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Décisions

CA Riom, ch. soc., 13 février 2024, n° 21/02135

RIOM

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CA Riom n° 21/02135

13 février 2024

13 FEVRIER 2024

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 21/02135 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FV7N

E.U.R.L. MANDATUM Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS FUSIUM »

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[D] [C], L'UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 10], Association déclarée, SA LA MONTAGNE

jugement au fond, origine conseil de prud'hommes - formation de départage de clermont ferrand, décision attaquée en date du 10 septembre 2021, enregistrée sous le n° f18/00315

Arrêt rendu ce TREIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

E.U.R.L. MANDATUM représentée par Maître [X] [B] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS FUSIUM »

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Remy MASSET de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

M. [D] [C]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Christophe GALAND de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

L'UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 10], Association déclarée, représentée par son Directeur, Madame [M] [O],

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

S.A. LA MONTAGNE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Anne LAURENT-FLEURAT de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMES

Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mr RUIN Président en son rapport à l'audience publique du 06 NOVEMBRE 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

' Monsieur [D] [C], né le 11 mars 1965, a été embauché le 28 octobre 1996 par la société IPC (Imprimeries Centre France), d'abord selon contrat de travail à durée déterminée puis en contrat de travail à durée indéterminée. Il a occupé un poste de copiste puis de monteur couleur.

Le contrat de travail de Monsieur [D] [C] s'est poursuivi ultérieurement avec la SAS FUSIUM (siège social à [Localité 9]), propriété du groupe LA MONTAGNE CENTRE FRANCE (filiale à 100%) et née du regroupement de trois sociétés lui appartenant : MA.COM, IMPRIMERIE REIX et IPC.

La société FUSIUM (RCS CLERMONT-FERRAND 412 933 020) est devenue ainsi l'employeur de Monsieur [D] [C], avec application de la convention collective des imprimeries de labeur et industries graphiques à la relation contractuelle de travail.

Le 18 novembre 2014, la SA LA MONTAGNE (RCS CLERMONT-FERRAND 856 200 159), représentée par Monsieur [K] [L], a cédé la totalité des actions (621.520 actions / prix de 400.000 euros) de la société FUSIUM à la société PRINT HOLDING SPRL.

Au dernier état de la relation contractuelle, Monsieur [D] [C] était employé par la société FUSIUM sur un poste de opérateur texte image (statut ouvrier, échelon 4, groupe G4) à temps plein (151,67 heures par mois), avec une ancienneté contractuelle au 28 octobre 1996.

Le 19 janvier 2015, dans le cadre d'une réunion de la délégation unique du personnel de la société FUSIUM, Monsieur [E] [Z] [S] (ou [F] [S]), président de la SAS FUSIUM, avisait et consultait les représentants du personnel sur un projet de réorganisation de l'entreprise et de licenciement collectif pour motif économique.

Par courrier recommandé daté du 30 janvier 2015, la société FUSIUM informait Monsieur [D] [C] qu'elle était contrainte d'envisager la suppression de son poste de travail du fait de difficultés économiques et financières, proposant au salarié des postes de reclassement interne afin d'éviter un licenciement.

Par courrier recommandé daté du 16 février 2015, Monsieur [D] [C] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 25 février suivant.

Le 25 février 2015, lors de l'entretien préalable, l'employeur a remis en main propre à Monsieur [D] [C] un courrier mentionnant les difficultés économiques à l'origine du plan de réorganisation impliquant la suppression de son poste de travail ainsi que les informations sur le contrat de sécurisation professionnelle (délai de réflexion expirant le 18 mars 2015).

Monsieur [D] [C] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 25 février 2015.

Par courrier recommandé (avec avis de réception) daté du 6 mars 2015, la société FUSIUM (représentée par son président, Monsieur [F] [S] ou [E] [Z] [S]) a licencié Monsieur [D] [C] pour motif économique.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

'Monsieur,

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 février 2015, vous avez été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique.

Lors de cet entretien qui s'est tenu le 25 février 2015, nous vous avons remis en main propre le document d'information établi par Pôle Emploi relatif au contrat de sécurisation professionnelle ainsi qu'une lettre en précisant les modalités.

Vous nous avez remis le 25 février 2015 votre bulletin d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle dûment complété.

Votre contrat de travail sera donc rompu d'un commun accord le 18 mars 2015.

Comme énoncé dans notre lettre remise en main propre le 25 février 2015, cette rupture intervient dans le contexte économique suivant:

Depuis plusieurs années, l'activité de la société FUSIUM est régulièrement déficitaire face à une forte concurrence et l'évolution des technologies.

Le groupe La Montagne Centre France n'a eu de cesse de soutenir financièrement la société FUSIUM.

Toutefois, ce soutient financier n'a pas été suffisant à enrayer les difficultés économiques et financières de la société FUSIUM.

Depuis 2011, le chiffre d'affaires de la société est en constante diminution :

* -6,5% entre 2011 et 2012 ;

* -8% entre 2012 et 2013.

Le résultat net de la société FUSIUM qui était positif en 2010 est constamment négatif depuis 2011.

Les pertes de la société FUSIUM se sont accentuées depuis 2011 pour atteindre 515 K en 2013.

Le résultat d'exploitation de la société FUSIUM est négatif et atteint près de 530 K au 31 décembre 2013.

Dans ce contexte, le groupe La Montagne centre France a décidé de chercher un repreneur pour la société FUSIUM.

La cession des actions de la société FUSIUM est intervenue le 18 novembre 2014.

A l'occasion de cette cession, les nouveaux actionnaires ont pu constater une nouvelle dégradation de la situation financière et économique de la société.

Le chiffre d'affaires réalisé chaque mois par la société FUSIUM est inférieur à celui réalisé aux mêmes mois en 2013.

Le résultat net de la société FUSIUM reste négatif.

Les nouveaux actionnaires de la société FUSIUM entendent stopper cette hémorragie chronique depuis plusieurs années et rééquilibrer les comptes.

En outre, il apparaît qu'en raison de l'évolution très rapide des outils et technologies, une réorientation de l'activité est nécessaire.

Certains services de la société FUSIUM et en particulier le pôle Prépresse ne sont plus en adéquation aux besoins du marché.

Dans ce contexte, afin d'assurer sa pérennité dans un marché concurrentiel et face aux difficultés financières et économiques constantes, la société FUSIUM n'a d'autres choix que de mettre en oeuvre un plan de réorganisation impliquant pour les causes économiques décrites ci-dessus, la suppression de votre poste.

Par courrier en date du 30 janvier 2015, nous vous avons adressé un courrier de proposition de reclassement auquel vous n'avez pas donné suite.

Nous avons engagé des recherches en vue de votre reclassement au sein de notre entreprise et des entreprises extérieures, sans succès.

C'est dans ce contexte que nous sommes contraints de constater la rupture d'un commun accord de votre contrat de travail à effet le 18 mars 2015.

A cette date, nous vous remercions de bien vouloir nous restituer l'ensemble des documents et matériels appartenant à la société. Votre solde de tout compte, votre attestation Pôle Emploi et votre certificat de travail seront tenus à votre disposition au sein de la société.

Par ailleurs, conformément à l'article L. 1233-45 du code du travail, vous bénéficiez d'une priorité de réembauche...'

Par courrier recommandé daté du 13 mars 2015, la société FUSIUM informait Monsieur [D] [C] qu'elle avait reçu le 10 mars 2015 des propositions de postes disponibles au sein du groupe CENTRE FRANCE et lui adressait un descriptif de ces postes, lui indiquant que s'il était intéressé par l'un de ces postes il pouvait transmettre son CV avec une lettre de motivation qui seront transmis au groupe CENTRE FRANCE pour étude de sa candidature.

Par courrier recommandé daté du 18 mars 2015, Monsieur [D] [C] notifiait à la société FUSIUM qu'il souhaitait bénéficier de la priorité de réembauche et voulait connaître les critères retenus par l'employeur pour déterminer les critères d'ordre des licenciements et décider de son licenciement. En réponse, par courrier recommandé daté du 27 mars 2015, la société FUSIUM lui indiquait qu'il occupait le seul poste supprimé relevant de sa catégorie professionnelle et qu'aucun critère d'ordre ne devait donc être établi le concernant.

Par courrier recommandé daté du 18 mars 2015, la société FUSIUM a transmis à Monsieur [D] [C] les documents de fin de contrat de travail qui mentionnent un emploi en qualité de copiste du 28 octobre 1996 au 31 décembre 2001, de monteur couleur du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, d'opérateur texte image du 1er janvier 2004 au 18 mars 2015, ainsi que le versement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de congés payés.

Le 19 janvier 2016, Monsieur [F] [S] ou [E] [Z] [S], en qualité de président de la société FUSIUM, faisait une déclaration de cessation des paiements au tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND.

Par jugement du 10 février 2016, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société FUSIUM, fixé la date de cessation des paiements au 15 janvier 2016, désigné la SELARL MANDATUM en qualité de mandataire judiciaire, désigné la SELARL GREGORY WAUTOT en qualité d'administrateur judiciaire.

Par jugement du 5 décembre 2016, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a prononcé la liquidation judiciaire de la société FUSIUM, désigné la SELARL MANDATUM en qualité de liquidateur judiciaire, maintenu la SELARL GREGORY WAUTOT aux fonctions d'administrateur judiciaire. Par ordonnance du 27 juillet 2017, la SELARL AJ UP a été désignée administrateur judiciaire de la société FUSIUM en lieu et place de la SELARL GREGORY WAUTOT.

' Par requête réceptionnée au greffe le 24 février 2016, Monsieur [D] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique qui lui a été notifié par la société FUSIUM, outre voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société FUSIUM une somme au titre de l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement abusif (ou, à titre subsidiaire, du non-respect des critères d'ordre des licenciements).

L'affaire a été enregistrée sous le numéro de rôle 16/00126. Le 26 mai 2016, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a ordonné le retrait de l'instance du rang des affaires en cours.

Par jugement du 11 décembre 2017, le tribunal correctionnel de CLERMONT-FERRAND a condamné les dirigeants, de droit et de fait, de la société FUSIUM ([E] [Z] [S], [K] [P] et [T] [Y]) en les déclarant coupables de faits d'abus de biens sociaux au préjudice de la société FUSIUM . Appel à été interjeté contre ce jugement.

Le dossier de litige prud'homal a ensuite été réinscrit, sous le numéro de rôle 18/00315, devant le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND.

Le 14 février 2019, par une nouvelle requête, Monsieur [D] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins de voir condamner la SA LA MONTAGNE à lui payer des sommes, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement abusif et, à titre subsidiaire, pour non-respect des critères d'ordre des licenciements. L'affaire a été enregistrée sous le numéro de rôle 19/00071.

Par arrêt du 27 janvier 2021, la cour d'appel de Riom a relaxé Monsieur [E] [Z] [S], mais (confirmation) déclaré Messieurs [K] [P] et [T] [Y] coupables de faits d'abus de biens sociaux commis entre le 18 novembre 2014 et le 30 novembre 2015, et ce en qualité de dirigeants de fait de la SAS FUSIUM.

Par jugement de départage rendu contradictoirement le 10 septembre 2021 (audience du 25 juin 2021), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- prononcé la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 18/00315 et 19/00071 et dit qu'elles seront désormais suivies sous le numéro unique 18/00315 ;

- déclaré irrecevables les demandes formulées par Monsieur [D] [C] à l'encontre de la SA LA MONTAGNE.

Sur le fond,

- dit que le licenciement de Monsieur [D] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS FUSIUM la somme de 25.710 euros ;

- déclaré le présent jugement opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 10] dans les limites prévues aux articles L. 3253-1 et suivants du code du travail et du décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;

- dit qu'il ne saurait être prononcé une quelconque condamnation à l'encontre de l'AGS et du CGEA d'[Localité 10] ;

- dit que l'AGS devra procéder à l'avance des créances dans les termes et conditions résultant des dispositions précitées ;

- dit que l'obligation du CGEA de faire l'avance des sommes à laquelle sera évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;

- condamné Monsieur [D] [C] à payer à la SA LA MONTAGNE une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SELARL MANDATUM, en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, à payer à Monsieur [D] [C] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SELARL MANDATUM, ès qualité de liquidateur de la société FUSIUM, aux entiers dépens qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires.

Le 13 octobre 2021, la SELARL MANDATUM, en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, a interjeté appel de ce jugement (notifié à sa personne morale le 14 septembre 2021), en intimant Monsieur [D] [C], le liquidateur judiciaire de la société FUSIUM et la délégation AGS.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 4 mars 2022 par la SA LA MONTAGNE,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 30 mars 2022 par l'UNEDIC, délégation AGS CGEA D'[Localité 10],

Vu les conclusions (n°2) notifiées à la cour le 24 avril 2023 par Monsieur [D] [C],

Vu les conclusions (n°3) notifiées à la cour le 3 octobre 2023 par la SELARL MANDATUM, en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 octobre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la SELARL MANDATUM, en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, demande à la cour de :

- la déclarer recevables et bien fondés son appel et son argumentaire ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Monsieur [D] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS FUSIUM la somme de 25.710 euros ;

- condamné la SELARL MANDATUM, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, à payer à Monsieur [D] [C] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SELARL MANDATUM, ès qualité de liquidateur de la société FUSIUM, aux entiers dépens qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

- débouté la SELARL MANDATUM, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, de sa demande de condamnation de Monsieur [D] [C] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour modification unilatérale de son contrat de travail ;

Statuant à nouveau,

- juger que la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [C] est pourvue d'une cause réelle et sérieuse ;

- juger que la société FUSIUM avait respecté l'intégralité de ses obligations et n'a dès lors commis aucun manquement vis-à-vis du salarié ;

En conséquence,

- débouter Monsieur [D] [C] et la société LA MONTAGNE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

- condamner Monsieur [D] [C] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure de première instance et 2.000 euros en cause d'appel, outre aux entiers dépens.

Le liquidateur judiciaire fait valoir, concernant le bien fondé du licenciement notifié pour motif économique au salarié, qu'aucun lien de causalité n'existe entre la rupture de la relation contractuelle de travail et les condamnations pénales prononcées à l'encontre de Messieurs [P] et [Y]. Il soutient qu'il appartient au salarié d'établir que la procédure de licenciement dont il a fait l'objet résulte directement des malversations financières commises par Messieurs [P] et [Y] et prétend que le salarié est défaillant dans la caractérisation d'un tel lien de causalité aux motifs que :

- la société FUSIUM connaissait des difficultés économiques et financières depuis l'année 2011, soit antérieurement à la cession d'actions détenues par la SA LA MONTAGNE intervenue le 18 novembre 2014 au profit de la société PRINT HOLDING SPRL représentée par Messieurs [P] et [Y] ;

- l'ampleur des difficultés économiques de la société FUSIUM a été constatée dès après la réalisation de la cession d'actions, la nouvelle actionnaire ayant alors envisagé un plan de restructuration significatif impliquant notamment des suppressions de postes ainsi que la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement collectif. Le liquidateur renvoie sur ce point au procès-verbal de réunion des institutions représentatives du personnel en date du 19 janvier 2015 aux termes duquel il est en autre indiqué que le projet de licenciement pour motif économique envisagé est principalement dû aux difficultés économiques que rencontrait la société FUSIUM, laquelle aurait perdu chaque année un chiffre d'affaires 'considérable' alors même que corrélativement a été constatée une stagnation des charges sociales, ainsi qu'à la rapidité des évolutions technologiques impliquant que les clients de la société gèrent désormais le prépresse en interne et une diminution de la charge de travail subséquente. Il s'infère enfin de ce procès-verbal que l'objectif poursuivi était celui d'une modification de la position commerciale de l'entreprise ;

- dans l'hypothèse, en tout état de cause, où il serait établi un lien entre les malversations financières prêtées à Messieurs [P] et [Y], celles-ci étant nécessairement postérieures au licenciement pour motif économique du salarié, elles ne sauraient être retenues comme étant la cause de la rupture du contrat de travail.

Le liquidateur judiciaire fait ensuite valoir que la société FUSIUM a, au titre de son obligation de recherche de reclassement, entrepris des recherches loyales et sérieuses afin de pourvoir au reclassement du salarié, que celui-ci a été dûment informé de l'issue des démarches ainsi entreprises, tant en interne qu'en externe, que des offres de poste lui ont été communiquées, mais que celui-ci n'a toutefois pas entendu y donner suite dès lors qu'il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé à l'occasion de l'entretien préalable à licenciement. Il en déduit que la société FUSIUM a parfaitement satisfait à son obligation de recherche de reclassement à l'égard du salarié.

La SELARL MANDATUM, en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, soutient que l'employeur a respecté l'ensemble des obligations qui lui incombent en matière de critères d'ordre des licenciements, qu'elle a notamment à ce titre présenté aux institutions représentatives du personnel les critères d'ordre de licenciement retenus et qu'elle a par ailleurs répondu à la correspondance du salarié par laquelle il sollicitait la communication desdits critères d'ordre.

Le liquidateur judiciaire relève en tout état de cause l'absence de toute objectivation tant du principe que du quantum du préjudice dont allègue le salarié.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [D] [C] demande à la cour de :

- juger ses demandes recevables et bien fondées ;

A titre principal :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a constaté que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires à ce titre ;

En conséquence, statuant à nouveau :

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixer au passif de l'EURL MANDATUM, au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 30.978 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

A titre subsidiaire :

- juger que la société FUSIUM n'a pas respecté l'ordre des licenciements ;

En conséquence,

- fixer au passif de l'EURL MANDATUM, au titre du non-respect des critères d'ordre des licenciements, la somme de 30.978 euros (18 mois) à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- déclaré le présent jugement opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 10] dans les limites prévues aux articles L. 3253-1 et suivants du code du travail et du décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;

- dit que l'AGS devra procéder à l'avance des créances dans les termes et conditions résultant des dispositions précitées ;

- dit que l'obligation du CGEA de faire l'avance des sommes à laquelle sera évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;

- condamné l'EURL MANDATUM à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. ;

- condamner l'EURL MANDATUM à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;

- débouter l'EURL MANDATUM, la SA LA MONTAGNE, l'UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 10], de l'ensemble de leurs demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Monsieur [D] [C] expose que l'imprimerie FUSIUM a été vendue par le groupe presse CENTRE FRANCE, auquel appartient la SA LA MONTAGNE, à une société belge créée deux mois plus tôt et détenue par une société basée à HONG KONG et rachetée peu après par Messieurs [P] et [Y], lesquels ont usé de malversations financières (double facturation/ signature d'un faux contrat d'agent commercial le 17 décembre 2014) au détriment de la société FUSIUM qui s'est trouvée privée de près d'1,2 millions d'euros.

Il fait valoir que la culpabilité de Messieurs [P] et [Y] a été reconnue par le tribunal correctionnel de CLERMONT-FERRAND et confirmée par la cour d'appel de RIOM. Il précise que cette décision est devenue définitive à l'égard de Monsieur [Y] puisqu'il n'a pas formé de pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt, seul Monsieur [P] ayant introduit un recours le 28 janvier 2021.

Monsieur [D] [C] considère ainsi que les agissements frauduleux de Messieurs [P] et [Y] sont directement la source des difficultés économiques rencontrées par la société FUSIUM, lesquelles sont dès lors infondées s'agissant de l'appréciation de la cause de la rupture de son contrat de travail.

Il en déduit que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse et réclame l'indemnisation afférente.

Monsieur [D] [C] soutient ensuite que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement dès lors que :

- il n'est pas démontré une recherche de reclassement dans l'ensemble des entreprises du groupe, notamment concernant la filiale CEI;

- le courrier de notification de licenciement est particulièrement laconique s'agissant des recherches de reclassement et ce alors même qu'il appartient à l'employeur de proposer au salarié l'ensemble des postes relevant de la même catégorie d'emploi que celui qu'il occupe à titre habituel ;

- aucune proposition de poste de reclassement ne lui a été adressée par l'employeur.

Monsieur [D] [C] conclut que la société FUSIUM n'a pas exécuté loyalement et sérieusement l'obligation de recherche de reclassement et considère de la sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il réclame également l'indemnisation du préjudice subi alors que son licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires.

Monsieur [D] [C] fait enfin valoir, à titre subsidiaire, que l'employeur n'a pas respecté les critères d'ordre de licenciement le concernant. Il indique avoir sollicité par courrier la communication des critères d'ordre de licenciement et que pour seule réponse, dont il considère qu'elle est particulièrement laconique et ne répond pas aux exigences légales, la société FUSIUM s'est contentée de l'informer de l'absence d'application de critères d'ordre de licenciement le concernant puisqu'il aurait occupé le seul poste relevant de sa catégorie professionnelle. Il en déduit que son licenciement se trouve, de ce chef, dépourvu de cause réelle et sérieuse et réclame l'indemnisation afférente.

Dans ses dernières écritures, la SA LA MONTAGNE demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter Monsieur [D] [C] de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles doivent être déclarées irrecevables à son encontre ;

- le renvoyer à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND.

A titre subsidiaire :

Confirmant le jugement entrepris,

- débouter Monsieur [D] [C] de ses demandes de sa condamnation in solidum avec la société FUSIUM en l'absence de toute collusion frauduleuse entre elles.

A titre infiniment subsidiaire :

Si par impossible la cour devait réformer le jugement entrepris et considérer qu'elle est employeur du salarié,

- confirmer le jugement entrepris ;

- constater l'acquisition de la prescription ;

- débouter Monsieur [D] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

Réformant le jugement entrepris,

- condamner Monsieur [D] [C] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA LA MONTAGNE relève à titre liminaire que la société FUSIUM a limité son appel aux chefs de jugement afférents à la rupture du contrat de travail du salarié, celle-ci ne formulant dès lors plus aucune demande à son encontre en cause d'appel.

Elle fait ensuite valoir, sur le fond et à titre principal, que le juge prud'homal est incompétent pour connaître de la contestation du salarié au motif que la cession des actions de la société FUSIUM à la société PRINT HOLDING SPRL le 18 novembre 2014 a été pleinement effective à cette date en l'absence de tout décalage du transfert de propriété qui aurait été prévu par le contrat de cession notamment en cas de non paiement du prix par l'acquéreur. En l'absence de toute reprise des actions, elle n'avait dès lors pas la qualité d'employeur de Monsieur [D] [C]. Elle relève qu'aucun contrat de travail ne l'a jamais liée à Monsieur [D] [C]. Elle en déduit qu'elle ne saurait être condamnée solidairement avec la société FUSIUM à indemniser le préjudice pouvant résulter de la rupture de son contrat de travail.

A titre subsidiaire, la société LA MONTAGNE conteste toute collusion frauduleuse entre elle et la société FUSIUM. Elle prétend qu'aucun transfert du contrat de travail n'est intervenu entre la société FUSIUM et la société PRINT HOLDING SPRL en considération de l'évolution du seul l'actionnariat impliquant la cession de la propriété des contrats de travail et non les contrats même dans le cadre des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail. Elle ajoute que Monsieur [D] [C] ne démontre pas une quelconque entente préalable frauduleuse entre elle et la société PRINT HOLDING SPRL destinée à contourner l'application de ce texte, en l'absence de toute manoeuvre ou stratégie en ce sens. Elle en déduit qu'aucune demande ne peut être orientée contre elle par le salarié en l'absence de collusion frauduleuse et de solidarité subséquente.

A titre infiniment subsidiaire, la société LA MONTAGNE excipe, pour le cas où elle serait reconnue comme employeur de Monsieur [D] [C], de la prescription de la demande indemnitaire présentée par le salarié au titre de la rupture du contrat de travail. Elle indique à cet égard qu'en cas d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, celui-ci dispose alors d'un délai d'un an à compter de l'acceptation pour contester en justice la rupture de son contrat de travail.

Dans ses dernières écritures, l'UNEDIC, délégation AGS CGEA d'ORLANS, demande à la cour de :

A titre principal :

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [D] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société FUSIUM une créance de dommages et intérêts à ce titre ;

Se faisant et statuant à nouveau,

- déclarer sa garantie subsidiaire en application de l'article L. 3253-3-20 du code du travail ;

- déclarer sa garantie exclue s'agissant de créances résultant d'une action en responsabilité contre l'employeur ;

- déclarer le licenciement pour motif économique bien fondé;

- débouter Monsieur [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter Monsieur [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement ;

- déclarer exclue sa garantie s'agissant des frais de justice ;

- débouter Monsieur [D] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire :

- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC, AGS/CGEA d'[Localité 10] en qualité de gestionnaire de l'A.G.S, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (Article L.3253-8), D.3253-5 du Code du travail et du Décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;

- Déclarer que la garantie de l'UNEDIC, AGS/CGEA est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond défini à l'article D.3253-5 du Code du Travail ;

- Déclarer que les limites légales et jurisprudentielles de la garantie de l'UNEDIC sont applicables ;

- Déclarer que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;

- Déclarer que l'UNEDIC, AGS/CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du Code du Travail (article L.3253-8 du Code du Travail);

- Déclarer que l'obligation de l'UNEDIC, AGS/CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;

- Arrêter le cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective (articles L.622-28 du Code de Commerce et suivants).

La délégation AGS relève tout d'abord que le salarié sollicite la condamnation in solidum des sociétés LA MONTAGNE et FUSIUM en sorte que, s'agissant d'une société in bonis pour la première d'entre elle, sa garantie est nécessairement subsidiaire et ne peut être mobilisée qu'en l'absence de fonds disponibles, ce qui n'est présentement pas le cas d'espèce.

Elle objecte ensuite que le salarié fonde la contestation de son licenciement sur la collusion frauduleuse entre la société LA MONTAGNE et la SAS FUSIUM ainsi que sur la responsabilité pénale des dirigeants. Elle rappelle que sa garantie n'a vocation à couvrir que les seules créances résultant de l'exécution du contrat de travail, ce qui n'est donc pas le cas d'espèce s'agissant d'une créance réfutant d'une action en responsabilité à l'encontre des dirigeants de l'entreprise. Elle ajoute que pour le cas où une telle collusion frauduleuse serait retenue, sa garantie ne serait que subsidiaire eu égard aux conséquences qui en résulteraient, notamment en terme de responsabilité.

Elle ajoute par ailleurs que les condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de CLERMONT-FERRAND et confirmées par la cour d'appel de RIOM l'ont été à l'encontre des dirigeants en personne, et non contre l'entreprise FUSIUM, cette dernière ne pouvant dès lors être tenue pour responsable, notamment financièrement, des agissements commis par ceux-ci.

Elle fait en tout état de cause valoir que l'employeur a satisfait à son obligation de recherche de reclassement et que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas vocation à s'appliquer au salarié dont le poste supprimé est le seul de la catégorie professionnelle dont il relève.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures des parties.

Dans ses dernières conclusions de première instance, Monsieur [D] [C] demandait la fixation au passif de la procédure collective de la société FUSIUM de créances de dommages-intérêts, au titre de l'indemnisation d'un licenciement abusif (ou, à titre subsidiaire, du non-respect des critères d'ordre des licenciements) et d'une classification professionnelle supérieure, mais également la condamnation in solidum de la société FUSIUM et de la société LA MONTAGNE au paiement de ces dommages-intérêts.

En cause d'appel, Monsieur [D] [C], le liquidateur judiciaire de la société FUSIUM et la délégation AGS ne présentent aucune demande directe à l'encontre de la société LA MONTAGNE.

Aucun appel (principal ou incident) n'est interjeté à l'encontre des dispositions du jugement ayant mis hors de cause la société LA MONTAGNE, le premier juge considérant que la société FUSIUM était le seul employeur de Monsieur [D] [C], qu'aucun contrat de travail n'avait lié Monsieur [D] [C] à la société LA MONTAGNE, que la cession de la totalité des actions de la société FUSIUM avait bien été effective au 18 novembre 2014, qu'il n'était démontré aucune collusion frauduleuse ni responsabilité de la société LA MONTAGNE concernant l'exécution comme la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] [C], qu'en tout état de cause les demandes de Monsieur [D] [C] à l'encontre de la société LA MONTAGNE étaient prescrites.

En tout état de cause, à titre liminaire, la cour constate donc que le jugement n'est pas querellé en ce que le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables les demandes formulées par Monsieur [D] [C] à l'encontre de la SA LA MONTAGNE, et a condamné Monsieur [D] [C] à payer à la SA LA MONTAGNE une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Sur la situation de l'employeur au moment du licenciement pour motif économique -

Il n'est pas contesté en cause d'appel que le seul employeur de Monsieur [D] [C] au moment de l'engagement de la procédure de licenciement collectif pour motif économique dans le cadre d'un projet de réorganisation de l'entreprise comme de la notification du licenciement pour motif économique (janvier à mars 2015) était la SAS FUSIUM (RCS CLERMONT-FERRAND 412 933 020) dont le président désigné était alors Monsieur [E] [Z] [S] (ou [F] [S]).

Avant le 18 novembre 2014, la SAS FUSIUM était une filiale à 100% de la SA LA MONTAGNE. La SAS FUSIUM, propriétaire des locaux et du fonds de commerce qu'elle exploite à [Localité 9], avait alors elle-même pour filiale à 100% le société ECI (société CENTRALE EDITION IMMOBILIERE dont le siège social est à [Localité 8]).

Selon acte sous seing privé signé le18 novembre 2014, la SA LA MONTAGNE a cédé la totalité des actions (621.520 actions / prix de 400.000 euros) de la société FUSIUM à la société PRINT HOLDING SPRL (société de droit belge).

L'acte de cession du 18 novembre 2014 mentionne notamment que :

- les véritables acquéreurs de la société FUSIUM, désignés dans l'acte comme les négociateurs ainsi que les futurs actionnaires et managers de cette société ou de la société qui se substituera à eux pour détenir la totalité du capital social de la société FUSIUM, sont Monsieur [K] [P] (né le 7 juillet 1963) et Monsieur [T] [Y] (né le 25 septembre 1961) ;

- le cédant a déclaré et garanti que la société FUSIUM n'a jamais été et n'est pas en état de cessation des paiements ;

- la société FUSIUM employait alors 49 salariés relevant de la convention collective nationale des imprimeries de labeur et industries graphiques et 16 salariés relevant de la convention collective nationale des entreprises de la publicité et assimilées ;

- l'acquéreur des actions en a la propriété à compter du 18 novembre 2014 mais la jouissance à compter du 1er novembre 2014 ;

- un paiement du prix en quatre annuités est prévu (18 novembre 2015 au 18 novembre 2018) ;

- la société LA MONTAGNE a accepté d'accorder à l'acquéreur un apport complémentaire de trésorerie de 250.000 euros versé le jour même, remboursable par échéances du 18 février 2015 au 18 novembre 2020.

La cession de la totalité des actions de la SAS FUSIUM a été opérée de façon effective le 18 novembre 2014.

Le 19 janvier 2015, dans cadre d'une réunion de la délégation unique du personnel de la société FUSIUM, Monsieur [E] [Z] [S] (ou [F] [S]) avisait et consultait les représentants du personnel sur un projet de réorganisation de l'entreprise et de licenciement collectif pour motif économique.

Ce projet présenté le 19 janvier 2015 mentionne notamment:

- 67 salariés en poste dans l'entreprise ;

- des difficultés économiques persistantes depuis 2011, malgré le soutien financier du groupe LA MONTAGNE CENTRE FRANCE jusqu'à la cession de novembre 2014, avec une baisse du chiffre d'affaires, des résultats comptables négatifs et des pertes financières, et des services (en particulier le pôle Prépresse) qui ne sont plus en adéquation aux besoins du marché ;

- la suppression envisagée de 9 emplois (1 correcteur-réviseur sur 1 + 1 responsable produits sur 3 + 1 chargé de développement sur 1 + 1 technicien qualité gestion sur 1 + 1 graphiste sur 2 + 1 opérateur PAO sur 3 + 1 scannériste sur 1 + 1 responsable CTP sur 1 + 1 responsable achat papier et sous traitance sur 1) correspondant chacun à une catégorie professionnelle distincte.

Le 19 janvier 2016, Monsieur [F] [S] ou [E] [Z] [S], en qualité de président de la société FUSIUM, faisait une déclaration de cessation des paiements au tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND.

Par jugement du 10 février 2016, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société FUSIUM et fixé la date de cessation des paiements au 15 janvier 2016.

Par jugement du 5 décembre 2016, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a prononcé la liquidation judiciaire de la société FUSIUM, en relevant notamment un passif de 3.500.000 euros et une absence d'offre de reprise.

Par acte d'huissier de justice en date du 27 janvier 2017, la SELARL MANDATUM, liquidateur judiciaire a fait assigner Monsieur [Z] [S], ancien dirigeant de la société FUSIUM, devant le tribunal de la procédure collective aux fins notamment de voir reporter et fixer au 30 novembre 2015 la date de cessation des paiements de la société FUSIUM.

Par jugement du 20 novembre 2017, le tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND a débouté le liquidateur de sa demande. Par arrêt du 19 septembre 2018, la chambre commerciale de la cour d'appel de Riom a infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau, reporté la date de cessation des paiements de la SAS FUSIUM au 30 novembre 2015. Un pourvoi en cassation serait toujours en cours de traitement.

- Sur l'instance pénale -

Par jugement contradictoire du 11 décembre 2017, le tribunal correctionnel de CLERMONT-FERRAND a notamment :

- déclaré [K] [P] coupable d'avoir commis, à [Localité 9] (63) et [Localité 11] (93), des faits d'abus de biens sociaux du 18 novembre 2014 au 30 novembre 2015, et condamné celui-ci à une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 50.000 euros;

- déclaré [T] [Y] coupable d'avoir commis, à [Localité 9] (63) et [Localité 11] (93), des faits d'abus de biens sociaux du 18 novembre 2014 au 30 novembre 2015, et condamné celui-ci à une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 50.000 euros;

- déclaré [E] [Z] [S] coupable d'avoir commis, à [Localité 9] (63) et [Localité 11] (93), des faits de complicité d'abus de biens sociaux du 18 novembre 2014 au 15 janvier 2016, et condamné celui-ci à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 10.000 euros ;

- déclaré recevable la constitution de partie civile de la SELARL MANDATUM, représentée par Maître [X] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM ;

- déclaré [K] [P], [T] [Y] et [E] [Z] [S] solidairement responsables du préjudice subi par la SELARL MANDATUM, représentée par Maître [X] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM ;

- condamné solidairement [K] [P], [T] [Y] et [E] [Z] [S] à payer à la SELARL MANDATUM, représentée par Maître [X] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, la somme de 1.001.065,37 euros au titre des faits d'abus de biens sociaux et de complicité d'abus de biens sociaux.

Sur recours contre ce jugement, par arrêt du 27 janvier 2021, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Riom a :

- relaxé [E] [Z] [S] des fins de la poursuite ;

- confirmé la décision déférée sur la culpabilité de [K] [P] et [T] [Y] ;

- y ajoutant, prononcé à l'encontre de [K] [P] et [T] [Y] une large interdiction d'activité professionnelle durant 5 ans ;

- condamné solidairement [K] [P], [T] [Y] et [E] [Z] [S] à payer à la SELARL MANDATUM, représentée par Maître [X] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, la somme de 751.392,27 euros à titre de dommages-intérêts.

La chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de RIOM a notamment relevé que :

- la société FUSIUM a été créée en 1997 et ses actions étaient détenues à 100% par le groupe de presse CENTRE FRANCE jusqu'au 18 novembre 2014 ;

- le 18 novembre 2014, la totalité des actions de la société FUSIUM a été cédée à la société PRINT HOLDING SPRL, société de droit belge créée en septembre 2014 pour le compte d'une société UNIVERSAL AUDIO USUAL DEVELOPPEMENT LIMITED implantée à Hong-Kong;

- le 18 novembre 2014, [E] [Z] [S] était nommé président de la SAS FUSIUM ;

- le capital social de la société PRINT HOLDING SPRL était cédé (50/50) à [K] [P] et au frère de [T] [Y]. [K] [P] et [T] [Y] devenaient co-gérants de cette société le 4 décembre 2016 ;

- [K] [P] et [T] [Y] étaient depuis plusieurs années dans le secteur de l'imprimerie et se trouvaient à la tête de la société holding GP INVEST détentrice de plusieurs sociétés filiales (THÉTA CONSULTANT, BURELOR, ASSISTANT PRINTING, ASSISTANT PRINTING OUEST, CONSORTIUM BUREAU SERVICES, BAT PRINTING, FAT PRINTING...) ;

- la société FUSIUM affichant une perte de 2.027.554 euros au 31 décembre 2015, Monsieur [F] [S] ou [E] [Z] [S], en qualité de président de la société FUSIUM, faisait une déclaration de cessation des paiements le 19 janvier 2016, au tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND ;

- si [E] [Z] [S] était le dirigeant de droit ou représentant légal de la société FUSIUM, les co-dirigeants de fait de cette société étaient Messieurs [K] [P] et [T] [Y] ;

- [K] [P] et [T] [Y] ont commis entre le 18 novembre 2014 et le 30 novembre 2015, en qualité de dirigeants de fait de la SAS FUSIUM, les faits d'abus de biens sociaux suivants au préjudice de la société FUSIUM :

1/ un détournement total de 853.673,10 euros HT au titre de facturations abusives (ne reposant sur aucune réalité économique et en vertu de contrats litigieux) au nom de la société ASSISTANCE PRITING;

2/ un détournement total de 28.555,83 euros HT au titre d'excédents indus de facturation au nom de la société BURELOR ;

3/ un détournement total de 69.914,85 euros HT au tire d'une facture du 19 janvier 2015 sans contrepartie réelle au nom de la société THETA CONSULTANT ;

4/ un détournement total de 42.921,59 euros HT au titre d'une facture datée postérieurement du 1er décembre 2015 sans justification économique au nom de la société AP OUEST (groupe GP INVEST).

Selon la motivation de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de RIOM, [K] [P] et [T] [Y], en tant que dirigeants de fait de la société FUSIUM, se sont livrés à un véritable pillage sur le plan financier de cette entreprise pour favoriser d'autres sociétés (ASSISTANCE PRITING / BURELOR / THETA CONSULTANT / AP OUEST) dont ils étaient les actionnaires et dirigeants, et pendant la période du 18 novembre 2014 au 30 novembre 2015.

La chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de RIOM précise que dans ce cadre des détournements de fonds conséquents ont été commis au préjudice de la société FUSIUM :

- dès le 17 décembre 2014 au bénéfice de la société ASSISTANCE PRITING ;

- dès le 15 janvier 2015 pour favoriser les sociétés THETA CONSULTANT et AP OUEST ;

- à compter du 24 février 2015 au bénéfice de la société AP OUEST.

La chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de RIOM a relevé que si la société FUSIUM pouvait connaître des difficultés propres quant à sa rentabilité, le montant très conséquent des abus de biens sociaux, dont Messieurs [K] [P] et [T] [Y] se sont rendus coupables, n'a fait qu'aggraver la situation de l'entreprise et ces faits ont empêché sa poursuite d'activité.

Selon les observations des parties, seul Monsieur [P] se serait pourvu en cassation contre l'arrêt du 27 janvier 2021 de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Riom.

- Sur la rupture du contrat de travail -

Selon l'article L. 1233-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si le salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle dans le délai de réflexion prescrit, le contrat de travail est alors rompu d'un commun accord à l'expiration de ce délai de réflexion. Le salarié ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle étant toutefois en droit de contester la rupture du contrat de travail par la suite, l'employeur doit en indiquer le motif économique, sous peine d'être sanctionné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsque le licenciement pour motif économique est jugé sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle devient lui-même sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la société FUSIUM a notifié à Monsieur [D] [C] un licenciement pour motif économique le 6 mars 2015, dans le cadre d'un plan de réorganisation de l'entreprise prévoyant le licenciement de 9 des 67 salariés en poste dans l'entreprise, et ce du fait de la suppression de 9 emplois (1 correcteur-réviseur sur 1 + 1 responsable produits sur 3 + 1 chargé de développement sur 1 + 1 technicien qualité gestion sur 1 + 1 graphiste sur 2 + 1 opérateur PAO sur 3 + 1 scannériste sur 1 + 1 responsable CTP sur 1 + 1 responsable achat papier et sous traitance sur 1). La rupture effective du contrat de travail est toutefois intervenue le 18 mars 2015, date d'expiration du délai d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

- Sur le motif économique du licenciement -

' Selon l'article L. 1233-3 du code du travail en sa version en vigueur jusqu'au 1er décembre 2016 : 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.'

Le motif économique d'un licenciement, qui est nécessairement non inhérent ou lié à la personne du salarié, est celui qui résulte d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation totale et définitive d'activité de l'entreprise.

La jurisprudence considère en conséquence que le motif économique du licenciement comprend un élément causal (difficultés économiques ; mutations technologiques ; réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; cessation totale et définitive d'activité ; et autres car l'adverbe 'notamment' implique que la liste de l'article L. 1233-3 du code du travail n'est pas exhaustive) et un élément matériel (suppression ou transformation d'emploi ; modification du contrat de travail).

Le licenciement pour motif économique n'est légitime que si le contexte économique (élément causal) a conduit à une suppression ou transformation d'emploi, ou à une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail (élément matériel). La matérialité de cette suppression ou transformation d'emploi ou modification du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

En cas de motif économique établi, le juge n'a pas à contrôler le choix effectué par l'employeur entre les différentes solutions possibles, notamment en relevant que celui-ci aurait pu choisir une solution impliquant moins de licenciements, puisque cela relève du pouvoir de direction de l'employeur.

Pour justifier un licenciement, le motif économique invoqué ne doit pas résulter d'une attitude intentionnelle ou frauduleuse de l'employeur ni d'un manquement fautif de l'employeur ni même d'un légèreté blâmable.

En cas de contestation, le juge doit vérifier que le motif économique existe et qu'il donne au licenciement une cause réelle et sérieuse. Si le motif économique n'existe pas, ou s'il n'est pas suffisamment caractérisé, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. En la matière, le juge forge sa conviction en vérifiant la réalité et le sérieux, tant des raisons économiques (difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l'entreprise etc.), que de leur incidence sur l'emploi et le contrat de travail (suppression ou transformation d'emploi ; modification du contrat de travail).

En l'espèce, selon les termes de la lettre de licenciement, la suppression de l'emploi ou du poste de opérateur texte image de Monsieur [D] [C] au sein de la société FUSIUM aurait pour cause un chiffre d'affaires en constante diminution depuis 2011 (-6,5% entre 2011 et 2012 ; -8% entre 2012 et 2013), un résultat net constamment négatif depuis 2011, des pertes qui se sont accentuées depuis 2011 pour atteindre 515 K en 2013, un résultat d'exploitation négatif qui a atteint près de 530 K au 31 décembre 2013, et le constat que certains services de la société FUSIUM, en particulier le pôle Prépresse, ne sont plus en adéquation aux besoins du marché.

Dans la lettre de licenciement, il est ajouté qu'après la cession de la société FUSIUM par le groupe LA MONTAGNE CENTRE FRANCE, intervenue le 18 novembre 2014, les nouveaux actionnaires ont pu constater une nouvelle dégradation de la situation financière et économique de la société alors que le chiffre d'affaires réalisé chaque mois est inférieur à celui réalisé aux mêmes mois en 2013 et que le résultat net de la société FUSIUM reste négatif.

À titre liminaire, la cour relève que si l'employeur puis le liquidateur judiciaire et la délégation AGS ont repris ces mentions, assez lapidaires, de la lettre de licenciement pour tenter de justifier d'une cause réelle et sérieuse de licenciement en ce que les difficultés économiques de la société FUSIUM justifiaient la suppression du poste de opérateur texte image occupé par Monsieur [D] [C] et le licenciement pour motif économique du salarié en mars 2015, il n'est produit aucun document (notamment bilans, comptes de résultats, analyses financières, pièces comptables...) pouvant établir de façon objective les difficultés économiques ou l''inadaptation de certains services de la société FUSIUM' à l'époque considérée.

Il n'est pas sérieux de s'en rapporter au seul fait que Monsieur [D] [C] ne conteste pas dans ses écritures que la société FUSIUM connaissait des difficultés économiques depuis plusieurs années, alors que si le salarié reconnaît cette situation de façon générale, il conteste devant le juge prud'homal que les difficultés économiques invoquées par l'employeur constituaient une cause réelle et sérieuse s'agissant de son licenciement pour motif économique.

La cour ne dispose que des éléments de contexte suivants :

- le 18 novembre 2014, la société LA MONTAGNE a cédé la totalité des actions de la société FUSIUM à des repreneurs qui vont s'avérer être de fait Messieurs [K] [P] et [T] [Y]. À cette occasion, la société LA MONTAGNE reconnaît que la société FUSIUM connaît des difficultés économiques et des pertes depuis plusieurs années (sans autre précision) et qu'elle a dû soutenir financièrement cette filiale, mais elle garantit que la société FUSIUM n'a jamais été et n'est pas en état de cessation des paiements ;

- dès le 19 janvier 2015, les repreneurs de la société FUSIUM engageaient une procédure de licenciement collectif pour motif économique portant sur la suppression de 9 emplois en invoquant avoir constaté une 'nouvelle' dégradation de la situation financière et économique de la société FUSIUM, et ce alors qu'ils n'avaient pas encore réglé la moindre échéance sur le prix d'acquisition des actions et qu'ils bénéficiaient déjà d'une avance de trésorerie de 250.000 euros accordée par la société LA MONTAGNE ;

- au 31 décembre 2015, selon le juge pénal, les pertes de la société FUSIUM s'élevaient à environ 2 millions d'euros ;

- le 19 janvier 2016, le représentant légal de la société FUSIUM déclarait au tribunal de commerce un état de cessation des paiements pour l'entreprise. Une procédure de redressement judiciaire sera ouverte le 10 février 2016 puis la liquidation judiciaire sera prononcée le 5 décembre 2016 ;

- selon les décisions du juge commercial, la date de cessation des paiements de la société FUSIUM se situerait entre le 30 novembre 2015 et le 15 janvier 2016 ;

- au 5 décembre 2016, selon le juge commercial, le passif de la société FUSIUM était de 3,5 millions d'euros.

Il est vrai que l'employeur n'a pas à attendre l'ouverture d'une procédure collective ni que les difficultés économiques s'aggravent pour engager une réorganisation de l'entreprise avec, si nécessaire, des suppressions d'emploi, et que le juge prud'homal n'a pas à contrôler les choix de gestion ou les décisions de nature stratégique de l'employeur. Par contre, il appartient à l'employeur, et à ceux qui soutiennent qu'un licenciement pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse, comme le liquidateur judiciaire et la délégation AGS en l'espèce, d'établir la réalité et le sérieux de l'élément causal ainsi que de l'élément matériel de chaque licenciement pour motif économique notifié.

Or, avant même d'examiner la question de l'origine frauduleuse ou non d'une partie des difficultés économiques affectant la société FUSIUM début 2015 (janvier-mars 2015), vu les observations précitées et les seuls éléments d'appréciation dont la cour dispose, à savoir des affirmations non étayées de façon objective, la cour juge qu'il n'est pas établi que les seules difficultés économiques invoquées justifiaient la suppression du poste de opérateur texte image occupé par Monsieur [D] [C] et le licenciement pour motif économique du salarié en mars 2015.

' Selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, l'employeur ne peut se prévaloir d'une situation économique qui résulte d'une attitude intentionnelle et frauduleuse de sa part ou d'une situation artificiellement créée résultant d'une attitude frauduleuse.

Le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque les difficultés économiques, même établies, sont imputables à la légèreté blâmable de l'employeur ou résultent d'agissements fautifs de l'employeur, allant au-delà des seules erreurs de gestion, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Cette jurisprudence s'applique à tous les motifs économiques visés par l'article L. 1233-3 du code du travail (difficultés économiques ou mutations technologiques ou réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou cessation d'activité de l'entreprise).

Le licenciement pour motif économique a un caractère abusif lorsque l'employeur a organisé sa propre insolvabilité ou lorsqu'il a artificiellement organisé ses difficultés financières par fraude.

L'employeur qui a délibérément opéré des choix de gestion préjudiciables à l'entreprise ne peut valablement se prévaloir des difficultés qu'il a sciemment créées.

Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, le juge pénal, de façon particulièrement motivée, a constaté que les repreneurs et dirigeants de fait de la société FUSIUM, Messieurs [K] [P] et [T] [Y], avaient délibérément commis des détournements financiers au préjudice de la société FUSIUM, et ce afin de favoriser d'autres sociétés dans lesquels ils avaient des intérêts directs.

Le juge pénal a relevé que ces agissements frauduleux des dirigeants de fait de la société FUSIUM ont été commis entre le 18 novembre 2014 et le 30 novembre 2015, que des détournements conséquents ont été opérés dès décembre 2014, avec un préjudice total d'environ 750.000 euros pour les finances de la société FUSIUM.

Comme le premier juge, la cour constate que les difficultés économiques invoquées par l'employeur, notamment une 'nouvelle' dégradation de la situation financière et économique de la société FUSIUM entre novembre 2014 et janvier-mars 2015, pour notifier un licenciement pour motif économique à Monsieur [D] [C] en mars 2015, sont en grande partie d'origine frauduleuse comme résultant de malversations financières commises par les dirigeants de fait de la société FUSIUM dès décembre 2014.

La société FUSIUM ne peut donc se prévaloir d'une situation économique (début 2015) qui résulte d'une attitude intentionnelle et frauduleuse de la part de ses dirigeants de fait qui avaient manifestement décidé de conduire progressivement cette entreprise à la déconfiture afin de favoriser leurs intérêts directs dans d'autres sociétés.

- Sur l'obligation de reclassement -

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail en sa version en vigueur jusqu'au 8 août 2015 : 'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'

Pour que le licenciement ait une cause réelle et sérieuse, il ne suffit pas qu'il soit fondé sur un motif économique avéré et pertinent, il faut aussi que l'employeur ait satisfait à son obligation de reclassement. L'obligation de reclassement est un élément justificatif du motif économique, le licenciement sans donc cause réelle et sérieuse si l'employeur ne satisfait pas à son obligation de reclassement.

L'obligation de reclassement n'incombe qu'à l'employeur, même s'il fait partie d'un groupe. La recherche de reclassement doit être effective et sérieuse. Cette recherche doit être également individuelle. L'employeur doit exécuter loyalement son obligation de reclassement.

Le reclassement doit être recherché à partir du moment où le licenciement est envisagé par l'employeur et jusqu'à sa notification. La notification du licenciement met fin à l'obligation de reclassement même si une convention de reclassement personnalisé (ou un contrat de sécurisation professionnelle) a été proposé au salarié et si le délai de réflexion imparti pour y adhérer n'est pas expiré.

La recherche de reclassement s'effectue en priorité dans l'entreprise, y compris dans ses établissements situés dans d'autres régions ou au sein de l'unité économique et sociale à laquelle elle appartient. S'il n'existe aucune possibilité de reclassement dans l'entreprise et si elle appartient à un groupe, l'employeur doit étendre sa recherche à toutes les entreprises de ce groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel, même si ces entreprises n'appartiennent pas au même secteur d'activité.

C'est à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement et qu'il est impossible de reclasser le salarié dont le poste a été supprimé.

En l'espèce, la lettre de licenciement mentionne : 'Par courrier en date du 30 janvier 2015, nous vous avons adressé un courrier de proposition de reclassement auquel vous n'avez pas donné suite. Nous avons engagé des recherches en vue de votre reclassement au sein de notre entreprise et des entreprises extérieures, sans succès.'

La société FUSIUM a effectué des recherches de reclassement externe (UNIC AUVERGNE + groupe CENTRE FRANCE + BANQUE DE FRANCE + OBERTHUR + SIMAN + BEAUVOIR ORGANISATION) mais l'employeur doit d'abord établir qu'il n'a pas manqué à son obligation de reclassement interne au sein du groupe.

Par courrier recommandé daté du 30 janvier 2015, la société FUSIUM a proposé à Monsieur [D] [C] des postes de reclassement interne (un poste de massicotier en contrat à durée déterminée et un poste de bobinier en contrat à durée déterminée, dans les deux cas pour des remplacements maladie). Le salarié n'a pas donné suite à ces propositions.

Par courriers recommandés datés du 23 janvier 2015, l'employeur a adressé des recherches de reclassement à des sociétés du groupe (CEI + ASSISTANCE PRINTING + BURELOR). La directrice déléguée de la société CEI a indiqué en réponse (fin janvier 2015) qu'il n'y avait aucun poste disponible au sein de son entreprise. Il n'est pas justifié de réponses de la part des autres sociétés du groupe ni même de l'envoi effectif des courriers produits.

S'agissant des possibilités de reclassement interne au sein de la société FUSIUM, vu l'étendue de l'obligation de reclassement qui pesait sur l'employeur en considération des règles applicables début 2015, la cour ne dispose pas d'éléments d'appréciation objectifs suffisants pour retenir une impossibilité de reclassement,

S'il apparaît que la société FUSIUM employait 67 salariés début 2015 et comptait supprimer 9 emplois, il n'est pas produit de documents concernant la nature et la structure de ces emplois, les mouvements d'entrée et de sortie du personnel à l'époque considérée (registre non versé aux débats), les efforts ou recherches de formation et d'adaptation réalisés pour reclasser Monsieur [D] [C] dans l'entreprise, même dans un emploi à temps partiel ou de catégorie inférieure.

En outre, vu les constatations objectives du juge pénal, il apparaît qu'à compter du 18 novembre 2014, la société FUSIUM n'appartenait plus au groupe LA MONTAGNE CENTRE FRANCE mais à un groupe GP INVEST comprenant notamment les sociétés CEI, ASSISTANCE PRITING, BURELOR, THETA CONSULTANT et AP OUEST. Or, il n'est pas justifié d'une recherche de reclassement interne (en France) à l'égard de toutes les sociétés du groupe (notamment THETA CONSULTANT et AP OUEST).

- Sur l'analyse du licenciement -

Vu l'absence de motif économique réel et sérieux, le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement interne, la cour juge le licenciement de Monsieur [D] [C] sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur les conséquences du licenciement -

Il résulte des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, en leurs dispositions applicables avant le 24 septembre 2017, ainsi que d'une jurisprudence constante, que la perte injustifiée ou abusive de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, que toutefois dans le cas d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés au jour du licenciement, l'indemnité (dommages-intérêts) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois.

En l'espèce, Monsieur [D] [C], au moment du licenciement, était âgé de 50 ans et présentait une ancienneté 18 ans et 4 mois, avec un salaire mensuel brut de référence de 1.714 euros.

Au regard des éléments d'appréciation dont la cour dispose, le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en fixant à 25.710 euros le montant de la créance de Monsieur [D] [C], à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SAS FUSIUM.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur la garantie de l'AGS -

Le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC, CGEA d'[Localité 10], en qualité de gestionnaire de l'AGS.

Les sommes susvisées fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société FUSIUM seront garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par le code du travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur les intérêts -

Les sommes fixées judiciairement (dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) produisent intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement en cas de confirmation, à compter de la date du prononcé du présent arrêt en cas de réformation.

Il y a lieu, toutefois, de rappeler qu'en application des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, qui pose le principe de l'arrêt du cours des intérêts à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective pour les créances ayant leur origine avant ledit jugement, les intérêts de retard sur ces sommes ne pourront courir à compter de la date du 10 février 2016.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La société MANDATUM, représentée par Maître [X] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [D] [C] une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Les autres parties seront déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement ;

Y ajoutant, rappelle qu'en application des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts de retard sur les sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société FUSIUM ne pourront courir à compter de la date du 10 février 2016 ;

- Condamne la société MANDATUM, en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, à verser à Monsieur [D] [C] une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la société MANDATUM, en qualité de liquidateur judiciaire de la société FUSIUM, aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN