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Décisions

Cass. 2e civ., 7 juillet 2011, n° 10-20.296

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loriferne

Rapporteur :

M. Sommer

Avocats :

Me Bertrand, SCP Bénabent

Paris, du 9 juin 2010

9 juin 2010


Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à la demande de la société Box productions, qui éditait une publication intitulée "Cuisine Créative", il a été fait interdiction, sous peine d'astreinte, par un arrêt du 9 juin 2006, à la société Editions Dipa Burda (la société Burda), de poursuivre des actes de concurrence déloyale consistant à distribuer et exploiter un magazine intitulé "Burda cuisine créative" ; que la société Absolute éditions ETC (la société Absolute), venant aux droits de la société Box productions par l'effet d'un acte de cession du 10 octobre 2006 souscrit avec la société Planète couleurs, qui tenait elle-même ses droits de la société Box productions, a fait valoir la parution de la revue "Burda cuisine créative" le 24 octobre 2006 pour assigner la société Burda en liquidation de l'astreinte ; que par un arrêt du 3 mars 2009 (Com. 3 mars 2009, Bull. IV, n° 28), la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 15 novembre 2007 qui avait accueilli la demande de la société Absolute ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Burda fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la société Absolute en liquidation de l'astreinte, alors, selon le moyen, que l'astreinte est une peine privée qui a pour objet d'assurer l'exécution de la décision d'un juge, de façon à garantir au créancier le respect de ses droits fondamentaux, et notamment de son droit à un procès équitable et effectif ; qu'elle est par conséquent attachée à la personne du créancier qui ne peut la céder ni isolément ni même avec l'obligation constatée par la décision de justice, puisqu'elle n'en constitue en aucune manière l'accessoire ; qu'en retenant cependant, pour décider que la société Absolute avait qualité pour demander la liquidation de l'astreinte assortissant la condamnation de la société Burda à cesser la commission d'actes de concurrence déloyale au détriment de la société Box productions, que "l'action en concurrence déloyale (…) fait naître au profit de la victime une créance, constituée en l'espèce du droit d'interdire l'exploitation du titre de publication ainsi que de la mesure d'astreinte destinée à vaincre, le cas échéant, la résistance opposée à l'exercice de ce droit" et que cette créance «née au profit du cédant relativement à la chose vendue» avait valablement été cédée à la société Absolute, la cour d'appel a méconnu le caractère incessible de l'astreinte et violé les articles 33 de la loi du 9 juillet 1991 et 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'aucune disposition légale n'a pour effet de rendre incessible l'astreinte, mesure de contrainte destinée à vaincre la résistance opposée à l'exécution de l'obligation qu'elle assortit ; que la cour d'appel a exactement retenu que, si l'action en concurrence déloyale, fondée sur l'article 1382 du code civil, faute d'être un accessoire du droit sur le titre ayant fait l'objet de la cession, n'avait pu être transmise avec ce titre, il était loisible aux parties de convenir à cette occasion de la cession de la créance assortie d'astreinte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1690 du code civil, ensemble l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;

Attendu que, pour condamner la société Burda à payer à la société Absolute une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte, l'arrêt retient que l'astreinte a commencé à courir passé le délai de trois mois à compter de la signification, intervenue le 17 juillet 2006, de l'arrêt du 9 juin 2006, soit le 17 octobre 2006 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Absolute ne pouvait se prévaloir du bénéfice de l'astreinte qu'à compter de la notification de la cession de la créance le 31 octobre 2006, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.