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Décisions

CA Reims, 1re ch. civ., 20 février 2024, n° 21/01748

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

RMD Automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Maussire, Mme Pilon

Avocats :

Me Seurat, SCP ACG & Associés

TJ Chalons-en-Champagne, du 10 août 2021

10 août 2021

Exposé du litige

* * * * *

Mme [W] [N] a acquis le 25 janvier 2019 un véhicule Citroën C3 immatriculé FE 188 FZ auprès de la société RMD Automobiles moyennant le prix de 5 290 euros.

Se prévalant de désordres affectant le véhicule, Mme [N] a fait diligenter une expertise amiable par le biais de son assurance qui a notamment mis en évidence une rupture du mécanisme d'ouverture du toit ouvrant.

Le 1er mars 2019, Mme [N] a fait appel à la société AUTOSUR pour procéder à un examen du véhicule qui a révélé un déséquilibre du frein de service, des non conformités au niveau des pneumatiques et un défaut de fixation de l'amortisseur avant droit.

Par courrier recommandé du 6 novembre 2019, Mme [N] a mis en demeure la société RMD Automobiles de reprendre le véhicule et de lui rembourser le prix d'achat.

Par acte d'huissier du 16 juin 2020, Mme [N] a attrait la société RMD Automobiles devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne aux fins d'obtenir, à titre principal, la résolution de la vente du véhicule sur le fondement à titre principal de la garantie des vices cachés et à titre subsidiaire du défaut de délivrance conforme.

Les demandes ont été contestées.

Par jugement rendu le 10 août 2021, le tribunal a débouté Mme [N] sur les deux fondements.

S'agissant des vices cachés, il a jugé que Mme [N] invoquait des désordres qui n'étaient pas de nature à rendre le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné ou dont l'antériorité à la vente n'était pas établie.

S'agissant de la délivrance conforme, il a jugé que si Mme [N] invoquait les mêmes désordres en y ajoutant le fait qu'elle avait acheté le véhicule au regard de la présence d'un toit ouvrant, elle n'apportait aucun élément démontrant que la présence d'un toit ouvrant ait été une condition essentielle de son engagement contractuel.

Par déclaration reçue le 9 septembre 2021, Mme [N] a formé appel de ce jugement.

Une mesure de médiation, acceptée par les parties, n'a pas abouti.

Par arrêt rendu le 6 décembre 2022, auquel il sera renvoyé pour plus ample informé, la cour a ordonné une expertise judiciaire qu'il a confiée à M. [K].

L'expert a déposé son rapport le 20 avril 2023.

Par conclusions notifiées le 5 septembre 2023, l'appelante demande à la cour de :

Vu les articles 1603, 1604, 1641 et 1645 du code civil,

Vu les pièces versées au débat,

- recevoir Madame [N] en son action,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne le 10 août 2021,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- prononcer la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés en ce que le véhicule CITROEN C3 PLURIEL immatriculé [Immatriculation 5] présente des vices antérieurs à la vente rendant son usage impropre ou en diminue tellement l'usage que Madame [N] ne l'aurait pas acquis,

- condamner la société RMD Automobiles à restituer à Madame [N] le prix de vente soit 5 290 euros,

- condamner la société RMD Automobiles à venir rechercher le véhicule à ses frais, à l'endroit où il se trouvera,

- condamner la société RMD Automobiles à verser à Madame [N] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts,

A titre subsidiaire :

- prononcer la résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme en ce que le véhicule CITROEN C3 PLURIEL immatriculé [Immatriculation 5] n'est pas conforme aux attentes normales d'un conducteur en raison des défauts affectant son utilisation,

- condamner la société RMD Automobiles à restituer à Madame [N] le prix de vente soit 5 290 euros,

- condamner la société RMD Automobiles à venir rechercher le véhicule à ses frais, à l'endroit où il se trouvera,

- condamner la société RMD Automobiles à verser à Madame [N] la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts,

En tout état de cause :

- débouter la société RMD Automobiles de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société RMD Automobiles payer à Madame [N] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la société RMD Automobiles aux entiers dépens d'instance.

L'appelante soutient :

- que l'expert souligne dans son rapport que les multiples désordres affectant le véhicule (usure des dents de la crémaillère du moteur actionnant la capote rendant impossible l'ouverture à commande électrique du toit ouvrant, usure du mécanisme permettant l'ouverture du coffre qui ne s'ouvre plus et qui est liée au problème de la capote, le toit ouvrant bloquant le coffre également à commande électrique, claquement à l'avant droit du véhicule, pneumatiques non conformes aux exigences de sécurité) sont antérieurs à la vente ; que ces vices rendent incontestablement le véhicule impropre à son usage ; que la garantie de l'article 1641 du code civil doit par conséquent recevoir application ;

- à titre subsidiaire, qu'il s'agit d'une non conformité du véhicule qui n'est pas conforme à la commande.

Par conclusions notifiées le 2 janvier 2024, la société RMD Automobiles formant appel incident demande à la cour de :

Vu l'article 16 du code de procédure civile,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

Vu l'article 1603 du même code,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces produites,

- recevoir la SARL RMD Automobiles en ses demandes,

L'en déclarer bien fondée,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu le 10 août 2021 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne en ce qu'il a :

- débouté Madame [W] [N] de l'intégralité de ses demandes,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné Madame [W] [N] à payer à la SARL RMD Automobiles la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [W] [N] aux entiers dépens,

- infirmer le jugement rendu le 10 août 2021 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne en ce qu'il a :

- débouté la SARL RMD Automobiles de sa demande de dommages et intérêts,

En conséquence,

- condamner Madame [W] [N] à payer à la SARL RMD Automobiles la somme de 1 € symbolique à titre de dommages et intérêts,

- condamner Madame [W] [N] à verser à Monsieur [Z] [R] et Madame [D] [R] une somme de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [W] [N] aux entiers dépens, qui comprendront le coût de l'expertise.

L'intimée soutient :

- s'agissant de la garantie des vices cachés, que celle-ci ne peut pas être actionnée, s'agissant de désordres dus à l'usure normale du véhicule et qui ne sont pas antérieurs à la vente de celui-ci, le problème des pneumatiques étant lui apparent,

- s'agissant du défaut de conformité, que celui-ci réside dans la livraison d'une chose différente de celle contractuellement promise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le véhicule étant conforme aux stipulations contractuelles, y compris pour les pneumatiques dans la mesure où il n'est nullement démontré qu'il ait été vendu avec les pneus dénoncés.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION :

La garantie des vices cachés :

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il doit tout d'abord être rappelé que le véhicule CITROEN C3 PLURIEL, objet du litige, acheté par Mme [N] à la société RMD Automobiles le 25 janvier 2019 au prix de 5 290 euros avait été mis en circulation pour la première fois le 14 juin 2007 et avait un kilométrage au compteur de 64 000 kms.

L'acquéreur ne doit donc pas s'attendre à ce que la qualité du véhicule vendu soit identique à celle d'un véhicule neuf, en particulier quant à la fiabilité dans la durée du système électrique d'ouverture et de fermeture du toit ouvrant qui est précisément la caractéristique du véhicule CITROEN C3 PLURIEL.

Ni l'usure ni la vétusté ne sont prises en charge dans le cadre de cette garantie.

- le claquement à l'avant droit du véhicule :

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M.[K] que le claquement à l'avant droit du véhicule de Mme [N] est dû à une fatigue mécanique elle-même liée au kilométrage.

Il ne s'agit donc pas d'un vice rendant le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné au sens de l'article susvisé et il s'agit d'un défaut mineur qui n'affecte pas en tout état de cause le bon fonctionnement du véhicule.

- les pneumatiques non conformes :

Après un premier contrôle technique réalisé le 11 janvier 2019, qui avait omis de signaler cette difficulté, le second contrôle technique du 3 juillet 2019 auquel a été soumis le véhicule a révélé que la taille, la capacité de charge ou la catégorie de l'indice de vitesse des quatre pneus n'étaient pas conformes aux exigences et nuisaient à la sécurité routière, ce point étant repris dans l'expertise.

S'il se conçoit que ce défaut était antérieur à la vente et caché en ce que Mme [N] n'est pas une professionnelle de l'automobile et ne pouvait le déceler au moment où elle a acquis le véhicule, en revanche, il est permis de considérer que si la qualification de vice ou de défaut pourrait à la limite être retenue, il n'est pas suffisamment grave pour justifier une résolution de la vente comme le sollicite Mme [N].

M. [K] précise dans son rapport que le coût de remplacement des quatre pneus s'élève à la somme de 701,44 euros.

Or, Mme [N], même à titre subsidiaire, ne sollicite pas le paiement de cette somme ou la réduction du prix de vente.

Elle ne peut donc qu'être déboutée sur ce fondement.

- le problème de la capote et du coffre :

L'ouverture de la capote et du coffre sont à commande électrique.

Les deux commandes d'ouverture ne fonctionnent plus.

Il ressort de l'expertise de M.[K] qu'un boîtier de gestion assisté de capteurs contrôle l'ouverture de la capote, du coffre et la sécurité du système et qu'à l'intérieur de la cassette (mécanisme actionnant la capote), un moteur électrique actionne une crémaillère.

C'est l'usure des dents de la crémaillère, antérieure à la vente, qui est à l'origine de l'impossibilité d'ouvrir la capote.

L'expert précise également que le système d'ouverture fonctionnait normalement à la livraison du véhicule.

Le dysfonctionnement s'est en réalité manifesté pour la première fois en avril 2019 à l'occasion de l'expertise amiable réalisée par M. [T] du cabinet d'expertises SEMAA alors que le véhicule avait roulé environ 2 000 kilomètres depuis son acquisition par Mme [N].

Par conséquent, ce dysfonctionnement est dû, suivant l'expert judiciaire dont les conclusions seront avalisées sur ce point, à l'usure du système et il ne s'agit donc pas d'un vice, même à l'état de germe, au sens de l'article 1641 précité.

Il est au surplus relevé que, par courrier officiel du 29 novembre 2019 adressé par le conseil de la société RMD Automobiles à celui de Mme [N], il était proposé par son gérant, dans un souci de satisfaction de sa cliente, de prendre en charge les réparations même si le garagiste considérait que la problématique relevait en réalité du constructeur CITROEN, courrier auquel Mme [N] n'a pas donné suite.

La demande de Mme [N] ne peut donc prospérer sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Le défaut de conformité :

La conformité est inhérente à l'obligation de délivrance telle que définie aux articles 1603 et 1604 du code civil.

Mme [N] agit à titre subsidiaire sur le défaut de délivrance conforme en ce que le véhicule vendu n'est pas conforme aux attentes normales d'un conducteur en raison des défauts affectant son utilisation.

Il a été précédemment relevé que les dysfonctionnements affectant le véhicule acheté d'occasion par Mme [N] étaient exclusivement dus à l'usure.

S'agissant du fondement juridique subsidiaire qu'invoque l'appelante, le véhicule est matériellement conforme aux stipulations contractuelles puisqu'à supposer même que la présence d'un toit ouvrant ait été une condition essentielle de l'achat de Mme [N], le véhicule comporte bien un toit ouvrant qui fonctionnait au moment de l'acquisition du véhicule.

Il est également fonctionnellement conforme à l'usage auquel on le destine, aucune défaillance grave n'affectant l'usage du véhicule dans sa conduite et en tout état de cause, si sa non conformité devait être retenue, elle n'apparaît à la cour pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente.

Son action ne peut donc pas non plus prospérer sur ce fondement.

Compte tenu de ces éléments, Mme [N] doit être déboutée de ses demandes ainsi que de sa demande de dommages et intérêts subséquente et la décision sera confirmée sur ce point.

La demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société RMD Automobiles :

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La société RMD Automobiles a été déboutée de sa demande à ce titre.

Il n'est pas démontré que Mme [N] ait agi de mauvaise foi en refusant la proposition amiable qui lui a été faite et en privilégiant une assignation en justice.

En revanche, le fait d'avoir publié un avis sur internet accessible à tous en qualifiant le garagiste entre autres de malhonnête et de truand, ce qui porte atteinte à son honneur, justifie qu'il soit alloué à la société RMD Automobiles la somme de 1 euro qu'elle réclame en réparation de son préjudice.

La décision sera infirmée de ce chef.

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera confirmée.

Succombant en son appel, Mme [N] ne peut prétendre à une indemnité sur ce fondement.

La société RMD Automobiles sollicite dans ses écritures la condamnation de Mme [N] à payer à M. et Mme [R] la somme de 2 000 euros à ce titre.

M. et Mme [R] sont étrangers à la cause et la demande est par conséquent irrecevable.

Les dépens :

La décision sera confirmée.

Mme [N] sera condamnée aux dépens d'appel, en ce compris le coût de l'expertise de M. [K].

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement rendu le 10 août 2021 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne à l'exception de sa disposition relative à la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société RMD Automobiles.

Statuant à nouveau sur ce seul point ;

Condamne Mme [W] [N] à payer à la société RMD Automobiles la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts.

Y ajoutant ;

Déboute Mme [W] [N] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déclare irrecevable la demande formée à ce titre par la société RMD Automobiles.

Condamne Mme [W] [N] aux dépens d'appel, en ce compris le coût de l'expertise de M. [K].