux chênes.
La société Groupama Centre Atlantique a missionné la société Macé Expertises aux fins d'examen des matériels.
Le rapport d'expertise de la presse n° 1CC0854NJBC120221, propriété de la cuma L'éveil et alors utilisée par le gaec Beaupuy, est en date du 7 mars 2016. Celui relatif à la seconde presse n° 1CC0854NBTBC12021 utilisée par le gaec La loyauté est également en date du 7 mars 2016. Ces rapports ont été établis au contradictoire du fabricant, du revendeur et des acquéreurs.
Le rapport d'expertise de la presse n° 1CC0864NKDD135609, propriété de la cuma Les trois moulins et alors utilisée par l'earl Les deux chênes, est en date du 10 mars 2016. Ce rapport a été établi au contradictoire du fabricant, du revendeur et des acquéreurs.
La société Groupama Centre Atlantique a indemnisé la cuma L'éveil, la cuma Les trois moulins, la gaec Beaupuy, le gaec La loyauté et l'earl Les deux chênes des conséquences dommageables de ces sinistres.
Par acte du 16 octobre 2017, la société Groupama Centre Atlantique, se présentant subrogée aux droits de ses sociétaires, la cuma L'éveil et la cuma Les trois moulins ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon aux fins d'expertise des presses. Par ordonnance du 22 janvier 2018, ce juge des référés a :
- déclaré recevable la demande d'expertise ;
- rejeté la demande de désignation d'un expert pour examiner les presses appartenant à la cuma L'éveil, l'action en garantie des vices cachés étant manifestement irrecevable car prescrite ;
- ordonné une expertise de la presse appartenant à la cuma Les trois moulins ;
- commis [R] [T] en qualité d'expert.
Le rapport d'expertise est en date du 22 décembre 2018.
Par acte du 3 avril 2019, la société Groupama Centre Atlantique, la cuma L'éveil et la cuma Les trois moulins ont fait assigner la société John Deere et la société Ouest Agri devant le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon.
Elles ont à titre principal demandé de condamner in solidum les sociétés John Deere et Ouest agri à payer à :
- la société Groupama Centre Atlantique les sommes de :
- 23.450 €, montant des quittances subrogatoires en date des 2 mai et 19 juillet 2016 ;
- 8.000 € correspondant à la somme versée au gaec La loyauté ;
- 8.200 € et 1.200 € correspondant à la somme versée à la cuma L'eveil ;
- 8 000 € correspondant à la somme versée à l'earl Les deux chênes ;
- 15.000 € correspondant à la somme versée au gaec Beaupuy ;
- la cuma Les trois moulins la somme de 700 € en remboursement de la franchise contractuelle ;
- la cuma L'éveil la somme de 1.800 € correspondant au remboursement de la franchise contractuelle.
La société Groupama Centre Atlantique a soutenu être recevable à agir :
- sur le fondement de la garantie des vices cachés s'agissant de la vente consentie à la cuma Les trois moulins, le délai de l'action, interrompu par l'assignation en référé ayant recommencé à courir à compter de l'ordonnance et n'étant pas expiré à la date de l'assignation au fond ;
- sur le fondement de la responsabilité délictuelle s'agissant de l'action de la cuma L'éveil à laquelle elle est subrogée.
Au fond, les demanderesses ont exposé que :
- la presse acquise par la cuma Les trois moulins était affectée d'un défaut de conception, la détérioration prématurée d'un roulement ayant été à l'origine de l'incendie ;
- la société John Deere avait, s'agissant des matériels acquis par la cuma L'éveil, commis une faute en laissant sur le marché des presses qu'elle savait affectées d'un vice non solutionné.
La société Ouest Agri a à titre principal soutenu que les actions des cuma L'éveil et Les trois moulins étaient prescrites, tant sur le fondement de la garantie des vices cachés que de la responsabilité du fait des produits défectueux. Elle a ajouté qu'elle n'avait pas la qualité de producteur et que la société Groupama Centre Atlantique ne justifiait pas de la subrogation alléguée, qu'elle fût légale ou conventionnelle.
Au fond, elle a indiqué que le rapport d'expertise judiciaire était insuffisant à caractériser un quelconque vice des choses vendues.
Elle a subsidiairement sollicité la garantie de la société John Deere.
La société John Deere a soutenu que la société Groupama Centre Atlantique était irrecevable à agir, n'ayant pas justifié de la subrogation alléguée. Elle a ajouté que l'action en responsabilité de la cuma L'éveil était prescrite, le délai de cinq années ayant commencé à courir à compter de la vente.
Au fond, elle a exposé que la preuve du vice allégué n'était pas rapportée et qu'il résultait du rapport d'expertise que les incendies avaient eu pour cause un défaut d'entretien des matériels.
Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de La Roche-sur-Yon a statué en ces termes :
'REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI pour défaut d'intérêt à agir de la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI et la société JOHN DEERE pour défaut de qualité à agir de la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI tirée de la prescription de l'action intentée par la CUMA LES TROIS MOULINS et la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE, subrogée dans les droits de la CUMA les TROIS MOULINS et de l'EARL LES 2 CHENES,
DECLARE IRRECEVABLE l'action de la CUMA L'EVEIL et de la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE subrogée dans les droits de la CUMA L'EVEIL, du GAEC BEAUPUY, du GAEC LA LOYAUTÉ, pour prescription ;
DÉBOUTE la CUMA LES TROIS MOULINS et la caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA Centre Atlantique, subrogée dans les droits de la CUMA LES TROIS MOULINS et de l'EARL LES 2 CHENES, de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum la caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA Centre Atlantique, la CUMA L'EVEIL et la CUMA LES TROIS MOULINS, à payer à la Société OUEST AGRI la somme de 3 000 € et à la Société JOHN DEERE la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA Centre Atlantique, la CUMA L'EVEIL et la CUMA LES TROIS MOULINS, aux dépens de l'instance,
Dit que les avocats en la cause pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur les parties condamnées ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la présente décision,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires'.
Il a considéré que :
- la société Groupama Centre Atlantique avait, par la production des quittances subrogatoires, justifié de son intérêt et de sa qualité à agir ;
- l'action de la cuma Les trois moulins exercée sur le fondement de la garantie des vices cachés n'était pas prescrite, le délai ayant commencé à courir à compter de la date du rapport d'expertise ;
- celle en responsabilité extracontractuelle de la cuma L'éveil ne pouvait être fondée que sur les dispositions relatives aux produits défectueux et non sur le droit commun de la responsabilité délictuelle, le dommage allégué n'ayant pas eu d'autre cause que le défaut de sécurité du produit ;
- cette action était par application de l'article 1245-16 du code civil irrecevable, le délai de 3 années à compter de la date du rapport de l'expert amiable étant expiré.
Au fond, il a considéré que le vice allégué de la chose n'était pas établi, l'expert judiciaire ayant relevé que la dégradation du roulement et l'incendie avaient pu avoir pour cause un défaut d'entretien du matériel.
Par déclaration reçue au greffe le 29 mars 2022, la caisse de réassurance mutuelle agricole - Groupama Centre Atlantique, la cuma L'éveil et la cuma Les trois moulins ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2023, elles ont demandé de :
'Vu le rapport d'expertise judiciaire du 22 décembre 2018
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1240 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1217 et suivants du Code civil,
Vu l'article L 121-12 du Code des assurances,
[...]
- Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHE SUR YON en ce qu'il a':
' Rejeté la fi n de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI pour défaut d'intérêt à agir de la CRAMA,
' Rejeté la fi n de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI et la société JOHN DEERE pour défaut de qualité à agir de la CRAMA,
' Rejeté la fi n de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI tirée de la prescripti on de l'action intentée par la CUMA LES 3 MOULINS et la CARMA subrogée dans les droits de la CUMA LES 3 MOULINS et de l'EARL LES 2 CHÊNES,
- Infirmer le Jugement rendu par le Tribunal de LA ROCHE SUR YON en ce qu'il a':
' Déclaré irrecevable l'acti on de la CUMA L'EVEIL et de la CRAMA subrogée dans les droits de LA CUMA L'EVEIL, du GAEC BEAUPUY, du GAEC LA LOYAUTE, pour prescription,
' Débouté la CUMA LES 3 MOULINS et la CRAMA, subrogée dans les droits de la CUMA LES 3 MOULINS et de L'EARL LES 2 CHÊNES, de l'ensemble de leurs demandes,
' Condamné in solidum la CRAMA, la CUMA L'EVEIL et LA CUMA LES 3 MOULINS à payer à la société OUEST AGRI la somme de 3 000 euros et à la société JOHN DEERE la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
' Condamné in solidum la CRAMA, LA CUMA L'EVEIL et LA CUMA LES 3 MOULINS, aux dépens de l'instance,
' Dit que les avocats en la cause pourront, en ce qui les concerne, recouvrer sur les parti es condamnées ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du Code de procédure civile,
' Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la présente décision,
' Débouté les parti es de leurs demandes plus amples ou contraires.
Et statuant à nouveau, de
- Débouter la société JOHN DEERE et la société OUEST AGRI de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- Dire et Juger GROUPAMA Centre Atlantique et la CUMA LES TROIS MOULINS recevables et fondées en leurs demandes,
- Prononcer la résolution de la vente de la presse acquise par la CUMA LES TROIS MOULINS le 8 février 2014 et détruite par incendie le 11 juillet 2015 pendant son utilisation par l'EARL LES 2 CHÊNES,
- Condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre les sociétés JOHN DEERE et OUEST AGRI à payer à GROUPAMA Centre Atlantique la somme de 23'450 € avec intérêts au taux légal à compter des quittances subrogatoires du 2 mai et 19 juillet 2016,
Condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre les sociétés JOHN DEERE et OUEST AGRI à payer à LA CUMA LES 3 MOULINS la somme de 6 850 €, soit le solde du prix de vente acquise le 8 février 2014, non indemnisé par GROUPAMA,
- Condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre les sociétés JOHN DEERE et OUEST AGRI à payer à la CUMA DES TROIS MOULINS la somme 700 € correspondant au remboursement de la franchise contractuelle
- Condamner la société JOHN DEERE et OUEST AGRI à payer à GROUPAMA Centre Atlantique avec intérêts au taux légal à compter de la quittance subrogatoire les sommes suivantes et correspondant à son préjudice financier :
- 8'000 € correspondant à la somme versée au GAEC de la Loyauté suivant quittance subrogative du 27 mai 2016';
- 8'200 € correspondant à la somme versée à la CUMA L'EVEIL suivant quittance subrogative du 2 juin 2016';
- 1'200 € correspondant à la somme versée à la CUMA L'EVEIL suivant quittance subrogative du 2 juin 2016'
- 8'000 € correspondant à la somme versée à l'EARL LES 2 CHENES suivant quittance subrogative du 19 juillet 2016';
- 15'000 € correspondant à la somme versée au GAEC BEAUPUY suivant quittance subrogative du 15 mai 2016';
- Condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre les sociétés JOHN DEERE et OUEST AGRI à payer à la CUMA L'EVEIL la somme de 1 800 € correspondant au remboursement de la franchise contractuelle
- Condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre les sociétés JOHN DEERE et OUEST AGRI à payer à la compagnie GROUPAMA Centre Atlantique la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE , outre les entiers dépens de l'instance en ce compris ceux du référé et de l'expertise judiciaire'.
Elles ont maintenu que :
- la société Groupama centre Atlantique avait qualité et intérêt à agir, par l'effet des quittances subrogatoires et des conditions particulières des contrats d'assurances produites ;
- que l'action en garantie des vices cachés appartenant à la cuma Les trois moulins n'était pas prescrite, le délai de l'action, interrompu par l'assignation en référé, ayant recommencé à courir à compter de l'ordonnance de commission d'expert et qu'à la date de l'assignation, le nouveau délai n'était pas expiré ;
- l'action en responsabilité délictuelle du gaec Beaupuy et du gaec La loyauté, aux droits desquels l'assureur était subrogé, n'était pas prescrite à la date de l'assignation, le délai ayant commencé à courir à la date de réalisation du dommage, ajoutant que les prétentions n'étaient pas fondées sur la garantie des produits défectueux.
Elles ont soutenu au fond que :
- le rapport d'expertise judiciaire établissait que le matériel vendu à la cuma Les trois moulins était affecté d'un défaut de conception et n'avait pas caractérisé un défaut d'entretien ;
- ce vice, antérieur à la date de la vente, avait été à l'origine de l'incendie du matériel ;
- ce vice fondait la résolution de la vente et, par voie de conséquence, la restitution du prix, sans que cette demande de restitution ajoutée dans ses écritures d'appel fût une demande nouvelle.
La société Groupama centre Atlantique a ajouté que la société John Deere, en maintenant la commercialisation de matériels qu'elle savait affectés de défauts de conception, avait commis une faute de négligence engageant sa responsabilité délictuelle, en manquement notamment aux dispositions des articles L. 212-1, 221-1-3 et suivants du code de la consommation. Elle s'est présentée tiers au contrat conclus entre les sociétés John Deere, Ouest Agri et la cuma de L'éveil. Elle a subsidiairement soutenu que la société John Deere avait engagé sa responsabilité contractuelle en manquant à son obligation de suivi de ses produits et de communication aux consommateurs des risques liés à leur utilisation.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, la société Ouest Agri a demandé de :
'Sur l'appel incident de la société concluante.
Infirmer le jugement en tant que.
Et statuant à nouveau.
Vu l'article 1648 du Code civil
Infirmer le jugement et déclarer la CRAMA, CUMA LES TROIS MOULINS et CUMA L'EVEIL irrecevables comme prescrites.
Subsidiairement
Infirmer le jugement et déclarer la CRAMA irrecevable en son action subrogatoire entend qu'elle ne justifie pas de la nature de l'action et des conditions de la subrogation
Si par impossible la cour déclarait les actions recevables.
Sans aucune approbation des demandes des appelants, juger que la Cour n'est saisie que par les conclusions initiales des appelantes, par ailleurs non fondées, et rejeter toutes demandes plus amples ou contraires, résultant des conclusions du 17 novembre 2022, en application de l'article 910'4 du code de procédure civile la saisine de la cour étant limitée par la déclaration d'appel et les conclusions initiales de l'appelant.
Confirmer le jugement et débouter les sociétés requérantes de leur appel et de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions.
Vu notamment les articles 237, 238, 242 et 243 du code de procédure civile.
Juger que l'expert n'a effectué personnellement aucun constat technique sur la pièce qu'il soupçonnait et qu'il n'est pas en mesure de décrire le vice, d'un point de vue technique.
Juger que l'expert n'a pas personnellement entendu les utilisateurs et les parties ayant utilisé la machine le jour de l'incendie et s'est référé au rapport d'expertise de la CRAMA pour la narration des faits, sans avoir auditionné l'utilisateur du bien et le conducteur.
Juger que l'expert n'a pas sollicité, au besoin auprès du juge chargé du contrôle des opérations d'expertise, les pièces relatives à l'entretien du bien par la CUMA.
Sur l'absence de démonstration d'un vice
JUGER que le rapport d'expertise émet des hypothèses ;
JUGER que l'origine de l'incendie est indéterminée ;
JUGER que les demandeurs n'apportent pas la démonstration d'un vice caché.
Juger que les conditions des actions au visa des articles 1641 suivants du Code civil, 1217 et suivants du Code civil, 1240 et suivants du Code civil ne sont pas réunies.
Confirmer le jugement et débouter les sociétés requérantes de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions et de leur appel, quels que soient les prétentions et leurs fondements juridiques.
Subsidiairement.
Déclarer la société Ouest Agri recevable en son action estimatoire en garantie à l'encontre de la société John Deer.
Si la Cour déclarait en tout ou partie la société OUEST AGRI tenue au titre des actions initiées
Condamner la société John Deer à indemniser, et relever, la société Ouest Agri de l'intégralité des condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires.
Infirmer le jugement et condamner la CRAMA, CUMA LES TROIS MOULINS et CUMA L'EVEIL, in solidum, à payer à la Société OUEST AGRI la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de référé, d'expertise et de fonds et de première instance
Les condamner, in solidum, au paiement de la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure appel, pour le d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel'.
Elle a soutenu que :
- l'action de la cuma Les trois moulins était prescrite, le délai ayant commencé à courir avec le rapport d'expertise amiable ;
- l'action de la cuma L'éveil était prescrite pour les mêmes motifs, cette prescription ayant été au surplus relevé par le juge des référés et aucun élément nouveau n'étant intervenu depuis ;
- la société Groupama Centre Atlantique n'avait ni intérêt ni qualité à agir.
Elle a exposé que cette société n'avait justifié ni des paiements mentionnés aux quittances subrogatoires, ni des conditions générales des contrats souscrits ayant fondé son obligation de paiement. Elle a contesté toute subrogation légale ou conventionnelle.
Au fond, elle a conclu au rejet des prétentions formées à son encontre, l'expert n'ayant effectué aucun constat personnel et son rapport étant insuffisant à caractériser un quelconque vice des matériels. Selon elle, l'expert n'ayant émis que des hypothèses, l'origine de l'incendie demeure indéterminé.
Subsidiairement, elle a sollicité la garantie de la société John Deere.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2022, la société John Deere a demandé de :
'INFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a :
' REJETÉ la fin de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI pour défaut d'intérêt à agir de la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE ;
' REJETÉ la fin de non-recevoir soulevée par la société OUEST AGRI et la société JOHN DEERE pour défaut de qualité à agir de la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE ;
' REJETÉ la fin de non-recevoir soulevée par la société OUEST tirée de la prescription de l'action intentée par la CUMA LES TROIS MOULINS et la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE, subrogée dans les droits de la CUMA les TROIS MOULINS et de l'EARL LES 2 CHENES ;
CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a :
' DÉCLARÉ irrecevable l'action de la CUMA L'EVEIL et de la CRAMA subrogée dans les droits de LA CUMA L'EVEIL, du GAEC BEAUPUY, du GAEC LA LOYAUTE, pour prescription ;
' DÉBOUTÉ la CUMA LES TROIS MOULINS et la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE, subrogée dans les droits de la CUMA LES TROIS MOULINS et de l'EARL LES 2 CHENES, de l'ensemble de leurs demandes ;
' CONDAMNÉ in solidum la CRAMA, la CUMA l'EVEIL et la CUMA LES 3 MOULINS à payer à la société OUEST AGRI la somme de 3 000 euros et à la société JOHN DEERE la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' CONDAMNÉ in solidum la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE et la CUMA LES TROIS MOULINS, aux dépens de l'instance ;
' DIT que les avocats en la cause pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur les parties condamnées ceux des dépens dont il auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
JUGER IRRECEVABLE l'action engagée par GROUPAMA pour défaut du droit d'agir et prescription ;
DÉBOUTER la société OUEST AGRI de sa demande subsidiaire en garantie formée contre la société JOHN DEERE ainsi que toutes parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires;
CONDAMNER in solidum GROUPAMA, la CUMA LES TROIS MOULINS et la CUMA L'ÉVEIL à payer à la société JOHN DEERE une indemnité de 10.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER in solidum GROUPAMA, la CUMA LES TROIS MOULINS et la CUMA L'ÉVEIL aux entiers dépens d'appel, par application de l'article 696 du Code de procédure civile et au profit de Me LECLER-CHAPERON, avocat autorisé à les recouvrer par application de l'article
699 du Code de Procédure Civile'.
Elle a soutenu que la société Groupama Centre Atlantique ne justifiait pas d'une subrogation légale ou conventionnelle, les conditions personnelles du contrat souscrit par la cuma Les trois moulins n'ayant pas mentionné le risque incendie, la preuve des paiements mentionnés aux quittances subrogatoires n'étant pas rapportée, ni celle que l'earl Les deux chênes était adhérente de la cuma et bénéficiait ainsi des garanties souscrites par cette dernière. Elle a ajouté que l'assureur ne justifiait de même pas être subrogé aux droits du gaec La loyauté et du gaec Beaupuy.
Au fond, elle a conclu au rejet des prétentions formées à son encontre, le rapport d'expertise judiciaire n'établissant pas le vice allégué ayant affecté le matériel acquis par la cuma Les trois moulins et ayant mis en évidence le défaut d'entretien du matériel par cette dernière n'ayant pas respecté les instructions du carnet d'entretien.
Elle a rappelé que les matériels vendus à la cuma L'éveil étaient d'un modèle différent. Elle a maintenu que :
- l'action exercée à son encontre par cette dernière ne pouvait l'être que sur le fondement de l'action en responsabilité du fait des produits défectueux, à défaut de preuve d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit ;
- cette action était prescrite.
Elle a ajouté :
- qu'aucune négligence fautive dans le suivi des produits ne pouvait lui être imputée, rappelant le succès des presses et l'absence de signalement de leurs défauts par la profession agricole ;
- le lien de causalité entre les fautes lui étant imputées et les sinistres n'était pas établi.
Elle a soutenu que les actions en responsabilité contractuelle des gaec Beaupuy et La loyauté d'une part étaient prescrites, d'autre part n'étaient pas fondées en l'absence de faute de sa part.
Elle a pour les motifs qui précèdent conclu au rejet de la demande de garantie formée à son encontre par la société Ouest Agri.
L'ordonnance de clôture est du 30 novembre 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
A - SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTION
1 - sur l'action de la cuma Les trois moulins
La cuma Les trois moulins fonde son action sur l'article 1641 du code civil qui dispose que : 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.
L'article 1648 alinéa 1er du même code précise que : 'L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice'.
Ce délai est un délai de prescription.
L'article 2229 du code civil dispose que :
'La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée'.
L'article 2241 alinéa 1er du même code prévoit que : 'La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion'.
La facture d'achat du bien est en date du 8 février 2014. L'incendie est survenu le 11 juillet 2015. L'assignation en référé est du 16 octobre 2017 et l'ordonnance de commission d'expert du 22 janvier 2018. Le rapport d'expertise est en date du 22 décembre suivant. L'assignation au fond est du 3 avril 2019.
L'assignation en référé, qui a été délivrée moins de deux années après l'incendie, a interrompu le délai biennal de prescription. Le nouveau délai, qui a été suspendu le temps de la mesure d'instruction, a recommencé à courir au plus tôt six mois après la date de dépôt du rapport d'expertise. L'assignation au fond a été délivrée moins de deux années après la fin des opérations d'expertise.
L'action de la cuma Les trois moulins est dès lors recevable.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2 - sur l'action de la cuma L'éveil
La cuma L'éveil admet que son action sur le fondement des vices cachés est prescrite (page 13 de ses conclusions).
Elle fonde ses prétentions sur les dispositions de l'article 1240 du code civil qui dispose que : 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
Le juge est tenu d'examiner d'office l'applicabilité du régime de responsabilité du fait des produits défectueux, du moment qu'il résulte de ses constatations que ce régime pourrait être applicable.
L'article 1386-1 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que : 'Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime'.
L'article 1382-6 ancien du même code prévoit que :
' Les dispositions du présent titre s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne.
Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même'.
L'article 1386-4 alinéa 1er ancien du code civil précise que : 'Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre'.
La presse a pris feu lors de son utilisation. L'incendie est à l'origine de dommages subis par biens autres.
L'article 1386-16 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que : 'Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice' et l'article 1386-17 que : 'L'action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur'.
Ce dernier délai est un délai de prescription, susceptible d'interruption et de prescription.
L'article 2243 du code civil dispose que : 'L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée'.
La date de mise en circulation du produit n'est pas connue. La date du dommage est celle de l'incendie. Le producteur est connu.
[M] [V], de la société Macé Expertises, a examiné les presses propriété de la cuma L'éveil, utilisées par les gaec Beaupuy et La loyauté. Il a dans ses rapports en date des 7 et 10 mars 2016 conclu que les incendies avaient pour cause un sous-dimensionnement des roulements à billes des paliers des presses. Le défaut fondant les prétentions de la cuma L'éveil était connu au 10 mars 2016.
L'assignation en référé a été délivrée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Cette assignation a été délivrée moins de trois années après l'incendie et les rapports d'expertise en date des 7 et 10 mars 2016 de la société Macé Expertises.
La demande d'expertise de la cuma L'éveil a été rejetée. L'ordonnance de référé est à ce jour irrévocable.
L'assignation du 16 octobre 2017 est, par application des dispositions de l'article 2243 précité, sans effet interruptif.
L'assignation au fond a été délivrée le 3 avril 2019, plus de trois années après le 10 mars 2016 précité.
A la date de délivrance de cette assignation, l'action pouvant être exercée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux par la cuma L'éveil était prescrite.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a déclaré cette action irrecevable.
3 - sur l'action de la société Groupama Centre Atlantique
L'article L. 121-12 alinéa 1er du code des assurances dispose que : 'L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur'.
La société Groupama Centre Atlantique a produit les conditions personnelles des contrats souscrit par la cuma L'éveil, le gaec La Loyauté, de l'earl Les deux chênes et de la cuma Les trois moulins, desquelles il résulte que le risque lié à l'incendie des presses était garanti.
Cet assureur a produit aux débats les quittances subrogatoires du gaec Beaupuy qu'elle a indemnisé en raison de l'incendie de la presse mise à disposition par la cuma L'éveil et celles de ses assurés précités qu'il a indemnisés en raison de cet incendie.
L'action de la cuma Les trois moulins étant recevable, celle de la société Groupama Centre Atlantique subrogée dans les droits de cette dernière l'est également.
Celle de la cuma L'éveil étant irrecevable, celle de la société Groupama Centre Atlantique subrogée dans les droits de cette dernière l'est également, le subrogé ne pouvant détenir plus de droits que le subrogeant.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a déclaré :
- recevable l'action de la société Groupama Centre Atlantique subrogée dans les droits de la cuma Les trois moulins ;
- irrecevable l'action de la société Groupama Centre Atlantique , subrogé aux droits de la cuma L'éveil.
B - SUR LE BIEN FONDE DE L'ACTION
1 - sur les causes du sinistre
a - sur les rapports d'expertise amiable
[M] [V], de la société Macé Expertises, a examiné les presses propriété de la cuma L'éveil, utilisées par les gaec Beaupuy et La loyauté, du même modèle que celle acquise par la cuma Les trois moulins.
Il a dans ses rapports en date des 7 et 10 mars 2016 exprimé l'avis suivant :
'Au vu des constatations faites sur le matériel, l'origine de l'incendie du ROUND BALLER est due à la destruction totale du roulement gauche du roulement d'entrainement N° 2 (selon l'éclaté JOHN DEERE, le roulement est référencé DC218730).
Ce roulement s'est détruit prématurément entrainant une dispersion des billes ce qui a eu pour conséquence une montée importante en température du roulement par friction métallique. Cette montée importante en température ajoutée aux étincelles dues à la friction métallique, a engendré un développement d'incendie en présence de paille.
Ce roulement a cédé sans raison apparente et sans action extérieure.
Nous notons que ce roulement n'est asservi d'aucune périodicité de maintenance. Ce roulement est donc censé être graissé à vie et duré dans le temps.
Or, compte tenu des conditions d'utilisation et des conditions de bottelages, ce roulement subi des contraintes importantes.
Ce roulement a donc, pour nous, été sous dimensionné et se détériore prématurément compte tenu des conditions de fonctionnement.
Les nouveaux ROUNDS BALLERS du constructeur JOHN DEERE sont équipés de graisseur au niveau des paliers de roulement. D('après les informations receuillies, les ROUNDS BALLERS du même modèle sont asservis d'un graisseur sur les paliers de roulement à compter du numéro de série 150001".
b - sur le rapport d'expertise judiciaire
L'expert a examiné la presse propriété de la cuma Les trois moulins. Sa mission n'a pas porté sur celles propriété de la cuma L'éveil, le juge des référés ayant estimé manifestement prescrite l'action qui pourrait être exercée par cette dernière sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Il a indiqué en pages 20 et 21 de son rapport que :
'Les causes du sinsitre
Il apparait que le sinistre est vraisemblablement dû à la détérioration du roulement n° 4. Celle ci a pu être causée par l'enroulement de paille ou de ficelle conduisant à une perte d'étanchéité du flasaue côté rouleau, puis à la disparition de la graisse, au grippage du roulement, à l'échauffement puis à l'éjection des billes.
Les frottements directs de la cage intérieure du roulement contre la cage extérieure puis contre le palier lui-même, et les frottements de l'arbre contre le support de fixation du palier ont généré des élévations de température à des niveaux très élevés attestés par la présence de métal fondu fusionné à l'arbre.
La projection de ce métal en fusion a vraisemblablement généré l'inflammation de la paille.
La détérioration du roulement apparaît comme la seule cause de déclenchement de l'incendie.
Vice de conception et de construction
Il apparaît que les roulements à billes des rouleaux de ce round baller et leur dispositif de protection contre l'enroulement de paille, foin, voire de ficelles, ne sont pas adaptés aux conditions dans lesquelles ils exercent leur action. La destruction de 3 roulements après moins de 200 h de fonctionnement en apporte la démonstration.
Les demandeurs nous ont informés que pour pallier cette vulnérabilité des roulements de la presse, la Société JOHN DEERE a installé sur les nouvelles presses des graisseurs manuels, Ce que n'ont pas démenti les défendeurs.
Un vice de conception et de construction est donc fortement suspecté
Défaut d'entretien et de surveillance
Le degré de dégradation du roulement montre que celle-ci ne s'est pas produite en quelques minutes. Ce processus de destruction du roulement, à partir de la disparition des billes s'est déroulé sur plusieurs heures voire plusieurs journées !
Un simple examen visuel de la presse avant le commencement du pressage aurait permis de découvrir que le roulement était hors service. De plus la rotation des arbres a du générer un sifflement très caractéristique d'un frottement de fer contre fer que le chauffeur pouvait difficilement ne pas entendre.
Néanmoins, bien que l'examen journalier des roulements nous apparaisse indispensable pour prévenir les risques d'incendie en cas de pressage de paille ou de foin (particulièrement inflammables en période estivale), nous n'avons trouvé aucune trace d'une telle recommandation dans le livret d'entretien que nous a transmis la SAS JOHN DEERE par mail de Me POTIER du 22/05/2018.
Nous concluons à un défaut de surveillance par le chauffeur, voire d'entretien du Round Raller est donc manifeste bien que le livret d'entretien ne soit pas explicite concernant la vérification des roulements et leur entretien'.
Il a conclu en ces termes son rapport, en pages 38 et 39 :
' Nous avons constaté que le roulement situé à l'avant droit de la presse, identifié roulement N° 4 par le constructeur, était totalement détérioré, l'ensemble de ses composants ayant été érodés par frottement acier contre acier, les billes de ce roulement ayant disparu faute de graissage suffisant.
Ce sinistre est du à la très forte élévation de température de la bague du roulement qui a probablement dépassé 1400 °c, puisque du métal fondu a fusionné avec l'arbre du rouleau et a enflammé la paille de l'andain.
La destruction de ce roulement prématurée après moins de 150 h de fonctionnement est due à un défaut de lubrification, dû très vraisemblablement à une dégradation des flasques sensés le protéger contre toute entrée d'eau ou de poussière. La perte d'étanchéité de ces flasques trouve son origine dans un dispositif insuffisant de protection contre les enroulements de paille, de foin ou de ficelle. Elle a pour conséquence la disparition des lubrifiants du roulement qui deviennent plus fluide dès l'augmentation de température du roulement.
Ce défaut de conception de la protection des roulements contre les agressions du milieu existait lors de la vente par la Société OUEST AGRI et il n'était pas décelable par l'acheteur, agriculteur, non spécialiste. Il existait donc lors de l'acquisition de la presse par la Société OUEST AGRI.
Il apparaît néanmoins, que la dégradation du roulement était tellement importante, qu'il est très vraisemblable que le roulement était déjà hors d'usage lorsque Monsieur [O] est allé presser sa paille de blé le 11 juillet 2015 en après-midi. Une surveillance minimale du fonctionnement de la presse avant de commencer le pressage, lui aurait permis de déceler que ce roulement était hors d'usage et qu'il devait être changé avant toute nouvelle utilisation de la presse.
En utilisant le round-baller avec un roulement défectueux, il a pris le risque de déclencher l'incendie et c'est ce qui s'est produit au bout de 2 heures de pressage'.
c - synthèse
La cause de l'incendie des presses est une défectuosité du roulement à billes.
Cette défectuosité est un vice de conception de la presse.
La société John Deere y a postérieurement remédié en permettant un graissage manuel régulier des paliers.
Le défaut de surveillance de la presse lors de son utilisation, voire d'entretien par la cuma les trois moulins est une supposition de l'expert judiciaire qu'aucun élément objectif des débats ne confirme.
L'expert a indiqué en pages 4 et 5 de son rapport que la société Ouest Agri et la cuma Les trois moulins n'avaient pas communiqué les documents dont il avait sollicité la communication. Il a toutefois relevé que les roulements n° 4 et 11 de la presse détruite qui avait été vendue à la cuma Les trois moulins, avaient été changés les 25 et 27 juillet 2014, en garantie.
Les conclusions de ces experts ne sont pas réfutées. Concordantes sur la cause de l'incendie, elles seront retenues.
Le défaut de conception de la presse caractérisé tant par l'expert amiable que par l'expert judiciaire, est la cause exclusive de sa dégradation.
2 - sur un vice caché
Ce défaut, non apparent lors de l'acquisition par la cuma Les trois moulins, constitue un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, ayant rendu la presse impropre à l'usage auquel elle était destinée.
L'article 1644 du code civil dispose que : 'Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix'.
Le vice affectant la chose ayant conduit à sa destruction, la cuma Les trois moulins est fondée à solliciter la résolution de la vente de la presse (n° de série 135609) acquise de la société Ouest Agri au prix hors taxes de 30.300 € (nota: la date et le numéro de la facture annexée au rapport d'expertise sont illisibles).
La société Agri Ouest doit à l'acquéreur restitution du prix de vente, déduction à faire des sommes perçues de l'assureur.
C- SUR LE PREJUDICE
1 - sur une obligation in solidum du vendeur et du fabricant
L'article 1643 du code civil dispose que le vendeur : 'est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie'.
La société Ouest Agri, vendeur professionnel, est présumée avoir connaissance du vice qui affectaient la presse. Elle est tenue de restituer le prix de vente et d'indemniser le préjudice subi par la cuma Les trois moulins.
Le vice affectant la presse est imputable au constructeur. Il est à l'origine du préjudice subi par l'acquéreur.
Le vendeur et le fabricant sont dès lors tenus in solidum envers ce dernier.
2 - sur la demande de la société Groupama Centre Atlantique
En pages 8 et 9 de ses écritures, la société Groupama Centre Atlantique a indiqué que :
'Sont ainsi versées aux débats:
' 4°/ Quittance subrogatoire GAEC BEAUPUY (15 000 euros),
' 5°/ Quittance subrogatoire CUMA L'EVEIL (1 200 euros),
' 14°/ Quittance subrogatoire EARL LES 2 CHENES (8 000 euros),
' 15°/ Quittance subrogatoire CUMA LES 3 MOULINS (15 450 euros),
' 23°/ Quittance subrogatoire EARL LES DEUX CHENES (8 000 euros),
' 24°/ Quittance subrogatoire CUMA LES 3 MOULINS (15 450 euros),
' 25°/ Quittance subrogatoire GAEC BEAUPUY (1 500 euros),
' 26°/ Quittance subrogatoire CUMA L'EVEIL (1 200 euros)'.
Les quittances subrogatoires suivantes ont été produites aux débats :
- quittance en date du 12 mai 2016 établie par le gaec Beaupuy, d'un montant de 15.000 € (nota : deux copies de la même quittance ont été produites en pièces 4 et 25) ;
- quittance en date du 2 juin 2016 établie par la cuma L'éveil, d'un montant de 1.200 € (nota : deux copies de la même quittance ont été produites en pièces 5 et 26) ;
- quittance en date du 27 mai 2016 établie par le gaec La loyauté, d'un montant de 8.000 € ;
- quittance en date du 2 juin 2016 établie par la cuma L'éveil, d'un montant de 8.200 € ;
- quittance en date du 19 juillet 2016 établie par la l'earl Les deux chênes, d'un montant de 8.000 € ;
- quittance en date du 12 mai 2016 établie par la cuma Les trois moulins, d'un montant de 15.450 €.
La société Groupama Centre Atlantique est dès lors fondée à demander aux sociétés Ouest Agri et John Deere paiement des sommes de :
- 8.000 € correspondant à l'indemnisation versée à l'earl Les deux chênes ayant utilisé la presse propriété de la cuma Les trois moulins ;
- 15.450 € correspondant à l'indemnisation versée à la cuma Les trois moulins.
Le jugement sera réformé de ce chef.
La société Groupama Centre Atlantique sera pour les motifs qui précèdent déboutée du surplus de ses demandes.
3 - sur les demandes de la cuma Les trois Moulins
La vente ayant été résolue, la cuma Les trois moulins est fondée à solliciter remboursement du prix de vente qui ne lui a pas été restitué, pour le montant sollicité de 6.850 €.
La franchise contractuelle à charge de la cuma Les trois moulins est de 700 €. Cette dernière est fondée à en demander paiement.
Le jugement sera réformé sur ces points.
4 - sur la contribution à la dette
Le vice de la presse étant, ainsi que précédemment exposé, la cause exclusive de l'incendie, la société Ouest Agri est fondée à solliciter du fabricant qu'il la garantisse des condamnations prononcées à son encontree.
Il sera ajouté de ce chef au jugement.
D - SUR LES DEPENS
La charge des dépens de première instance incombe in solidum à la société Agri Ouest et à la société John Deere. Le jugement sera infirmé de ce chef.
La charge des dépens d'appel leur incombe de même.
Les dépens incluront ceux de la procédure de référé et notamment le coût de l'expertise ordonnée par décision du 22 janvier 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon.
E - SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le jugement sera pour les motifs qui précèdent infirmé en ce qu'il a condamné les appelantes sur ce fondement.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de la société Groupama Centre Atlantique et de la cuma les trois moulins de laisser à leur charge les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 5 novembre 2021 du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon sauf en ce qu'il :
'DÉBOUTE la CUMA LES TROIS MOULINS et la caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA Centre Atlantique, subrogée dans les droits de la CUMA LES TROIS MOULINS et de l'EARL LES 2 CHENES, de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum la caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA Centre Atlantique, la CUMA L'EVEIL et la CUMA LES TROIS MOULINS, à payer à la Société OUEST AGRI la somme de 3 000 € et à la Société JOHN DEERE la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la caisse de Réassurance Mutuelle Agricole dite GROUPAMA Centre Atlantique, la CUMA L'EVEIL et la CUMA LES TROIS MOULINS, aux dépens de l'instance,
Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la présente décision,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires'
et statuant à nouveau de ces chefs d'infirmation,
PRONONCE la résolution de la vente par la société Ouest Agri à la cuma Les trois moulins de la presse de marque John, Deere modèle 864 (n° de série : 1CC0864NKDD135609), au prix hors taxes de 30.300 €, objet d'une facture en date du 8 février 2014 ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Ouest Agri et John Deere à payer à la cuma Les trois moulins les sommes de :
- 6.850 € correspondant au solde non indemnisé du prix de vente de la presse ;
- 700 € correspondant à l a franchise contractuelle demeurée à sa charge ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Ouest Agri et John Deere à payer à la caisse de réassurance mutuelle agricole - Groupama Centre Atlantique subrogée dans les droits de la cuma Les trois moulins les sommes de :
- 8.000 € correspondant à l'indemnisation versée à l'earl Les deux chênes ayant utilisé la presse propriété de la cuma Les trois moulins ;
- 15.450 € correspondant à l'indemnisation versée à la cuma Les trois moulins ;
DIT dans leurs rapports entre eux la société John Deere tenue de garantir la société Agri Ouest de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Ouest Agri et John Deere aux dépens de première instance et d'appel qui incluent ceux de la procédure de référé et notamment le coût de l'expertise ordonnée par décision du 22 janvier 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Ouest Agri et John Deere à payer à la caisse de réassurance mutuelle agricole - Groupama Centre Atlantique et à la cuma Les trois Moulins pris ensemble, la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .